II

L’après-midi du 19 août, à Long Beach, Californie, vers 16 heures (au moment où, à 18 heures à Chicago, Mr. Oberdorffer s’attablait devant sa choucroute), Margie Devereaux entra dans le bureau du Dr Snyder en demandant :

— Je vous dérange, docteur ?

— Pas du tout, Margie, entrez, fit le Dr Snyder qui était submergé de travail. Asseyez-vous.

Elle parla d’une voix un peu haletante :

— Docteur, je crois que j’ai enfin une idée de l’endroit où se trouve Luke.

— Espérons que c’est la bonne, Margie. Depuis le temps…

Il y avait en effet quinze jours et quatre heures exactement que Margie, allant réveiller Luke de son somme, avait découvert au lieu d’un mari un petit billet sur le lit.

Elle avait couru au bureau du docteur. Leur première pensée avait été de téléphoner à la banque. Là, on leur avait appris que Luke avait retiré cinq cents dollars.

Le lendemain, la police découvrait qu’un homme répondant au signalement de Luke avait acheté cent dollars une voiture d’occasion.

Depuis, aucun autre indice. Le Dr Snyder, qui avait de l’influence, avait fait répandre dans tout le Sud-Ouest le signalement de Luke et de sa voiture, une vieille Mercury jaune de 1957. Mais en vain.

— Nous avions conclu, disait Margie, que l’endroit où il était le plus susceptible de se rendre était cette cabane dans le désert, où il était le soir de l’arrivée des Martiens. Vous êtes toujours de cet avis ?

— Certainement. Comme il vous le dit dans son billet, il croit qu’il a inventé les Martiens. Donc, quoi de plus naturel pour lui que de retourner là-bas, d’essayer de recréer les mêmes circonstances et de défaire ce qu’il s’imagine avoir fait. Mais je croyais que vous n’aviez aucune idée de la situation de cette cabane.

— Je n’en ai toujours aucune. Mais je viens seulement de me rappeler quelque chose, docteur. Luke m’avait dit voici des années que son ami Carter Benson venait d’acheter une cabane isolée… près d’Indio, il me semble. Je parierais que c’est celle-là.

— Mais vous avez bien déjà téléphoné à ce Benson ?

— Oui, mais simplement pour lui demander s’il avait vu Luke ou entendu parler de lui. Je ne lui ai rien demandé d’autre.

— Hmm, fit le Dr Snyder. Vous êtes peut-être dans le vrai. Mais il y serait allé sans même lui en parler ?

— Pas en mars dernier, probablement. Mais maintenant il se cache. Il devait tenir à ce que personne ne sache où il était. Et il devait prévoir que Carter ne serait pas sur les lieux, pas en plein été.

— Vous avez raison. Vous rappelez Benson ?

— Oui. Je reviens dès que ce sera fait. Je ne veux pas vous déranger en téléphonant ici, je sais que vous avez beaucoup de travail… même si vous ne l’avouez pas.

Quelques minutes plus tard, Margie était de retour, rayonnante.

— Docteur, j’avais raison ! Et Benson m’a donne tous les détails sur l’emplacement de la cabane C’est bien là qu’était Luke en mars.

— Bravo ! Est-ce que nous téléphonons à la police locale ?

— Pas question. J’y vais.

— Seule ? Vous ne savez pas dans quel état vous allez le trouver. Son mal peut avoir… progressé.

— Ne vous inquiétez pas, docteur. Quoi qu’il en soit, je saurai comment procéder. (Elle regarda sa montre.) 4 h 15. Si cela ne vous dérange pas, je pourrais partir maintenant et être là-bas vers 9 ou 10 heures.

— Vous ne voulez vraiment personne pour vous accompagner ?

— Vraiment.

— Très bien, ma chère Margie. Soyez prudente en conduisant.