Prospectus
oilà un livre qui était en quelque sorte prédit par un autre livre ; après l’histoire du supplice, il fallait l’histoire du martyre ; M. de Balzac avait écrit la Physiologie du Mariage, il vient d’écrire les Petites Misères de la Vie conjugale. Le cercle infernal est maintenant complet ; c’est l’alpha et l’oméga de l’hymen.
C’est là un livre essentiellement européen, on en conviendra, mais aussi essentiellement français. Il y a des pays, pays naïfs comme un chalet et jeunes comme le matin, où le mariage est encore une association ; en France, c’est une lutte. La France, organisée pour la guerre, a fait d’un mariage un combat. C’est l’histoire de cette bataille quotidienne, qui compte tant de revers, que M. de Balzac a eu l’heureuse fantaisie de raconter. Ailleurs on trouvera le récit de la déroute et du repos superbe qui la suite quelquefois ; ici, c’est la narration drolatique des escarmouches de chaque jour, des protocoles de chaque nuit, et de toute cette stratégie conjugale qui transforme chaque femme, pour si candide qu’elle soit, en un Machiavel embéguiné.
Le mariage a été, est, et sera toujours la plus bouffonne des choses graves, ou la plus sérieuse des choses comiques, comme on voudra ; les Petites Misères de la Vie conjugale sont donc ce qu’elles devaient être : un livre tout plein d’une extravagante sagesse, où tout le monde trouvera matière à rire aux éclats en voyant la vérité face à face.
Car, chose miraculeuse, M. de Balzac a rendu joyeuse la terrible vérité elle-même. C’est un prodige ! Les femmes seules pouvaient l’inspirer. Toutes ces chères petites misères qui courent d’un air si délibéré vers le même but, comme des chats en quête de souris, ont des allures si plaisantes qu’on ne peut s’empêcher de sourire en les comptant ; elles sont [II] gracieuses et souples comme tout ce qui est féminin. On les voit, on les comprend, on les subit, et, chose plus étrange encore, on les adore quelquefois !
On connaît le mot de cette femme, l’une des plus spirituelles Parisiennes de notre temps, qui disait en parlant de son mari : « Si je ne le tourmentais pas tant, il serait bien moins heureux ! »
M. de Balzac a mis toutes les petites misères dans son livre, et cependant elles sont plus nombreuses que les hirondelles au printemps. La petite misère prend toutes les formes, parle toutes les langues, paraît à tous les instants ; c’est tout et ce n’est rien ! C’est votre femme tout entière qui vous bat avec sa santé et sa maladie, sa mère et son père, sa gaîté et sa tristesse, sa tendresse et son dédain, ses regrets et ses espérances, ses amies et vos amis. Vos amis ! Nous avons écrit ce mot au pluriel ; s’il était au singulier, il rentrerait dans la catégorie des grandes misères.
Les petites misères de la vie conjugale sont comme les gouttes d’eau qui usent le granit ; ce sont mille et mille coups d’épingle qui transpercent l’airain. Livrez un homme fort à une femme faible, et vous verrez ce qu’elle en fera. Tous les Berzélius de la terre perdraient leur chimie jusqu’à la dernière cornue avant de trouver un dissolvant plus actif que le sourire et les larmes d’une femme. C’est l’histoire de cette chimie occulte que M. de Balzac a écrite après en avoir surpris les secrets ; un autre en aurait fait l’analyse : il a mieux aimé en faire un chapitre de la vie humaine.
Toutes les femmes y sont résumées en une seule femme. Cette femme, c’est Caroline, le type, le symbole, le phénix éternellement jeune et beau. Près d’elle, c’est Adolphe, Adolphe le mari, l’époux, le père, le martyr !
Toutes les femmes souriront en se reconnaissant dans Caroline ; mais, chose non moins charmante, tous les maris souriront plus fort en reconnaissant leur voisin dans Adolphe.
À ces vaudevilles sans nombre et sans fin qui recommencent à tout propos, à ces mille saynètes que la plume étincelante et philosophique de M. de Balzac a esquissées si finement, il fallait le concours de l’illustration. Pour compléter cette œuvre, nous nous sommes adressé à un [III] talent qui, loin d’être fatigué, loin de reproduire les mêmes physionomies, est toujours varié, toujours vrai, gai, de bon goût, toujours éminemment français : M. Bertall s’est chargé de dessiner les physionomies et les croquis de ce drame, afin que l’œuvre fût faite à souhait pour le plaisir des yeux et de l’esprit. Dans cette lutte, le crayon vaut la plume. M. Bertall, qui avait une réputation déjà toute faite, a cependant dessiné comme s’il voulait en conquérir une plus brillante encore.
Conditions de souscription
Les PETITES MISÈRES DE LA VIE CONJUGALE seront publiées en 50 livraisons, et formeront un volume grand in-8, orné de 300 DESSINS dont 50 tirés à part.
Chaque livraison se composera d’une forme de texte et d’une planche.
L’ouvrage est confié aux presses de MM. PLON FRÈRES, connus pour leur beau tirage des ouvrages à vignettes ; les caractères, fondus exprès, sont les nouveaux types de JULES DIDOT, dont cette maison est seule propriétaire.
Prix de la livraison, 30 c. ; 40 c. par la poste ; 13 fr. l’ouvrage complet.
Pour Paris, en payant 20 livraisons, on les recevra franco à domicile. Il paraîtra régulièrement une ou deux livraisons par semaine.
On souscrit
pour toute la France et l’étranger :
chez Chlendowski, à Paris, 8, rue du Jardinet. [ill.]