Chaque jour, un des officiers de l'aviation internationale passait à la direction des opérations et parfois à la Sûreté. Magnin envoyait presque toujours Scali ; sa culture rendait faciles ses rapports avec l'état-major de l'air, composé presque tout entier d'officiers de l'ancienne armée. (Sembrano et ses pilotes formaient un groupe particulier.) Sa cordialité pleine de finesse d'homme encore trapu, mais qui vieillirait gros, rendait faciles les rapports avec tous, Sûreté comprise. Il était plus ou moins copain de tous les Italiens de l'escadrille, dont il était le responsable élu, et de la plupart des autres. Enfin il parlait fort bien l'espagnol.
Il venait d'être appelé d'urgence à la police.
Les portes de la Sûreté étaient gardées par des mitrailleuses. Autour des fauteuils à coquilles dorées, impérieux et vides, se tenaient les humbles visages de malheur de toutes les guerres. Dans une petite salle à manger (rien n'avait été déménagé de l'hôtel où cette annexe militaire de la Sûreté venait de s'installer), entre deux gardes, s'agitait Séruzier, le copain de Leclerc, plus ahuri-volatil que jamais.
— Ah ! Scali, c'est toi, Scali ! Eh ben mon vieux !
Scali attendit qu'il eût fini de faire le bourdon.
« J'ai cru que j'allais y passer ! Y passer, mon vieux ! »
Comme un secrétaire de la Sûreté accompagnait Scali, les miliciens qui encadraient Séruzier s'étaient un peu écartés, mais ce dernier n'osait pas se sentir libre.
— Des putains pareilles, mon vieux, tu te rends pas compte !...
Même assis, ses yeux tout noirs de Pierrot virevoltant dans son visage sans sourcils, il avait l'air d'un papillon affolé dans une pièce close.
— Une seconde, dit Scali, l'index levé. Commence par le commencement.
— Tu comprends, voilà : la poule me raccroche sur la Gran Via. Je ne sais pas ce qu'elle me dit, mais ça voulait dire qu'elle savait faire des trucs et des machins. Alors je lui dis : « Tu fais l'amour à l'italienne ? » « Si », qu'elle me répond.
« Je grimpe chez elle, oui, mais quand je veux grimper dessus, elle veut y aller comme d'habitude. Ah ! mais non ! C'est l'italienne qu'est convenu, je lui dis, c'est pas autrement. Elle veut pas comprendre. Moi je dis qu'y a tromperie. Je vais pour me rhabiller, et elle téléphone en espagnol. Arrive une grosse poule, on se comprend pas. La grosse montrait tout le temps la petite, qu'était à poil aussi, et pas mal, et elle avait l'air de me dire : ben vas-y ! Mais moi je savais bien que l'autre elle marchait pas ! Alors j'explique à la grosse que c'était pas ça, mais elle me croyait de mauvaise foi. C'est pas que j'y tienne tant que ça, à l'italienne, crois pas ça ! Pas du tout ! Mais je veux pas qu'on se foute de moi ; ça jamais. — T'es d'accord, non ?
— Mais qu'est-ce que tu fais ici ? Tu n'as pas été arrêté pour lubricité, tout de même ?
— Donc la grosse, elle voit que je marche pas, elle téléphone aussi. Je me dis...
— ... il va en arriver une encore plus grosse... »
Maintenant Séruzier était fixé : Scali rigolait. l'affaire tournait bien. Quand Scali souriait, il avait l'air de rire et la gaieté, diminuant ses yeux, accentuait le caractère mulâtre de son visage.
— Qu'est-ce qui arrive ? Six types de la F.A.I. avec leurs escopettes !
« Qu'est-ce qu'ils veulent encore, ces gars-là ? Je me remets à expliquer mon coup : c'est pas moi qui le lui ai demandé, c'est elle qui me l'a proposé. D'un côté, je savais qu'ils sont contre la prostitution, donc contre la poule ; d'un autre côté ils sont vertueux, alors ils doivent être contre l'italienne, au moins en principe, tous ces végétariens ! Le pire, c'était de ne pas entraver l'espagnol, parce que sans ça, entre hommes, dans ces cas-là, tu sais, on se comprend. Mais plus je m'expliquais, plus les types faisaient la gueule ! Mon vieux, y en a un qui sort son revolver. Plus je lui gueulais que je l'avais pas fait, à l'italienne, bon Dieu ! moins ça allait. Et les deux poules qui gueulaient : italiano ! italiano ! On n'entendait plus que ça. Je finissais par en être gêné, mon vieux, sans blague. J'ai eu l'idée de leur montrer, à ceux de la F.A.I., ma carte de l'escadrille, qui est en espagnol. Alors ils m'ont amené ici. J'ai fait téléphoner au champ.
— Quelle est l'inculpation ? demanda Scali, en espagnol, au secrétaire.
L'autre regarda la fiche.
— Pas très sérieuse. Il est accusé par des prostituées, vous savez... Attendez. Voilà : organisation d'espionnage pour le compte de l'Italie.
Cinq minutes après, Séruzier était libéré, au milieu de la rigolade.
« Il y a quelque chose de plus sérieux, dit le secrétaire. Deux aviateurs fascistes, des Italiens, sont tombés chez nous, au sud de Tolède. L'un est mort, l'autre est là. Les Renseignements militaires demandent que vous examiniez les papiers. »
Scali, gêné, feuilleta de son petit doigt court des lettres, des cartes de visite, des photos, des reçus, des cartes de sociétés trouvés dans le portefeuille, – et les cartes trouvées dans la carlingue. C'était la première fois que Scali rencontrait un Italien ennemi avec une illusion d'intimité, et celui qu'il rencontrait était un mort.
Une feuille l'intrigua.
Elle était longue, comme une carte d'aviation pliée ; sans doute avait-elle été collée à celle du pilote. Il semblait qu'elle eût servi de carnet de vol. Deux colonnes : De... à... et des dates. Le 16 juillet (donc avant le soulèvement de Franco) : La Spezia ; puis Melilla ; le 18, le 19, le 20 ; puis Séville, Salamanque. En marge, les objectifs : bombardement, observation, accompagnement, protection... Enfin, la veille : de Ségovie à... La mort était en blanc.
Mais, au-dessous, écrit avec un autre stylo quelques jours plus tôt, couvrant les deux colonnes, en lettres larges : TOLÈDE, et la date du surlendemain. Une importante mission d'aviation était donc imminente sur Tolède.
D'une autre pièce venait la voix de quelqu'un qui criait au téléphone :
— La faiblesse de nos formations, je ne l'ignore pas, monsieur le Président ! Mais je n'incorporerai en aucun cas, en aucun cas, entendez-vous, dans la garde d'assaut, des gens qui ne sont pas garantis par une organisation politique !
– ...
— Et le jour où nous devrons réprimer une révolte fasciste avec la garde d'assaut noyautée ? Sous ma responsabilité, pas d'hommes sans garantie. Il y avait suffisamment de phalangistes à la Montagne, il n'y en aura pas à la Sûreté !
Dès le début, Scali avait reconnu la voix exaspérée du chef de la Sûreté.
— Sa petite fille est prisonnière à Cadix, dit un secrétaire.
Une porte claqua, ils n'entendirent plus rien. Puis la porte de la salle à manger s'ouvrit ; le secrétaire revenait.
— Il y a aussi des papiers aux Renseignements. Le commandant Garcia dit que ce sont des papiers importants. Pour ceux que vous avez, il vous prie de faire le tri, — séparer les papiers du pilote mort de ceux de l'observateur. Vous me remettrez le tout, je le porterai aussitôt là-bas. Vous rendrez compte au colonel Magnin.
— Beaucoup de pièces sont des imprimés ou des cartes, et il est impossible de savoir à qui elles appartiennent...
— L'observateur est là, interrogez-le.
— Si vous voulez, dit Scali sans enthousiasme.
Ses sentiments à l'égard du prisonnier étaient aussi contradictoires que ceux qu'il avait éprouvés devant les papiers. Mais il n'était pas sans curiosité : l'avant-veille, un pilote allemand, tombé à la Sierra tout près de l'état-major (où se trouvaient deux ministres en inspection) y avait été mené pour l'interrogatoire. Et, comme il s'étonnait de voir des généraux, car il croyait que les « rouges » n'en avaient pas, le traducteur lui avait nommé les présents. « Bon Dieu ! avait littéralement crié l'Allemand, dire que j'ai survolé cinq fois cette turne et que je ne l'ai pas bombardée ! »
— Une seconde, dit Scali au secrétaire : dites au commandant que, parmi ce que j'ai vu, il y a un document qui peut avoir son importance.
Il pensait à la liste des vols, à cause de la date du départ d'Italie, antérieure au soulèvement de Franco.
Il passa dans le bureau où l'observateur était gardé. Assis contre une table au tapis vert, accoudé, le prisonnier tournait le dos à la porte où entrait Scali. Celui-ci ne vit d'abord qu'une silhouette à la fois civile et militaire, veste de cuir et pantalon bleu ; mais dès qu'il entendit la porte, l'aviateur fasciste se leva en se tournant vers elle, et les mouvements de ses jambes et de ses bras longs et maigres, de ce dos qui demeurait voûté, étaient ceux d'un phtisique nerveux.
— Vous êtes blessé ? demanda Scali, neutre.
— Non. Des contusions.
Scali posa son revolver et les papiers sur la table, s'assit, et fit signe aux deux gardes de sortir. Le fasciste était maintenant de face. Son visage était le visage de moineau, yeux petits et nez en l'air, si répandu parmi les aviateurs, un peu accentué par l'ossature marquée et les cheveux en brosse. Il ne ressemblait pas à House, mais il était de la même famille. Pourquoi semblait-il à ce point stupéfait ? Scali se retourna : derrière lui, sous le portrait d'Azaña, un amoncellement d'argenterie d'un mètre : plats, assiettes, théières, aiguières et plateaux musulmans, pendules, couverts, vases, saisis pendant les réquisitions.
— C'est ça qui vous étonne ?
L'autre hésita :
— Ça... quoi ? Les...
Il montra du doigt les richesses de Sinbad.
« Oh ! non !... »
Il semblait traqué.
Ce qui l'étonnait était peut-être Scali lui-même : cet air de comique américain, dû moins à son visage à la bouche épaisse, mais aux traits réguliers malgré les lunettes d'écaille, qu'à ces jambes trop courtes pour son buste, qui le faisaient marcher comme Charlot, cette veste de daim, si peu « rouge », et ce porte-mine sur l'oreille.
— Un instant, dit Scali en italien. Je ne suis pas un policier. Je suis aviateur volontaire, appelé ici pour des questions techniques. On me demande de séparer vos papiers de ceux de votre... collègue mort. C'est tout.
— Oh, ça m'est égal !
— A droite ce qui vous appartient, à gauche le reste.
L'observateur commença à former deux tas de papiers, sans presque les regarder ; il regardait les points lumineux dont l'amas d'argenterie était constellé par les ampoules électriques du plafond.
— Vous êtes tombés en panne, ou en combat ? demanda Scali.
— Nous étions en reconnaissance. Nous avons été abattus par un avion russe.
Scali haussa les épaules.
— Dommage qu'il n'y en ait pas. Ça ne fait rien. Espérons qu'il y en aura.
La feuille de vol du pilote ne portait d'ailleurs pas reconnaissance, mais bombardement. Scali éprouvait avec violence la supériorité que donne sur celui qui ment la connaissance de son mensonge. Pourtant il ne connaissait pas d'appareils italiens de bombardement à deux passagers sur le front d'Espagne. Que les policiers se débrouillent ! Mais il prit une note. Sur le tas de droite, l'observateur posa une quittance, quelques billets espagnols, une petite photo. Scali rapprocha ses lunettes pour l'examiner (il n'était pas myope, mais presbyte) : c'était un détail d'une fresque de Piero della Francesca.
— C'était à vous ou à lui ?
— Vous m'avez dit : à droite ce qui est à moi.
— Bien, alors continuez.
Piero della Francesca. Scali regarda le passeport : étudiant, Florence. Sans le fascisme, cet homme eût peut-être été son élève. Scali avait pensé un instant que la photo avait appartenu au mort, dont il s'était senti confusément solidaire... Il avait publié l'analyse la plus importante des fresques de Piero...
(La semaine précédente, un interrogatoire mené par un aviateur espagnol et non par la Sûreté, avait fini en discussion de records.)
— Vous avez sauté ?
— L'avion ne brûlait pas. Nous avons fait un atterrissage en campagne, c'est tout.
— Capoté ?
— Qui.
— Après ?
L'observateur hésita à répondre. Scali regarda le rapport : le pilote était sorti le premier, l'observateur — son interlocuteur — encore empêtré dans les débris de l'avion. Un paysan s'était approché, le pilote avait tiré son revolver. Le paysan avait continué à venir. Quand il avait été à trois pas, le pilote avait tiré de sa poche gauche une poignée de pesetas, les grands billets blancs de mille. Le paysan avait avancé plus près pendant que le pilote ajoutait une poignée de dollars, — sans doute préparée à tout hasard... — tout ça de la main gauche, la droite tenant toujours le revolver. Quand le paysan avait été près du pilote à le toucher, il avait abaissé son fusil de chasse et l'avait tué.
— Votre compagnon n'a pas tiré le premier. Pourquoi ?
— Je ne sais pas...
Scali pensait aux deux colonnes de la feuille de vol : aller et retour. Le retour, ç'avait été le paysan.
— Bien. Alors, qu'est-ce que vous avez fait ?
— J'ai attendu...
« Les paysans sont revenus en nombre, on m'a emmené à la mairie ; de là, ici.
« Est-ce que je dois être jugé ?
— Mais pour quoi faire ?
— Sans jugement ! cria l'observateur. Vous fusillez sans jugement !
C'était moins un cri d'angoisse que d'évidence : ce garçon, depuis qu'il était tombé, pensait qu'au mieux on le fusillerait sans jugement. Il s'était levé, et tenait à pleines mains le dossier de sa chaise, comme pour empêcher qu'on l'en arrachât.
Scali repoussa légèrement ses lunettes et haussa les épaules avec une tristesse sans limites. L'idée si commune parmi les fascistes, que leur ennemi est par définition une race inférieure et digne de mépris, l'aptitude au dédain de tant d'imbéciles n'était pas une des moindres raisons pour lesquelles il avait quitté son pays.
— Vous ne serez pas fusillé du tout, dit-il, retrouvant soudain le ton du professeur qui tance son élève.
L'observateur ne le croyait pas. Et qu'il en souffrît satisfaisait Scali comme une amère justice.
— Une seconde, dit-il. Il ouvrit la porte : « La photo du capitaine Vallado, je vous prie », demanda-t-il au secrétaire. Celui-ci l'apporta, et Scali la tendit à l'observateur.
— Vous êtes aviateur, oui ? et vous savez si l'intérieur d'un avion est à vous ou à nous, oui ?
L'ami de Sembrano, qui avait abattu deux Fiat, avait été descendu dans un multiplace, près d'un village de la Sierra. Reprenant le village le surlendemain, les miliciens avaient trouvé les occupants de l'appareil encore à leur place dans la carlingue, les yeux arrachés. Le bombardier était le capitaine des gardes d'assaut qui avait mis le canon en batterie contre la caserne de la Montagne, sans savoir pointer.
L'observateur regarda les visages aux yeux arrachés ; il serrait les dents, mais ses joues tremblaient.
— J'ai vu... plusieurs pilotes rouges prisonniers... jamais ils n'ont été torturés...
— Vous avez encore à apprendre que ni vous ni moi ne connaissons grand-chose de la guerre... Nous la faisons, ce n'est pas la même chose...
Le regard de l'observateur revenait à la photo, fasciné ; il y avait dans ce regard quelque chose de très jeune qui s'accordait aux petites oreilles décollées ; les faces de la photo, elles, n'avaient plus de regard.
— Qu'est-ce qui... prouve, demanda-t-il, que cette photo n'est pas... ne vous a pas été envoyée... après un truquage...
— Bien, alors elle l'est. Nous arrachons les yeux des pilotes républicains pour prendre les photos. Nous avons pour ça des bourreaux chinois, communistes.
Devant les photos dites de « crimes anarchistes » Scali, lui aussi, supposait d'abord le truquage : les hommes ne croient pas sans peine à l'abjection de ceux avec qui ils combattent.
L'observateur avait repris son tri, comme s'il s'y fût réfugié.
— Êtes-vous bien sûr, demanda Scali, que si j'étais à votre place en ce moment, les vôtres...
Il s'arrêta. De l'amoncellement d'argenterie, sortirent comme des souris, un, deux, trois, quatre coups, aussi argentins et légers que s'ils fussent venus non de quelque pendule enfouie dans ce bric-à-brac tragique, mais de ces héros d'Aladin eux-mêmes. Ces pendules, — remontées pour combien de temps ? — qui, au milieu de cet entretien, si loin de ceux qui les avaient possédées, sonnaient une heure quelconque, donnaient à Scali une telle impression d'indifférence et d'éternité ; tout ce qu'il disait, tout ce qu'il pouvait dire lui sembla si vain qu'il n'eut plus envie que de se taire. Cet homme et lui avaient choisi.
Scali regardait distraitement la carte du mort, dont il suivait quelques lignes avec le porte-mine qu'il avait pris sur son oreille ; à côté l'observateur avait retourné la photo de Vallado. Scali rapprocha soudain ses lunettes, une fois de plus, regarda l'observateur, regarda de nouveau la carte.
D'après la feuille de vol, le pilote était parti de Caceres, au sud-est de Tolède. Or, le champ de Caceres, observé chaque jour par les avions républicains, était assurément toujours vide. La carte était une carte Espagne-Aviation, excellente, chaque aérodrome porté sous la forme d'un petit rectangle plein violet. A 40 kilomètres de Caceres était un autre rectangle, creux celui-là, à peine visible : il avait été tracé au crayon et, le crayon ne noircissant pas la matière vernie de la carte, il ne restait que la trace de la pointe, au creux. Il y avait un autre rectangle, vers Salamanque, d'autres dans le sud de l'Estramadure, dans la Sierra... Tous les champs clandestins des fascistes. Et ceux de la région du Tage, d'où partaient les avions pour le front de Tolède.
Scali sentait son visage se tendre. Il rencontra les yeux de l'ennemi : chacun savait que l'autre avait compris. Le fasciste ne bougeait pas, ne disait pas un mot. Sa tête s'enfonçait entre ses épaules et ses joues tremblaient comme lorsqu'il avait regardé la photo de Vallado.
Scali plia la carte.
Le ciel de l'après-midi d'été espagnol écrasait le champ comme l'avion à demi effondré de Darras écrasait là-bas ses pneus vides, déchirés par les balles. Derrière les oliviers, un paysan chantait une cantilène andalouse.
Magnin, qui venait de rentrer du Ministère, avait réuni les équipages au bar.
— Un équipage volontaire pour l'Alcazar de Tolède.
Il y eut un assez long silence, plein du bourdonnement des mouches. Chaque jour, maintenant, les appareils rentraient avec leurs blessés, réservoir en feu dans le soir ou dans le grand soleil, se traînaient en silence, moteurs coupés, — ou ne rentraient plus du tout. Les cent appareils prévus par Vargas étaient arrivés chez les fascistes ; et bien d'autres. Il ne restait pas aux républicains un seul avion de chasse moderne, et toute la chasse ennemie était sur le Tage.
— Un équipage volontaire pour l'Alcazar, répéta Magnin.