Le jour montait. C'était l'heure où bien souvent, après une nuit d'insomnie, Cripure s'habillait à la hâte, se coiffait d'une vieille casquette et, prenant son fusil, sifflant Mireille qui bondissait de joie, partait faire un tour dans les champs.

C'était là qu'il faisait ses meilleures chasses.

Que de fois n'était-il pas rentré de ces promenades matinales en tenant par les oreilles un beau lapin, ou un lièvre, une fois même un renard ? Ils en avaient fait tanner la peau. Maïa l'avait encore dans son armoire, à côté des « belles nippes » de Cripure.

Pendant qu'il chassait, elle préparait le café, faisait du ménage et au retour il déjeunait de bon cœur, plus gaillard pour affronter la journée de bahut, la sale racaille des élèves, les sales gueules de ces messieurs.

Que de fois !

Il partit ce matin comme il avait fait si souvent, mais il ne siffla pas Mireille, il ne prit pas son fusil, il ne songea même pas à se coiffer d'une casquette.

En pantoufles, tête nue, enveloppé tout entier dans la chère peau de bique, il descendit sur la route de son pas de danseur de corde. Debout sur la porte, Maïa lui cria :

— Où qu'tu vas ?

Il se retourna lentement, sembla prêter l'oreille.

— Où qu'tu vas ? répéta Maïa.

Cripure leva le bras, sembla indiquer la direction de la campagne.

— Bon, dit-elle.

Et elle rentra, détacha les petites bêtes. Il n'y avait pas de bon sens à les garder à la chaîne maintenant qu'il faisait jour. Ils gambadèrent. Elle les fit sortir un peu dans le jardin, puis rentrer.

« V'là qu'est fini », pensa-t-elle en s'asseyant pour moudre son café. Et elle bâilla. On l'avait réveillée trop tôt.

« Mon doux Jésus ! »

Elle bâilla encore une fois, fourragea dans sa tignasse et serrant entre ses genoux le moulin à café, elle tourna la manivelle.

Tout ça c'était des contes, des lanlaires. Mais il était comme ça, tout drôle. Un pet au cul, l'autre à l'oreille. Toujours. Un petit tour ne lui ferait pas de mal. En rentrant il avalerait un bon café et sur le coup de huit heures il pourrait se remettre en route, reprendre son petit boulot.

Le café moulu elle posa le moulin sur la table, bâilla encore une fois, s'écria encore : « Mon doux Jésus ! » Puis elle alluma la cuisinière pour faire bouillir de l'eau et lava sa cafetière.

Les petits chiens menaient grand bruit dans la cuisine. Mireille, comprenant que son maître était parti, aboyait plaintivement, fâchée et jalouse.

— La paix ! La paix ! gronda Maïa.

Mais Mireille aboyant toujours, elle l'enferma avec tous les autres dans le bureau de Cripure.

C'est ainsi qu'elle faisait d'habitude quand il n'était pas là. Dans le bureau il n'y avait rien à casser, au lieu qu'au jardin, ils ravageaient tout.

— Ben ! s'exclama-t-elle, en jetant un coup d'œil dans ce bureau avant de refermer la porte, ben, c'est joli là-dedans... Il a tout trimbalé. C'est du propre !

Elle se promit de mettre de l'ordre tout à l'heure dans cette... bauge. Il avait jeté des livres par terre, il avait descendu le portrait de... l'autre... Oui, parbleu ! Et cette table ? On n'aurait pas dit que c'était la même table, il n'y avait plus un seul livre dessus, rien que des papiers. Tous les livres qui l'encombraient la veille étaient entassés sur la cheminée, et menaçaient de s'écrouler par terre. Et qu'est-ce que c'était que ça encore ? Un louis d'or ? Elle le ramassa. Et ça sous la table ? Une médaille de gosse, et puis... un revolver ?... « Il a dû en mener une drôle de vie cette nuit ! Mon Dieu, s'exclamait-elle, va falloir nettoyer tout ça tout à l'heure. Il doit encore traîner des louis dans les coins.

Cette fois elle referma définitivement la porte et cria aux petits chiens :

— La paix ! La paix !

Tranquillement elle continua son ouvrage.

Le jour montait dans des vapeurs. Le temps s'annonçait beau. Tant mieux. Elle pourrait étendre son linge dès que paraîtraient les premiers rayons. Pour le soir tout serait sec.

« Il en menait pas large, quand même !... »

Bah ! Il ne fallait plus penser à cela puisque c'était fini.

D'un coin de torchon mouillé au robinet, elle se frotta les yeux, le bout du nez, un peu les joues. Un coup de peigne et la toilette fut achevée.

Elle passa le café, lentement comme elle savait faire. Les petits chiens s'agitaient dans le bureau. Elle leur ouvrit la porte et ils arrivèrent en bondissant.

Elle leur prépara leur pâtée, tout en continuant de passer son café. Les lentilles brûlées, qu'elle retrouva dans la boîte à ordures, firent leur régal, mêlées d'eau de vaisselle et de pain. Mireille se consola. Il ne restait plus maintenant qu'à préparer les bols pour le déjeuner, et couper les tartines. Elle disposa le tout sur la table et attendit.

 

Il faisait plein jour quand il rentra. Elle reconnut ses pas, et la porte s'ouvrit. Il s'arrêta au milieu de son bureau et ne bougea plus.

Il regardait par terre.

Maïa, assise devant sa table, beurrait ses tartines.

— Tu t'es bien promené ? dit-elle.

Il ne répondit pas. Il regardait toujours par terre, et Maïa, intriguée, haussa le cou. Soudain, il recula. D'une main, il s'appuya au mur. Il appela, d'une voix étranglée :

— Maïa ! Maïa !

— Qué qu'y a cor ? grommela Maïa, sans bouger. Mais il ne sut que répéter :

— Maïa ! Maïa !

Il tremblait de tout son grand corps.

— Regarde ! dit-il enfin.

Et Maïa, suivant le doigt tendu de Cripure, regarda dans la pièce. Le plancher était partout jonché de petits bouts de papier déchiquetés comme par des rats. La porte en s'ouvrant les avait fait voler.

« Les petits chiens, se dit-elle. Il va gueuler ! »

Il tourna la tête, mais pas vers elle.

— C'est les petites bêtes, dit Maïa.

Il fit un signe. Est-ce que cela voulait dire qu'il avait compris ? Elle crut l'entendre murmurer quelque chose entre ses dents.

— Quoi ? dit-elle.

— Tu les avais enfermés ici ?

— Ma foi, oui.

Il hocha la tête, regarda à droite, à gauche.

— Ils ont boulotté la Chrestomathie !

— Hein ?

Il se tut. A quoi bon répéter !... Pourtant :

— J'avais laissé des papiers sur la table, n'est-ce pas, Maïa. Les petits chiens les ont fait tomber, ils ont joué avec et... voilà. Voilà ! dit-il.

Il se mordit les lèvres. Ses mains pendaient le long de sa peau de bique, curieusement inutiles, autonomes. Il répéta : « Voilà ! »

Maïa réfléchit.

— Es-tu bête, voyons, mon p'tit loup, s'écria-t-elle. Je m'en vas foutre un coup de balai là-dedans et il n'y paraîtra plus. Quoi ? Qu'est-ce qui te fait rigoler ?

Riait-il, vraiment ? Il se baissa. Pour ramasser tous ces petits bouts de confetti ? « Quelle bêtise ! » pensa-t-elle.

— Attends, me v'là qui viens. Attends que j'aurais fini mes tartines.

Il restait toujours penché devant la table, comme s'il n'avait pas entendu ou voulu entendre. Que cherchait-il ? Il ne ramassait pas les papiers ni même les louis d'or. Sa main se tendit. Vers quoi ? La petite étoile, ou le...

— Fais pas ça !

Le coup partit, sourd et bref. Le corps chercha à se dresser, puis roula, bousculant dans sa chute la chaise où était resté posé le portrait de Toinette, qui tomba dans un fracas de vitre brisée.

— Oh ! le con !

Les genoux de Cripure se relevèrent, puis se détendirent, sa tête roula sur son épaule. La pièce était pleine d'une fumée bleue comme de la fumée de tabac.

— Qué qu't'as fait là ! Pour de quoi ? s'écria Maïa, en se prenant la tête à deux mains. Ses genoux frappèrent en même temps le plancher et elle se courba, prit dans son bras la tête de Cripure. « Qué qu't'as fait là ! Qué t'as fait ! » répéta-t-elle. Et en même temps elle pensa que si Cripure ne s'était pas tué sur le coup, s'il n'était pas encore mort, il devait l'entendre. Est-ce qu'elle ne savait pas que l'oreille ne s'éteint que longtemps après les yeux ? « Pour de quoi, p'tit loup ? » répéta Maïa, tout doucement, et elle ajouta : « Mon chéri... » stupéfaite de s'entendre l'appeler ainsi pour la première fois et sentant à ces mots s'élargir brusquement sa douleur.

D'une grosse main qui tremblait, elle fouilla la poitrine de Cripure, écarta la peau de bique, cherchant, sous la chemise à peine tachée, la blessure. A peine un petit trou, à peine un peu de sang. « Mon Dieu, mais pour de quoi ? »

Comme en manière de réponse, Cripure se mit à gémir, peut-être déjà à râler. « Il n'est pas mort ! » Elle se releva d'un coup de reins, contourna ce grand corps inanimé, semblable, dans cette éternelle peau de bique, à un sanglier géant enfin abattu. Elle le prit par-dessous les bras, la tête de Cripure ballant dans son giron, et rassemblant toutes ses forces, elle le traîna, voulut l'amener jusqu'au divan où elle pensait l'étendre et lui mettre sous la tête un coussin. Mais qu'il était lourd ! Non seulement il était lourd, mais il y avait dans tout ce poids comme une résistance secrète. Il eût été plus facile, elle n'en doutait pas, d'arracher à son sable humide un homme enlisé jusqu'au cou. Jamais les jambes de Cripure n'avaient été aussi longues, et ses pieds de forçat, dans leurs pantoufles noires, plus contrariants. Les jambes de Cripure semblaient non peser au sol mais y coller et, après quelques minutes d'effort, Maïa dut s'arrêter pour reprendre haleine, les épaules de Cripure reposant sur ses genoux arqués et sa tête râlante au creux de son tablier bleu. Une des pantoufles s'était perdue en route et restait sur le plancher, l'air curieusement animée et inanimée, comme un animal empaillé et ahuri, non loin du revolver, non loin de la petite étoile écolière qui luisait toujours sous la table, parmi les petits bouts de papier de la Chrestomathie, les dernières pièces d'or oubliées et les débris de verre, comme un dernier emblème qui achevait de donner son sens à cette panoplie.

« Il faut pourtant ! » se dit Maïa. Et, plissant les lèvres, renversant la tête et fermant les yeux sous l'effort, elle le tira plus loin, espérant toujours qu'elle parviendrait à le hisser sur le divan. Mais ses forces la trahirent encore une fois et elle dut se contenter d'amener Cripure jusqu'au bord du divan et de le laisser doucement retomber sur le plancher. Alors, comme un déménageur, elle essuya son front de son bras nu puis elle prit sur le divan un coussin et le glissa sous la tête de Cripure. Il geignait toujours.

Les petites bêtes tournaient en rond dans la pièce, la queue entre les jambes, et poussaient de petits cris bas. « J'en viendrai jamais à bout toute seule. » Mireille tout doucement léchait la main ouverte de son maître.

Aux cris plaintifs de Mireille, les trois autres petites bêtes répondirent aussitôt. Le vacarme devint assourdissant.

— Sales bêtes, s'écria Maïa en les chassant durement à coups de pied. Charognes ! C'est vous qui êtes la cause...

Les petites bêtes résistaient. Elles ne voulaient pas se laisser faire. Mireille ne bougeait pas.

Maïa prit la canne de Cripure et les frappa à grands coups en les poussant vers le jardin. Les bêtes hurlèrent. Quand il s'agit d'emmener Mireille, la chienne se rebiffa. Elle se retourna vers Maïa, grogna, montra les dents.

— Toi ! dit Maïa...

Et elle prit la chienne dans ses bras.

Mireille se débattit, voulut mordre. Maïa, d'une main ferme, lui serra le museau et, tout courant, elle la porta jusqu'au jardin où elle la jeta comme un paquet. La malheureuse Mireille roula par terre, mais rebondit aussitôt sur ses pieds. Maïa n'eut que le temps de refermer la porte. Déjà les petits chiens se ruaient sur cette porte, grattaient des pattes et continuaient à hurler.

— Sales bêtes, répéta encore Maïa. C'est de votre faute.

Si elles n'avaient pas déchiré les papiers, rien ne serait arrivé, elle en était sûre. Qu'est-ce qu'il pouvait donc y avoir dans ces papiers-là ? Il lui avait toujours dit que c'était ses « idées » qu'il marquait là. Mais on ne se tue pas pour des « idées ».

Elle revint auprès de Cripure. Les chiens hurlaient toujours. D'une brusque poussée, elle écarta les volets et appela à l'aide.

 

La réponse parut devancer les appels de Maïa. Comme dans les comédies bien faites, dans les drames bien « machinés », on aurait dit que les nouveaux acteurs prêts à entrer en scène attendaient depuis longtemps derrière un fragment du décor, peut-être même non sans impatience. L'odeur du sang, la passion de voir mourir sont-elles donc si fortes ? A peine eut-elle ouvert la porte qu'ils envahirent la pièce, hommes, femmes, enfants, les uns muets de stupeur, les autres larmoyant déjà ou empressés, tous attendant de Maïa une explication, et se penchant, se bousculant les uns les autres pour mieux voir. Cripure avait depuis tant d'années si bien défendu sa porte, et avec tant d'hostilité, que c'était pour eux une revanche véritable et comme une victoire. A l'excitation du drame sanglant se joignait une curiosité presque aussi forte de savoir enfin comment c'était fait chez ce drôle d'homme. Et les yeux erraient du moribond couché au pied de son divan aux murs noircis, aux livres poussiéreux, à la table en désordre...

— Qué qu'y faut faire ? Qué qu'y faut faire ? gémissait Maïa.

Un grand diable à tête d'oiseau fendit la foule et s'approcha.

— Laissez-moi faire, dit-il, j'ai été infirmier au front.

Il se pencha sur Cripure et doucement il ouvrit la peau de bique, la veste, qu'il déboutonna entièrement, la chemise, et il demanda des ciseaux.

Maïa n'en avait pas. Pas là. Pas sous la main. Elle s'affola et finit tout de même par en trouver une paire, au fond de sa corbeille à ouvrage, cette corbeille qui, la veille, presque à la même heure, avait si bien roulé par terre.

— T'nez ! Les v'là...

L'homme prit les ciseaux sans un mot. Une large entaille dans la chemise révéla la blessure minuscule d'où s'était répandue une petite tache de sang, à peine plus grande qu'une pièce de cent sous, pensa Maïa, une tache noirâtre qui n'avait pas l'air d'être du sang, qui ressemblait à une ecchymose sur la chair blanche de Cripure, une chair molle et grasse de vieille femme.

Les curieux s'étaient approchés. Ils se penchaient, regardaient sans rien dire.

— Faudrait laver. A l'alcool, dit l'infirmier.

— Du rhum ?

— Non, voyons, de l'alcool pur. De l'alcool à quatre-vingt-dix.

— Mais j'ai pas ça, j'ai pas ça !

— Alors, de l'eau bouillie.

De l'eau bouillie... Combien de temps qu'il allait falloir attendre, et pendant ce temps-là...

— Mais, regardez-le, regardez-le donc, fit-elle en se baissant. Elle lui prit la tête dans la main : « Mon p'tit chat ? »

Les yeux de Cripure n'étaient pas tout à fait clos. A travers ses paupières subsistait un petit espace comme une fente bleuâtre. Mais la crispation de son visage, cette bouche tordue, l'absence du binocle...

— Tu m'entends pas ?

Rien.

— I' m'entend pas ! Oh, mon Dieu, i' m'entend pas !

Elle se prit la tignasse à deux mains, branla la tête.

— Allez faire bouillir de l'eau, dit l'infirmier en lui posant la main sur l'épaule.

Elle entra dans sa cuisine et découvrit qu'il y avait de l'eau toute prête, celle qui restait, le café fini. Elle l'avait oublié. Elle apporta l'eau. L'homme y trempa un bout de serviette et lava la blessure de Cripure.

Basquin entra.

Il s'apprêtait à descendre au camp, comme tous les matins, en rêvant à de nouvelles combinaisons commerciales, quand, dans la rue, un voisin lui avait appris la nouvelle : « Merlin vient de se foutre une balle dans la peau ! »

Il n'avait fait qu'un saut. « Nom de Dieu ! Pourvu qu'il ne se soit pas raté ! »

Ça n'en avait pas l'air.

Il s'approcha, se pencha sur Cripure. Sa grosse main sale erra un instant sur le visage du moribond. Du pouce, il écarta une paupière, chercha le regard déjà vitreux, et fit la grimace :

— Foutu ! murmura-t-il. Et se tournant vers Maïa qui attendait à côté de lui : « Il marque mal. Il s'est pas raté, quoi ! »

Maïa ne répondit pas, mais son œil de pie considéra Basquin avec une telle force de mépris, que celui-ci, mal à l'aise, bafouilla :

— Comment que c'est arrivé ?

Il sentait que c'était plutôt cela qu'il fallait dire, et en effet Maïa se radoucit.

— Mais tout était arrangé, s'écria-t-elle avec désespoir. Je ne sais pas pourquoi qu'il a fait ça, moi !

Arrangé quoi ? Basquin n'était pas au courant.

— Qu'est-ce qui était arrangé ?

— Oh ! C'est pas le moment, répliqua Maïa. Regarde ! Mais regarde !

— Je vois bien, dit Basquin. Mais ceux qui font des choses comme ça, des fois, ils écrivent. Il a pas laissé un mot de billet, quéque chose ?

— Je sais-t-il, moi !

— Attends voir...

Il inspecta la table, la cheminée, et ne trouva rien qu'une enveloppe sur laquelle étaient écrits ces mots : ceci est mon testament. Mais l'enveloppe était vide. Et puis, c'était une vieille enveloppe. Ça n'avait pas de rapport...

— Rien, dit-il. Alors, ça l'a pris d'un coup, comme ça ?

— J'sais pas, moi. Tout était fini, dit-elle. Il avait signé et tout. « Le v'là parti faire un tour dans les champs et moi à chauffer du café. Bon, le v'là qui rentre. I r'garde, i dit rien. Les p'tits chiens avaient tout barbouillé dans son bureau et déchiqueté ses bouts de papier. I voit ça, i s'baisse... Qui qu'aurait pensé... »

Elle hocha la tête, fit une grosse lippe, et refoulant ses larmes elle continua : « Pourquoi que l'revolver i traînait sous la table, aussi ? Quoi qu'il a fait là-dedans cette nuit, on l'saura jamais. Toujours est-il que le v'là qui s'baisse, il attrape le machin... J'ai même pas eu le temps de l'voir. » Cette fois la lippe s'accentua et les larmes jaillirent. « Et sans me dire un mot », fit-elle.

— Ceux qui sont décidés à ça, ils le disent jamais d'avance, répondit Basquin.

Le ton sentencieux et froid de cette remarque lui attira la colère de Maïa.

— Tu feras mieux de taire ta vilaine goule et de m'aider. Il n'est pas mort, dis donc. Tu feras mieux d'aller chercher le médecin, peut-être, puisque personne ne bouge, continua-t-elle, en se tournant vers l'assistance.

Ils reculèrent offensés. Quelqu'un partit chercher un médecin.

— C'est ça, dit Basquin, donnez-lui de l'air. Voyez pas qu'il étouffe ?

Cripure geignait toujours. C'était une plainte basse, comme celle d'un enfant fiévreux endormi au fond de son berceau.

— C'est pas le médecin qu'il faudrait, dit Basquin, c'est...

Qu'allait-il dire ? Elle venait de lire, dans son hideux regard, sa joie. Il n'avait pas pu cacher ça !

— C'est le chirurgien.

Et du ton supérieur qui lui était propre, avec le pédantisme insolent, péremptoire, de l'ignorance et de la bêtise, il ajouta, étendant la main vers Cripure : « Cet homme-là est à opérer d'urgence. »

En lui-même il pensa : « Il ne se réveillera pas. Rien que le chloroforme et... »

— Op... opérer ! s'écria Maïa, op...

L'opération, c'était la mort bien plus certaine. Et pour la seconde fois elle tomba à genoux au chevet de Cripure et lui prit la main, et la colla sur son visage.

— Monsieur a raison, dit l'infirmier, qui, pris de pitié pour Maïa, l'écarta doucement, en lui faisant comprendre qu'elle ne devrait pas montrer ainsi...

— Vous comprenez... Pour lui. S'il a conscience, s'il vous entend...

Elle se frotta les yeux, se releva en reniflant. Fallait pas qu'il meure comme ça, tout de même. Il allait passer et ils n'auraient même pas le temps de s'expliquer, de revenir sur ce qui s'était dit la veille ? C'était dur de se quitter comme ça, pas réconciliés...

— Laissez-moi compter ses pulsations, dit l'infirmier.

Otant des mains de Maïa la main de Cripure, il lui tâta le pouls.

— Et le médecin qui ne vient pas...

— Ne vous inquiétez pas, madame, le médecin est moins utile que ne le serait en ce moment par exemple une voiture.

— C'est ce que je disais, fit Basquin, qui n'avait rien dit de ce genre, mais qui n'en haussa pas moins les épaules dans un geste de mépris global pour tous les présents sans exception, tous ces pauvres types qui ne pensaient à rien.

— Une voiture pour l'emmener à la clinique.

— Mais où ?

— Oh ! Mais, madame... ça ne sera pas très difficile. Voyons ! Est-ce que des cliniques, il n'y en a pas partout ? Au lycée, par exemple. Bacchiochi ne refusera pas de l'opérer...

Basquin réfléchissait. Tout ça, c'était peut-être du bon, peut-être du mauvais. Fallait pas s'emballer. Si les picaillons passaient à l'as, si l'autre andouille n'avait pas fait de testament, ou s'il en avait fait un, mais pas en faveur de Maïa, en faveur on ne pouvait pas savoir de qui, d'un gosse du genre d'Amédée, alors il s'agirait d'ouvrir l'œil et le bon ! Faudrait savoir d'abord s'il n'y avait rien à faire pour récupérer les sous. Ensuite de quoi, on verrait. Dans la vie, il fallait savoir se retourner. Et si Maïa restait sans un sou, elle pourrait aller se faire voir. Non, sans blague, elle ne se figurait tout de même pas qu'il allait l'épouser pour sa beauté ? L'emmerdation c'était qu'il pouvait arriver des histoires, puisque l'autre chameau n'avait même pas pris la précaution d'écrire un mot de billet pour dire qu'il se suicidait et pourquoi. En sorte que s'il prenait envie à quelqu'un de dire que Maïa l'avait tué, on ne manquerait pas non plus d'ajouter que c'était lui, Basquin, qui avait poussé Maïa à cela, et alors tu parles d'une combine ! Et tout cela pour la peau !

Il poussa Maïa du coude, cligna de l'œil.

— Viens par ici, toi, lui souffla-t-il à l'oreille en l'entraînant dans la cuisine. Pousse la porte... Doucement. Tu devrais faire attention, lui dit-il, à voix basse. Tu devrais prendre garde.

Il prenait bien soin de dire tu, et non pas nous. Le ton soulignait l'intention.

Les bras pendants le long de son corps, elle le regarda sans comprendre.

— Qu'tu bafouilles ?

— Écoute... Raisonne...

— Qu'tu veux dire, à la fin, répliqua-t-elle, avec un violent soubresaut des épaules.

Il n'aurait pas le culot, tout de même, de lui parler du magot ? Qu'est-ce qu'il pensait ? Qu'elle avait déjà fouillé dans les tiroirs, mis en sûreté le plus gros ?

— Alors, quoi, parle !

— Te fâche pas, Maïa, quand on veut te rendre un grand service. Il s'est tiré un coup de revolver, hein ?

Elle écarquilla les yeux. Où voulait-il en venir ? Il dit :

— Prends garde : on pourrait dire que c'est toi.

— Moi !

Elle avait crié.

— Gueule pas si fort, répondit Basquin, en lançant un regard soupçonneux vers la porte vitrée. Y avait que toi dans la maison quand ça s'est passé, hein ? Alors, prends garde. Suffit, conclut-il. Te v'là prévenue.

Pendant un long moment il ne sortit pas un mot des lèvres de Maïa, bien qu'aux contractions de sa gorge, aux frémissements qui agitèrent ses joues, à la manière dont elle porta la main à sa bouche comme qui s'étrangle, il était visible qu'elle voulait dire quelque chose. Enfin :

— Oh ! le salaud ! s'écria-t-elle.

Basquin se retourna. Il avait déjà fait un pas pour rentrer dans le bureau, jugeant Maïa assez avertie.

— Moi ?

— Tu mériterais...

— Gueule donc pas comme ça, voyons... On va croire qu'on manigance je ne sais pas quoi. Est-ce que tu les crois si bêtes ? demanda-t-il en désignant de la main, à travers la porte, les ombres des curieux. Ils savent.

— Qu'est-ce qu'ils savent ?

— Qu'on couche ensemble, lui souffla-t-il à l'oreille.

Elle faillit lui répondre que cela n'arriverait plus. Oui, ils savaient. Et après ? Elle eut un nouveau sursaut des épaules comme un gros hoquet.

— Tu as le culot de parler de ça à présent, tandis que... que...

Il eut un mauvais sourire d'homme traqué jusque dans le fond de sa retraite, en comprenant qu'elle n'osait pas prononcer devant lui en ce moment le nom de Cripure. Qu'elle n'osait pas ? Elle ne le pouvait pas. Furieux à l'idée que tout était sans doute perdu pour lui, la femme et l'argent, il n'hésita plus à dire, narquois :

— Si tu le fais au sentiment...

— Fous le camp !

Cela fut dit d'une voix basse, mais ce n'était pas la crainte d'être entendue qui lui donnait cette voix. Basquin reconnut l'accent de la fureur et de la haine. Cette voix n'était pas venue de la gorge, mais du fond de l'être même.

Il s'approcha lentement. Dans l'acajou de son visage ses yeux se plissèrent, devinrent tout petits.

— Tu dis ? Répète.

Presque tout bas lui aussi. Elle détacha les syllabes.

— Fous-moi le camp !

Ah ! si les autres n'avaient pas été là, derrière cette porte ! Il découvrit les dents, lentement.

— Non.

— Salaud ! Tu viens ici, je sais bien pourquoi. Surveiller le magot, hein ? T'es content de ce qui arrive. T'es content ? dis-le donc...

Elle était écarlate de fureur, de haine, d'impuissance à le jeter dehors. Si elle n'avait pas été prisonnière de tous ceux-là... Ah ! oui. Il aurait pu dire ce qu'il aurait voulu, elle l'aurait envoyé dinguer, et comment !

Elle répéta :

— Fous-moi le camp tout de suite !

Il lui tourna le dos, fit semblant de chercher quelque chose dans un placard et continua de parler ainsi :

— Écoute... Sois raisonnable. Écoute-moi.

Elle ne bougea pas plus qu'une borne, au beau milieu de la cuisine, confondue de l'entendre continuer à parler ainsi d'un ton calme, et comme il ne lui était pas possible de le mettre dehors de force, comme elle ne pouvait pas non plus crier, elle écouta...

— Méfie-toi. V'là trop longtemps qu'on a été deux tout seuls dans la cuisine. Je te dis qu'ils savent... Bon. Alors... on cherche un remède. De la teinture d'iode. D'accord ? Bon. Pour ce que j'ai dit tout à l'heure, réfléchis. Y avait que toi et lui. Dans le bureau, tout est sens dessus dessous. On dirait que vous vous êtes battus. De là à dire que c'est toi qui l'as tué, c'est facile. Tu m'écoutes ?

Elle avait dû s'approcher pour l'entendre ; au fur et à mesure qu'il parlait, en effet, il avait baissé la voix. Avait-elle compris ? Était-elle enfin persuadée que ce qu'il disait était le bon sens ? Elle avait beau larmoyer devant Cripure, et pour le moment elle avait beau lui répéter, à lui Basquin, et sur tous les tons, qu'il n'avait qu'à foutre le camp, oui ou non, avait-elle compris ?

Il sembla que oui. Sa colère n'était pas tombée, il s'en fallait, mais tout de même une lueur s'était faite. Elle voyait le cas...

— Tu m'écoutes ?

— Oui.

— C'est sérieux. Et y a pas que toi. Y a moi. Ils diront que c'est moi qui t'a mis ça dans la tête.

Basquin aussitôt regretta d'avoir dit ça. Même à Maïa, c'était pas des choses à dire. Fallait pas être si bête que de fourrer ça dans la tête des gens. Quoi ? Qu'est-ce qu'elle avait à le regarder comme ça ?

« Voilà, pensa-t-elle, il a peur à sa peau avant tout. Oh, le... »

Comme elle le connaissait ! Dans un dernier sursaut de colère, elle répondit :

— Je m'en fous bien de ce qu'ils diront...

Il tourna lentement la tête, et ses yeux se déplissèrent, s'ouvrirent tout grands, puis, petit à petit, ses paupières s'abaissèrent, se refermèrent presque.

— Pas moi, dit-il. Ça aurait l'air trop... trop...

Entendit-elle ou crut-elle entendre qu'il disait que ça aurait l'air trop vrai ? Elle comprit en tout cas qu'il y avait pensé, qu'il avait rêvé de ce meurtre, trouvant sans doute que Cripure mettait trop longtemps à s'en aller de bon gré. Mais voilà : la besogne était faite. Et maintenant il avait peur.

— Charogne... Moi qui ne saurais même pas me servir de..., d'un...

Elle voulait dire qu'elle n'aurait pas su manier un revolver. Il l'interrompit brutalement :

— S'agit pas de ça. C'est pas le moment de discuter. Si tu as compris, c'est tout ce qu'il me faut.

Elle avait compris. Elle comprenait bien des choses, aujourd'hui. Jamais sa tête n'avait tant travaillé. Elle mesurait toute la sévérité du lien qui l'attachait à Basquin, elle qui s'était toujours crue si libre, qui avait toujours pensé que ce genre de liens était si facile à rompre. Mais ils n'étaient pas seulement des amants : ils étaient des complices, restaient agrippés l'un à l'autre, forcés l'un et l'autre de jouer la comédie et dans un instant où Maïa aurait voulu demeurer tout entière à sa douleur. Mais rien à faire. Il fallait en passer par là. Malgré la douleur et l'amour il fallait se surveiller et jouer son rôle.

— Ça me dégoûte.

— S'agit pas de ça, encore une fois. As-tu compris ?

Elle répondit, accablée :

— Oui.

— Bon. Alors, arrange-toi. Et maintenant, rentrons. Ce qu'on fait là n'est pas bien prudent. Tant pis, c'est fait. Et poussant la porte vitrée : « Va chercher de la teinture d'iode quelque part, dit-il à un gamin. On a fouillé partout : y en a pas dans la maison. »

 

Le gamin partit en courant, bousculant les badauds groupés dans la pièce et devant la porte.

Maïa s'accroupit à côté de Cripure. Elle lui prit la main : il geignait toujours. Dehors, les gens parlaient. Sans doute croyaient-ils qu'on ne les entendait pas. Plusieurs, parmi eux, se souvenaient de l'algarade de la veille quand l'auto de Léo avait failli écraser Cripure et que son filet était tombé par terre. Sûrement, ce n'était pas un homme comme les autres. Il avait eu quelque raison à lui de se détruire, il devait y avoir pensé depuis longtemps. Les livres, peut-être, qui lui avaient tourné la tête.

— Rappelez-vous, hier, comme il avait l'air méchant ?

— Il voulait tous nous tuer. Que si on l'avait pas connu, on l'aurait cru fou, des fois.

— Laissez donc, dit une femme. C'est pas du tout un fou, c'est au contraire un homme de tête. Pour sûr ! Mais il a eu des malheurs. Vous ne savez pas tout, dit-elle.

Encore une qui avait entendu parler de Toinette !

— Est-il mort ?

— Mais non, voyons !

— Où c'est-il qu'il s'est touché ?

— A la tête.

— Non. Au cœur.

— Si c'est au cœur, il est foutu. Si c'est à la tête, il peut s'en tirer.

— Il en a p't'être pas d'envie.

— Ça !

— Il était drôle, aussi. Toujours à ronchonner tout seul comme un maniaque.

— Il avait trop d'idées en tête.

— Mais y a eu aut'chose, ben aut'chose ! On dit qu'il devait se battre en duel ?

Maïa se dressa tout d'un coup, lâchant la main de Cripure et bousculant ses plus proches voisins, elle se rua vers la porte en s'écriant :

— C'est-il pas fini bientôt, allez-vous taire vos goules, bande de saligauds ? N'en v'là du propre ! Seriez-t-y pas mieux chez vous, feignants ?

Ils se turent, baissèrent la tête. Quelqu'un tenta une réplique, voulut faire comprendre à Maïa que personne ne disait de mal.

— Faut se taire ! rétorqua Maïa.

Et elle se tut elle-même, changea brusquement de visage et tendit l'oreille. Est-ce qu'elle ne se trompait pas ? Une voiture arrivait à petite allure. Les pas d'un cheval faisaient dans la boue pierreuse un clapotis joyeux et ses grelots tintaient.

— Le père Yves ! C'est le père Yves !

Elle avait reconnu les grelots de la troïka.

Rentrant dans la pièce en coup de vent, elle dénoua son tablier tout en marchant et le jeta par terre, où il vint compléter la panoplie, et arrangeant ses cheveux d'un coup de pouce :

— Ouste ! dit-elle, on va l'emmener à la clinique !

Le père Yves arrivait en effet, en homme de parole, tout droit sur le siège de la troïka, au petit trot de Pompon. Il mit son cheval au pas et entra tout doucement dans la foule attroupée devant la porte.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il, du haut de son siège.

— On va vous le dire.

Il se pencha en arrière, tira sur ses guides en disant : « Gri... Oh ! » à Pompon qui s'arrêta. Puis, il descendit, lourdement, et demanda encore une fois :

— Qu'est-ce qu'est arrivé ?

Pour toute réponse, on le fit entrer.

Il dut croire que Cripure était déjà mort, car dès qu'il le vit, il ôta son chapeau, esquissa un signe de croix, cherchant peut-être aussi des yeux le crucifix et la branche de buis dans l'eau bénite. Le geignement de Cripure était devenu si faible, que le père Yves ne l'avait pas entendu.

Maïa arrêta le geste du cocher.

— V's'êtes pas maboule ? Attendez un peu, dit-elle.

— Quoi qu'il a ?

— Il a qu'il faut l'transporter.

— Ah ? dit le père Yves.

Qu'est-ce qui se passait, dans cette maison ? On aurait dit qu'on s'était battu. Il y avait de tout par terre ; une chaise renversée, une pantoufle, des papiers, un tablier, jusqu'à des louis d'or !

— Ben, qu'est-ce que c'est ? dit-il.

— Vous occupez pas. I' faut l'emmener à la clinique et c'est tout.

— Dans ma voiture ?

— Dans qué qu'vous voudriez ?

Le père Yves mesura Cripure de l'œil. Jamais ce grand corps ne tiendrait dans la voiture. Assis, oui. Mais allongé ?

— Ça va pas être commode, dit-il.

— De qué ? fit Maïa. Faudra pourtant ben qu'ça s'fasse.

Basquin intervint :

— Bougez pas : faudra mettre une chaise entre les sièges et des oreillers par là-dessus. On l'allongera. Y aura qu'à marcher au pas.

Ainsi fut fait. Entre les sièges de la troïka, Basquin, aidé de Maïa, installa deux chaises face à face sur lesquelles ils entassèrent des coussins et des oreillers. Ils en mirent aussi dans la capote afin que la tête de Cripure reposât à l'aise et quand cela fut prêt, Basquin fit appel à des hommes forts. Il s'en présenta plusieurs. Il en choisit quatre.

Maïa s'élança, fit faire de la place. Les hommes arrivèrent en portant Cripure, ployant les genoux, tant il était lourd. Maïa lut dans leurs yeux la crainte de le laisser tomber et peut-être ce malheur fût-il arrivé si d'autres ne se fussent précipités au secours des premiers comme ils abordaient la troïka et s'apprêtaient à hisser Cripure dedans.

A six, ils le soulevèrent pour ainsi dire à bout de bras. Basquin était monté sur le marchepied et dirigeait la manœuvre. Ils parvinrent à l'étendre, non sans mal. Cripure geignait toujours.

Les hommes soufflèrent, s'essuyèrent les mains en les tapant l'une dans l'autre, se passèrent le doigt dans le col. Une belle corvée, tout de même ! Maïa ferma sa porte.

— Où qu'on va ? dit le père Yves.

— A l'hôpital militaire du lycée.

On se mit en route.

Le père Yves, son fouet passé autour du cou, marchait en avant, tenant Pompon par la bride. Il cherchait de l'œil les cahots et, pour les éviter, il faisait faire à la voiture mille détours. De temps en temps, il se retournait pour voir si tout allait bien, et regardait de nouveau devant lui, faisant avec la main de grands gestes dès qu'il apercevait une voiture arrivant en sens inverse.

Maïa marchait à côté de la troïka, tête nue, à grandes enjambées, surveillant la couverture qui glissait et la remettant en place. De l'autre côté marchait Basquin, tourmenté par l'envie de fumer. Mais il n'osait pas tout de même en ce moment se mettre à en griller une. Et il marchait tête basse.

Derrière, venait une petite troupe.