SANSANDING

La nuit est peuplée de visages qui vous lorgnent avec des sourires narquois, de sauvages au corps nu, de têtes aux cheveux coiffés de nattes serpentines, d’yeux qui regardent fixement et de dents limées en pointe. Tous, ils l’encerclent, tous, ils se rapprochent de lui ; des incisives grincent, un cri féroce se fait entendre, des lances, des pierres, des flèches empoisonnées s’abattent aux alentours, le courant l’aspire, les écueils rugissent… il se réveille sous le fin réseau de la moustiquaire – et sous la voûte poudrée d’étoiles. L’explorateur est arrivé à Sansanding et cela fait quoi ? quinze jours ? un mois peut-être qu’il cesse de délirer pour délirer à nouveau. Il y a eu la mort de Zander, c’est même là que tout a commencé, et après, la lettre à Mansong ! Après ? il ne sait plus démêler ce qui a eu lieu pour de bon de ce que son imagination a produit, ce que d’autres ont vu et mémorisé de la simple version forgée par ses songes enfiévrés. Il y a eu une sale histoire avec Jemmie Bird. Quelque chose de vilain, une querelle avec Johnson, et puis une période de dérive, le temps qu’a duré la descente au fil de l’eau, il croit bien. Et enfin le tourbillon des odeurs et des couleurs du marché de Sansanding. La pirogue que Mansong a mise si longtemps à lui fournir. Oui, oui, la fièvre s’apaisant, tout cela commence à lui revenir.

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La nuit où Zander mourut, des murs s’effondrèrent, des volcans entrèrent en éruption. Le ciel se fendit et la terre zigzagua violemment à droite et à gauche ainsi qu’un chariot fou. Elle tangua et roula jusqu’à mettre à genoux l’explorateur et lui faire rendre tripes et boyaux. Il vomit, les yeux lui pleurèrent, un torrent de riz, de tamarins, de poisson à moitié digéré et de bile jaunâtre lui jaillit de la bouche cependant que Zander gisait sur sa litière, mort. Et alors Mungo jura, Mungo se mordit la langue, Mungo frappa le sol de ses poings. Lorsque enfin la terre cessa de trembler, il s’aperçut qu’il était incapable de se relever, qu’il n’avait plus de force dans les bras et que ses jambes le lâchaient. Il était comme le saumon qui, au sortir de l’océan, remonte frénétiquement la Yarrow en battant de la queue : mû par une force archaïque, inéluctable, chacun de ses sursauts lançant des éclairs, il avance et ce n’est que pour s’échouer dans une flaque sans eau, que pour battre de plus en plus faiblement des nageoires, le dos hors de l’onde… Mungo était épuisé.

La nuit s’écoula lentement. Il lui sembla qu’un engoulevent l’appelait, il crut entendre des battements d’ailes. Pourquoi s’échinait-il à descendre le Niger ? Pourquoi exposer des vies humaines, pourquoi en ravir ? Quelle espèce d’homme était-il donc pour ainsi tirer des salons où l’on cause un Zander à la si frêle carrure et le jeter en pâture à la jungle ? Quelle espèce d’homme était-il pour ainsi déserter sa femme et ses quatre enfants ? Pour conduire trente-six hommes à la mort et pousser un vieux nègre obséquieux aux bords mêmes du royaume éternel comme s’il n’était qu’un insecte ou un crapaud ? À quoi en était-il arrivé ? La réponse à toutes ces questions, il ne voulait pas l’affronter. Pas maintenant. Jamais. À l’aurore il se redressa et déboucha une bouteille de rhum. Il fut ivre pendant trois jours. Ivre à ne plus rien voir. Johnson le remplaça, s’occupa d’enterrer Zander, prépara le fourniment nécessaire au voyage qui les conduirait à Sansanding. Ce fut encore lui qui chargea Sérénoummo et Dosita Sanou d’apporter la lettre à Mansong. Quand enfin il revint à lui, Mungo découvrit qu’allongé comme un Viking en route pour le Walhalla, il était en train de descendre le fleuve en pirogue. Il faisait nuit et cette nuit était sans étoiles, aussi noire que le néant. Il entendit des bruits de pagaies et des voix qui murmuraient sourdement. Il entendit hululer, grincer et gargouiller le monde de la nuit, tout le bruit ne cessait de s’amplifier jusqu’à en devenir aussi fort et indistinct que le grondement des rouleaux sur une plage. Et dans cette nuit encore il vit des formes, des visages et des couleurs, des animaux à tête d’aigle et à queue de serpent, et alors il sut que la fièvre était descendue sur lui. Elle l’avait miraculeusement épargné pendant qu’ils progressaient sur la terre ferme, mais c’était fini : la beuverie s’ajoutant à la nuit qu’il avait passée sur le sol détrempé, elle l’avait enfin rattrapé. Soudain, il se redressa dans le noir.

— Zander ! s’écria-t-il. Johnson !

La chaleur d’une main se répandit sur sa poitrine.

— Là ! monsieur Park, tout va bien. Vous avez un petit coup de fièvre, c’est tout. Vous savez que vous êtes en train de voguer sur le fleuve ? Dites, vous l’entendez ?

Il l’entendait. Mais ne pouvait tout simplement pas continuer à rester là, étendu de tout son long : le chef de l’expédition, c’était quand même lui, non ? Il devait absolument se lever, se porter à la tête de ses hommes, il devait diriger les pirogues, il devait repérer les points d’abordage et trouver des noms à tous les lieux géographiques intéressants ; il y avait des cartes à dresser, des régions entières à reconnaître, des foules de spécimens botaniques à arracher, à mettre à sécher.

La main lui pesait énormément sur la poitrine. Ferme et persuasive, elle l’obligeait à se tenir tranquille.

— Restez allongé, monsieur Park, murmura Johnson, on s’occupe de tout. Nous arrivons à Sansanding demain matin.

Quoi ? Entrer dans Sansanding étendu sur le dos ? Jamais ! Fièvre ou pas, Zander ou pas, il lui fallait se lever pour commander à ses hommes. Comme un enfant en colère il repoussa la main d’une tape et, d’un bond maladroit qui déclencha un tumulte de hurlements à l’avant et à l’arrière de l’embarcation, il se remit sur pied. Là-bas devant, quelque part, il entendit le croassement d’un oiseau surpris. Puis, la pirogue se prenant à gîter violemment, à gauche, à droite, à gauche encore, il se retrouva projeté dans le noir d’encre de la nuit : dans les flots froids et rapides du Niger.

Des cris et des jurons montèrent du bateau, certains en anglais, d’autres dans la langue des passeurs somonos. La pirogue dans laquelle il s’était réveillé faisait vingt-cinq pieds de long. Elle transportait de l’équipement, deux piroguiers somonos, Johnson, Ned Rise et Jemmie Bird. Lorsqu’elle avait chaviré, passagers et marchandises avaient été, d’un même mouvement, vidés dans le fleuve. Jemmie, qui s’était ficelé aux marmites, flotta un instant, porté par les grands chaudrons en fer ; mais lorsque, s’étant retournés, ceux-ci se trouvèrent soudain remplis d’eau, il coula comme une pierre. Pendant ce temps-là, Ned avait réussi à attraper l’explorateur par le col de sa chemise et, à la brasse indienne, était parvenu à le ramener vers les ténèbres plus profondes de la berge. Johnson, qui pataugeait dans l’eau, se cogna par le plus grand des hasards dans la pirogue. Il s’y accrocha, et tandis qu’elle roulait sur elle-même, filant dans le courant, les Somonos trempés s’employèrent à la ramener vers la rive.

Une heure plus tard, l’incident était de l’histoire ancienne. Les autres embarcations ayant toutes convergé sur la pirogue chavirée, on en avait récupéré les pagaies à la lueur des torches. Après quoi le bateau avait été tiré au sec et redressé, chacun s’efforçant de guider Ned Rise et l’explorateur à grand renfort de cris et de coups de sifflet, cependant que l’équipement, que l’on avait eu soin de bien attacher à la coque du canot, était sauvé. Outre un sac de riz éventré, deux barils de poudre furent déclarés inutilisables après leur séjour dans l’eau. Jemmie Bird ? C’était, là aussi, de l’histoire ancienne.

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À Sansanding, l’explorateur oscilla longtemps entre le délire et la lucidité. Contre l’avis de Johnson, il installa un éventaire sur la place du marché. Les musulmans s’étaient rameutés autour de lui : aboyant et clabaudant, ils ne cessaient d’insulter en lui l’infidèle, le démon blanc et le soldeur forcené. Cela ne l’empêcha pas de vendre presque tout son excédent de perles, de coton et de fanfreluches. Les sommes ainsi gagnées passèrent à l’achat des provisions nécessaires au grand voyage qui devait le conduire à l’embouchure du fleuve. Guerbas de bière et calebasses de vin de palme, poulets enfermés dans des paniers d’osier, chapelets d’oignons, poisson séché, œufs, patates douces, blé et mil, toutes sortes de marchandises s’empilèrent peu à peu dans les recoins sombres de sa case. Des rouleaux de figues sèches débordaient de sous son oreiller, des paquets de chevrotins pendaient aux entretoises du plafond, parfumant la pièce autant que les chaussettes de tout un régiment. Cette odeur devait avoir des vertus éclaircissantes pour l’esprit car, s’éveillant un matin au beau milieu de tous ces effluves, l’explorateur parvint à se débarrasser de sa fièvre, assez longtemps en tout cas pour rédiger une deuxième lettre à Mansong – dans laquelle il le suppliait de lui octroyer un radeau capable de naviguer. La réponse du Grand Munificent fut ambiguë. « Le roi sourit à votre entreprise, lui rapporta son messager, et vous affirme qu’en tant qu’étrangers, vous serez protégés sur tous les territoires tombant sous sa juridiction, de l’ouest jusqu’à l’est. Néanmoins il vous faudra attendre le sacrifice annuel en l’honneur de Chakalla avant que Sa Majesté puisse vous être d’un quelconque secours… Attendez, répétait le messager, et alors Mansong veillera à ce que l’on s’occupe de vous. »

Mungo attendit.

Les jours tombaient l’un après l’autre, comme s’écroule un rang de dominos. On était déjà en octobre et les pluies avaient commencé à diminuer. On perdait du temps. Pour finir, après avoir plusieurs fois tenté de faire comprendre à Mansong combien sa requête était urgente, l’explorateur décida d’agir seul et envoya Johnson et Ned Rise à la recherche de la plus grande pirogue qu’ils pourraient trouver. Malheureusement, personne ne paraissait disposé à leur fournir le moyen de quitter le pays avant que Mansong n’en donnât l’autorisation. Johnson fit sonner des sacs entiers de cauris sous le nez des passeurs, autant qu’il en fallait pour la rançon d’un roi, mais les hommes se contentèrent de détourner la tête ou de regarder par terre.

L’explorateur était dans l’embarras. Fallait-il attendre le bon plaisir de Mansong alors que les eaux du fleuve commençaient à baisser et que les marchands musulmans ameutaient les populations contre eux ? Devait-il recourir aux pots-de-vin ? Embaucher des Somonos afin de gagner Djenné et d’y tenter à nouveau sa chance ? À la nage peut-être ! Toutes ces contraintes firent que la fièvre le reprit et le laissa dans la confusion des idées pendant deux jours, au cours desquels il ne cessa de divaguer sur la gorge de la baronne et le roquet de Lady Banks, sur la force de son bras et la précision de ses tirs au but, sur le nom de Park enfin, qui l’emporterait en gloire sur tous les autres et serait transmis à la postérité. Ayant enfin retrouvé sa tête, il s’assomma si bien de calomel qu’il fut incapable de manger et de dormir de toute une semaine. Cette période de hâte, de trépidation même, avait été stimulante pour lui, et lui avait mis en tête d’en revenir à son plan d’origine, à savoir se construire son propre radeau malgré les limitations évidentes que lui imposait le manque de matériaux et d’artisans compétents.

Tout à son projet, il bondit un beau jour hors de son lit tel un mastiff et entra à grands pas dans la tente où le seul charpentier encore vivant était en train de lutter contre le délire.

— Joshua Seed, lui ordonna-t-il d’une voix aussi tonnante que celle d’un dieu, lève-toi, quitte ta couche de douleurs et construis-moi un bateau !

Le malade lui ayant tendu un petit paquet de phalanges maigres en guise de main, Mungo l’aida à sortir de son grabat. Aux pontons de Portsmouth, sa carcasse endurcie au travail et l’acuité de son regard avaient beaucoup impressionné l’explorateur. Maintenant Joshua Seed ressemblait à un vieux gentleman victime d’ennuis intestinaux et ne se déplaçait pas autrement. Les épaules lasses, ses yeux jaunes enfoncés dans leurs orbites, le charpentier, qui avait du mal à marcher, fut brusquement assailli, une fois dehors, par la chaleur brûlante du soleil qui avait succédé au déluge. Il inspira profondément, redressa le buste, se dirigea résolument vers le monticule de clous, de marteaux, de scies rouillées, d’herminettes et de ciseaux à bois qui avaient survécu au voyage et se mit à taper de bon cœur sur les planches qui se trouvaient par-là.

Il s’affaira tout l’après-midi durant, redemandant du bois de temps à autre. L’explorateur était ravi. Il regagna sa tente, donna à manger à ses poulets et griffonna quelques mots dans son carnet tout en crachant par terre. À 6 heures du soir, il alla voir où en était Seed et fut surpris de découvrir qu’à force de scier, de taper et de méticuleusement mesurer, raboter et ajuster, le charpentier avait attiré une jolie foule d’indigènes autour de lui. S’étant frayé un chemin en jouant des coudes, mais en prenant garde à ne pas écraser d’orteils, Mungo était sur le point de lancer quelque encouragement plein d’enthousiasme à son artisan, du genre : « Alors, mon vieux, ça marche ? » lorsque le souffle lui manqua ; il ne put faire un pas de plus : Seed était certes en train de travailler en sifflotant comme s’il n’avait aucun souci en tête, ici il arrondissait un angle, là il rabotait un picot, mais ce qu’il était en train de construire n’était pas un radeau ! Il assemblait son cercueil.

Seed mourut au coucher du soleil. L’explorateur déposa son ex-charpentier dans sa caisse, engagea deux Cafres mandingues pour lui creuser une tombe et l’enterra sans cérémonie. Pour ce qui était des embarcations, les choses ne s’arrangeaient donc pas. C’est à ce moment-là pourtant, à l’instant même où Mungo lançait sa première pelletée de terre dans la fosse, qu’il put voir s’avancer les coques luisantes, brunies par l’eau, de deux pirogues élancées comme on les fait là-bas ; elles donnaient l’impression de flotter dans les airs ainsi qu’un don des dieux… suivies par Ned Rise, qui les escorta jusqu’au campement en dansant. D’un seul ahan sonore, les huit porteurs noirs enlevèrent les deux coques de dessus leurs épaules et les déposèrent sur le sol aussi légèrement que si elles eussent été de carton-pâte. L’explorateur sombra dans l’extase. Il enlaça Ned comme s’il retrouvait un fils prodigue, lui flanqua à deux mains de grandes claques dans le dos, l’étouffa sous ses louanges et sous d’innombrables promesses de médailles, de plaques commémoratives, d’honneurs et de largesses financières qui lui seraient dispensés dès le retour en Angleterre. Après quoi il examina les bateaux.

Pourris de bout en bout, et tous les deux. L’intérieur des coques n’était plus que plaques de boue, plantes aquatiques et vairons expirants ; le plat-bord de la pirogue la plus petite présentait en outre un trou de taille gargantuesque attestant un affrontement historique avec un hippopotame irascible. Bref, les deux embarcations avaient l’air d’avoir été construites sous le règne de Charles Ier et mises au rebut depuis lors. Le calomel commençant à lui chatouiller les glandes salivaires, Mungo en eut la lippe pendante et dans l’instant se prit à baver.

— Qu’est-ce que c’est que ça, Ned ? éructa-t-il, incapable de cacher plus longtemps sa déception. Mais enfin, le premier crétin venu verrait bien que ces coques sont inutilisables !

Ned était tout sourire. Il avait découvert ces deux pirogues sur un tas de bois flotté à l’extérieur de la ville, à demi immergées et pourrissantes, toutes gonflées d’eau… mais n’appartenant à personne. Il les avait tirées au sec, les avait examinées de près, et avait conclu qu’elles valaient encore le coup. Moyennant cinquante cauris par personne, il avait réussi à embaucher huit flâneurs * du coin qui, après les avoir posées en équilibre sur leurs têtes plates, les avaient apportées au campement.

— Peut-être qu’on pourrait les réparer, suggéra-t-il enfin.

S’étant penché sur la coque verte et glissante de la plus grande, il ajouta :

— Regardez… l’avant de celle-ci n’est pas en si mauvais état… et celle-là… oui, celle avec les coups de dents : l’arrière m’a l’air plutôt solide, non ?

L’explorateur jeta un coup d’œil. Énervé par la poudre blanche et insipide qu’il avait avalée pour se débarrasser de sa fièvre, il ne cessait de tressauter. Du bout du pied, il tapa sur la coque de la plus petite embarcation afin d’en éprouver la solidité, puis s’agenouilla et, tel un expert en mobilier, passa la main sur le bois. Clignant des paupières, il se tourna vers Ned.

— Tu veux dire que… qu’on pourrait les assembler ?

Ned claqua des talons et le salua.

— Idée géniale, mon capitaine !

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Battant pavillon anglais, le H.M.S. Djoliba fut chargé et prêt à appareiller le 15 novembre. En moins d’un mois l’explorateur, chaque jour plus lucide, avait réussi, aidé en l’occasion par Ned Rise, Fred Frair et Abraham Bolton (car les autres, savoir Martyn et M’Keal, avaient refusé de prêter main-forte, arguant qu’ils avaient été engagés en qualité de soldats, c’est-à-dire d’« hommes d’épée », et non d’« hommes de peine ») bref, il avait réussi à façonner une embarcation dont on pouvait raisonnablement penser qu’elle tiendrait l’eau. À fond plat, elle annonçait quarante pieds de long sur six de large et n’avait pas plus de douze pouces de tirant d’eau en pleine charge. Tel le bras tendu d’un rugbyman, un pieu en fer rouillé faisait saillie à la proue, un dais fait de branchages et d’une double peau de bouvillon en guise de parois occupant la moitié du bâtiment : les branches leur feraient de l’ombre, les peaux les protégeraient des traits qu’on ne manquerait probablement pas de leur décocher dès qu’ils commenceraient à descendre le grand fleuve et s’enfonceraient dans les régions qui s’étendaient à l’est – contrées hostiles selon toute vraisemblance.

En plus de tout cela, l’explorateur avait pris quelques mesures à caractère offensif. C’est ainsi qu’à intervalles réguliers, il avait fait ouvrir des meurtrières dans les peaux tendues, afin de permettre à ses hommes d’être à couvert pour tirer si la situation l’exigeait. Il avait alloué en outre quinze mousquets de Charleville flambant neufs à chacun des soldats qui lui restaient. Toutes ces armes devaient être tenues en parfait état de marche et chargées, chien armé, de jour comme de nuit. Mungo avait décidé, cette fois-ci, de ne s’arrêter pour personne, qu’il s’agît de Maures, de Manianas ou de quelque autre mauvaise rencontre que ce fût. C’en était bien fini de la devise de sa première expédition, fini le « Je tends l’autre joue ». Ce coup-ci, ce serait guerra cominciata, inferno scatenato : à guerre commencée, enfer déchaîné !

Ce fut à peu près à ce moment-là, alors que le bateau enfin calfaté, voligé et armé, il réglait ses dernières affaires à Sansanding, que l’explorateur se brouilla avec Johnson.