Qui a vu Rose Pantoponne ?

Évite la station de Queens Plaza, fiston, c’est le métro des pédales à menottes… quais et couloirs maléfiques, hantés par mille poulets aux trousses des trousseurs de camés… trop d’étages, trop de niveaux… la flicaille surgit foudroyante du placard à balais, puant l’ammoniac, envapée… tigres carboniseurs… tout ça pour épingler une pauvre vieille gauleuse qui arnaque les saoulards, et elle les veines pétrifiées de terreur jusqu’à l’os… pauvre mémé, il lui faut sa soignette une fois la semaine, ou bien c’est le cinq vingt-neuf garanti rubis sur l’ongle par la Maison Fliquette aux camés qui font les poches des embrumés de la picole… cinq mois et vingt-neuf jours : c’est le tarif à New York pour les travailleurs de la bouscule, ceux qui heurtent les titubeurs à la fausse distraite pour un motif évident… on a vu des innocents pour cent se faire emplafonner pour meurtre – mais il y a jamais maldonne pour la bouscule.

… oh la Lope, oh l’Irlandais, le Matelot, le Mouton, faisez gaffe… regardez-y à deux fois, ce quai-ci et celui d’en face, avant de faire la ramasse dans les rames… le métro tromblonne dans le tunnel, explosion noire et ferraillante… la station de la Plaza… le coin n’est pas sain pour les bousculeurs de brindezingues… trop d’étages et de niveaux et de planques pour la flicaille métropolitaine, impossible de te couvrir quand tu sors la main pleine…

… la Lope, le Mouton, l’Irlandais, le Matelot, le bon vieux temps, mes copains de seringue, d’entourloupe et de bouscule… notre ancien Q. G. de la 103e Rue… fini… l’Irluche et le Mataf se sont pendus en tôle… le Mouton a cané d’une surdose et la Lope a viré à l’indic…

— Z’avez pas vu Rose Pantoponne ? demande le vieux camé. C’est l’heure d’aller au charbon…

… il enfile son paletot noir, met le cap sur la Plaza… c’est bidonvillage jusqu’au musée de Market Street, palais des autovices et de la branlette tous modèles… recommandé aux jeunots…

… le truand en collier de béton coule en colimaçon jusqu’au lit du fleuve… ils l’ont poissé aux bains de vapeur… C’est-il la faute à Gio Cul-de-Cerise le garçon de bains ou à Tata Gillig la tantouse de Westminster ? Va savoir, il faut des doigts de macchabe pour causer le Braille…

… le Mississipi roule des blocs de dolomite dans le silence du chenal…

— Charguez le grand blard ! crie le capitaine de La Terre Mouvante.

… borborygmes dans le lointain… l’aurore boréale pleut des pigeons empoisonnés… les réservoirs sont à sec… les statues de bronze s’écrasent dans les allées et les jardins affamés de la cité béante…

… cherchant la veine dans l’aube malade de la blanche…

… réduits à la camette au sirop pour la toux…

… des milliers de coudes-creux envahissent l’hôpital à l’enseigne de la vertèbre en verre filé, font bouillir les petites sœurs des pauvres pour garnir la seringue…

… dans la grotte de dolomite… je tombe sur un type qui trimbale une tête de Méduse dans un carton à chapeau… je dis aux douaniers d’ouvrir l’œil… ils l’ont gelé à tout jamais… la main à deux doigts du double fond…

… des étalagistes piauleurs dévalent les couloirs du métro pour arnaquer les caissiers au rendez-moi pédaleur…

— Fracture multiple, explique le grand Patron. Excusez-moi d’être si technique.

… on constate une concentration consternante de consomption sous les arcades dérapantes de glaire à Koch…

… le mille-pattes se pelotonne contre la porte de fer ajourée comme de la dentelle noire par la lansquine de pédés innombrables…

… ce n’est pas une veine mère pour rentiers milliardaires mais de la limaille viciée, du second jus de coton à filtrer, infime squelette de soulagement…