L’ARMOIRE NORMANDE

 

 

 

Dès cette époque, Simone contracta la manie de casser des œufs avec son cul. Elle se plaçait pour cela la tête sur le siège d’un fauteuil, le dos collé au dossier, les jambes repliées vers moi qui me branlais pour la foutre dans la figure. Je plaçais alors l’œuf au-dessus du trou : elle prenait plaisir à l’agiter dans la fente profonde. Au moment où le foutre jaillissait, les fesses cassaient l’œuf, elle jouissait, et, plongeant ma figure dans son cul, je m’inondais de cette souillure abondante.

Sa mère surprit notre manège, mais cette femme extrêmement douce, bien qu’elle eût une vie exemplaire, se contenta la première fois d’assister au jeu sans mot dire, si bien que nous ne l’aperçûmes pas : j’imagine qu’elle ne put de terreur ouvrir la bouche. Quand nous eûmes terminé (nous réparions le désordre à la hâte), nous la découvrîmes debout dans l’embrasure de la porte.

— Fais celui qui n’a rien vu, dit Simone, et elle continua d’essuyer son cul.

Nous sortîmes sans nous presser.

Quelques jours après, Simone, qui faisait avec moi de la gymnastique dans la charpente d’un garage, pissa sur cette femme qui s’était arrêtée sous elle sans la voir. La vieille dame se rangea, nous regardant de ses yeux tristes, avec un air si désemparé qu’il provoqua nos jeux. Simone, éclatant de rire, à quatre pattes, en exposant le cul devant mon visage, je la troussai et me branlai, ivre de la voir nue devant sa mère.

Nous étions restés une semaine sans avoir revu Marcelle quand nous la rencontrâmes dans la rue. Cette jeune fille blonde, timide et naïvement pieuse, rougit si profondément que Simone l’embrassa avec une tendresse nouvelle.

— Je vous demande pardon, lui dit-elle à voix basse. Ce qui est arrivé l’autre jour est mal. Mais cela n’empêche pas que nous devenions amis maintenant. Je vous promets : nous n’essayerons plus de vous toucher.

Marcelle, qui manquait au dernier degré de volonté, accepta de nous suivre et de venir goûter chez Simone en compagnie de quelques amis. Mais au lieu de thé, nous bûmes du Champagne en abondance.

La vue de Marcelle rougissante nous avait troublés ; nous nous étions compris, Simone et moi, certains que rien ne nous ferait reculer désormais. Outre Marcelle, trois jolies jeunes filles et deux garçons se trouvaient là ; le plus âgé des huit n’avait pas dix-sept ans. La boisson produisit un effet violent, mais, hors Simone et moi, personne n’était troublé comme nous voulions. Un phonographe nous tira d’embarras. Simone, dansant seule un ragtime endiablé, montra ses jambes jusqu’au cul. Les autres jeunes filles, invitées à la suivre, étaient trop gaies pour se gêner. Et sans doute elles avaient des pantalons : mais ils ne cachaient pas grand-chose. Seule Marcelle, ivre et silencieuse, refusa de danser.

Simone, qui se donnait l’air d’être complètement soûle, froissa une nappe et, l’élevant, proposa un pari :

— Je parie, dit-elle, que je fais pipi dans la nappe devant tout le monde.

C’était en principe une réunion de petits jeunes gens ridicules et bavards. Un des garçons la défia. Le pari fut fixé à discrétion. Simone n’hésita nullement et trempa la nappe. Mais son audace la déchira jusqu’à la corde. Si bien que les jeunes fous commençaient à s’égarer.

 

— Puisque c’est à discrétion, dit Simone au perdant, la voix rauque, je vous déculotterai devant tout le monde.

Ce qui fut fait sans difficulté. Le pantalon ôté, Simone enleva la chemise (pour lui éviter d’être ridicule). Rien de grave toutefois ne s’était passé : à peine Simone avait-elle d’une main légère caressé la queue de son camarade. Mais elle ne songeait qu’à Marcelle qui me suppliait de la laisser partir.

— On vous a promis de ne pas vous toucher, Marcelle, pourquoi voulez-vous partir ?

— Parce que, répondit-elle obstinément. (Une colère panique s’emparait d’elle.)

Tout à coup, Simone tomba à terre, à la terreur des autres. Une confusion de plus en plus folle l’agitait, les vêtements en désordre, le cul à l’air, comme atteinte d’épilepsie, et se roulant aux pieds du garçon qu’elle avait déculotté, elle balbutiait des mots sans suite.

— Pisse-moi dessus... pisse-moi dans le cul..., répétait-elle avec une sorte de soif.

Marcelle regardait fixement : elle rougit jusqu’au sang. Elle me dit sans me voir qu’elle voulait enlever sa robe. Je la lui retirai puis la débarrassai de son linge ; elle garda sa ceinture et ses bas. S’étant à peine laissé branler et baiser par moi sur la bouche, elle traversa la pièce en somnambule et gagna une armoire normande où elle s’enferma (elle avait murmuré quelques mots à l’oreille de Simone).

Elle voulait se branler dans cette armoire et suppliait qu’on la laissât seule.

Il faut dire que nous étions tous ivres et renversés par l’audace les uns des autres. Le garçon nu était sucé par une jeune fille. Simone, debout et retroussée, frottait ses fesses à l’armoire où l’on entendait Marcelle se branler avec un halètement violent.

Il arriva soudain une chose folle : un bruit d’eau suivi de l’apparition d’un filet puis d’un ruissellement au bas de la porte du meuble. La malheureuse Marcelle pissait dans son armoire en jouissant. L’éclat de rire ivre qui suivit dégénéra en une débauche de chutes de corps, de jambes et de culs en l’air, de jupes mouillées et de foutre. Les rires se produisaient comme des hoquets involontaires, retardant à peine la ruée vers les culs et les queues. Pourtant on entendit bientôt la triste Marcelle sangloter seule et de plus en plus fort dans cette pissotière de fortune qui lui servait maintenant de prison.

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Une demi-heure après, quelque peu dessoûlé, l’idée me vint d’aider Marcelle à sortir de l’armoire. La malheureuse jeune fille était désespérée, tremblant et grelottant de fièvre. M’apercevant, elle manifesta une horreur maladive.

J’étais pâle, taché de sang, habillé de travers. Des corps sales et dénudés gisaient derrière moi, dans un désordre hagard. Des débris de verre avaient coupé et mis à sang deux d’entre nous ; une jeune fille vomissait ; des fous rires si violents nous avaient pris que nous avions mouillé qui ses vêtements, qui son fauteuil ou le plancher ; il en résultait une odeur de sang, de sperme, d’urine et de vomi qui faisait reculer d’horreur, mais le cri qui se déchira dans la gorge de Marcelle m’effraya davantage encore. Je dois dire que Simone dormait le ventre en l’air, la main à la fourrure, le visage apaisé.

 

Marcelle, qui s’était précipitée en trébuchant avec des grognements informes, m’ayant regardé une seconde fois, recula comme devant la mort ; elle s’effondra et fit entendre une kyrielle de cris inhumains.

Chose étonnante, ces cris me redonnèrent du cœur au ventre. On allait accourir, c’était inévitable. Je ne cherchai nullement à fuir, à diminuer le scandale. J’allai tout au contraire ouvrir la porte : spectacle et joie inouïs ! Qu’on imagine sans peine les exclamations, les cris, les menaces disproportionnées des parents entrant dans la chambre : la cour d’assise, le bagne, l’échafaud étaient évoqués avec des cris incendiaires et des imprécations spasmodiques. Nos camarades eux-mêmes s’étaient mis à crier.

Jusqu’à produire un éclat délirant de cris et de larmes : on eût dit qu’on venait de les allumer comme des torches.

 

Quelle atrocité pourtant il me sembla que rien ne pourrait mettre fin au délire tragi-comique de ces fous. Marcelle, demeurée nue, continuait en gesticulant à traduire en cris une souffrance morale et une terreur impossibles ; on la vit mordre sa mère au visage, au milieu de bras qui tentaient vainement de la maîtriser.

Cette irruption des parents détruisit ce qui lui restait de raison. On dut avoir recours à la police. Tout le quartier fut témoin du scandale inouï.