Personne à ce jour ne sait la raison de leur venue ni celle de leur départ.
Ce qui ne veut pas dire qu’un grand nombre de gens ne croient pas savoir ou n’aient pas leur petite idée à ce sujet.
Des millions de gens pensent encore qu’ils étaient, non des Martiens, mais des démons, retournés à l’enfer parce que le Dieu vengeur qui les avait dépêchés pour punir nos fautes avait été ému de nos prières.
Le restant de l’humanité, en majeure partie, admet qu’ils étaient bien des Martiens. Beaucoup, mais pas tous, attribuent à Yato Malblanshi le mérite d’avoir causé leur départ, en se fondant sur l’argument suivant : malgré l’unanimité de la réaction terrienne, les Martiens ne pouvaient y donner suite dans l’immédiat, il fallait qu’ils réunissent un conseil pour en discuter, d’où le délai qui avait suivi le discours du défunt Secrétaire général des Nations unies.
En tout cas, il n’existe plus d’armée permanente et plus de projets de conquête de l’espace, juste au cas – on ne sait jamais – où Malblanshi aurait eu raison.
Mais tout le monde ne se borne pas à Dieu ou à Malblanshi.
Une tribu africaine entière, par exemple, sait que ce fut le grand juju du sorcier Bugassi qui renvoya les gnajamkata au kat d’où ils n’auraient jamais dû sortir.
Le portier d’un immeuble de Chicago sait parfaitement qu’il a anéanti les Martiens grâce à son supervibrateur subatomique antiextraterrestres.
Et ce ne sont là bien entendu que deux cas pris au hasard. Des centaines de milliers d’autres (plus ou moins pseudo-) savants et mystiques avaient axé tous leurs efforts vers ce seul but et sont persuadés de l’avoir atteint.
Et puis enfin, il y a Luke qui sait qu’ils se trompent tous. Mais qu’importe ce qu’ils pensent, puisque de toute façon ils n’ont d’existence que dans son esprit. Et maintenant qu’il est un auteur de westerns à succès, avec quatre best-sellers produits en quatre ans, une splendide propriété à Beverly Hills, deux Cadillac, une femme aussi aimée qu’aimante et deux jumeaux de deux ans, Luke est très prudent sur la façon dont il laisse courir son imagination. Il est trop satisfait de l’univers tel qu’il l’imagine présentement pour se permettre de courir le moindre risque !