On peut consulter, pour connaître l’origine et les développement, du théâtre espagnol, les Etudes que j’ai publiées sur l’histoire des institutions, de la littérature, du théâtre et des beaux-arts en Espagne.
Ce sonuet est de l’espèce appelée estrambote, qui a un tercet de plus que l’autre, dix-sept vers au lieu de quatorze. Je vais le citer, mais en avertissant que ma version est détestable. Le dernier trait, froid et presque ridicule en français, fait pâmer d’aise les Espagnols, qui savent tous par cœur l’estrambote de Cervantès.
« Vive Dieu! cette grandeur m’épouvante, et je donnerais un doublon pour la décrire Car. qui ne s’étonne et ne s’emerveille devant tant de pompe, devant ce monument insigne?
« Par la vie de Jesus-Christ! chaque pièce vaut plus d’un million, et c’est une honte que cela ne dure un siècle. O grande Seville! Rome triomphante en courage et en richesses!
« Je gagerais que l’âme du défunt, pour jouir de ce séjour, a laisse aujourd’hui le ciel dont elle jouit eternellement.
« Entendant cela, un bravache s’écria: « Rien de plus vrai que ce qu’a dit Votre Grâce, seigneur soldat, et qui dirait le contraire en a menti. »
« Et tout aussitôt il enfonce son chapeau cherche la garde de son épée, regarde de travers s’en va, et il n’y eut rien. »
On trouvera des details sur ces chevaliers dans les notes du chapitre XLIX, première partie.
Voici quelques passages de cette curieuse pétition :
Voici le sens du sonnet de Gongora :
« La reine est accouchée; le luthérien est venu avec six cents hérétiques et autant d’herésies ; nous avons dépensé un million en quinze jours pour lui donner des joyaux, des repas et du vin.
Ci Nous avons fait une parade ou une extravagance, et donné des fêtes qui furent des confusions, au legat anglais et aux espions de celui qui jura la paix sur Calvin.
« Nous avons baptise l’enfant du Seigneur, qui est né pour être celui de l’Espagne, et fait un sarao d’enchantements.
« Nous sommes restés pauvres. Luther est devenu riche, et l’on a fait écrire ces beaux exploits à don Quichotte, à Sancho et a son âne. »
On trouvera des détails sur la secle des cullos et la décadence précoce de la litterature espagnole, dans les Études que j’ai ai précédemment citées .
Puesto ya el pie en el estribo,
Con las ansias de la muerte,
Gran senor, esta te escribo.
Ces mots expliquent, à ce que je crois, le véritable sens du titre l’Ingénieux hidalgo, titre fort obscur, surtout en espagnol, où le mot ingenioso a plusieurs significations. Cervantès a voulu probablement faire entendre que don Quichotte était un personnage de son invention, un fils de son esprit (ingenio).
Il y a, dans l’original, padrastro, le masculin de marâtre
Cette coutume, alors générale, était très-suivie en Espagne. Chaque livre débutait par une série d’éloges donnés à son auteur, et, presque toujours, le nombre de ces éloges était en proportion inverse du mérite de l’ouvrage. Ainsi, tandis que l’Araucana d’Alonzo de Ercilla n’avait que six pièces de poésie pour recommandations. le Cancionero de Lopez Maldonado en avait douze, le poëme des Amantes de Teruel de Juan Yaguë, seize, le Viage Entretenido d’Augustin de Rojas, vingt-quatre, et les Rimas de Lope de Vega, vingt-huit. C’est surtout contre ce dernier que sont dirigées les railleries de Cervantès, dans tout le cours de son prologue.
Au reste, la mode de ces ornements étrangers ne régnait pas moins en France : qu’on ouvre la Henriade et la Loyssée de Sébastien Garnier (Blois, 1594), ces deux chefs-d’œuvre réimprimés à Paris en 1770, sans doute pour jouer pièce à Voltaire, on n’y trouvera pas moins de vingt-huit morceaux de poésie française et latine, par tous les beaux esprits de la Touraine, entre autres un merveilleux sonnet où l’on compare le premier chantre de Henri IV à un bastion:
Muni, pour tout fossé, de profonde science....
Qui pour mare a Maron, pour terrasse Térence.
Cervantès avait cinquante-sept ans et demi lorsqu’il publia la première partie du Don Quichotte
Personnage proverbial, comme le juif errant. Dans le moyen âge, on croyait que c’était un prince chrétien, à la fois roi et prêtre, qui régnait dans la partie orientale du Thibet, sur les confins de la Chine. Ce qui a peut-être donné naissance à cette croyance populaire, c’est qu’il y avait dans les Indes, à la fin du douzième siècle, un petit prince nestorien dont les États furent engloutis dans l’empire de Gengis-Khan.
C’est ce qu’avait fait Lope de Vega dans son poëme El Isidro.
En effet, ce n’est point Horace, mais l’auteur anonyme des fables appelées Ésopiques. (Canis et Lupus, lib. III, fabula 14.)
Ces vers ne se trouvent point parmi ceux qu’on appelle Distiques de Caton ; ils sont d’Ovide. ( Tristes, elegia 6.)
Don Antonio do Guévara, qui écrivit, dans une de ses Lettres, la Notable Histoire de trois amoureuses. « Cette Lamia, dit-il, cette Layda et cette Flora furent les trois plus belles et plus fameuses courtisanes qui aient vécu, celles de qui le plus d’écrivains parlèrent, et pour qui le plus de princes se perdirent. »
Rabbin portugais, puis médecin à Venise, où il écrivit, à la fin du quinzième siècle, les Dialoghi d’amore. Montagne dit aussi de cet auteur : « Mon page fait l’amour, et l’entend. Lisez-lui Léon Hébreu... On parle de lui, de ses pensées, de ses actions; et si, n’y entend rien. » (Liv. III, chap. v.)
Cet ouvrage est justement le Percgrino ou l’Isidro de Lope de Vega, terminés l’un et l’autre par une table alphabétique des auteurs cités, et qui contient, dans le dernier de ces poëmes, jusqu’à cent cinquante-cinq noms. Un autre Espagnol, don José Pellicer de Salas, fit bien mieux encore dans la suite. Son livre, intitulé Lecciones solemnes à las obras de Don Luis de Gongora, est précédé d’un index des écrivains cités par lui, qui contient, par ordre alphabétique, et divisés en 74 classes, 2,165 articles.
Il y a dans le texte duelos y quebrantos, littéralement, des deuils et des brisures. Les traducteurs, ne comprenant point ces mots, ont tous mis, les uns après les autres, des œufs au lard à la manière d’Espagne. En voici l’explication : il était d’usage, dans les bourgs de la Manche, que, chaque semaine, les bergers vinssent rendre compte à leurs maîtres de l’état de leurs troupeaux. Ils apportaient les pièces de bétail qui étaient mortes dans l’intervalle, et dont la chair désossée était employée en salaisons. Des abatis, c’est-à-dire des issues et extrémités, se faisait le pot-au-feu les samedis, car c’était alors la seule viande dont l’usage fût permis ce jour-là, par dispense, dans le royaume de Castille, depuis la bataille de Las Navas (1212). On conçoit comment, de son origine et de sa forme, ce mets avait pris le nom populaire de duelos y quebrantos.
Voici le titre liltéral de ces livres : La Chronique des très-vaillants chevaliers don Florisel de Niquéa, et le vigoureux Anaxartes..., corrigée du style antique, selon que l’écrivit Zirphéa, reine d’Argines par le noble chevalier Feliciano de Silva. — Saragosse, 1584.
« Que j’achève par des inventions une histoire si estimée, ce serait une offense. Aussi la laiseerai-je en cette partie, donnant licence à quiconque au pouvoir duquel l’autre partie tomberait, de la joindre à celle-ci, car j’ai grand désir de « la voir. » (Bélianis, liv. VI, chap. LXXV.)
Gradué à Sigüenza est une ironie. Du temps de Cervantès, on se moquait beaucoup des petites universités et de leurs élèves. Cristoval Suarez de Figueroa, dans son livre intitulé el Pasagero, fait dire à un maître d’école : « Pour ce qui est des degrés, tu trouveras bien quelque université champêtre, où ils disent d’une voix unanime : Accipiamus pecuniam, el mittamus asinum in patrium suam (Prenons l’argent, et renvoyons l’âne dans son pays).»
« O bastard! répliqua Renaud à Roland, qui lui reprochait ses vols, ô fils de méchante femelle ! tu mens en tout ce « que tu as dit; car voler les païens d’Espagne ce n’est pas voler. Et moi seul, en dépit de quarante mille Mores et plus, « je leur ai pris un Mahomet d’or, dont j’avais besoin pour payer mes soldats.» (Miroir de chevalerie, partie I, chap. XLVI.)
Ou Galadon, l’un des douze pairs de Charlemagne, surnommé le Traître, pour avoir livré l’armée chrétienne aux Sarrasins, dans la gorge de Roucevaux.
Pietro Gonela était le bouffun du duc Borso de Ferrare, qui vivait au quinzieme siècle. Luigi Doinenichi a fait un recueil de ses pasquinades. Un jour, ayant gagé que son cheval, vieux et clique, sauterait plus haut que celui de son maître il le fit jeter du haut d’un balcon, et gagna le pari. — La citation latine est empruntée à Plaute. (Tutularia. act. III, scène VI.)
Ce nom est un composé et un augmentatif de rocin, petit cheval, bidet, haridelle Cervantes a voulu faire, en outre, un jeu de mots. Le cheval qui était rosse auparavant (rocin-antes) est devenu la première rosse (ante-rocin).
Quixote signifie cuissard, armure de la cuisse; Quixada, mâchoire,et Quesada, tarte au fromage. Cervantès a choisi pour le nom de son héros cette pièce de J’armure, parce que la terminaison ote désigne ordinairement en espagnol des choses ridicules.
Quelquefois, en recevant la confirmation, on change le nom donné au baptême.
Allusion à un passage d’Amadis, lorsque Oriane lui ordonne de ne plus se présenter devant elle. (Liv. II, chap. XLIV.)
En Espagne, on appelle port, puerto, un col, un passage dans les montagnes.
Je conserve, faute d’autre, le met consacré d’hotelerie; mais il traduit bien mal celui de venta. On appelle ainsi ces misérables auberges isolées qui servent de stations entre les bourgs trop éloignés, et dans lesquelles on ne trouve d’autre qu’une écurie d’autres provisions que de l’orge pour les mulets.
Il y a ici un double Jeu de mots. castellano signifie également châtelein et Castillan ; mais Cervantès emploie l’expression de suno de Castilla, qui, dans l’argot de prison, signifie un voleur déguisé.
C’est la confirmation du romance cité par don Quichotte.
Mi cama las duras penas,
Mi dormir siempre velar.
L’hôtelier trace ici une espèce de carte géographique des quartiers connus pour être exploités de préférence par les vagabonds et les voleurs.
Il doit paraître étrange qu’un laboureur porte une ance avec lui. Mais c’était alors l’usage, chez toutes les classe d’Espagnols, d’être armes partout de l’épée ou de la lance et du bouclier, comme aujourd’hui de porter une escopette. Dans le Dialogue des chiens. Scipion et Berganza, Cervantès fait mention d’un bourgeois de campagne qui allait voir ses brebis dans les champs, monté sur une jument à l’écuyère, avec la lance et le bouclier, si bien qu’il semblait plutôt un cavalier garde-côte qu’un seigneur de troupeaux.
Ce romance, eu trois parties, dont l’auteur est inconnu, se trouve dans le Cancionero imprimé à Anvers en 1555.On y rapporte que Charlot (Carloto), fils de Charlemagne, attira Baudouin dans le bocagode malheur (la forestasin ventura), avec le dessein de lui ôter la vie et d’épouser sa veuve. Il lui fit, en effet, vingt-deux blessures mortelles, et le laissa sur la place. Le marquis de Mantouc, son oncle, qui chassait dans les environs, entendit les plaintes du blessé, et le reconnut. Il envoya une ambassade à Paris pour demander justice à l’empereur, et Charlemagne fit exécuter son fils.
Les Neuf de la Renommée (los Nuexe de la Fama) sont trois Hebreux, Josué, David et Judas Machabée; trois gentils, Hector, Alexandre et César; et trois chrétiens, Arthur, Charlemagne et Godefroy du Bouillon.
C’est Alquife, qui écrivit la Chronique d’Amadis de Grèce. La nièce de don Quichotte estropie son nom.
On ne sait précisément ni quel fut l’auteur primitif d’Amadis de Gaule, ni même en quel pays parut originairement ce livre célèbre. A coup sûr, ce n’est point en Espagne. Les uns disent qu’il venait de Flandre; d’autres, de France; d’autres, de Portugal. Cette dernière opinion paraît la plus fondée. On peut croire, jusqu’à preuve contraire, que l’auteur original de l’Amadis est le Portugais Vasco de Loheira, qui vivait, selon Nicolas Antonio, sous le roi Denis (Dionis), à la fin du treizième siècles, et, selon Clemencin, sous le roi Jean I, à la fin du quatorzième. Des versions espagnoles circulèrent d’abord par fragments; sur ces fragments manuscrits se firent les éditions partielles du quinzième siècle, et l’arrangeur Garcia Ordonez de Montalvo forma, en les compilant, son édition complète de 1525. D’Herberay donna, en 1540, une traduction française de l’Amadis, fort goûtée en son temps, mais oubliée depuis l’imitation libre du comte de Tressan, que tout le monde connaît.
Ce livre est intitulé Le Rameau qui sort des quatre livres d’Amadis de Gaule, appelé les Prouesses du très-vaillant chevalier Esplandian, fils de l’excellent roi Amadis de Gaule. Alcala, 1588. Son auteur est Garcia Ordonez de Montalvo, l’éditeur de l’Amadis. Il annonce, au commencement, que ces Prouesses furent écrites en grec par maître Hélisabad, chirurgien d’Amadis, et qu’il les a traduites. C’est pour cela qu’il donne à son livre le titre étrange de las Sergas, mot mal forgé du grec εργα.
L’histoire d’Amadis de Grèce a pour titre Chnonique du très-vaillant prince et chevalier de l’Ardente-Épée Amadis de Grèce, etc. Lisbonne, 1596. L’auteur dit aussi qu’elle fut écrite en grec par le sage Alquife, puis traduite en latin, puis en romance. — Nicolas Antonio, dans sa Bibliothèque espagnole, t. XI, p. 394 ), compte jusqu’à vingt livres de chevalerie écrits sur les aventures des descendants d’Amadis.
L’auteur de ces deux ouvrages est Antonio de Torquémada.
Ou Félix-Mars d’Hircanie, publié par Melchior de Ortega, chevalier d’Ubèda. Valladolid, 1556.
Sa mère Marcelina, femme du prince Florasan de Misia, le mit au jour dans un bois, et le confia à une femme sauvage, appelée Balsagina, qui, des noms réunis de ses parents, le nomma Florismars, puis Félix-Mars.
Chronique du très-vaillant chevalier Platir, fils de l’empereur Primaléon. Vallodolid, 1535. L’auteur de cet ouvrage est inconnu, comme le sont la plupart de ceux qui ont écrit des livres de chevalerie.
Livre de l’invincible chevalier Lepolemo, et des exploits qu’il fit, s’appelant le chevalier de la Croix. Tolède. 1562 et 1565. Ce livre a deux parties, dont l’une, au dire de l’auteur, fut écrite en arabe, sur l’ordre du sultan Zuléma par un More nommé Zarton, et traduite par un captif de Tunis; l’autre en grec, par le roi Artidore.
Cet ouvrage est forme de quatre parties: la première, composée par Diego Ordonez de Calahorra, fut imprimée en 1562, et dédiée à Martin Cotez, fils de Fernand Cortez; la seconde, écrite par Pedro de la Sierra, fut imprimée à Saragosse, en 1586; les deux dernières, composées par le licencié Marcos Martinez, parurent aussi à Saragosse, en 1603.
Tout le monde sait que Boyardo est auteur de Roland amoureux, et l’Arioste de Roland furieux.
Ce capitaine est don Geronimo Ximenez de Urrea. don Diego de Mendoza avait dit de lui: « Et don Geronimo de Urrea n’a-t-il pas gagné renom de noble écrivain et beaucoup d’argent, ce qui importe plus, pour avoir traduit le Roland furieux, c’est-à-dire pour avoir mis, où l’auteur disait cavaglieri. cavalleros; arme, armas; amori, amores? De cette façon, j’écrirais plus de livres que n’en fit Mathusalem. »
Ce poëme, écrit en octaves, est d’Agustin Alonzo, de Salamanque. Tolède , 1585. Il ne faut pas le confondre avec celui de l’évêque Balbuéna, qui ne parut qu’après la mort de Cervantès.
De Francisco Garrido de Villena. Tolède, 1585.
Le premier des Palmerins est intitulé Livre du fameux chevalier Palmerin d’Olive, qui fit par le monde de grands exploits d’armes, sans savoir de qui il était fils. Médina del Campo, 1365. Son auteur est une femme portugaise, à ce qu’on suppose, dont le nom est resté inconnu. L’autre Palmerin (Chronica do famoso é muito esforzado cavaleiro Palmeirim de Ingalaterra, etc.) est formé de six parties. Les deux premières sont attribuées, par les uns, au roi Jean II par d’autres, à l’infant don Louis, père du prieur de Ocrato, qui disputa la couronne de Portugal à Philippe II; par d’autres encore, à Francisco de Moraes. Les troisième et quatrième parties furent composées par Diego Fernandez. Les cinquième et sixième, par Balthazar Gonzalez Lobato, tous Portugais.
Ce roman est intitulé Livre du valeureux et invincible prince don Bélianis de Grèce, fils de l’empereur don Bétiano et de l’impératrice Clorinda; traduit de la langue grecque, dans laquelle l’écrivit le sage Friston, par un fils du vertueux Torribio Fernandez. Burgos, 1579. Ce fils du vertueux Torribio était le licencié Geronimo Fernandez, avocat à Madrid.
C’est-à-dire le délai nécessaire pour assigner en justice ceux qui résident aux colonies, six mois au moins.
L’une était suivante et l’autre duègne de la princesse Carmésina, prétendue de Tirant-le-Blanc.
Cet auteur inconnu, qui méritait les galères, au dire du curé, inlitula son ouvrage: Tirant-le-Blanc, de Roche-Salée, chevalier de la Jarretière, qui, par ses hauts faits de chevalerie, devint prince et césar de l’empire grec. Le héros se nomme Tirant parce que son père était seigneur de la marche de Tirania, et Blanco, parce que sa mère s’appelait Blanche; on ajouta de Roche-Salée, parce qu’il était seigneur d’un château fort bâti sur une montagne de sel. Ce livre, l’un des plus anciens du genre, fut probablement écrit en portugais par un Valencien nommé Juannot Martorell. Une traduction en langue limousine , faite par celui-ci et terminée , après sa mort, par Juan de Galba, fut imprimée à Valence, en 1490. Les exemplaires de la traduction espagnole, publiée à Valladolid, en 1516, sont devenus d’une extrême rareté. Ce livre manque dans la collection de romans originaux de chevalerie que possède la bibliothèque royale de Paris. On l’a même vainement cherché, dans toute l’Espagne, pour la bibliothèque de Madrid, et les commentateurs sont obligés de le citer en italien ou en français.
Portugais: il était poète, musicien et soldat. Il fut tué dans le Piémont, en 1561.
Salmantin vent dire de Salamanque. C’était un médecin de cette ville, nommé Alonzo Perez.
Poëte valencien, qui continua l’œuvre de Montemayor, sous le titre de Diana enamorada.
Voici le titre de l’ouvrage : Les dix livres de Fortune d’amour, où l’on trouvera les honnêtes et paisibles amours du berger Frexano et de la belle bergère Fortune. Barcelone, 1575.
Par don Bernardo de la Vega, chanoine de Tucuman. Séville, 1591.
Par Bernardo Gonzalez de Bobadilla. Alcala, 1587.
Par Bartolome Lopez de Enciso. Madrid, 1586.
Par Luis Galvez de Montalvo. Madrid, 1582.
Par don Pedro Padilla. Madrid, 1575.
Imprimé à Madrid en 1586.
Cervantès renouvela, dans la dédicace de Persitès y Sigismunda, peu de jours avant sa mort, la promesse de donner cette seconde partie de la Galatée. Mais elle ne fut point trouvée parmi ses écrits.
Le grand poëme épique de l’Araucana est le récit de la conquête de l’Arauco, province du Chili, par les Espagnols. Alouzo de Ereilla faisait partie de l’expédition. L’Austriada est l’histoire héroïque de don Juan d’Autriche, depuis. la révolte des Morisques de Grenade jusqu’à la bataille de Lépante. Enfin le Monserrate décrit la pénitence de saint Garin et la fondation du monastère de Monserrat, eu Catalogue, dans le neuvième siècle.
Poëme en douze chants, de Luis Barahona de Solo, 1586,
Il y avait , à l’époque de Cervantès, deux poèmes de ce nom sur les victoires de Charles-Quint: l’un de Geronimo Sampere , Valence, 1560; l’autre de Juan Ochoa de la Salde , Lisbonne, 1585.
Et Leon de Espana, poème en octaves, de Pedro de la Vecilla Castellanos , sur les héros et les martyrs de l’ancien royaume de Léon. Salamanque, 1586.
Los hechos del imperador. C’est un autre poème (Carlo famoso) en l’honneur de Charles-Quint, compose, non par don Luis de Avila, mais par don Luis Zapata. Il y a dans le texte une faute de l’auteur ou de l’imprimeur.
Allusion au tournoi de Presepolis, dans le roman de Bélianis de Grèce.
Cervantès aura sans doute écrit Friston, nom de l’enchanteur, auteur suppose de Bélianis, qui habitait la forêt de la Mort.
Cette aventure de Diego Perez de Vargas, surnommé Machuca, arriva à la prise de Xerês, sous saint Ferdinand. Elle est devenue le sujet de plusieurs romances.
Règle neuvième : «Qu’aucun chevalier ne se plaigne d’aucune blessure qu’il ait reçue. »
(MARQUEZ, Tesoro militar de cavalleria.
Cervantes divisa la première partie du Don Quichotte en quatre livres fort inégaux entre eux, car le troisième est plus long que les deux premiers, et le quatrième plus long que les trois autres. Il abandonna cette division dans la seconde partie, pour s’en tenir à celle des chapitres.
Ainsi ce fut le sage Alquife qui écrivit la chronique d’Amadis de Grèce ; le sage Friston, l’histoire de don Bélianis; les sages Artémidore et Lirgandéo , celle du chevalier de Phœbus; le sage Galténor, celle de Platir, etc.
On cette plaisanterie , fort heureusement placée par Cervantès en cet endroit, avait cours de son temps, même hors de l’Espagne, ou Shakspeare et lui l’ont imaginée à la fois. On lit , dans les Joyeuses bourgeoises de Windsor (acte II, scène II ):
« Bonjour, ma bonne femme.
FALSTAF.
QUICKLY.
« Plaise à votre seigneurie , ce nom ne m’appartient pas.
FALSTAF.
« Ma bonne fille, donc. FALSTAF.
QUICKLY.
« J’en puis jurer comme l’était ma mère quand je suis venue au monde.
Cervantès veut parler de l’hébreu , et dire qu’il aurait bien trouvé quelque juif à Tolède.
On a donné le nom de Morisques aux descendants des Arabes et des Mores restés en Espagne après la prise de Grenade, et convertis par force au christianisme. Voir, à ce sujet, l’Essai que j’ai publié sur l’histoire des Arabes et des Mores d’Espagne, Appendice, tome II.
Pour acommoder son livre à la mode des romans de chevalerie, Cervantès suppose qu’il fut écrit par un More, et ne se réserve à lui-même que le titre d’éditeur. Avant lui , le licencié Pedro de Lujan avait fait passer son histoire du chevalier de la Croix pour l’œuvre du More Xarton , traduite par un captif de Tunis.
L’orientaliste don José Conde a récemment découvert la signification du nom de ce More, auteur supposé du Don Quichotte. Ben-Engéli est un composé arabe dont la racine, iggel ou eggel, veut dire cerf, comme Cervantès est un compose espagnol dont la racine est ciervo. Engéli est l’adjectif arabe correspondant aux adjectifs espagnols cerval ou cervanteno. Cervantès, longtemps captif parmi les Mores d’Alger, dont il avait appris quelque peu la langue, a donc caché son nom sons un homonyme arabe.
Une des académies de France, celle de Troyes en Champagne, prit au sérieux la plaisanterie du prétendu Ben-Engéli; elle envoya dans le milieu du dix-septième siècle un commissaire à Madrid pour vérifier si la traduction de Cervantès était conforme au manuscrit arabe qui devait se trouver dans la bibliothèque de l’Escurial ajoutant, dans ses instructions , que la publication de l’original serait d’un prix inestimable pour la littérature de l’Orient.
Au contraire, c’est la seule fois que Sancho soit nommé Zancas. Il est presque superflu de dire que Panza signifie pause, et Zancas, jambes longues et cagneuses..
Cervantès fait sans doute allusion au nom de chien que se donnaient réciproquement les chrétiens et les Mores. On disait en Espagne, perro moro.
La Santa Hermandad ou Sainte Confrérie, était une juridiction ayant ses tribunaux et sa maréchaussée, spécialement chargée de la poursuite et du châtiment des malfaiteurs. Elle avait pris naissance des le commencement du treizième siècle, en Navarre, et par des associations volontaire ; elle pénétra depuis en Castille et en Aragon, et fut complètement organisée sous les rois catholiques.
On Fier à Bras. «C’était, dit l’Histoire de Charlemagne, un géant. roi d’Alexandrie, fils de l’amiral Balan , conquérant de Rome et de Jérusalem, et païen ou Sarrasin. Il était grand ennemi d’Olivier, qui lui faisait des blessures mortelles ; mais il eu guérissait aussitôt en buvant d’un baume qu’il il portait dans deux petits barils gagnés à la conquête de Jérusalem. Ce baume était, à ce qu’on croit, une partie de celui de Joseph d’Arimathie (qui servit à embaumer le Sauveur). Mais Olivier, ayant réussi à submerger les deux barils au passage d’une profonde rivière, vainquit Fier à Bras, qui reçut ensuite le baptême et mourut converti , comme le rapporte Nicolas de Piamonte. » (Historia de Carlo Magno. cap. VIII et XII.
Orlando furioso, cant. 18 , 161 , etc.
Voici le serment du marquis de Mantoue, tel que le rapportent les anciens romances composés sur son aventure: « Je jure de ne jamais peigner mes cheveux blancs ni couper ma barbe, de ne point changer d’habits ni renouveler ma chaussure , de ne point entrer en lieux habités ni ôter mes armes, si ce n’est pour une heure afin de me laver le corps, de ne point manger sur nappe ni m’asseoir à table, jusqu’à ce que j’aie tué Charlot, ou que je sois mort dans le combat..... »
Dans le poème de Boyardo, le roi de Tartarie, Agrican, vient faire le siège d’Albraque avec une armée de deux millions de soldats, qui couvrait quatre lieues d’étendue. Dans le poème de l’Arioste , le roi Marsilio assiège la même forteresse avec les trente-deux rois ses tribulaires et tous leurs gens d’armes.
Royaumes imaginaires cités dans l’Amadis de Gaule.
Il peut être curieux de comparer cette description de l’âge d’or avec celles qu’en ont faites Virgile, dans le premier livre des Géorgiques ; Ovide, dans le premier livre des Métamorphoses, et le Tasse. dans le chœur de bergers qui termine le premier acte de l’Aminta.
Presque tous les instituts de chevalerie adoptèrent la même devise. Dans l’ordre de Malte, on demandait au récipiendaire : « Promettez-vous de donner aide et faveur aux veuves, aux mineurs, aux orphelins et à toutes les personnes affligées ou malheureuses? » Le novice répondait: « Je promets de le faire avec l’aide de Dieu. »
Rabel , espère de violon à trois cordes , que l’on connaissait en Espagne dès les premières années du quatorzième siecle, car l’archiprètre de Hita en fait mention dans ses poésies.
Il y a dans l’original « ..... Plus que sarna (la gale) » pour Sara, femme d’Abraham.
Don Quichotte répond ensuite : « Sarna vit plus que Sara. » Ces jeux de mots ne pouvaient être traduits.
Il est dit, au chapitre XCIX du roman d’Esplandian, que l’enchanteresse Morgaina, sœur du roi Artus, le tenait enchanté, mais qu’il reviendrait sans faute reprendre un jour le trône de la Grande-Bretagne. Sur son sépulcre, au dire de don Diégo de Véra (Epitome de los imperios), on avait gravé ce vers pour épitaphe :
Hic jacel Arturus, rex quondam, rexque futurus.
qu’on pourrait traduire ainsi :
Cit-git Athur,
Roi passé, roi futur.
Julian del Castillo a recueilli dans un ouvrage grave (Historia de los reyes godos), un conte populaire qui courait à son époque : Philippe II, disait-on, en épousant la reine Marie, héritière du royaume d’Angleterre, avait juré que, si le roi Artus revenait de son temps, il lui rendrait le trône.
Le docteur John Bowle, dans ses annotations sur le Don Quichotte, rapporte une loi d’Hoëlius le Bon, roi de Galles, promulguée en 998, qui défend de tuer des corbeaux sur le champ d’autrui. De cette défense, mêlée à la croyance populaire qu’Artus fut changé en corbeau, a pu naître l’autre croyance que les Anglais s’abstenaient de tuer ces oiseaux, dans la crainte de frapper leur ancien roi.
L’ordre de la Table-Ronde, fondé par Artus, se composait de vingt-quatre chevaliers et du roi président. On y admettait les étrangers: Roland en fut membre, ainsi que d’autres pairs de France. Le conteur don Diego de Véra, qui recueillait dans son livre (Epitome de los imperiōs) toutes les fables populaires, rapporte que, lors du mariage de Philippe II avec la reine Marie, on montrait encore, à Hunserit, la table ronde fabriquée par Merlin; qu’elle se composait de vingt-cinq compartiments, teintés en blanc et en vert, lesquels se terminaient en pointe au milieu, et allaient s’élargissant jusqu’à la circonférence, et que dans chaque division étaient écrits le nom du chevalier et celui du roi. L’un de ces compartiments, appelé place de Judas, ou siège périlleux, restait toujours vide.
Le romance entier est dans le Cancionero, page 242 de l’édition d’Anvers. Lancelot du Lac fut originairement écrit par Arnault Daniel, poëte provençal.
Renaud de Montauban devint empereur de Trébisonde ; Bernard del Carpio, roi d’Irlande ; Palmerin d’Olive, empereur de Constantinople; Tirant le Blanc, césar de l’empire de Grèce, etc.
« Tirant le Blanc n’invoquait aucun saint, mais seulement le nom de Carmesine ; et, quand on lui demandait pourquoi il n’invoquait pas aussi le nom de quelque saint, il répondait : «Celui qui sert plusieurs ne sert personne. » (Liv. III, chap. XXVIII.)
Ainsi, lorsque Tristan de Leonais se précipite d’une tour dans la mer, il se recommande à l’amie Iseult et à son doux Redempteur.
L’article 31 des statuts de l’ordre de l’Écharpe (la Banda) était ainsi conçu : « Qu’aucun chevalier de l’Écharpe ne « soit sans servir quelque dame, non pour la déshonorer, mais pour lui faire la cour et pour l’épouser. Et quand elle sortira, qu’il l’accompagne à pied ou à cheval, tenant à la main son bonnet, et faisant la révérence avec le genou. »
Don Quichotte veut parler sans doute de la princesse Briolange, choisie par Amadis pour son frère Galaor. « Il s’éprit tellement d’elle, et elle lui parut si bien, que, quoiqu’il eût vu et traité beaucoup de femmes, comme cette histoire le raconte, jamais son cœur ne fut octroyé en amour véritable à aucune autre qu’à cette belle reine. » (Amadis, lib. IV, cap. CXXI.)
On donnait alors dans le peuple le nom de cachopin ou gachupin à l’Espagnol qui émigrait aux Grandes-Indes par pauvreté ou vagabondage.
Chrysostome étant mort désespéré, comme disent les Espagnols, c’est-à-dire par un suicide, son enterrement se fait sans aucune cérémonie religieuse. Ainsi il est encore vêtu en berger, et ne porte point la mortaja, habit religieux qui sert de linceul a tous les morts.
Les stances de ce chant (cancion) se composent de seize vers de onze syllabes (endecasilabos), dont les rimes sont disposées d’une façon singulière, inusitée jusqu’à Cervantès, et qu’on n’a pas imitée depuis. Dans cet arrangement, le pénultième vers, ne trouvant point de consonnance dans les autres, rime avec le premier hémistiche du dernier.
Mas gran simploza es avisarte desto,
Pues se que esta tu gloria conocida
En que mi vida llegue al fin fan presto-
Comme ces singularités, et même les principales beautés de la pièce (où elles sont rares) se trouvent perdues dans la traduction, je l’aurais volontiers suprimée, pour abréger l’épisode un peu long, un peu métaphysique de Chrysostome et de Marcelle, s’il était permis à un traducteur de corriger son modèle, surtout quand ce modèle est Cervantès.
L’érudition de l’etudiant Ambroise est ici en défaut. Tarquin était le mari de Tullia, et c’est le corps de son père Servius Tullius qu’elle foula aux pieds.
Que fue pastor de ganado
Perdido por desamor.
Il y a dans cette strophe un insipide jeu de mots entre les paroles voisines ganado et perdido ; celle-ci veut dire perdu l’autre, qui signifie troupeau, veut dire aussi gagné.
Habitants du district de Yanguas, dans la Rioja.
Amadis tomba deux fois au pouvoir d’Archalaüs. La première, celui-ci le tint enchanté; la seconde, il le jeta dans une espèce de souterrain, par le moyen d’une trappe. Le roman ne dit pas qu’il lui ait donné des coups de fouet; mais il lui fit souffrir la faim et la soif. Amarlis fut secouru dans cette extrémité par une nièce d’Archalaüs, la demoiselle muette, qui lui descendit dans un panier un pâté au lard et deux barils de vin et d’eau. (Chap. XIX et XLIX).
Tizona, nom de l’une des épées, du Cid. L’autre s’appelait Colada.
Beltenebros.
Avant leur expulsion de l’Espagne, les Morisques s’y occupaient de l’agriculture, des arts mécaniques et surtout de la conduite des bêtes de somme. La vie errante des muletiers les dispensait de fréquenter les églises, et les dérobait à la sur- veillance de l’inquisition.
Voir la note 1 du chapitre X.
Le supplice de Sancho était dès longtemps connu. Suetone rapporte que l’empereur Othon, lorsqu’il rencontrait, pendant ses rondes de nuit, quelques ivrognes dans les rues de Rome, les faisait herner..... distente sagulo in sublime jactare. Et Martial, parlant à son livre, lui dit de ne pas trop se lier aux louanges, « car, par derrière, ajoute-t-il :
This ab excusso missus in astra sago. »
Les étudiants des universités espagnoles s’amusaient, au temps du carnaval, à faire aux chiens qu’ils trouvaient dans les rues ce que l’empereur Othon faisait aux ivrognes.
C’est Amadis de Grèce qui fut appelé le chevalier de l’Ardente-Epée, parce qu’en naissant il en avait une marque sur le corps, depuis le genou gauche jusqu’à la pointe droite du cœur, aussi rouge que le feu. (Part. I, chap. XLVI.) Comme don Quichotte dit seulement Amadis, ce qui s’entend toujours d’Amadis de Gaule, et qu’il parle d’une épée véritable, il voulait dire, sans doute, le chevalier de la Verte-Épée. Amadis reçut ce nom, sous lequel il était connu dans l’Allemagne, parce que, à l’épreuve des amants fidèles, et sons les yeux de sa maîtresse Oriane, il tira cette merveilleuse épée de son fourreau, fait d’une arête de poisson, verte et si transparente qu’on voyait la lame au travers. (Chap. LVI, LXX et LXXIII.)
Nom de file de Ceylan dans l’antiquité.
Peuples de l’intérieur de l’Afrique.
Ce ne sont pas les portes du temple où il périt qu’emporta Samson, mais celles de la ville de Gaza. (Juges, chap. XVI.
Littéralement chercher mon sort à la piste, dépister mon sort.
On croit que ce nom, donné par les Arabes à la rivière de Grenade, signifie semblable au Nil.
De Tarifa.
Les Biscayens.
Andrès de Laguna, né à Ségovie, médecin de Charles-Quint et du pape Jules III, traducteur et commentateur de Dioscorides.
Le texte dit simplement encamisados, nom qui conviendrait parfaitement aux soldats employés dans une de ces attaques nocturnes où les assaillants mettaient leurs chemises par-dessus leurs armes, pour se reconnaître dans les ténèbres, et que par cette raison on appelait camisades (en espagnol encamisadas.) J’ai cru pouvoir, à la faveur de ce vieux mot, forger celui d’enchemisé.
Don Bélianis de Grèce s’était appelé le chevalier de la Riche Figure.
Concile de Trente (chap. LV).
Cette prétendue aventure du Cid est racontée avec une naïveté charmante dans le vingt et unième romance de son Romancero.
C’est sans doute une allusion au Nil, dont les anciens plaçaient la source au sommet des montagnes de la Lune, dans la haute Éthiopie, du haut desquelles il se précipitait par deux immenses cataractes. (Ptolomée, Géog., liv. IV.)
Les bergers espagnols appellent la constellation de la petite Ourse le cor de chasse (la bocina). Cette constellation se compose de l’étoile polaire, qui est immobile, et de sept autres étoiles qui tournent autour, et qui forment une grossière image de cor de chasse. Pour connaître l’heure, les bergers figurent une croix ou un homme étendu, ayant la tête, les pieds, le bras droit et le bras gauche. Au centre de cette croix est l’étoile polaire, et c’est le passage de l’étoile qui forme l’embouchure du cor de chasse (la boca de la bocina) par ces quatre points principaux, qui détermine les heures de la nuit. An mois d’août, époque de cette aventure, la ligne de minuit est en effet au bras gauche de la croix, de sorte qu’au moment où la boca de la bocina arrive au-dessus de la tête, il n’y a plus que deux ou trois heures jusqu’au jour. Le calcul de Sancho est à peu près juste.
Quelquefois les contes de bonne femme commençaient ainsi : ..... « Le bien pour tout le monde, et le mal pour la maîtresse du curé. »
L’histoire de la Torralva et des chèvres à passer n’était pas nouvelle. On la trouve, au moins en substance dans la XXXIe des Cento Novelle antiche de Francesco Sansovino, imprimées en 1575. Mais l’auteur italien l’avait empruntée lui-même à un vieux fablian provençal du treizieme siècle, ( Le Fablcor, collection de Barbazan, 1756), qui n’était qu’une traduction en vers d’un conte latin de Pedro Alfonso, juif converti, medecin d’Alphonse le Batailleur, roi d’Aragon vers 1100. 17
On appelle vieux chrétiens, en Espagne, ceux qui ne comptent parmi leurs ancêtres ni Juifs ni Mores convertis.
Allusion au proverbe espagnol : « Si la pierre donne sur la cruche, taut pis pour la cruche ; et si la cruche donne sur la pierre, tant pis pour la cruche. »
Armet enchanté appartenant au roi more Mambrin. et qui rendait invulnérable celui qui le portait.
(Boyardo et l’Arioste.)
Palmérin d’Olive, chap.XLIII.
Esplandiun, chap. CXLVII et CXLVIII.
Amadis de Gaule, chap. CXVII.
Amadis de Gaule, chap. LXVII, part. 2, etc.
Amadis de Gaule, chap. XIV. — Le Chevalier de la Croix, chap. CXLIV, etc.
Bernard del Curpio, canto XXXVIII. — Primaléon, chap. CLVII.
Tirant le Blanc, part. 1re, chap. XL, etc. — Le Chevalier de la Croix, liv. I. Chap. LXV et suiv. etc.
Suivant les anciennes lois du Feuro-Juzgo et les Fueros de Castille, le noble qui recevait un grief dans sa personne ou ses biens pouvait réclamer une satisfaction de 500 sueldos. Le vilain n’en pouvait demander que 300.
(Garibay lib. XII,) cap. XX.)
On croit que Cervantès a voulu désigner don Pedro Giron, duc d’Osuna, vice-roi de Naples et de Sicile. Dans son Théâtre du gouvernement des vice-rois de Naples, Domenicho Antonio Parrino dit que ce fut un des grands hommes du siècles, et qu’il n’avait de petit que la taille: di picciolo non avea altro que la statura.
« Quand le seigneur sort de sa maison pour aller à la promenade ou faire quelque visite. l’écuyer doit le suivre à cheval. » (Miguel Velgo, Estilo de servir à principes 1614.)
On trouve dans le vieux code du treizième siècle, appelé Fucro-Juzgo, des peines contre ceux qui font tomber la grêle sur les vignes et les moissons, ou ceux qui parlent avec les diables, et qui font tourner les volontés aux hommes et aux femmes (Lib. VI fit. II, ley. 4). Les Partidas punissent également ceux qui font des images ou autres sortiléges et donnent des herbes pour l’amourachement des hommes et des femmes. (Part. VII, lit. XXIII, ley 2 y 3.)
L’auteur de Guzman d’Alfarache, Matco Aleman, dit de son héros : « ..... Il écrit lui-même son histoire aux galères, « où il est forçat à la reine, pour les crimes qu’il a commis... »
Amadis de Gaule, ayant vaincu le géant Madraque, lui accorde la vie, à condition qu’il se fera chrétien, lui et tous ses vassaux, qu’il fondera des églises et des monastères, et qu’enfin il mettra en liberté tous les prisonniers qu’il gardait dans ses cachots, lesquels étaient plus de cent, dont trente chevaliers et quarante duègnes ou damoiselles. Amadis leur dit, quand ils vinrent lui baiser les mains en signe de reconnaissance : « Allez trouver la reine Brisena, dites-lui comment vous envoie devant elle son chevalier de l’Ile-Ferme et baisez-lui la main pour moi. » (Amadis de Gaule, liv. III, chap. LXV.)
On appelle en Espagne sierra (scie) une cordillère, une chaîne de montagnes. La Sierra-Morena (montagnes brunes), qui s’étend presque depuis l’embouchure de l’Èhre jusqu’au cap Saint-Vincent, en Portugal, sépare, la Manche de l’Andalousie. Les Romains l’appelaient Mons Marianus.
La Sainte-Hermandad faisait tuer à coups de flèches les criminels qu’elle condamnait, et laissait leurs cadavres exposés sur le gibet.
Il parait que Cervantès ajouta après coup, dans ce chapitre, et lorsqu’il avait écrit déjà les deux suivants, le vol de l’âne de Sancho par Ginès de Passamont. Dans la première édition du Don Quichotte, il continuait, après le récit du vol. à Parler de l’âne comme s’il n’eût pas cessé d’être en la possession de Sancho, et il disait ici : « Sancho s’en allait derrière son maître, assis sur son âne à la manière des femmes. . . » Dans la seconde édition, il corrigea cette inadvertance, mais incomplètement, et la laissa subsister en plusieurs endroits. Les Espagnols ont religieusement conservé son texte, et jusqu’aux disparates que forme cette correction partielle. J’ai cru devoir les faire disparaître, sauf toutefois une seule mention de l’âne, que j’ai gardée au chapitre XXV. L’on verra, dans la seconde partie du Don Quichotte, que Cervantès se moque lui-même fort gaiement de son étourderie, et des contradictions qu’elle amène dans le récit.
Témoin celle d’Amadis de Gaule.
Leonoreta sin roseta,
Blanca sobre toda Ilor,
Sin roseta no me meta
En tal culpa vuestro amor, etc.
(Lib. II, cap. I.I.V.)
Carta signifie également lettre et charte ; de la la question de Sancho.
Coleto de ambar. Ce pourpoint parfumé se nommait en France, au seizième siecle, collet de senteur ou collet de fleurs. (Voir Montaigne, livre I, chap. XXII, et les notes.)
Personnages de la Chronique de don Florisel de Niquea par Féliciano de Silva.
Chirurgien d’Amadis de Gaule.
Voir la note 1 de la page 151.
Amandis de Gaule chap. XXI, XLet suiv.
On peut voir, dans l’Amadis de Gaule (chap. LXXIII, la description d’un andriaque ne des amours du geant Bandagnido et de sa fille.
Orlando furioso, chants XXIII et suiv.
Imitation burlesque de l’invocation d’Albanio dans la seconde églogue de Garcilaso de la Vega.
Orlando furioso, chant IV, etc.
In inferno nulla est redemptio.
Le- poëtes, cependant, n’ont pas toujours célèbre d’imaginaires beautés, et, sans recourir la Béatrix du Danté ou à la Laure de Pétrarque, on peut citer, en Espace, la Diane de Montemayor et la Galathée de Cervantès lui-même.
Il est sans doute inutile de faire observer que, pour augmenter le hurle que de cette lettre de change. don Quichotte y emploie la forme commerciale.
Expression espagnole pour dire : Elle me porterait respect.
C’est Thesee que voulait dire don Quichotte.
C’était Ferragus, qui portait sept lames de fer sur le nombril. (Orlando furioso canto XII.)
Orlando furioso, canto XXIII.
Phaeton.
. . . Currus auriga paterni,
Quem si non tenuit, maguis lamen exeidit ausis.
(Ovid., Met., liv. II.)
Ces strophes sont remarquables, dans l’original, par une coupe étrange et par la bizarrerie des expressions qu’il fallait employer pour trouver des rimes au nom de don Quichotte : singularités entièrement perdues dans la traduction.
A la manière de l’archevêque Turpin, dans le Morgante maggiore de Luigi Pulei.
Roi goth, détrôné en 680, et dont le nom est resté populaire en Espagne.
Comme le plus grand charme des trois strophes qui suivent est dans la coupe de vers et dans l’ingénieux arrangement des mots, je vais, pour les faire comprendre, transcrire une de ces strophes en original :
¿ Quien menoscaha mis bienes?
Desdenes.
¿ Y quien aumenta mis duelos ?
Lus zelos.
¿ Y quien prueba mi paciencia ?
Ansencia.
De ese modo en mi dolencia
Ningun remedio se aleanza,
Pues me matan la esperanza
Desdencs, zelos v auscencia.
Malgré mon respect pour le texte de Cervantès, j’ai cru devoir supprimer ici une longue et inutile série d’imprécations, où Cardénio donne à Fernand les noms de Marius, de Sylla, de Catilina, de Julien, etc., en les accompagnant de leurs épithètes classiques. Cette érudition de collège aurait fait tache dans un réçit habituellement simple et toujours touchant.
Parabole du prophête Nathan, pour reprocher à David l’enlèvement de la femme d’Urie. ( Rois, liv. II, chap. XII.)
Pellicer croit voir ici une allusion à cette sentence de Virgile :
Una salus victis nullam spépare salutem.
Malgré cet étage des épisodes introduits dans la première partie du Don Quichotte, Cervantes en fait lui-même la critique, par la bouche du bachelier Sunson Carraseo, dans ‘a seconde partie, beaucoup plus sobre d’incidents étrangers.
Espèce de casqette sans visière, dont se coiffent les paysans de la Manche et des Andalousies.
Cervantès voulait probablement designer le duc d’Osuna, et peut-être y avait-il un fond véritable à l’histoire de Dorothée.
Pour Ganelon, voir la note 2, page 10. — Vellido est un chevalier castillan qui assassina le roi Sanche II au siège de Zeunora, en 1073.
Zulema. est le nom d’une montagne au sud-ouest d’Alcala de Hénarès, patrie de Cervantès. Au sommet de cette montagne on a trouvé quelques ruines qu’on croit être celles de l’ancien Complutum.
En Espagne, on appelait en salmo une manière miraculeuse de guérir les maladies, en récitant. sur le malade certaines prières. Ce charme s’appelait ainsi (en salmo). parce que les paroles sacramentelles étaient ordinairement prises dans les psaumes.
Allusion à l’un des tours de maquignonnage des Bohémiens, qui, pour donner du train au mulet le plus lourd ou à l’âne le plus paresseux, leur versaient un peu de vif-argent dans les oreilles.
Ce roman fut composé par Bernardo de Vergas; il est intitulé : Les livres de don Cirong lio de Taraca, fils du nob le roi Èlesphron de Macédoine, tels que les écrivit Novarcus en grec, et Prom’isis en latin. Séville, 1345, in-folio.
Voir la note 2 de la page 38.
Gonzalo Fernandez de Cordova. Son histoire, sans nom d’auteur, fut imprimée à Saragosse en 1559.
En 1169 Il mourut à Bologne en 1533.
Voici comment la Chronique du Grand Capitaine raconte cette aventure : « Diégo Garcia de Parédès prit une épée à deux mains sur l’épaule. . . . et se mit sur le pont du Garellano, que les Français avaient jeté peu auparavant, et, combattant contre eux, il commença à faire de telles preuves de sa personne, que jamais n’en tirent de plus grandes en leur temps Hector, Jules César, Alexandre le Grand, ni d’autres anciens valeureux capitaines, paraissant réellement un autre Horatius Coclès, par sa résolution et son intrépidité. » (Chap. CVI.)
A la fin de la Chronique du Grand Capitaine, se trouve un Abrégé de la vie et des actions de Diégo Garcia de Pa- rédès (Breve suma de la vida y hechos de Diego Garcia de Parédès), écrit par lui-même, et qu’il signa de son nom.
Mulierem fortem quis inveniet ? (Prov., cap. XXXI.)
Périclès. (Voir Plutarque. de la Mauvaise Honte.)
Luigi Tansilo, de Nola, dans le royaume de Naples, écrivit le poëme des Larmes de saint Pierre (Le Lagrime di San Pietro), pour réparer le scandale qu’avait causé son autre poëme licencieux. intitulé le Vendangeur (il Vendemmiatore). Le premier fut traduit en espagnol, d’abord partiellement, par le licencié Gregorio Hernandez de Velasco, célèbre traducteur de Virgile ; puis, complétement, par Frav Damiau Alvarez. Toutefois, la version de la stance citée est de Cervantès.
Allusion à l’allégorie que rapporte Aristote, dans le XLIIIe chant de son Orlando Furioso, où Cervantès a pris l’idée de la présente nouvelle, Arioste avait emprunté lui-même l’histoire du vase d’épreuve au livre premier de Tristan de Léonais.
Guzman d’Alfarache réduit tout ce raisonnement eu peu de paroles: « Ma femme seule pourra m’ôter l’honneur, suivant l’opinion d’Espagne, en se l’ôtant à elle-même : car, puisqu’elle ne fait qu’une chose avec moi, mon honneur et le sien font un et non deux, comme nous ne faisons qu’une même chair. » (Liv. II. chap. II.)
Ce billet est littéralement conservé dans la comédie composée par don Guillen de Castro, sur le même sujet et sous le même titre que cette nouvelle
Cervantès a répète ce sonnet dans sa comédie intitulée la Casa de los zelos (la Maison jalousie), au commencement de la seconde jornada.
Voici, d’après un vers de Luis Barahona, dans son poëme des Larmes d’Angélique (Lagrimas de Angelica, canto iv) ce que signifient ces quatre S. S. S. S.
SADIO, SOLO, SOLICITO, SECRETO,
qu’on peut traduire ainsi :
Spirituel, Seul, Soigneux et Sûr.
Je laisse cette faute d’orthographe, qui se trouve aussi dans l’original (onesto pour honesto) ; une cameriste n’y regarde pas de si près.
Cervantes commet un anachronisme. Le Grand Capitaine, après avoir quitté l’Italie en 1507, mourut à Grenade en 1515. Lautree ne parut à la tête de l’armée Française qu’en 1527, lorsque le prince d’Orange commandait celle de Charles-Quint.
On portait alors, surtout en voyage, des masques (antifaces) faits d’étoffe légère, et le plus souvent de taffetas nair.
Lella, ou plutôt Étella, veut dire en arabe, d’après l’académie espagnole, l’adorable, la divine, la bienheureuse par excellence. Ce nom ne se donne qu’à Marie, mère de Jésus. Zoraida est un diminutif de zorath, fleur.
Macangé est un mot turc corrompu (angé mac), qui veut dire nullement, en aucune façon.
Ainsi, au dire de don Quichotte, Cicéron, avec son adage cedant arma togœ, ne savait ce qu’il disait.
Le mot letras, transporté de l’espagnol au français, produit une équivoque inévitable. Dans la pensée de Cervantès, les lettres divines sont la théologie, et les lettres humaines, la jurisprudence, ce qu’on apprend dans les universités. Le mot letrado, qu’il met toujours en opposition du mot guerrero, signifie, non point un homme de lettres, dans le sens actuel de cette expression, mais un homme de robe. En un mot, c’est la magistrature et ses dépendances qu’il oppose à l’armée.
Don Quichotte, qui emprunte des textes à saint Luc, à saint Jean, à saint Matthieu, oublie ces paroles de l’Ecclésiaste (cap. IX). . . et dicebam ejo metiarem esse sapicatiam fortitudine. . . . . Melior est sapientia quam urma bellica.
Estudiante. C’est le nom qu’on donne indistinctement aux élèves des universités qui se destinent à l’église, à la magistrature, an barreau, et à toutes les professions lettrées.
Aller à la soupe (andar à la sopa), se dit des mendiants qui allaient recevoir à heure fixe, aux portes des couvents dotés, du bouillon et des bribes de pain.
La condition des étudiants à peu changé en Espagne depuis Cervantès. On en voit un grand nombre, encore aujourd’hui, faire mieux que d’aller à la soupe ; à la faveur du chapeau à cornes et du long manteau noir, ils mendient dans les maisons, dans les cafés et dans les rues.
On sait ce que veut dire avoir la manche large.
Cervantès répète ici les imprécations de l’Arioste, dans le onzième chant de l’Orlando furioso :
Come trovastì, o scelerata e brutta.
Invenzion, mai loco in uman cure !
Per le la militar gloria è distrutta ;
Per le il mestier dell’ armi è senza honore ;
Per te è il valore e la virtù ridutta,
Che spesso par del buono il rio migliore. . .
Che ben fu il più crudele, e il più di quanti
Mai furo al mondo ingegni empi e maligni
Chi immagino si abbominosi ordigni.
E credero che Dío, perche vendetta
Ne sìa in eterno, nel profondo chiuda
Del cieco abisso quella maladella
Anima appresso il maladetto Ginda.
Lope de Vega cite ainsi ce vieil adage, dans une de ses comédies (Dorotea, jorn. I, escena CLI) : Trois choses font prospérer l’homme ; science, mer et maison du roi.
Ce Diego de Urbina était capitaine de la compagnie où Cervantès combattit à la bataille de Lépante.
Cervantès parle de cette bataille en témoin oculaire, et l’on conçoit qu’il prenne plaisir à rapporter quelques détails de ses campagnes.
Il s’appelait Aluch-Ali, dont les chrétiens ont fait par corruption Uchali. « Aluch, dit le P. Hacdo, signifie, en turc, nouveau musulman, nouveau converti, ou renégat; ainsi ce n’est pas un nom, mais un surnom. Le nom est Ali, et les deux ensemble veulent dire le renégat Ali. » Epitome de los reyes de Arget.)
« Uchali, dit Arroyo, attaqua cette capitane avec sept galères, et les nôtres ne purent la secourir parce qu’elle s’était trop avancée au delà de la ligne de combat. Des trois chevaliers blessés, l’un était F. Piétro Giustiniano, prieur de Messine et général de Malte; un autre, Espagnol, et un autre, Sicilien. On les trouva encore vivants , enterrés parmi la foule des morts.» (Relacion de la santa Liga, fol. 67. etc.
Capitan-Pacha.
Cervantès fit également cette campagne et celle de l’année 1573.
On appelait ainsi les marins de l’archipel grec. du
≪ Don Juan d’Autriche, dit Arroyo, marcha toute la nuit du 16 septembre 1572, pour tomber au point du jour sur le port de Navarin, où se trouvait toute la flotte turque, ainsi que l’en avaient informé les capitaines Luis de Acusta et Pere Pardo de Villamarin. — Mais le chef de la chiourme, ajoute Aguilera, et les pilotes se trompèrent dans le calcul de l’horloge de sable, et donnèrent au matin contre une île appelée Prodano, à trois lieues environ de Navarin. De sorte qu’Uchali eut le temps de faire sortir sa flotte du port, et de la mettre sous le canon de la forteresse de Modon. »
Au retour de leur captivité, Cervantès et son frère Rodrigo servirent sous les ordres du marquis de Santa-Cruz, à la prise de l’île de Terceira sur les Portugais.
Marco-Antonio Arroyo dit que ce capitan, appelé Hamet-Bey, petit-fils et non fils de Barberousse, « fut tué par un de ses esclaves chrétiens, et que les autres le mirent en pièces à coups de dents, » Geronimo Torrès de Aguilera, qui se trouva, comme Cervantès et comme Arroyo, à la bataille de Lépante, dit que « la galère d’Hamet-Bey fut conduite à Naples, et qu’en mémoire de cet événement, on la nomma la Prise. » (Cronica de varios Sucesos. Le P. Haedo ajoute que ce More impitoyable fouettait les captifs chrétiens de sa chiourme avec un bras qu’il avait coupé à l’un d’eux. (Historia de Argel, fol. 123.)
Muley-Hamida et Muley-Hamet étaient fils de Muley-Hassan, roi de Tunis. Hamida dépouilla son père du trône, et le fit aveugler en lui brûlant les yeux avec un bassin de enivre ardent. Hamet, fuyant la cruauté de son frère, se réfugia à Palerme, en Sicile. Uchali et les Turcs chassèrent de Tunis Hamida, qui se fortifia dans la Goulette. Don Juan d’Autriche, à son tour, chassa les Turcs de Tunis, rappela Hamet de Palerme, le lit gouverneur de ce royaume, et remit le cruel Hamida entre les mains de don Carlos de Aragon, duc de Sesa, vice-roi de Sicile. Hamida fui conduit à Naples, où l’un de ses fils se convertit au christianisme Il eut pour parrain don Juan d’Autriche lui-même, et pour marraine dona Violante de Moscoso, qui lui donnèrent le nom de don Carlos d’Autriche. Hamida en mourut de chagrin. (Torrès de Aguilera. pag, 105 y sig. Bibliot. real., cod. 45, f. 531 y 558.)
Don Juan d’Autriche fit élever ce fort, capable de contenir huit mille soldats, hors des murs de la ville, et près de l’île de l’Estagno, dont il dominait le canal, Il en donna le commandement à Gabrio Cervellon, célèbre ingénieur, qui l’avait construit. Ce fort fut élevé contre les ordres formels de Philippe II, qui avait ordonné la démolition de Tunis Mais don Juan d’Autriche, abusé par les flatteries de ses secrétaires, Juan de Soto’ et Juan de Escovedo, eut l’idée de se faire couronner roi de Tunis, et s’obstina à conserver cette ville. Ce fut sans doute une des causes de la mort d’Escovedo, qu’Antonio Perez, le ministre de Philippe II, fit périr par ordre supérieur, comme il le confessa depuis dans la torture, et sans doute , aussi de la disgrâce d’Antonio Perez, que ses ennemis accablèrent à la fin. (Torrès de Aguilera f. 107. Don Lorenzo Van-der-Hemmen, dans son livre intitulé Don Felipe el Prudente, f. 98 et 152.)
Cette petite île de l’Estagno formait, d’après Ferreras, l’ancien port de Carthage. L’ingénieur Cervellon y trouva une tour antique, dont il fit une forteresse, en y ajoutant des courtines et des boulevards. (Aguilera. f. 122.) Lorsqu’il
Gabrio fut général de l’artillerie et de la flotte de Philippe II. grand prieur de Hongrie, etc. Lorsqu’il fut pris à la Goulette, Sinan-Pacha le traita ignominiensement, lui donna un soufflet, et, malgré ses cheveux blancs, le fit marcher à pied devant son cheval jusqu’au rivage de la mer. Cervellon recouvra la liberté dans l’échange qui eut lieu entre les prisonniers chrétiens de la Goulette et de Tunis et les prisonniers musulmans de Lépante. Il mourut à Milan, en 1580.
C’est le nom qu’on donnait alors aux Albanais.
Le petit moine. — Le véritable nom de cet ingénieur, qui servit Charles-Quint et Philippe II, était Jacome Paleazzo. Outre les constructions militaires dont parle ici Cervantes, il repara, en 1575, les murailles de Gibraltar, et éleva des ouvrages de défense au pont de Zuazo, en avant de Cadix. Ce fut son frère. George Paleazzo, qui traça le plan des fortifications de Mayorque, en 1583, et dirigea les travaux de la citadelle de Punipelune, en 1592.
Le P. Haedo donne la même étymologie à son nom.
Dans sa Topografia de Angel (chap. XXI), le P. lui donne le titre de Capitan des corsaires. « C’est, dit-il, une charge que confère le Grand Turc. Il y a un capitan des corsaires à Alger, un autre à Tripoli, et un troisième à Tunis. » Cet Uchali Fartas était natif de Licastelli, en Calabre. Devenu musulman, il se trouva, en 1560, à la de Gelvess, où plus de 10,000 Espagnols restèrent prisonniers. Plus tard, étant roi ou dey d’Alger, il porta secours aux Morisques de Grenade, révoltes contre Philippe Il. Nommé général de la flotte turque, en 1571, après la bataille de Lépante, il se trouva l’année suivante à Navarin, et mourut empoisonne en 1580.
Les Espagnols le nomment Azanaga.
Bagne (bano) signifie, d’après ta racine arabe dont les Espagnols ont fait albanil (maçon), un édifice en plâtre. — La vie que menaient les captifs dans ces bagnes n’était pas aussi pénible qu’on te croit communément, Ils avaient des oratoire. leurs prêtres disaient la messe; on y célébrait les offices divins avec pompe et en musique; on y baptisait les enfants, et tous les sacrements y étaient administres; on y prêchait, on y faisait des processions, on y instituait des confréries, on y représentait des autos sacramentales, la nuit de Noël et les jours de la Passion ; enfin, comme le remarque Clémencin, les prisonniers musulmans n’avaient certes pas autant de liberté un Espagne, ni dans le reste de la chrétienté, (Gomez de Losada, Escuela de trahajos y cautiverio de Argellih. Il, cap. XLVI y sig.)
Ce maître du captif était Vénitien, et s’appelait Andreta. Il fut pris étant clerc du greffier d’un navire de Raguse. S’étant fait Turc, il prit le nom d’Hassan-Aga, devint élamir, ou trésorier, d’Uchali, lui succéda dans le gouvernement d’Alger, puis dans l’emploi de général de la mer, et mourut, comme lui, empoisonné par un rival qui le remplaça. (Hacdo, Historia de Argel, fol. 89.)
Ce tel de Saavedra est Cervantès lui-même. Voici comment le P. Haedo s’exprime sur son compte: « Des choses qui « se passèrent dans ce souterrain pendant l’espace de sept mois que ces chrétiens y demeurèrent, ainsi que de la captivité et « des exploits de Miguel de Cervantes, on pourrait écrire une histoire, particulière. » (Topografia, fol. 184.) Quant au captif qui raconte ici sa propre histoire, c’est le capitaine Ruy Perez de Viedma, esclave, comme Cervantes d’Hassan-Aga, et l’un de ses compagnons de captivité.
Zalemas
Le P. Haedo, dans sa Topografia et dans son Epitonie de los réyes de Argel, cite souvent cet Agi-Morato, renegat slave, comme un des plus riches habitants d’Alger.
Il se nommait Moralo Raez Maltrapillo. Ce fut ce renégat, ami de Cervantes, qui le sauva du châtiment et peut-être de la mort, quand il tenta de s’enfuir, en 1579. Haedo cite à plusieurs reprises ce Maltrapillo.
Cette esclave s’appelait Juana de Renteria. Cervantès parle d’elle dans sa comédie : Los Banos de Argel, dont le sujet est aussi l’histoire de Zoraïde. Le captif don Lope demande au ranégat Hassem : « Y a-t-il, par hasard, dans cette maison. quelque renégate ou esclave chrétienne ? » Hassem. « Il y eu avait une, les années passées, qui s’appelait Juana, et dont le nom de famille était, à ce que je crois bien, de Renteria. » Lope. « Qu’est-elle devenue?» Hassem. « Elle est morte. C’est elle qui a élevé. cette Moresque dont je vous parlais. C’était une rare malcone, archive de foi chrétienne, etc. » Jornada 1.)
Prière, oraison.
Cervantès dit, dans sa comédie de los Baños de Argel (jornada III), que cette fille unique d’Agi-Morato épousa Muley-Maluch, qui fut fait roi de Fez en 1576. C’est ce que confirment le P. Haedo, dans son Epitome, et Antonio de Herrera, dans son Historia de Portugal.
Bab-Azoun veut dire porte des troupeaux de brebis. Le P. Haedo, dans sa Topografia, dit, au chapitre VI: « En descendant quatre cents pas plus bas, est une autre porte principale, appelée Bab-Azoun. qui regarde entre le midi et le « levant. C’est par la que sortent tous les gens qui vont aux champs, aux villages et aux tribus (aduares) des Mores. » Alper, comme on voil, n’avait point changé depuis la captivité de Cervantès.
Ce projet de Zoraïde est précisément celui qu’imagina Cervantes, quand son frère Rodrigo se racheta, pour lui envoyer ensuite une barque sur laquelle il s’enfuirait avec les autres chrétiens : ce qu’il tenta vainement de faire en 1377.
Ceci est une allusion à l’aventure de la barque qui vint chercher, en 1577, Cervantès et les autres gentilshommes chrétiens qui étaient restés cachés dans un souterrain pour s’enfuir en Espagne.
Cet arrangement de l’achat d’une barque fut précisément celui que lit Cervantès, en 1579, non pas avec Maltrapillo, mais avec un autre renégat nommé le licencié Giron.
Tagarin veut dire de la frontière. On donnait ce nom aux Mores venus de l’ Aragon et de Valence. On appelait au contraire Mudejaras, qui signifie de l’intérieur les Mores venus de l’Andalousie. (Haedo, Topografia, etc. Luis del Marmol, Descsription de Africa etc.)
Ce marchand s’appelait Onofre Exarque. Ce fut lui qui procura l’argent pour acheter la barque où Cervantès devait s’enfuir avec les autres chrétiens, en 1579.
Sargel, ou Cherchel, est situé sur les ruines d’une cite romaine qui s’appelait, à ce qu’on suppose, Julia Cæsarea. C’était, au commencement du seizième siècles, une petite ville d’environ trois cents feux, qui fut presque dépeuplée lorsque Barberousse se rendit maître d’Alger. Les Moresques, chassés d’Espagne en 1640, s’y réfugièrent en grand nombre, attirés par la fertilité des champs, et y établirent un commerce assez considérable, non-seulement de figues sèches, mais de faïence, le d’acier et de bois de construction. Le port de Sargel, qui pouvait contenir alors vingt galères abritées, fut comblé par le sable et les débris d’édifices, dans le tremblement de terre de 1738.
Voir la note de la page 322, au chapitre précedent.
C’est la langue franque. Le P. Haedo s’exprime ainsi dans la Topografia (chap. XXIX) : « La troisième langue qu’on « parle à Alger est celle que les Mores et les Tures appellent franque. C’est un mélange de diverses langues chrétiennes, et « d’expressions qui sont, pour la plupart, italiennes ou espagnoles, et quelquefois portugaises, depuis peu. Comme à cette « confusion de toutes sortes d’idiomes se joint la mauvaise prononciation des Mores et des Turcs, qui ne connaissent ni les « modes, ni les temps, ni les cas, la langue franque d’Alger n’est plus qu’un jargon semblable an parler d’un nègre novice « nouvellement amené en Espagne. »
C’est-à-dire l’Albanais Mami. Il était capitan de ta flotte où servait le, corsaire qui fit Cervantes prisonnier, et, « si « cruelle bête, dit Haedo, que sa maison et ses vaisseaux étaient remplis de nez et d’oreilles qu’il coupait, pour le moindre motif, aux pauvres chrétiens captifs. » Cervantés fait encore mention de lui dans la Galatée et d’antres ouvrages.
Le zoltani valait quarante après d’argent, ou presque deux piastres fortes d’Espagne.
Bagarins, de bahar, mer, signifie matelots. « Les Mores des montagnes, dit Haedo, qui vivent dans Alger, gagent leur vie, les uns en servant des Turcs ou des riches Mores; les autres, en travaillant aux jardins ou aux vignes, et quelques-uns en ramant sur les galères et les galiotes; ceux-ci, qui louent leurs services, sont appelés bagarinès. (Topografia, cap II.)
Commandant d’un bâtiment algérien.
Kava est le nom que donnent les Arabes à Florinde, fille du comte Julien.
Voici ce que dit, sur ce promontoire, Luis del Marmol, dans sa Descripcion general de Africa (lib. IV, cap. XLIII), après avoir parlé des ruines de Césarée : « Là sont encore debout les débris de deux temples antiques. . ., dans l’un desquels est un dôme très-élevé, que les Mores appellent Cobor rhoumi, ce qui veut dire sépulcre romain ; mais les chretiens, peu versés dans l’arabe, l’appellent Cavarhoumia, et disent fabuleusement que là est enterrée la Cava, fille du comte Julien. . . A l’est de cette ville, est une grande montagne boisée, que les chrétiens appellent de la Mauvaise Femme, d’où l’on tire, pour Alger, tout le bois de construction des navires. Cette montagne est probablement le cap Cajinès. »
On sait que les musulmans sont iconoclastes, et qu’ils proscrivent, comme une idolâtrie, tonte espèce de représentation d’êtres animés.
L’aventure du captif est répétée dans la comédie los Banos de Argel, et Lope de Vega l’a introduite également dans celle intitulée los Cautivos de Argel. Cervantes la donne comme une histoire véritable, et termine ainsi la première de ces pièces : «Ce conte d’amour et de doux souvenir se conserve toujours à Alger, et l’on y montrerait encore aujourd’hui la fenêtre et le jardin. . . »
La charge d’auditeur aux chancelleries et audiences, en Espagne, répondait à celle de conseiller au parlement parmi nous.
Rui, abréviatif, pour Rodrigo.
Pilote d’Énée.
Surgit Palinurus, et omnes
Explorat ventos. . . . .
Sidéra cuneta notal tacito latentia cœto. EN., lib. III.
Clara y luciente estrella : jeu de mots sur le nom de Clara.
Il n’y avait point encore de vitres en verre à Madrid, même dans la maison d’un auditeur.
Tergeminamque Hecaten, tria virginis ora Dianæ.
Comme le bon sens de Roland qu’Astolphe rapporta de la lune. 45
La garrucha. On suspendait le patient, en le chargeant de fers et de poids considérables, jusqu’à ce qu’il eût avoué son crime.
Allà van leyes do quieren reyes (Ainsi vont les lois, comme le veulent les rois.) Cet ancien proverbe espagnol prit naissance, au dire de l’archevêque Rodrigo Ximenès de Rada lib. VI, cap. XXV), lors de la querelle encore le rituel gothique et le rituel romain. qui fut vidée, sous Alphonse VI, par les diverses epreuves du jugement de Dieu, même par le combat on champ clos.
Orslando furioso canto XXVII.
Les règlements de la Sainte-Hermandad, rendus à Torrelaguna, en 1485, accordaient à ses archers (cuadrilleros) une récompense de trois mille maravédis quand ils arrêtaient un malfaiteur dont le crime emportait peine de mort; deux mille, quand celui-ci devait être condamné à des peines afflictives; et mille, quand il ne pouvait encourir que des peines pécuniaires.
L’aventure des archers s’est passée dans le chapitre précédent, et le chapitre suivant porte le titre qui conviendrait à celui-ci: De l’étrange manière dont fût enchanté don Quichotte, etc. Cette coupe des chapitres, très-souvent inexacte et fautive, et ces interversions de titres que l’Académie espagnole a corrigées quelquefois, proviennent sans doute de ce que la première édition de la première partie du Don Quichotte se fit en l’absence de l’auteur, et sur des manuscrits en desordre.
La comédie que composa don Guillen de Castro, l’auteur original du Cid, sur les aventures de don Quichotte, et qui parut entre la première et la seconde partie du roman de Cervantès, se termine par cet enchantement et cette prophétie. Dans sa comédie, Guillen de Castro introduisait les principaux épisodes du roman, mais avec une légère altération. Don Fernand était fils aîné du duc, et Cardénio un simple paysan; puis, à la fin, on découvrait qu’ils avaient été changés en nourrice, ce qui rendait le dénoûment plus vraisemblable, car don Fernand, devenu paysan, épousait la paysanne Dorothée, et la grande dame Luscinde épousait Cardénio, devenu grand seigneur.
Voir la note mise au titre du chapitre précédent.
Elle est, en effet, de Cervantès, et fut publiée, pour la première fois, dans le recueil de ses Nouvelles exemplaires en 1615. C’est peut-être la meilleure, non-seulement de celles qu’il appelait badines (jocosas), mais, selon l’opinion commune eu Espagne, de toutes ses Nouvelles, y compris celles qu’il appelait sérieuses (serias).
Gaspar Cardillo de Villalpando, qui se distingua au concile de Trente, est l’auteur d’un livre de scolastique, fort estimé dans son temps, qui a pour titre : Sumas de las sumulas. Alcala, 1557.
Pline, Apulée, toute l’antiquité, ont place les gymnosophistes dans l’Inde. Mais don Quichotte pouvait se permettre quelque étourderie.
Voir la note 1re, page 53, an prologue.
On sait que ce fameux voyageur vénitien, de retour en Italie, et prisonnier des Génois en 1298. fit écrire la relation de ses voyages par Eustache de Pise, son compagnon de captivité. Cette relation fut traduite en espagnol par le maestra Rodrigo de Santaella. Sévillo, 1518.
Comme le Tasse, dans la description des enchantements d’Ismène et d’Armide.
Cervantès donnait son opinion sur ce dernier point, bien avant la querelle que fit naître le Télémaque.
Ces trois pièces sont de Lupercio Leonardo de Argensola, qui a mieux réussi, comme son frère Bartolomé, dans la poésie lyrique que sur le théâtre. L’Isabela et l’Alexandra ont été publiées dans le sixième volume du Parnaso espagnol de don Juan Lopez Sedano. La Fitis est perdue.
L’Ingratitude vengée (la Ingratitud vengada) est de Lope de Vega; la Numancia, de Cervantès lui-même; le Marchand amoureux (el Mercader amante), de Gaspard de Aguilar, et l’Ennemie favorable (la Enemiga favorable), du chanoine Francisco Tarraga.
Comme cela se voit dans plusieurs pièces de Lope de Vega, Urson y Valentia, los Porceles de Murcia, el primer R y de Castilla, etc.
Peu s’en faut qu’il n’en soit ainsi dans plusieurs comédies du même Lope de Vega, el Nuevo mundo descubierto por Cristoval Colon, el rey Bamba, las cuentas dol grand Capitan, la Doncella Teodor, etc.
Lope de Vega fit mieux encore dans la comédie la Limpiezu no manchada (la Pureté sans tache). On y voit le roi David, le saint homme Job, le prophète Jéremie, saint Jean-Baptiste, sainte Brigitte, et l’université de Salamanque.
Ou Autos sacramentales Lope de Vega en a fait environ quatre cents : San Francisco, san Nicolas, san Agustin, san Roque, san Antonio etc.
Je ne sais trop sur quoi Cervantès fonde son éloge des théâtres étrangers. A son époque, les Italiens n’avaient guère que la Mandragore et les pièces du Trissin; la scène française était encore dans les langes; la scène allemande était à naître, et Shakspere, le seul grand auteur dramatique de l’époque, ne se piquait assurément guère de cette régularité classique qui permettait aux étrangers d’appeler barbares les admirateurs de Lope de Vega.
Cet heureux et fécond génie est Lope de Vega, contre lequel Cervantès a principalement dirigé sa critique du théâtre espagnol. A l’époque où parut la première partie du Don Quichotte, Lope de Vega n’avait pas encore compose le quart des dix-huit cents comedies de capa y espada qu’a ecrites sa plume infatigable. Il faut observer aussi qu’à la même époque, le théâtre espagnol ne comptait encore qu’un seul grand écrivain : c’est depuis qu’ont paru Cable on, Moreto, Tirso de Molina, Rojas, Solis, etc., lesquels ont laissé bien loin derrière eux les contemporains de Cervantès.
Premier comte de Castille, dans le dixième siècle.
Le Cid n’était pas de Valence, mais des environs de Burgos, en Castille. Cervantès le nomme ainsi parce qu’il prit Valence sur les Almoravides, en 1094.
Guerrier qui se distingua à la prise de Séville, par saint Ferdinand, en 1248.
Ce n’est point du poète que Cervantès veut parler, quoiqu’il fût également de Tolède, et qu’il eut passé sa vie dans les camps : c’est d’un autre Garcilaso de la Vega, qui se rendit célèbre au siège de Grenade par les rois catholiques, en 1491. On appela celui-ci Garcilaso de l’Ave Maria, parce qu’il tua en combat singulier un chevalier more qui portait, par moquerie, le nom de l’Ave Maria sur la queue de son cheval.
Autre célèbre guerrier de la même époque.
L’histoire de Floripe et de sa tour flottante, où elle donna asile à Guy de Bourgogne et aux autres pairs, est rapportée dans les chroniques des douze pairs de France.
Le pont de Mantible, sur la rivière Flagor (sans doute le Tage), était formé de trente arches de marbre blanc, et défendu par deux tours carrées. Le géant Galafre, aidé de cent Tures, exigeait des chrétiens, pour droit de passage, et sous peine de laisser leurs têtes aux créneaux du pont. trente couples de chiens de chasse, cent jeunes vierges, cent faucons dressés, et cent chevaux enharauchés ayant à chaque pied un marc d’or fin. Fiérabras vainquit le géant. (Histoire de Charlemagne, chap· xxx at suiv.
Comme les Juifs le Messie, ou les Portugais le roi dom Sébastien.
L’histoire de ce chevalier fut écrite d’abord en italien, dans le cours du treizième siècle, par le maestro Andréan, de Florence; elle fut traduite en espagnol par Alonzo Fernandez Aleman. Seville, 1518.
Le Saint-Grial ou Sainl-Grual est le plat où Joseph d’Arimathie reçut le sang de Jésus-Christ, quand il le descendit de la croix pour lui donner la sepulture. La conquète du Saint-Grial par le roi Artur et les chevaliers de la Tables-Rondes est le sujet d’un livre de chevalier, écrit en latin, dans le douzième siècle, et traduit depuis en espagnol. Séville, 1500.
Les histoires si connues de Tristan de Léonais et de Lancelot du Lac furent également écrites e, latin, avant d’être traduites en français par ordre du Normand Henri II, roi d’Angleterre, vers la fin du douzième siècle. Ce fut peu de temps après que le poète Chretien de Troyes fit une imitation en vers de ces deux romans.
Ecrite à la fin, du douzième siècle par le troubadoue provençal Bernard Treviez, et traduite en Espagnol par Felgin Camus. Tolède. 1526
Cette trompe fameuse s’entendait, au rapport de Dante et de Boyarde, à deux lieues de distance.
Pierre de Beaufremont, seigneur de Charbot-Charny.
Ou plutôt Ravestein.
Juan de Merlo, Pedro Barba, Gutierre Quixada, Fernando de Guevara, et plusieurs autres chevaliers de la cour du roi de Castille Jean II, quittèrent en effet L’Espagne, en 1434 , 35 et 36, pour aller dans les cours étrangères rompre des lances en l’honneur des dames. On peut consulter, sur ces pèlerinages chevaleresques, La Cronica del roy don Juan et II (cap.) CCLV à CCLXVII).
Sucre de Quinones, chevalier léonais, fils du grand bailli (merino-mayor) des Asturies, célébra, en 1454 sur le pont de l’Orbogo, à trois lieues d’Astorga des jontes fameuses qui durèrent trente jours. Accompagné de neuf autres mantenedores , ou champions il soutint La lice contre soixante-huit conquistadores ou aventuriers, venus pour leur disputer le prix du tournoi. La relation de ces joules forme la matière d’un livre de chevalerie, écrit par Fray Juan de Pineda, sous le titre de Paso honroso, et publié à Salamauque, en 1888.
Cronica del rey don Juan et II (cap. CIII).
La Historia Caroli Magni, attribuée à l’archevêque Turpin, et dont on ignore le véritable auteur, fut traduite en espagnol et considérablement augmentée par Nicolas de Piamonte, qui fit imprimer ta sienne à Séville, en 1528.
Malgré l’affirmation du chanoine, rien n’est moins sûr que l’existence de Bernard dei Carpio; elle est niée, entre autres, par l’exact historien Juan de Ferreras.
L’altercation a commencé dans le chapitre précédent, de même que l’entretien entre don Quichotte et Sancho, qui lui sert de titre, avait commencé dans le chapitre antérieur. Faut-il attribuer ces transpositions à la négligence du premier éditeur, on bien à un caprice bizarre de Cervantès ? A voir la même faute tant de fois répétée, je serais volontiers de ce dernier avis.
Virgile avait dit des Champs-Élysées.
Largior hie campos æther et lumine vestit.
Purpureo.
EN., lib. VI.
Allusion au poëme de Giacabo Saunazaro, qui vivait à Naples vers 1500. L’Arcadia fut celèbré en Espagne, où l’un en lit plusieurs traductions.
On ne s’attendait guère à trouver dans le conte du chevrier une imitation de Virgile :
Formosam resonare doces Amaryllida silvas.
Autre imitation de Virgile, qui termine ainsi sa première églogne :
Sunt nobis mitia poma,
Castaneæ molles, et pressi copia lactis.
Voilà un passage tout à fait indigne de Cervantès, qui se montre toujours si doux et si humain ; il y fait jouer au curé et au chanoine un rôle malséant à leur caractère, et il tombe justement dans le défaut qu’il a reproché depuis à son plagiaire Pernander de Avellaneda.
Les processions de pénitents (disciplinantes), qui donnaient lieu à toutes sortes d’excès, furent défendues, en Espagne, à la fin du règne de Charles III.
Dans le reste de l’Espagne, les femmes mariées conservaient et conservent entre leurs noms de filles. Cervantès, dans le cours du Don Quichotte, donne plusieurs noms à la femme de Sancho. Il l’appelle, au commencement de la première partie, Mari-Gutierrez ; à présent, Juana Panza ; dans la seconde partie, il l’appellera Teresa Cascajo ; puis, une autre fois, Mari-Gutierrez, puis Theresa Panza. C’est, en définitive, le dernier nom qu’il lui donne.
Il y avait alors à Saragosse une confrérie, sous le patronage de saint Georges, qui célébrait, trois fois par an, de joutes qu’on appelait justus del arnes. (Ger. de Urrea, Dialogo de la verdadera honra militar.)
Garcia Ordognez de Moutalvo, l’auteur de Las sergas de Esplandian, dit, en parlant de son livre : « Par grand hon heur il se retrouva dans une tombe de pierre, qu’on trouva sous la terre dans un ermitage près de Constantinople, et fut apporte en Espagne par un marchand hongrois, dans une écriture et un parchemin si vieux, que ce fut à grand peine que purent le lire ceux qui entendaient la langue grecque. » — La chronique d’Amadis de Grèce fut également trouvée « dans une caverne qu’on appelle les palais d’Hercule, enfermée dans une caisse d’un bois qui ne se corrompt point, parce que, quand l’Espagne fut prise par les Mores, on l’avait cachée en cet endroit. »
Cervantès ne pensait point alors à publier une seconde partie du Don Quichotte.
de demande pardon pour la traduction des sonnets et des épitaphes qui suivent. Que pouvait-on faire d’une poésie ridicule à dessein ?
Au temps de Cervantès, on commençait à peine à instituer des académies dans les plus grandes villes d’Espagne, Madrid, Séville, Valence. En placer une à Argamasilla, c’était une autre moquerie contre ce pauvre village dont il ne voulait pas se rappeler le nom. Cervantès donne aux académiciens d’Argamasilla des surnoms ou sobriquets, comme c’était l’usage dans les académies italiennes.
Issu du Congo.
Mot formè de pan y agua, pain et eau; c’est de ce nom qu’on appelle les commensaux, les gens auxquels on fait l’aumûne de la nourriture.
Le capricieux.
Le moqueur.
Nom de guerre d’un fameux renegat, corsaire d’Alger, et l’un des officiers de Barberousse, qui, sans le règne de Charles-Quint, fit plusieurs descentes sur les côtes de Valence.
Orlando furioso, canto XXX.
Cervantès répéte et traduit ce vers à la tin du premier chapitre de la seconde partie:
Y como del Catay reciblô el cetro,
Quiza otro cantarà con mejor plectro.
C’est l’écrivain qui s’est caché sous le nom du Alonzo Fernandez de Axellanada, natif de Tordesillac et dont le livre fut imprimé à Tarragone.
La bataille de Lépante. Allusion à Lope de Vega, qui était en effet prêtre et familier du saint-office, après avoir été marié deux fois.
Il y a dans le texte podenco, qui veut dire chien-courant. J’ai mis lévrier, pour que le mot chien ni fût pas repété tant de fois en quelques lignes.
Petite pièce de l’époque, dont l’auteur est inconnu.
On nomme reinticuatros, les regidores ou officiers municipaux de Seville, de Grenade et de Cordone, depuis que leur nombre fut réduit de trente-six à vingt-quatre par Alphonse le Justicier.
Las coplas de Mingo Revulgo sont une espèce de complainte satirique sur le règne de Henri IV (et empotente). Les uns l’ont attribuée à Juan de Mena, auteur du poème et Laberinto ; d’autres à Rodrigo Cota, premier auteur de la Côtesline ; d’autres encore au chroniqueur Fernando del Pulgar. Celui-ci, du moins l’a commentée à la fin de la chronique de Henri IV, par Diego Enriquez del Castillo.
Métaphore empruntée à l’art chirurgical. Il était alors très en usage de coudre une blessure, et l’on exprimait sa grandeur par le nombre de points nécessaires pour la cicatriser. Cette expression appelle une des plus piquantes aventures de la Nouvelle intitulée Rinconete y Cortadillo. Cervantès y raconte qu’un gentilhomme donna cinquante ducats à un bravache de profession, pour qu’il fit à un autre gentilhomme, son ennemi, une balafre de quatorze points. Mais le bravo, calculant qu’une si longue estafilade ne pouvait tenir sur le visage fort mince de ce gentilhomme, la fit à son laquais, qui avait les joues mieux remplies.
Depuis le milieu du seizième siècle, les entreprises maritimes des Turcs faisaient en Italie et en Espagne le sujet ordinaire des conversations politiques. Elles étaient même entrées dans le langage proverbial; Juan Cortès de Toledo, auteur du Lazarille de Manzanarès, dit, en parlant d’une belle-mère, que c’était une femme plus redoutée que la descente du Turc. Cervantès dit également, au début de son Voyage au Parnasse, en prenant congé des marches de l’église San-Félipe, sur lesquelles se réunissaient les nouvellistes du temps : « Adieu, promenade de San-Félipe, où je lis, comme dans une zette de Venise, si le chien Turc monte ou descend. »
On appelait ces charlatans politiques arbitrist is, et les expédients qu’ils proposaient, arbitrios. Cervantes s’est moqué d’eux fort gaiement dans le Dialogue des Chiens. Voici le moyen qu’y propose un de ces arbitristas, pour combler le vide du trésor royal: « Il faut demander aux cortès que tons les vassaux de Sa Majesté, de quatorze à soixante ans, soient tenus de jeûner, une fois par mois, au pain et à l’eau, et que toute la dépense qu’ils auraient faite ce jour-là, en fruits, viande, poisson. vin, œufs et légumes, soit évaluée en argent, et fidèlement payée à Sa Majesté, sous l’obligation de serment. Avec cela, en vingt ans, le trésor est libéré. Car enfin, il y a bien en Espagne plus de trois millions de personnes de cet âge... qui dépensent bien chacune un réal par jour, ne mangeassent-elles que des racines de pissenlit. Or, croyez-vous que ce serait une misère que d’avoir chaque mois plus de trois millions de réaux comme passés au crible? D’ailleurs, tout serait profit pour les jeu-puisque avec le jeûne ils serviraient à la fois le ciel et le roi : et, pour un grand nombre, ce serait en outre profitable à la santé. Voilà mon moyen, sans frais ni dépens, et sans nécessité de commissaires, qui sont la ruine de l’état.. »
Allusion à quelque romance populaire du temps, aujourd’hui complètement inconnue.
Ce n’est pas suivant Tirpin, auquel on n’a jamais attribué de cosmographies mais suivant Arioste, dans l’Orlando furioso, dont Roger est le héros véritable.
L’Écriture ne le fait pas si grand. Egressus est vir spurius de castris Philisthinorum nomine, Goliath de Geth, altitudinis sex cubitorum et palmi. (Rois, liv. I, chap. XVII.)
C’est le poëme italien Morgante maggiore, de Luigi Pulei. Ce poëme fut traduit librement en espagnol, par Geronimo Anner. Séville, 1550 et 1552.
Roland, Ferragus, Renaud, Agrican, Sacripant, etc.
Medor fut blessé et laissé pour mort sur la place, en allant relever le cadavre de son maître, Daniel d’Almontée. (Orlando furieso, canto XXIII.)
Le poëte andalous est Luis Barahona de Soto, qui fil Les Larmes d’Angélique (Las làgrimas de Angelica), poëme en douze chants. Grenade, 1586. Le poëte castillan est Lope de Vega, qui fit. La Beauté d’Angélique (La Hermosura de Angélica), poëme en vingt chants. Barcelone, 1604.
Quelques années plus tard, Quevedo se fit le vengeur des amants rebutés d’Angélique dans son Orlando burlesco.
Formule très-usitée des historiens arabes, auxquels la prirent tes anciens chroniqueurs espagnols, et après eux les romanciers, que Cervantès imite à son tour.
Le mot insula, que don Quichotte emprunte aux romans de chevalerie, était, dès le temps de Cervantes, du vieux langage. Une île s’appelait alors comme aujourd’hui, isla. Il n’est donc pas étonnant que la nièce et la gouvernante n’entendent pas ce mot. Sancho lui-même n’en a pas une idée très-nette. Ainsi la plaisanterie que fait Cervantès, un peu forcée en français, est parfaitement naturelle en espagnol.
Quando caput dolet, cœtera membra dolent.
On comptait alors plusieurs degrés dans la noblesse : hidalgos, cavalleros, ricoshombres, titulos, grandes. J’ai mis gentilshommes au lieu de chevaliers, pour éviter l’équivoque que ce mot ferait naitre, appliqué à Don Quichotte.
Don Diego Clemencin a retrouvé la liste des nobles qui habitaient le bourg d’Argarmasilla de Alba, au temps de Cervantès. Il y a une demi-douzaine d’hidalgos incontestés, et une autre demi-douzaine d’hidalgos contestables.
Quant aux mœurs, Suétone est du même avis que don Quichotte; mais non quant à la toilette. Au contraire, il reproche à César d’avoir été trop petit-maître... Circa corporis curam morosior, ut non solum tonderetur diligenter ac raderetur sed velleretur etiam, ut quidam exprobaverunt... cap. XLV.
Sancho avait changé le nom de Ben-Engeli en celui de Berengena, qui veut dire aubergine, espèce de légume fort répandu dans le royaume de Valence, où l’avaient porté les Morisques.
Il y avait presque un mois, dit Cervantès dans le chapitre premier, que don Quichotte était revenu chez lui en descendant de la charrette enchantée, et voilà que douze mille exemplaires de son histoire courent toute l’Europe, imprimés dans quatre à cinq villes, et dans plusieurs langues. Le Don Quichotte est plein de ces étourderies. Est-ce négligence ? est-ce badinage ?
Sancho répond ici par un jeu de mots, à propos de gramatica, grammaire. « Avec la grama (chiendent), je m’accommoderais bien, mais de la tica je ne saurais que faire, car je ne l’entends pas » C’était intraduisible.
Le crime de fausse monnaie était puni du feu, comme étant à la fois un vol public et un crime de lèse-majesté. (Partida VII, tit. VII, lev 9.)
On appelle communément el Tostado (le brûlé, le hâlé) don Alonzo de Madrigal, évêque d’Avila, sous Jean II. Quoiqu’il fût mort encore jeune, en 1450, il laissa vingt-quatre volumes in-folio d’œuvres latines, et à peu près autant d’œuvres espagnoles, sans compter les travaux inédits. Aussi son nom était-il demeure proverbial dans le sens que lui donne Don Quichotte.
Ce rôle fut appelé successivement bobo, simple, donaire, et enfin gracioso.
Cette pensée est de Pline l’Ancien; elle est rapportée dans une lettre de son neveu. (Lib. III, epist. 5.) Don Diego de Mendoza la cite dans le prologue de son Lazarillo de Tormès, et Voltaire l’a répétée plusieurs fois.
La citation n’est pas exacte. Horace a dit : Quando que bonus dormital Homerus.
Ecclesiaste, chap. x, vers. 15.
Cervantès n’avait pas oublié de mentionner le voleur; il a dit positivement que c’est Ginès de Passamont; mais il oubliait le vol lui-même Voir la note 1, page 154, au chapitre XXIII de la première partie.
Orlando furioso, canto 27.
Depuis les hennissements du cheval de Darius, qui lui donnèrent la couronne de Perse, et ceux du cheval de Denys le Tyran, qui lui promirent celle de Syracuse, les faiseurs de pronostics ont toujours donné à cet augure un sens favorable. Il était naturel que Don Quichotte tirât le même présage des hennissements de Rossinante, lesquels signifiaient sans doute qu’on laissait passer l’heure de la ration d’orge.
L’Aragon était sous le patronage de saint Georges, depuis la bataille d’Alcoraz, gagnée par Pierre Ier sur les Mores, en 1096, Une confrérie de chevaliers s’était formée à Saragosse pour donner des joutes trois fois l’an, en l’honneur du saint. Un appelait ces jontes justas del arnes.
Sant Iago y cierra Espana, vieux cri de guèrre en usage contre les Mores.
La qualité de vieux chrétien était une espèce de noblesse qui avait aussi ses privilèges. D’après les statuts de Limpieza (pureté de Sang), établis dans les quinzième et seizième siècles, les nouveaux convertis ne pouvaient se faire admettre ni dans le clergé, ni dans les emplois publics, ni même dans certaines professions mécaniques, A Tolède, par exemple, on ne pouvait entrer dans la corporation des tailleurs de pierre qu’après avoir fait preuve de pureté de sang.
Le goût des acrostiches avait commencé, dès le quatrième siècle, dans la poésie latine; il passa aux langues vulgaires, et se répandit notamment en Espagne. On l’y appliquait aux choses les plus graves. Ainsi, les sept premières lettres des sept Partidas, ce code monumental d’Alphonse le Savant, forment le nom d’Alfonso. Entre autres exemples d’acrostiches je puis citer une octave, de Luis de Tovar, recueillie dans le Cancioncro gener et castellano :
Feroz sin con uclo y sanuda dama,
Remedia el trabajo a nadie credero
A quien le siguio martirio tan fiero
No seas leon o reina pues t’ama.
Cien males se doblan cada hora en que peue,
Y enti de tal guisa beldad pues se asienta,
No seas cruel en asi dar afrenta
Al que por te amar ya vida no tiene.
Il y a dans cette pièce singulière, outre le nom de Francina, qui forme l’acrostiche, les noms de huit antres dames : Eloïsa, Ana, Guiomar, Leonor, Blanca, Isabel, Elena, Maria,
Les commentateurs se sont exercés à découvrir quels pouvaient être ces trois poëtes que possédait alors l’Espagne, en supposant que Cervantès se fût désigné lui-même sous le nom de demi-poëte. Don Grégorio Mayans croit que ce sont Alonzo de Ercilla, Juan Rufo, et Cristoval Virues, auteur des poëmes intitulés Araucana, et Austriada Monserate. (Voir les notes du chapitre VI, livre I, première partie.) Dans son Voyage au Parnasse, Cervantès fait distribuer neuf couronnes par Apollon. Les trois couronnes qu’il envoie à Naples sont évidemment pour Quevedo et les deux frères Leonardo de Argensola; les trois qu’il réserve à l’Espagne, pour trois poëtes divins, sont probablement destinées à Francisco de Figuéroa. Francisco de Aldana, et Hernando de Herréra, qui reçurent tous trois ce surnom, mais à différents titres.
Duleinca del Totoso.
Castellanas de à cuatro versos
Plusieurs anciens romances, très-répandus dans le peuple, racontent l’histoire de l’infante dona Urraca, laquelle, n’ayant rien reçu dans le partage des biens de la couronne que fit le roi de Castille Ferdinand Ier à ses trois fils Alfonso. Sancho et Gareia (1066), prit le bourdon de pèlerin, et menaça son père de quitter l’Espagne. Ferdinand lui donna la ville de Zamora.
Jeu de mots entre almohadas, coussins, et Almohadis, nom de la secte et de la dynastie berbère qui succeda, à celle de-Almeravide, dans le douzième. siècle.
On peut voir dans Ducange, aux mots duellum et campiones, toutes les lois du duel auxquelles don Quichotte fait allusion, et le serment que la pragmatique sanction de Philippe le Bel, rendue en 1506, ordonnait aux chevaliers de prêter avant le combat.
Palmerin d’Olive, don Florindo, Primaléon, Tristan de Léonais, Tirant le Blanc, etc.
Vêtement des condamnés du saint-office. C’était une espèce de mantelet ou scapilaire jaune avec une croix rouge en sautoir. San – benito est un abréviatif de saco bendito, cilice bénit.
Dans cette tirade et dans le reste du chapitre, don Quichotte mêle et confond toujours, sous le nom commun de cavalleros. les chevaliers et les genlilshommes.
Othman, premier fondateur de l’empire des Turcs, au quatorzième siècle, fut, dit-on, berger, puis bandit.
Horace avait dit : (Lib. I, Episti II.)
Nos numeros sumus et fruges consumere nati. (Lib. I, Epist 11.)
Garcilaso de la Véga. Les vers cités par don Quichotte sont de l’élégie adressée au duc d’Alhe sur la mort de son frère don Bernardino de Toledo
L’oraison de sainte Apolline (santa Apolonia) était un de ces ensalmos ou paroles magiques pour guérir les maladies, fort en usage au temps de Cervantès. Un littérateur espagnol, don Francisco Patricio Berguizas, a recueilli cette oraison de la bouche de quelques vieilles femmes d’Esquivias. Elle est en petit vers, comme une seguidilla ; en voici la traduction littérale : « A la porte du ciel Apolline était, et la vierge Marie par-là passait. — Dis, Apolline, qu’est-ce que tu as? Dors — tu, ou veilles-tu ? — Ma dame, je ne dors ni ne veille, car d’une douleur de dents je me sens mourir. — Par l’étoile de Vénus et le soleil couchant, par le Très-Saint-Sacrement, que j’ai porté dans mon ventre, qu’aucune dent du fond ou du devant (mucla ni diente) ne te fasse mal désormais. »
Il y a dans l’original une grâce intraduisible. A la fin de la phrase qui précède, Sancho dit, au lieu de rata por cantidad (au prorata, au marc la livre), gata por cantidad. Alors don Quichotte, jouant sur les mots, lui répond : « Quelquefois il arrive qu’une chatte (gata) est aussi bonne qu’une rate (rata). » Et Sancho réplique : « Je gage que je devais dire rata et non gata ; mais qu’importe?... etc. »
L’original dit revolcar (vautrer), pour revocar.
L’usage des pleureuses à gages dans les enterrements, qui semble avoir cessé au temps de Cervantès, était fort ancien en Espagne. On trouve dans les Partidas (tit. IV, ley 100) des dispositions contre les excès et les désordres que commettaient, aux cérémonies de l’église, ces pleureuses appelées lloraderas, plañideras, endechaderas. On trouve aussi dans celui des romances du Cid où ce guerrier fait son testament (n° 96) item : « J’ordonne qu’on ne loue pas de planideras pour me pleurer; il suffit de celles de ma Ximène, sans que j’achète d’autres larmes. »
Garcilaso de la Véga. Ces vers sont dans la troisième églogue :
Do cuatro ninfas, que del Tajo amado
Salierou juntas, à cantar me ofresco, etc.
Le Pantheon, élevé par Marcus Agrippa, gendre d’Auguste, et consacré à Jupiter vengeur.
Cervantès se trompe. Suétone, d’accord avec Plutarque, dit an contraire que ce fut un augure favorable qui décida César à passer le Rubicon, et il dire: Le sort en est jeté. (Vita Cœsaris, cap. XXXI et XXXII.)
Jeu de mots, fort gracieux dans la bouche de Sancho, sur le nom de Julio, qui veut dire Jules et juillet, et d’Augusto, Auguste, qui, avec un léger changement, agosto, signifie août. Ce jeu de mots passerait bien en français, si l’on eût suivi l’exemple de Voltaire, et que le mois d’août fût devenu le mois d’Auguste.
c’est l’obélisque égyptien, placé au centre de la colonnade de Saint-Pierre, par ordre de Sixte-Quint, en 1586. Cervantès, qui avait vu cet obélisque à la place qu’il occupait auparavant, suppose à tort qu’il fut destiné à recevoir les cendres de César. Il avait été amené à Rome sous l’empereur Caligula. (Pline, liv. XVI, chap. XL).
Cervantès avait pu voir, à l’âge de dix-huit ans, la pompeuse réception que fit le roi Philippe II, en novembre 1565, aux ossements de saint Eugène, que Charles IX lui avait donnés en cadeau.
Sans doute saint Diego de Alcala, canonisé par Sixte-Quint, en 1588, et saint Pierre de Alcantara, mort en 1562.
Media noche era por filo, etc.
C’est le premier vers d’un vieux romance, celui du comte Claros de Montalvan, qui se trouve dans la collection d’Anvers.
Nom des palais arabes (al-karsr). Ce mot a, dans l’espagnol, une signification encore plus relevée que celui de palacio.
Mala la bovistes, Franceses,
La caza de Roncesvalles, etc.
Commencement d’un romance très-populaire et très-ancien, qui se trouve dans le cancionero d’Anvers.
romance du même temps et recueilli dans la même collection. Ce romance du More Calaïnos servait à dire proverbialement ce qu’exprime notre mot: C’est comme si vous chantiez.
Mensagero sois, amigo,
Non mereceis culpa, non.
Vers d’un ancien romance de Bernard del Carpio, répétés depuis dans plusieurs autres romances, et devenus très-populaires
O diem lœtum notandumque mihi candidissimo calculo ! (Plin., Lib. II, cap. VI.)
Xo, que te estrego, burra de mi suegro, expression proverbiale très-ancienne, et en jargon villageois.
Il y a, dans cette phrase, plusieurs hémistiches pris à Garcilaso de la Vega, que don Quichotte se piquait de savoir par cœur.
« Les physionomistes, dit Covarrubias (Tesoro de la dengua castellana, au mot lunar), jugent de ces signes, et « principalement de ceux du visage, en leur donnant correspondance aux autres parties du corps. Tout cela est de l’enfantillage... »
Dans l’original, le jeu de mots roule sur lunares (signes, taches de naissance), et lunas (lunes).
Silla à la gineta. C’est la selle arabe, avec deux hauts montants ou arçons, l’un devant, l’autre derrière.
Cervantès voulait en effet conduire son héros aux joutes de Saragosse ; mais quand il vit que le plagiaire Avellanoda l’avait fait assister à ces joutes, il changea d’avis, comme on le verra au chapitre LIX.
Angulo et Malo. Cet Angulo, né à Tolède, vers 1550, fut célèbre parmi ces directeurs de troupes ambulantes qui composaient les farces de leur répertoire, et qu’on appelait autores. Cervantes parle également de lui dans le Dialogue des Chiens : « De porte en porte, dit Berganza nous arrivâmes chez un auteur de comédies, qui s’appelait, à ce que je me rappelle, Angulo et Malo, pour le distinguer d’un autre Angulo, non point autor, mais comédien, le plus gracieux qu’aient eu les theâtres. »
C’était sans doute une de ces comédies religieuses, appelées autos sacramentales, qu’on jouait principalement pendant la semaine de la Fête-Dieu. On élevait alors dans les rues des espèces de théâtres en planches, et les comédiens, traînés dans des chars avec leurs costumes, allaient jouer de l’un à l’autre. C’est ce qu’ils appelaient, dans le jargou des coulisses du temps, faire les chars (hacer los carros.)
Autor. Ce mot ne tient pas du latin auctor, mais de l’espagnol auto, acte, représentation.
Il y a, dans l’original la Caratala et la Farandula, deux troupes de comédiens du temps de Cervantes. Philippe III avait ordonné, à cause des excès commis par ces troupes ambulantes, qu’elles eussent à se pourvoir d’une licence délivrée par le conseil de Castille. C’est cette licence qu’elles appelaient leur titre (titulo), comme si c’eût été une charte de noblesse.
No hay amigo para amigo,
Las canas se vuelven lanzas.
Ces vers sont extraits du romance des Abencerrages et des Zégris, dans le roman de Ginés Perez de Hita, intitulé Histoire des guerres civiles de Grenade.
Il y a dans l’original : « De l’ami à l’ami, la punaise dans l’œil. » Ce proverbe n’aurait pas été compris, et j’ai préféré y substituer une expression française qui offrit le même sens avec plus de clarte.
Dans tout ce passage, Cervantès ne fait autre chose que copier Pline le naturaliste. Celui-ci, en effet, dit expressement que les hommes ont appris des grues la vigilance (lib. X, cap. XXIII), des fourmis la prévoyance (lib. XI, cap. XXX, des éléphants la pudeur (lib. VII, cap. v), du cheval loyauté (lib. VIII, cap. XI.), du chien le vomissement (lib. XXLX, cap. IV) et la reconnaissance (lib. VIII, cap. XL). Seulement l’invention que Cervantes donne à la cigogne, Pline l’attribue à l’ibis d’Egypte. Il dit encore que la saignée et bien d’autres remèdes nous ont été enseignés par les animaux. Sur la foi du naturaliste romain, on a longtemps répété ces billevesées dans les écoles.
Saint Matthieu, cap. XII, vers. 34.
In sudore vulius tui vesceris pane. (Genes., cap. III.)
On avait vu en Espagne, du douzième au seizième siècle, une foule de prélats à la tête des années, tels que le célèbre Rodrigo Ximenez de Rada, archevêque, général et historien. Dans la guerre des Comuneros, en 1520, il s’était formé un bataillon de prêtres, commandé par l’évêque de Zamora.
Il y a dans l’original une expression qu’on ne peut plus écrire depuis Rabelais, et de laquelle on faisait alors un si fréquent usage en Espagne, qu’elle y était devenue une simple exclamation.
Cette phrase contient un jeu de mots sur l’adjectif cruda, qui veut dire crue et cruelle, puis une allusion assez peu claire, du moins en français, sur le déguisement et la feinte histoire de son chevalier.
Saint Matthieu, chap. XV, vers. 14.
Dans la nouvelle du Licencié Vidriéra, Cervantès cite également, parmi les vins les plus fameux, elui de la ville plus impériale que royale (Real Ciudad) salon du dieu de la gaieté.
Cette histoire plaisait à Cervantès, car il l’avait déjà contée dans son intermède la Eleccion de los Alcaldes de Daganzo, où le régidor Alonzo Algarroba en fait le titre du candidat Juan Berrocal au choix des électeurs municipaux.
En mi casa probo, los dias pasado.
Um tinaja, etc.
La Vandalie est l’Andalousie. L’ancienne Betique prit ce nom lorsque les Vandales s’y établirent dans le cinquième siècle; et de Vandalie ou Vandalicie, les Arabes, qui n’ont point de v dans leur langue, firent Andalousie.
La Giralda est une grande statue de bronze qui représente, d’après les uns la Foi, d’après les autres la Victoire, et qui sert de gironette à la haute tour arabe de la cathédrale de Seville. Son nom vient de girar, tourner. Cette statue a quatorze pieds de haut, et pèse trente-six quintaux. Elle tient dans la maingauche une palme triomphale, et dans la droite un drapeau qui indique la direction du vent. C’est eu 1568 qu’elle fut élevée au sommet de la tour, ancien observatoire des Arabes, devenu clocher de la cathédrale lors de la conquête de saint Ferdinand, en 1248.
On appelle los Toros de Guisundo, quatre blocs de pierre grise, à peu près informes, qui se trouvent au milieu d’une vigne appartenant au couvent des Hièronimytes de Guisando, dans la province d’Avila. Ces blocs, qui sont côte à côte et tournés au couchant, ont douze à treize palmes de long, huit de haut et quatre d’épaisseur. Les taureaux de Guisando sont célèbres dans l’histoire de l’Espagne, parce que c’est là que fut conclu le traité dans lequel Henri IV, après sa déposition, par les cortès d’Avila, reconnut pour héritière du trône sa sœur Isabelle la Catholique, à l’exclusion de sa fille Jeanne, appelée la Bettraneja.
On rencontre dans plusieurs autres endroits de l’Espagne, à Ségovie, à Toro, à Ledesma, à Banos, à Torralva, d’autres blocs de pierre, qui représentent grossièrement des taureaux ou des sangliers. Quelques-uns supposent que ces anciens monuments sont l’œuvre des Carthaginois ; mais les érudits ont fait de vains efforts pour en découvrir l’origine.
A l’un des sommets de la Sierra de Cabrera, dans la province de Cordoue, est une ouverture, peut-être le cratère d’un volcan éteint, que les gens du pays appellent Bouches de l’Enfer. En 1683, quelqu’un y descendit, soutenu par des cordes, pour en retirer le cadavre d’un homme assassiné. On a conjecturé, d’après sa relation, que la caverne de Cibra doit avoir quarante-trois aunes (varas) de profondeur.
Les deux vers cités par Cervantès sont empruntés, quoique avec une légère alteration, au poëme de la Araucuna de Alonzo de Ereilla :
Pues no es el vencedor mas estimado
De aquello en que el veneido es reputado
L’archiprêtre de Hita avait dit, dit, dès le quatorzième siècle :
El vencedor ha honra del precio del veneido,
Su loor es atanto cuanto es el debalido
Dans les duels, les Espagnols appellent parrains les témoins ou seconds.
C’était l’amende ordinaire imposée aux membres d’une confrérie qui s’absentaient les jours de réunion.
A esto vos respondemes, ancienne formule des reponses que faisaient les rois de Castille aux pétitions des cortès. Cela explique la fin de la phrase, qui est aussi en style de formule.
Senza che tromba ò segno altro accenasse,
dit Arioste, en decrivant le combat de Gradasse et de Renaud pour l’épée Durindane et le cheval Bavarl. (Canto XXXIII. str. LXXIX)
C’est du la sans doute que Boileau prit occasion de son épigramme :
Tel fut ce roi des bons chevaux.
Rossinante, la fleur des coursiers d’Iherie,
Qui, trottant jour et nuit el par monts et par vaux,
Galopa, dit l’histoire, une fois en sa vie.
Dans cette aventure si bien calquée sur toutes celles de la chevalerie errante, Cervantès use des richesses et des libertés de sa langue, qui, tout en fournissant beaucoup de mots pour une même choses, permet encore d’en inventer. Pour dire l’écuyer au grand nez, il a narigudo, narigante, narizado ; et quand le nez est tombé, il l’appelle desnarigado A tous ces termes comiques, nous ne saurions opposer aucune expression analogue.
Le mot algebrista vient de algebrar, qui, d’après Covarrubias, signifiait, dans le vieux langage, l’art de remettre les os rompus. On voit encore, sur les enseignes de quelques barbiers-chirurgiens, algebrista y sangrador.
Le gaban était un manteau court, fermé, avec des manches et un capuchon, qu’on portait surtout en voyage.
Il faudrait supposer à Cervantès, pauvre et oublié, je ne dirai pas bien de la charité chrétienne, mais bien de la simplicité ou de la bassesse, pour que cette phrase ne fût pas sous sa plume une sanglante ironie. On a vu à la note 1, page 301, au chapitre XXXVIII, de la première partie, quel sens a le mot lettres en espagnol.
Cervantès avait déjà dit, dans sa nouvelle la Gitanilla de Madrid: « La poésie est une belle fille, chaste, honnête, dis« crête, spirituelle, retenue.... Elle est amie de la solitude; les fontaines l’amusent, les prés la consolent, les arbres la « désennuient, les Heurs la réjouissent, et finalement elle charme et enseigne tous ceux qui l’approchent. »
Lope de Vega a répété littéralement la même expression dans le troisième acte de sa Dorotea. Il a dit également dans la préface de sa comédie El verdadero amante, adressée à son fils: « J’ai vu bien des gens qui, ne sachant pas leur langue, s’enorgueillissent de savoir le latin, et méprisent tout ce qui est langue vulgaire, sans se rappeler que les Grecs n’écrivirent point en latin, ni les Latins en grec... Le véritable poëte, duquel on a dit qu’il y en a un par siècle, écrit dans sa langue, et y est excellent comme Pétrarque en ltalie, Ronsard en France, et Garcilaso en Espagne. »
Nascuntur poetœ, fiunt cratores, a dit Quintilien.
Ovide, Art d’aimer, liv. III. v. 547 ; et Fastes, liv. VI, v. 6.
Allusion à l’exil d’ovide, qui fut envoyé, non dans les îles, mais sur la côte occidentale du Pont. Ce ne fut pas non plus pour une parole maligne, mais pour un regard indiscret, qu’il fut exilé.
Inscia quod crimen viderunt lumina, plector;
Peceatumque oeulos est habuisse meum.
(Tristes, oleg. 5.)
Les anciens croyaient, et Pline avec eux, que le laurier préservait de la fondre. Suétone dit de Tibère: Et turbatiore cœlo nunquam non coronam lauream capite gestarit. quod fulmine adfluri negelur in genus frondis. (Cap. LXIX.)
On appelait épées du petit chien (espadas del Perrillo), à cause de la marque qu’elles portaient, les épées de la fabrique de Juliand et Rey, célèbre armurier de Tolède et Morisque de naissance. Les lames en étaient courtes et larges. Depuis la conquête de Tolède par les Espagnols sur les Arabes (1085), cette ville fut pendant plusieurs siècles la meilleure fabrique d’armes blanches de toute la chrétienté. C’est là que vécurent, outre Julian del Bey, Antonio, Cuellar, Sahagun et ses trois fils, et une foule d’autres armuriers dont les noms étaient restés populaires. En 1617, Cristobal de Fignéroa, dans son livre intitulé : Plaza universal de ciencias y artes, comptait par leurs noms jusqu’à dix-huit fournisseurs célèbres établis dans la même ville, et l’on y conserve encore, dans les archives de la municipalité, les marques ou empreintes (cunos) de quatre-vingt-dix-neuf fabricants d’armes. Il n’y en a plus un sent maintenant, et l’on a même perdu la trempe dont les Mozarabes avaient donné le secret aux Espagnols.
Ainsi Amadis de Gaule, que don Quichotte prenait spécialement pour modèle, après s’être également appelé le chevalier des Lions, s’appela successivement le chevalier Rouge, le chevalier de l’Ile-Ferme, le chevalier de la Verte-Épée, le chevalier du Nain et le chevalier Grec.
Les histoires chevaleresques sont remplies de combats de chevaliers contre des lions. Palmerin d’Olive les tuait comme s’ils eussent été des agneaux, et son fils Primaléon n’en faisait pas plus de cas. Palmérin d’Angleterre combattit seul contre deux tigres et deux lions ; et quand le roi Périon, père d’Amadis de Gaule, veut combattre un lion qui lui avait pris un cerf à la chasse, il descend de son cheval, qui, épouvanté, ne voulait pas aller en avant. Mais don Quichotte avait pu trouver ailleurs que dans ces livres un exemple de sa folle action. On raconte que, pendant la dernière guerre de Grenade, les rois catholiques ayant reçu d’un émir africain un présent de plusieurs lions, des dames de la cour regardaient du haut d’un balcon ces animaux dans leur enceinte. L’une d’elles, que servait le célèbre don Manuel Ponce, laissa tomber son gant exprès ou par mégarde. Aussitôt don Manuel s’élança dans l’enceinte l’épée à la main, et releva le gant de sa maîtresse. C’est à cette occasion que la reine Isabelle l’appela don Manuel Ponce de Léon, nom que ses descendants ont conserve depuis, et c’est pour cela que Cervantès appelle don Quichotte nouveau Ponce de Leon, Cette histoire est racontée par plusieurs chroniqueurs, entre autres par Perez de Hita dans un de ses romances (Guerras civiles de Grenada, cap. XVII.)
! O el bravo don Manuel,
Ponce de Leon Hamado.
Aquei que sacarà el guante,
Que por industria fue echado
Donde estaban los leones,
Y el lo sacò muy osado !
Avant, d’être abandonnées à des gladiateurs à gages, les courses de taureaux furent longtemps, en Espagne, l’exercice favori de la noblesse, et le plus galant divertissement de la cour. Il en est fait mention dans la chronique latine d’Alphonse VII, où l’on rapporte les fêtes données à Lion, eu 1144, pour le mariage de l’infante dona Urraca avec don Garcia, roi de Nayarre: Alii, latratu canum provocatis tauris protento venabulo occidebant. Depuis lors, la mode en devint genérale, des règles s’établirent pour cette espèce de combat, et plusieurs gentilshommes y acquirent une grande célébrité. Don Luis Zapata, dans un curieux chapitre de sa Miscelanea, intitule de torros y toreros, dit que Charles—Quint lui—même combattit à Valladolid, devant l’impératrice et les dames, un grand taureau noir nommé Mahomet. Les accidents étaient fort communs, et souvent le sang des hommes rougissait l’arène. Les chroniqueurs sont pleins de ces récits tragiques, et il suffit de citer les paroles du P. Pédro Guzman, qui disait dans son livre Bienes del honesto trabajo (discurso V)... « Il est avéré qu’en Espagne il meurt, dans ces exercices, une année dans l’autre, deux à trois cents personnes... » Mais ni les remontrances des corès, ni les anathèmes du saint—siège, ni les tentatives de prohibitions faites par l’autorité royale, n’ont pu seulement refroidir le goût forcené qu’ont les Espagnols pour les courses de taureaux.
La différence qu’il y avait entre les joutes (justas), et les tournois (torneos), c’est que, dans les joutes, on combattait un à un, et, dans les tournois, de quadrille à quadrille. Les joutes, d’ailleurs, n’étaient jamais qu’un combat à cheval et à la lance; les tournois, nom général des exercices chevaleresques, comprenaient toute espèce, de combats.
Cervantès met ici dans la bouche de don Quichotte deux vers populaires qui commencent le dixième sonnet de Garcilaso de la Vega :
¡ O dulces prendas, por mi mal halladas !
Dulces y alegres cuando Dios queria.
Ces vers sont imités de Virgile (Æn., lib. IV) :
Dulces exuviæ, dum fata deusque sinebant.
Les joutes littéraires étaient encore fort à la mode au temps de Cervantès, qui avait lui-même, étant à Séville, remporté le premier prix à un concours ouvert à Saragosse pour la canonisation de saint Hyacinthe, et qui concourut encore, vers la fin de sa vie, dans la joute ouverte pour l’éloge de sainte Thérèse. Il y eut, à la mort de Lope du Véga, une joute de cette espèce pour célébrer ses louanges, et les meilleures pièces du concours furent réunies sous le titre de Fama postuma. — Cristoval Suarez de Figuéroa dit, dans son Pasagero (Alivio 3) : « Pour une joute, qui eut lieu ces jours passés en l’honneur de saint Antoine de Padoue, cinq mille pièces de vers sont arrivées au concours; de façon qu’après avoir tapisse deux cloîtres et la nef de l’église avec les plus élégantes de ces poésies, il en est resté de quoi remplir cent autres monastères. »
En espagnol el pege Nicolas, en italien Pesce Cola. C’est le nom qu’on donnait à un célèbre nageur du quinzième siècle, natif de Catane en Sicile. Il passait, dit-on, sa vie plutôt dans l’eau que sur terre, et périt enfin en allant chercher, au fond du golfe de Messine, une tasse d’or qu’y avait jetée le roi de Naples don Fadrique. Son histoire, fort populaire en Italie et en Espagne, est pourtant moins singulière que celle d’un homme né au village de Lierganès, près de Santander, en 1660, et nommé Francisco de la Véga Casar. Le P. Feijoo, contemporain de l’événement, raconte, en deux endroits de ses ouvrages (Teatro critico et Cartas), que cet homme vécut plusieurs années en pleine mer, que des pêcheurs de la baie de Cadix le prirent dans leurs filets, qu’il fut ramené dans son pays, et qu’il s’échappa de nouveau, au bout de quelque temps pour retourner à la mer, d’où il ne reparut plus.
Nemo duplici potest amore ligari, dit un des canons du Statut d’Amour, rapporté par André, chapelain de la cour de France, au treizième siècle, dans son livre de Arte amandi (cap. XIII).
La glose, espèce de jeu d’esprit dans le goût des acrustiches, dont Cervantès donne un exemple et fait expliquer les règles par don Quichotte, était, au dire de Lope de Vega, une très-ancienne composition, propre à l’Espagne et inconnue des autres nations. On en trouve en effet un grand nombre dans le Cancionero général, qui remonte au quinzième siècle. On proposait toujours pour objet de la glose des vers difficiles non-seulement à placer à la fin des strophes, mais même à comprendre clairement.
Il y a dans cette phrase une moquerie dirigée contre quelques poëtes du temps, mais dont on n’a pu retrouver la clef.
Cervantès a voulu sans doute montrer ici l’exagération si commune aux. louangeurs, et l’on ne peut croire qu’il se soit donné sérieusement à lui-même de si emphatiques éloges. Il se rendait mieux justice, dans son Voyage au Parnasse, lorsqu’il disait de lui-même « Moi qui veille et travaille sans cesse pour sembler avoir cette grâce de poëte que le ciel n’a pas voulu me donner. . . . »
Don Quichotte applique aux chevaliers errants le Parcere subjectis et debellare superbos que Virgile attribuait au peuple romain.
On appelait danses à l’épée (danzas de espadas), certaines évolutions que faisaient, au son de la musique, des quadrilles d’hommes vêtus en toile blanche et armés d’épées unes. — Les danses aux petits grelots (danzas de cascabel menudo) étaient dansées par des hommes qui portaient aux jarrets des colliers de grelots, dont le bruit accompagnait leurs pas Ces deux danses sont fort anciennes en Espagne.
On appelait danseurs aux souliers (zapateadores) ceux qui exécutaient une danse de village, dans laquelle ils marquaient la mesure en frappant de la main sur leurs souliers.
Cada oreja con ou pareja. Pareja signifie la moitié d’une paire.
On appelle tierra de Soyago un district dans la province de Zamora où les habitants ne portent qu’un grossier sayon (sayo) de toile, et dont le langage n’est pas plus élégant que le costume. — Alphonse le Savant avait ordonné que, si l’on n’était pas d’accord sur le sens ou la prononciation de quelque mot castillan, on eût recours à Tolède, somme au mètre de la langue espagnole.
Hecho cabos de pulpo est une expression proverbiale qui s’applique à des habits déchirés.
Tinajas, espèce de grandes terrines où l’on conserve le vin, dans la Manche, faute de tonneaux.
Les danses parlantes (danzas hab’adas étaient, comme l’explique la description qui va suivre, des espèces de pantemimes mêlées de danses et de quelques chants ou récitatifs.
Alcancias. On nommait ainsi des boules d’argile, grosses comme des oranges, qu’on remplissait de fleurs ou de parfums, et quelquefois de cendre ou d’eau, et que les cavaliers se jetaient dans les évolutions des tournois. C’était un jeu araba unité par les Espagnols, qui en avaient conserve le nom.
La grand mère de Sancho citait un ancien proverbe espagnol, que le poëte portugais Antonio Enriquez Gomez a paraphrasé de la manière suivante :
El mundo liene dos linages solos
En entrambos dos polos.
Tener esta en Oriente,
Y no tener asiste en Occidente.
(Academia, III, vista 2.)
Allusion à la sentence si connue d’Horace : Pallida mort, etc.
On appelait ainsi des lames de métal, espèces de médailles bénites, que portaient anciennement les dames espagnoles, en guise de collier, et qui, dès le temps de Cervantès, n’étaient plus en usage que parmi les femmes de la campagne.
Les bancs de sable qui bordent la côte des Pays-Bas étaient fort redoutés des marins espagnols. Les dangers qu’on courait dans ces parages, et l’habileté qu’il fallait pour s’en préserver, avaient fait dire proverbialement, pour résumer l’éloge d’une personne recommandable, qu’elle pouvait passer par les bancs de Flandre. — Comme le mot espagnol banco signifie également banque, Lope de Vega dit ironiquement du maestro Burguillos nom sous lequel il se cachait, qu’on lui avait payé ses compositions, dans une joute littéraire, en une traite de deux cents écus sur les bancs de Flandre. C’est sans doute aussi par une équivoque sur le double sens du mot banco, que Filleau de Saint-Martin traduit ce passage en disant de Quitéria : Je ne crois pas qu’on la refus à la banque de Bruxelles.
Il y a dans cette phrase une allusion à la parabole qu’adressa le prophète Nathan à David, après le rapt de la femme d’Urias ; et une autre allusion à ces paroles de l’Évangile, Quod Deus conjunxit, homo non separet. (Saint Matthieu, chapitre XIX.)
Après leur sortie d’Égypte, les Israélites disaient dans le désert: Quando sadebamue super ollas carnium et comedebamus panem in saturitate. (Exode, chapitre XVI.)
Mulier diligens corou est ciro suo. (Prov.)
On a parlé, dans les notes précédentes, de la Giralda et des taureaux de Guisando. — L’ange de la Madeleine est une figure informe placée en girouette sur le clocher de l’église de la Madeleine à Salamanque. — L’égout de Vecingnerra conduit les eaux pluviales des rues de Cordone au Guadalquivir. Les fontaines de Leganitos, etc., sont toutes situées dans les promenades on places publiques de Madrid.
Il fallait dire Polydore Virgile. C’est le nom d’un savant italien, qui publia, en 1499, le traite De verum inventoribus,
La Roche de France est une haute montagne dans le district d’Alberea, province de Salamanque, où l’on raconte qu’un Français nommé Simon Véla, découvrit, en 1434, une sainte image de la Vierge. On y a depuis bâti plusieurs ermites et un couvent de dominicains. On appelle Trinité de Gaëte, une chapelle et un couvent fondés par le roi d’Argon Ferdinand V, sous l’invocation de la Trinité, au sommet d’un promontoire, en avant du port de Gaëte.
D’après les anciens romances de chevalerie, recueillis dans le Cancioneva général, le comte de Grimaldos, paladin français, fut faussement accusé de trahison par le comte de Tomillas, dépouillé de ses biens et exilé de France. S’étant enfui à travers les montagnes avec la comtesse sa femme, celle-ci mit au jour un enfant qui fut appelé Montésinos, et qu’un ermite recueillit dans sa grotte. A quinze ans, Montésinos alla à Paris, tua le traître Tomillas en présence du roi, et prouva l’innocence de son père, qui fut rappelé à la cour. Montésinos, devenu l’un des douze pairs de France, épousa dans la suite une demoiselle espagnole, nommée Rosa Florida, dame du château de Rocha Frida en Castille. Il habita ce château jusqu’à sa mort, et l’on donna son nom à la caverne qui en était voisine. — Cette caverne, située sur le territoire du bourg appelé la Osa de Montiel, et près de l’ermitage de San-Pédro de Saelicès, peut avoir trente toises de profondeur. L’entrée en est aujourd’hui beaucoup plus praticable que du temps de Cervantès, et les bergers s’y mettent à l’abri du froid ou des orages. Dans le fond du souterrain coule une nappe d’eau assez abondante, qui va se réunir aux lagunes de Ruidèra, d’où sort le Guadiana.
Durandart était cousin de Montésinos, et, comme lui, pair de France. D’après les romances cités plus haut, il périt dans les bras de Montésinos à la déroule de Roncevaux, et exigea de lui qu’il portât son cœur à sa dame Bélerme.
Ce Merlin, le père de la magie chevaleresque, n’était pas de la Gaule, mais du pays de Galles ; son histoire doit se rattacher plutôt à celle du roi Arbus et des paladins de la Table-Ronde, qu’à celle de Charlemagne et des douze pairs.
La réponse de Durandart est tirée des anciens romances composés sur son aventure ; mais Cervantès, citant de mémoire, a trouvé plus simple d’arranger les vers et d’en faire quelques-uns, que de vérifier la citation.
Le Guadiana prend sa source au pied de la Sierra de Alcaraz, dans la Manche. Les ruisseaux qui coulent de ces montagnes forment sept petits lacs, appelés Lagunes de Ruidéra, dont les eaux se versent de l’un dans l’autre. Au sortir de ces lacs, le Guadiana s’enfonce, l’espace de sept à huit lieues, dans un lit très-profond, cache sous d’abondants herbages, et ne reprend un cours apparent qu’après avoir traversé deux autres lacs qu’on appelle les yeux (los ojos) de Guadiana. Pline connaissait déjà et a écrit les singularités du cours de ce fleuve, qu’il appelle sœpius nasci grudens (Hist. nat., lib. III, cap. III). C’est sur ces diverses particularités naturelles que Cervantes a fondé son ingénieuse fiction.
Expression proverbiale prise aux joueurs, et que j’ai dû conserver littéralement à cause des conclusions qu’en tire, dans le chapitre suivant, le guide de don Quichotte.
C’était le nom d’une famille originaire de Suisse et établie à Augsbourg, où elle vivait comme les Médicis à Florence. La richesse des Fucar était devenue proverbiale, et, en effet, lorsqu’à son retour de Tunis, Charles-Quint logea dans leur maison d’Augsbourg, on mit dans sa cheminée du bois de cannelle, et on alluma le feu avec une cédule de paiement d’une somme considérable due aux Fucar par le trésor impérial. Quelques membres de cette famille allèrent s’établir en Espagne, où ils prirent à ferme les mines d’argent de Hornachos et de Guadalcanal, celle de vif-argent d’Almaden, etc. La rue où ils demeuraient à Madrid s’appelle encore calle de los Fucares.
La relation des prétendus voyages de l’infant don Pédro a été écrite par Gomez de Santisteban, qui se disait un de ses douze compagnons.
Les cartes, inventées en France pendant la maladie de Charles VI, furent d’abord marquées du chiffre N. P., désignant le nom de leur inventeur, Nicolas Pépin. De là vint, d’après Covarrubias, qu’elles furent appelées en Espagne, naipes.
On accordait fort difficilement, du temps de Cervantès, les licences pour publier un livre. Le docteur Aldrele, qui fit imprimer à Rome, en 1606, son savant traité Origen y principio de la lengua castellana, dit, dans le prologue adressé à Philippe III, qu’on avait alors suspendu en Espagne, pour certaines causes, toutes les licences d’imprimer des livres nouveaux.
Cervantès fait allusion à son protecteur, le comte de Lemos, auquel il dedia la seconde partie du Don Quichotte.
Una sota-ermitano. Expression plaisante pour dire la servante de l’ermite, qui s’en faisait le lieutenant.
Una vontaja. On appelait ainsi un supplément de solde attribué aux soldats de naissance, qui se nommaient aventajados, et qui furent depuis remplacés par les cadets.
Officier municipal, échevin.
Albricias, present qu’on fait au porteur d’une bonne nouvelle.
Quel poisson prenons-nous ? expression italienne prêtée par Cervantès à don Quichotte.
Alzar ou levantar figuras judiciarias. On appelait ainsi, parmi les astrologues, au dire de Covarrubias, la manière de déterminer la position des douze figures du zodiaque, des planètes et des étoiles fixes, à un moment précis, pour tirer un horoscope.
Imitation burlesque du premier vers du second livre de l’Éneide, Conticuere omnes, etc.
Ces vers et ceux qui seront cités ensuite, sont empruntés aux romances du Cancionero et de la Silva de romance, où se trouve racontée l’histoire de Gaïferos et de Mélisandre.
Ce vers est répété dans un romance comique compose sur l’aventure de Gaïferos, par Miguel Sanchez, poëte du dix-septième siècle.
Melisendra esta en Sansuena,
Vos en Paris descuidado ;
Vos ausente, ella muge :
Harto us he dicho, miradlo.
La dulzaina, dont on fait usage dans le pays de Valence, est un instrument recourbé, d’un son très-aigu. La chirimia (que je traduis par clairon), autre instrument d’origine arabe, est une espèce de long hautbois, à douze trous, d’un son grave et retentissant.
Vers de l’ancien romance Como perdio à Espana el rey Don Rodrigo. (Cancionero general.)
Il y a trente-quatre maravedis dans le réal.
En style familier, prendre la guenon (tomar ou coger la mona), veut dire s’enivrer.
No rehuznaron en valde
El uno y el otro alcalde.
Les alcades sont en effet élus parmi les régidors.
Dans le roman de Persilès et Sigismonde ( liv. III, chap. x), Cervantès raconte qu’un alcaldo envoya le crieur public (pregonero) chercher deux ânes pour promener dans les rues deux vagabonds condamnés au fouet. « Seigneur alcade, dit le crieur à son retour, je n’ai pas trouvé d’ânes sur la place, si ce n’est les deux regidors Berrueco et Crespo qui s’y promènent. — Ce sont des ânes que je vous envoyais chercher, imbécile, répondit l’alcade, et non des régidors. Mais retourner et amenez-les-moi: qu’ils se trouvent présents au prononcé de la sentence. Il ne sera pas dit qu’on n’aura pu l’exécuter faute d’ânes, car, grâces au ciel, ils ne manquent pas dans le pays. »
Voici le défi de don Diego Ordonez, tel que le rapporte un ancien romance tiré de la chronique du Cid (Cancionero general: « Diego Ordonez au sortir du camp, chevanche, armé de doubles pièces, sur un cheval hai-brun; il va défier les gens de Zamora pour la mort de son cousin (Saucho le Fort), qu’a tué Vellido Dolfos, fils de Dolfos Vellido. Je vous défie, gens de Zamora, comme traîtres et félons; je défie tous les morts et avec eux tous les vivants ; je défie les hommes et les femmes, ceux à naître et ceux qui sont nés; je défie les grands et les petits, la viande et le poisson, les eaux des rivières, etc., etc. »
Les habitants de Valladolid, par allusion à Agustin de Cazalla, qui y périt sur l’échafaud.
Les habitants de Tolède.
Les habitants de Madrid.
Les habitants de Gétafe, à ce qu’on croit.
On appelai ainsi une halafre on croix sur le visage.
Cette aventure d’une barque enchantée est très—commune dans les livres de chevalerie. Ou la trouve dans Amadis de Gaule (liv. IV, chap. XII), dans Olivante de Laura (liv. II, chap. 1), etc., etc.
Il y a dans l’original longincuos, mot pédantesque dont l’équivalent manque en français.
L’original dit : « puto et gafo avec le sabriquet de meon. » Puto signifie giton, gafo, lépreux, et nicon, pisseur.
On appelait ainsi la chasse au faucon faite à des oiseaux de haut vol, comme le héron, la grue, le canard sauvage, etc. C’était un plaisir réservé aux princes et aux grands seigneurs.
Ces expressions prouvent que Servantes n’a voulu designer aucun grand d’Espagne de son temps, et que son duc et sa duchesse sont des personnages de pure invention. On a seulement conjecturé, d’après la situation des lieux, que le château où don Quichotte reçoit un si bon accueil est une maison de plaisance appelée Buenavia, située près du bourg de pédrola en Aragon, appartenant aux ducs de Villahermosa.
Le don ou dona, comme le sir des Anglais, ne se place jamais que devant un nom de baptême. L’usage avait introduit une exception pour les duègnes, auxquelles on donnait le titre de dona devant leur nom de famille.
Allusion aux vers du romance de Lancelot cités dans la première partie.
Au temps de Cervantès, c’était un usage presque général parmi les grands seigneurs d’avoir des confesseurs publics et attitrés, qui remplissaient comme une charge domestique auprès d’eux. Ces favoris en soutane ou en capuchon se bornaient rarement à diriger la conscience de leurs pénitents ; ils se mêlaient aussi de diriger leurs affaires, et se faisaient surtout les intermédiaires de leurs libéralités, au grand préjudice des malheureux et de la réputation des maîtres qu’ils servaient. — Tout en censurant ce vice général, Cervantès exerce une petite vengeance particulière. On a pu voir, dans sa Vie, qu’un religieux de cette espèce s’était violemment opposé à ce que le duc de Béjar acceptât la dédicace de la première partie du Don Quichotte. C’est ce religieux qu’il peint ici.
Cet Alonzo de Maranon se noya effectivement à l’ìle de la Herradura, sur la côte de Grenade, avec une foule d’autres militaires, lorsqu’une escadre envoyée par Philippe II, pour secourir Oran qu’assiégeait Hassan-Aga, fils de Barberousse. fut jetée par la tempête sur cette île, en 1562.
On avait appelé malandrins, au temps des croisades, les brigands arabes qui infestaient la Syrie et l’Égypte. Ce mot est resté dans les langues du Midi pour signifier un voleur de grand chemin ou un écumeur de mer, et il est très-fréquemment employé dans les romans de chevalerie.
on peut voir dans la Micellanea de don Luis Zapata, le récit d’une plaisanterie à peu près semblable faite à un gentilhomme portugais chez le comte de Benavente. Peut-être Cervantès a-t-il pris là l’idée de la plaisanterie faite à don Quichotte.
En plusieurs endroits de la seconde partie de son livre, Cervantes s’efforce de la rattacher à la première; et pour cela il suppose entre elles, non point un laps de dix années, mais seulement un intervalle de quelques jours.
Oriane, maîtresse d’Amadis de Gaule, Alastrajarée, fille d’Amadis de Grèce et de la reine Zahara, et Madasime, fille de Pamongomadan, géant du Lac-Bouillant, sent des dames de création chevaleresque.
Nom que donnèrent les chroniques arabes à Florinde, fille du comte don Julien.
On appelait ainsi une eau de senteur très à la mode au temps de Cervantes. Il entrait dans la composition de l’eau des anges (Agua de angeles), des roses rouges, des roses blanches, du trèfle, de la lavande, du chèvrefeuille, de la fleur d’oranger, du thym, des lis, des œillets et des oranges.
Ce fauteuil du Cid (escano, banc à dossier) est celui qu’il conquit à Valence, an dire de sa chronique, sur le petit-fils d’Aly-Mamoun, roî more du pays.
Wamba régna sur l’Espagne gothique de 672 à 680.
Rodéric, dernier roi goth, vaincu par Thârik à la bataille du Guadulelé, en 711 ou 712.
Ya me comen , ya me comen Por do mas peeado habia.
Ces vers ne se trouvent pas précisément ainsi dans le romance de la pénitence du roi Rodrigue. (Voir le conclonero eneral, de 1555, t. XVI, folio 128.) Ils s’étaient sans doute allérés par la tradition.
Miguel Verino de Mayorque, était l’auteur d’un petit livre élémentaire, intitulé : De puerorum moribus disticha, qu’on apprenait anciennement aux écoliers. Cervantès, qui dut expliquer les distiques de Vérino dans la classe de son maître Juan Lopez deHoyos, se sera souvenu également de son epitaphe. composée par Angel Policiano, et qui commence ainsi :
Michael Verinus florentibus occidit annis,
Moribus ambiguum major, aningenio, etc.
Sancho se rappelait sans doute ce proverbes : « Si tu plaisantes avec l’âne, il le donnera de sa queue par la barbe. »
J’ai transposé les deux phrases qui précèdent, pour les mettre dans l’ordre naturel des idées, et je crois n’avoir fait en cela que réparer quelque faute d’impression commise dans la première édition du Don Quichotte.
Ce genre de politesse envers les dames n’était pas seulement usité dans les livres de chevalerie, où les exemples en sont nombreux. Mariana rapporte que, lorsque l’infante Isabelle, après le traité, de los toros de Guisando, qui lui assurait la couronne de Castille , se montra dans les rues de Ségovie, en 1474, le roi Henri IV, son frère, prit les rènes de son palefroi pour lui faire honneur.
En espagnol venablo. On appelait ainsi une espèce de javelot, plus court qu’une lance, qui servait spécialement à la chasse du sanglier.
Favila n’est pas précisément un roi goth. Ce fut le successeur de Pélage dans les Asturies. Son règne, ou plutôt soir commandement, dura de 737 à 759.
Noël, l’Épiphanie, Pâques et la Pentecôte,
El comendador griego. On appelait ainsi le célèbre humaniste Fernand Nunez de Guzman, qui professait à Salaman que, au commencement du seizième siècle, le grec, le latin et la rhétorique. On l’appelait aussi el Pinciano, parce qu’il était né à Valladolid, qu’on croit être la Pincia des Romains. Son recueil de proverbes ne parut qu’après sa mort, arrivée en 1453. Un autre humaniste, Juan de Mallara, de Seville, en fit un commentaire sous le titre de Filosofia vulgar.
C’est de la probablement qu’est venu le cri de chasse halali !
Mot latin qui était passé, en Espagne, dans le style familier.
Un carrosse, à l’époque de Cervantes, était le plus grande objet de luxe, et celui que les femmes de haute naissance ambitionnaient le plus. On voyait alors des familles se ruiner pour entretenir ce coûteux objet de vanité et d’envie, et six lois (pragmaticas) furent rendues dans le court espace de 1578 à 1626, pour réprimer les abus de cette mode encore nouvelle. Ce fut, au dire de Sandoval (Historia de Carlos Quinto, part. II), sous Charles-Quint, et dans l’année 1546, que vint d’Allemagne en Espagne, le premier carrosse dont on y eut fait usage. Des villes entières accouraient voir cette curiosité, et s’émerveillaient, dit-il, comme à la vue d’un cenlaure ou d’un monstre. An reste, la mode des carrosses, fatale aux petites fortunes, était au contraire avantageuse aux grands seigneurs, qui ne sortaient jamais auparavant sans un cortège de valets de tous les étages. C’est une observation que fait un contemporain, don Luis Brochero (Discurso del uso de los coches.) « Avec la mode des carrosses, dit-il, ils épargnent une armée de domestiques, une avant-garde de laquais et une arrière-garde de pages. »
Diverses significations du mot dolorida.
Sancho fait ici un jeu de mots sur le nom de la comtesse Trifaldi. Falda signifie une basque, un pan de robe.
De la dulce mi enemiga
Nasce un mal que al alma hiere.
Y por mas tormento quiere,
Que se sienta y no se diga.
Ce quatrain est traduit de l’italien. Voici l’original, tel que l’écrivit Seratino Aquillano.
De la dolce mia nemica
Nasce un duol ch’esser non suole :
E per pin lormento vuole
Che si senta e non si dira.
Ven, muerte, tan escondida
Que no te sienta venir,
Porque el placer del morir
No me torne à dar la vida.
Ce quatrain fut d’abord écrit avec une légère différence dans le second et le troisième vers, par le commandeur Escriha,
Les seguidillas, qui commençaient à être à la mode au temps de Cervantes, et qu’on appelait aussi colpas de seguida (couplets à la suite), sont de petites strophes en petits vers, ajustées sur une musique légère et rapide. Ce sont des danses aussi bien que des poésies.
A des îles désertes.
Allusion ironique à la célèbre apostrophe de Virgile, lorsque Énée raconte à Didon les malheurs de Trois.
Quis, talia fando,
Myrmidomm, Dolopumve, aut duri mies Ulyssei.
Temperet a lacrymis.....
Æn., lib. II.)
Ces femmes, dont l’office était fort à la mode au temps de Gervantes, se nommaient alors velleras.
Cervantès a pris l’idée de son cheval de bois dans l’Histoire de la jolie Magalone, fille du rai de Naples et de Pierre, fils du comte de Provence, roman chevaleresque, imprime à Seville en 1553. Le docteur Jonh Bowle fait remarquer, dans ses Annotations sur le Don Quichotte, que le vieux Chancer, l’Ennius des poëtes anglais, mort en 1400, parle d’un cheval semblable à celui-ci qui appartenait Cambuscan, roi de Tartarie ; il volait dans les airs et se dirigeait au moyen d’une cheville qu’il avait dans l’oreille. Seulement le cheval de Cambuscan était de bronze.
Bootès n’est pas un des chevaux du Soleil, mais une constellation voisine de la Grande-Ourse. Ce n’est point non plus Péritoa qu’il fallait nommer, mais Pyreeis, suivant ces vers d’Ovide (Métam., liv. II) :
Interea volucres Pyroeis, Eous et Æthon,
Solis equi, quartusque Phlegon, hinnitibus auras
Flammiferis implent, pedibusque repagula pulsant.
Claviteno et aligero. Nom forme des mots clavija, cheville, et leno, pièce de bois.
On appelait cohechos (concussion, subornation), les cadeaux que le nouveau titulaire d’un emploi était obligé de faire à ceux qui le lui avaient procuré. C’est ainsi qu’on obtenait, au temps de Cervantès, non-seulement les gouvernements civils et les offices de justice, mais les prélatures et les plus hautes dignités ecclésiastiques. Ce trafic infâme, auquel Cervantès fait allusion, était si commun, si genéral, si patent, que Philippe III, par une pragmatique datée du 19 mars 1614, imposa des peines fort grave aux solliciteurs et aux protecteurs qui s’en rendraient désormais coupables.
On aurait dit, en France, à Montfaucon. Péralvillo est un petit village sur le chemin de Ciudad-Réal à Tolède, près duquel la Sainte-Hermanda faisait tuer, à coups de flèches, et laissait exposés les malfaiteurs condamnés par elle.
Le docteur Eugénio Torralva fut condamné à mort, comme sorcier, par l’inquisition, et exécuté le 6 mai 1531. Son procès avait commencé le 10 janvier 1528. On a trouvé, dans les manuscrits de la bibliothèque royale de Madrid, la plupart de ses déclarations, recueillies pendant le procès. Voici, en abrégé, celle à laquelle Cervantès fait allusion : « Demande lui ayant été faite si ledit esprit Zéquiel l’avait transporté corporellement en quelque endroit, et de quelle manière il l’emportait, il répondit : Étant à Valladolid au mois de mai précèdent (de l’année 1527), ledit Zéquiel m’ayant vu et m’ayant dit comment à cette heure Rome était prise d’assaut et saccagée, je l’ai dit à quelques personnes, et l’empereur (Charles-Quint) le sut lui-même, mais ne voulut pas le croire. Et, la nuit suivante, voyant qu’on n’en croyait rien, l’esprit me persuada de m’en aller avec lui, disant qu’il me mènerait à Rome, et me ramènerait la nuit même. Ainsi fut fait; nous partîmes tous deux à quatre heures du soir, après être allés, en nous promenant, hors de Valladolid. Étant dehors ledit esprit me dit: No haber paura : fidate de me, que yo te prometo que no tendras ningun desplacer : per tanto piglia aquesto in mano (ce jargon, moitié italien, moitié espagnol, signifie : N’aie pas peur, aie confiance en moi ; je te promets que tu n’auras aucun déplaisir. Ainsi donc, prends cela à la main) ; et il me sembla que, quand je le pris à la main, c’était un bâton noueux. Et l’esprit me dit : Cierra ochi (ferme les yeux) ; et, quand je les ouvris, il me parut que j’étais si près de la mer que je pouvais la prendre avec la main. Ensuite il me parut, quand j’ouvris les yeux, voir une grande obscurité, comme une nuée, et ensuite un éclair qui me lit grand’peur. Et l’esprit me dit : Noti timere, bestia fiera (n’aie pas peur, bête féroce,) ce que je lis ; et quand je revins à moi, au bout d’une demi-heure, je me trouvai à Rome, par terre. Et l’esprit me demanda : Dove pansate que state adesso ? (où pensez-vous être à présent?) Et je lui dis que j’étais dans la rue de la Tour de Nona, et j’y entendis sonner cinq heures du soir à l’horloge du château Saint-Ange. Et nous allâmes tous deux, nous promenant et causant jusqu’à la tour Saint-Ginian, où demeurait l’evêque allemand Copis, et je vis saccager plusieurs maisons, et je vis tout ce qui se passait à Rome. De là, je revins de la même manière, et dans l’espace d’une heure et demie, jusqu’à Valladolid, où il me ramena à mon logis, qui est près du monastère de San-Benito, etc. »
Nom que donnent les paysans espagnols à la constellation des Pléiades.
Cervantès veut parler ici, soit de Catan le censeur, soit plutôt de Dionysius Calon, auteur des Distiche de moribus ad filium. et dont l’ouvrage était alors classique dans les universités d’Espagne. On ne sait rien de ce Dionysius Caton, sinon qu’il vivait après Lucain, car il le cite dans ses Distiques.
Allusion au paon, qui, dit-on, défait sa roue dès qu’il regarde ses pieds. Fray Luis de Granada avait déjà dit, usant de la même métaphore : « Regarde la plus laide chose qui soit en toi, et tu déferas aussitôt la roue de ta vanité. »
Allusion au proverbe : Non, non, je n’en ceux pas, mais jette-le-moi dans mon capuchon. Les juges portaient alors des manteaux à capuchon (capas con capilla).
La ley det encaje. On appelait ainsi l’interprétation arbitraire que le juge donnait à la loi
Suétone dit en effet (chap. XLV) que César s’habillait avec négligence, et ne serrait point la ceinture de sa loge. C’était de sa part une affectation, afin qu’on le prit pour un homme efféminé, et qu’on ne pût découvrir tout d’abord son courage et son esprit. Aussi quelqu’un demandant à Cicéron pourquoi il avait suivi le parti de Pompée plutôt que celui de César, « César, répondit-il, m’a trompé par la manière de ceindre sa loge. »
Sancho s’applique le cieux dicton : Al buen callar Hamnn Sancho.
Cervantès veut dire qu’il aurait mieux fait d’enlever ces deux nouvelles au Don Quichotte, et de les réunir à son recueil de Nouvelles exemplaires ; ce qu’ont fait depuis quelques éditeurs de ses œuvres.
Ces expression signifient, d’après Covarrubias (Tesoro de la lengua castelluna), à l’improviste, sur-le-champ.
Ce poète est Juan de Ména, mort en 1456. Il dit, dans la deux cent vingt-septième strophe du Labyrinthe, ou poëme des Trescientas coplas :
¡ O vida segura la manza pobreza !
¡ O dadiva sancta, desagradecida ! Hésiode, dans son poëme des Heures et des Jours, avait aussi appelé la pauvreté présent des dieux immortels.
Saint Paul.
Cervantès dit également dans sa comédie La gran sultana dona Catalina de Oviedo (Jordana 5a) : “..... Hidalgo, mais non riche ; c’est une malédiction de notre siècle, où il semble que la pauvreté soit une annexe de la noblesse.»
Cervantès fait sans doute allusion à une perte magnifique qui existait alors parmi les joyaux de la couronne d’Espagne, et qu’on appelait l’orpheline ou l’unique (la huerfana ou la sola). Cette perle périt, avec une foule d’autres bijoux, dans l’incendie du palais de Madrid, en 1754.
On appelle en Espagne cantimploras des carafes de verre ou des cruches de terre très-mince, que, pour rafraîchir l’eau pendant l’été, l’on agite à un courant d’air. De là vient la bizarre épithète que Cervantès donne au soleil.
Barato est, en espagnol, l’adjectif oppose à caro, cher: ce que nous appelons, dans notre pauvreté des mots les plus usuels, bon marché.
Au temps de Cervantès, beaucoup de roturiers s’arrogeaient déjà le don, jusqu’alors réservé à la noblesse. Aujourd’hui tout le monde prend ce titre, devenu sans conséquence, et qui est comme le esquire des Anglais.
Il y a dans l’original : si la précédente sentence. Cervantès changea sans doute après coup l’ordre des trois jugements rendus par Sancho ; mais il oublia de corriger l’observation qui suivait celui-ci,
Elle est prise, en effet, de la Lombardica historia de Fra Giacobo di Voragine dans la Vie de saint Nicolas de Bart (chap. III.)
Cette histoire, vraie ou supposée, était déjà recueillie dans le livre de Francisco de Osuna, intitulé Norte de los Estados, et qui fut imprimé en 1550. Mais Cervantès, qui pouvait l’avoir apprise, ou dans cet ouvrage, ou par tradition, la raconte d’une tout autre manière.
On appelait ainsi un baume composé avec des fleurs de millepertuis. Du nom de cette plante (hiperico en espagnol s’était formé, par corruption, le mot d’huile d’aparicio.
On lit dans le livre des Étiquettes, composé par Olivier de la Marche pour le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, et qui fut adopté par les rois d’Espagne de la maison d’Autriche pour les règlements de leur palais : « Le duc a six docteurs en médecine qui servent à visiter la personne et l’état de la santé du prince : quand le duc est à table, ils se tiennent derrière lui, pour regarder quels mets et quels plats on sert au duc, et lui conseiller, suivant leur opinion, ceux qui lui feront le plus de bien. »
L’aphorisme est : Omnis situratio mala, panis autem pessima.
Peliagudo signifie également, au figuré, embrouillé, épineux, difficile.
La olla podrida (mot à mot pot-pourri) est un mélange de plusieurs sortes de viandes et d’assaisonnements.
Recio signifie raide, intraitable, et aguero, augure.
Tirteafuera, ou mieux tirateafuera, signifie va-t’en d’ici. C’est ainsi que l’emploie Simon Abril dans la traduction de l’Eunuque, de Térence, où la servante Pythias dit au valet Chéréa :
Neque pol servandum libi
Quidquam dare ausim, neque te servare. Apage le.
(Acte Y, scène II.)
En buena fe que ni yo osaria
Darte à guardar nada, ni menos guardarte
Yo. Tirateafuera.
A l’expiration de leurs charges, les gouverneurs, comme certains autres employés de l’État, étaient tenus à résider quelque temps dans le pays qu’ils avaient administré. Pendant ce temps, ils restaient exposés aux réclamations de leur subordonnés, devenus leurs égaux. Les Espagnols avaient pris cette sage coutume des Arabes.
Les Biscayens, à l’époque de Cervantès, étaient, presque de temps immémorial, en possession des places de secrétaires du roi et du conseil.
En espagnol perlaticos (paralytiques).
Il y a, dans l’original, du son atalaya. C’est le nom que les Arabes donnaient (al-thalaya’h) aux petites tours élevées sur des éminences, et d’où leurs éclaireurs avertissaient des mouvements de l’ennemi, au moyen de signaux répétés de poste en poste.
Montagnes, né dans les montagnes des Asturies, où tous les habitants se regardent comme les descendants de Pélage et de ses compagnons.
On appelait ainsi les cantères. (Voir Gil Blas, liv. VII. chap. 1.)
Les cautères et les sélons sur les bras et sur les jambes, et même derrière le cou, étaient très en usage au temps de Cervantès. Matias de Léra, chirurgien de Philippe IV, dit, dans un traité sur la matière, que les uns emploient ce remède pour se guérir de maladies habituelles, d’autres pour s’en préserver, d’autres enfin vicieusement et seulement pour se mettre à la mode, (Pràctica de fuentos y sus utilidades.)
Ollas podridas. Il y entre du bœuf, du mouton, du lard, des poules, des perdrix, des saucisses, du boudin, des légumes, et toutes sortes d’ingrédients. Le nom de ce mets lui vient sans doute de ce qu’on laisse cuire si longtemps les viandes qui le composent, qu’elles se détachent, se mêlent et se confondent comme des fruits trop murs.
On appelait barato l’espace de gratification que les joueurs gagnants donnaient aux assistants qui prenaient leur parti. Ces assistants, qui se nommaient barateros ou mirones, se divisaient en pedagogos ou gansos, ceux qui enseignaient les joueurs novices, et doncaires ceux qui les dirigeaient en jouant et décidaient les coups douteux. On appelait aussi barato ce que donnaient les joueurs pour les cartes et la lumière, aux maîtres des maisons de jeu, tenues aussi bien par de grands. seigneurs que par de pauvres hères, et qui avaient une foule de noms, tels que tablages, tablagerias, casas de conversacion, leneras, mandrachos, encierros, garitos.
On appelait modorros des filous expérimentés qui passaient à dormir la moitié de la nuit, et venaient, comme des troupes fraîches, tomber à minuit sur les joueurs chauffés, qu’ils achevaient aisément de dépouiller. C’est ce qu’ils nommaient, dans leur jargon, se réserver pour la glane (quedarse à la espigu).
Le mot espagnol dormir signifie également coucher. De là l’espèce de coq-à-l’âne qui va suivre.
Les hauts-de-chausses appelés calzas atacadas, serrés et collant tout le long de la jambe, arrondis et très-amples depuis le milieu de la cuisse, avaient le nom populaire de pedorreras, auquel je n’ai trouvé d’autre équivalent supportable en français que pet-en-l’air. Ces hauts-de-chausses furent prohibés par une pragmatique royale, peu après l’époque où parut la seconde partie du Don Quichotte. Ambrosio de Salazar raconte qu’un hidalgo ayant été pris vétu de calzas atacadas. malgré la prohibition, fut conduit devant le juge, et qu’il allégua pour sa défense que ses chausses étaient la seule armoire qu’il eût pour serrer ses hardes. Il en tira effectivement un peigne, une chemise, une paire de nappes, deux serviettes et un drap de lit. (Las Clavillenas de recreacion, Bruxelles, 1625, f. 99.)
Les gens de qualité, qui portaient en voyage une espèce de voile ou masque fort léger pour se garantir la figure de l’air et du soleil. Le peuple appelait ces masques papa-higos, gohe-figues.
Jurer par la vie de ses père et mère était une formule de serment très-usitée du temps de Cervantès.
De stercore erigens pauperem, Ps.
Voir la note 1, à la page 586.
De haldas o de mangas. Ces mots ont un double sens : l’un, qui veut dire les pans d’une robe de magistrat, signifiait aussi les droits à percevoir comme gouverneur. L’autre, qui veut dire les manches, signifiait les cadeaux qui se faisaient aux grandes fêtes de l’année, comme Pâques et Noël, ou aux réjouissances publiques, comme l’avènement d’un nouveau roi. De là le proverbe : Buenas son mangas despues de Pascua.
On lit dans un auteur économique du temps de Cervantès : « Tandis que, ces années passées, le blé se vendait au poids de l’or à Ségovie, que le prix des loyers montait au ciel, et qu’il en était de même dans les autres villes, une paire de souliers à deux semelles valait trois réaux (quinze sous), et à Madrid quatre. Aujourd’hui, on en demande effrontément sept réaux, sans vouloir les donner à moins de six réaux et demi. Il est effrayant de penser où cela va s’arrêter. » (Man. de la Bibl. Royale – Code 156, f. 64.)
Expression fort usitée dans un temps ou Rome dispensait toutes les faveurs et tous les pardons.
Tarde piache (pour piaste), phrase proverbiale dont voici l’origine : on raconte qu’un étudiant, mangeant des œufs à la coque, en avala un si eu frais, que le poulet s’y était déjà forme; il l’entendit crier en lui passant dans la gorge, et se contenta de dire gravement : Tu piaules trop tard.
Il y a là un intraduisible jeu de mots sur nones, qui veut dire impairs et non an pluriel, et pures, pairs.
Allusion au proverbe: Les ailes sont venues à la fourmi, et les oiseaux l’ont mangée
Alpargatas, chaussure ordinaire des paysans espagnols.
En Espagne et en Amérique, les vice-rois, gouverneurs et agents financiers devaient, en quittant leur emploi, résider quelque temps pour rendre leurs comptes.
Du nul allemand Gold, qui veut dire argent.
Cervantès parle, dans ce chapitre, du plus grave des événements dont il fut temoin, l’expulsion des Morisques. Après la capitulation de Grenade, en 1492, un grand nombre de Mores, restés musulmans, séjournèrent en Espagne. Mais bientôt, aux missions envoyées parmi eux, succédèrent les persécutions; et enfin un décret de Charles-Quint, date du 4 avril 1525, ordonna, sous peine de bannissement, que tous les Mores reçussent le baptême. Les chrétiens convertis par force furent alors appelés du nom de Morisques (Moriscos), qui servait à les distinguer des vieux chrétiens. Sons Philippe II, on exigea plus que leur abjuration : en 1566, on leur défendit, par une pragmatique, l’usage de leur langue, de leurs vêtements, de leurs cérémonies, de leurs bains, de leurs esclaves et même de leurs noms. Ces dispositions tyranniques, exécutées avec une impitoyable rigueur, provoquèrent la longue révolte connue sous le nom de rébellion des Morisques, qui tint en échec toute la puissance de Philippe 11, et ne fut étouffée qu’en 1570, par les victoires de don Juan d’Autriche. Les Morisques vaincus furent dispersés dans toutes les provinces de la Péninsule; mais cette race déchue continuant à prospérer, à s’accroître, par le travail et l’industrie, on trouva des raisons politiques pour effrayer ceux que ne touchait pas suffisamment le fanatisme religieux déchaîné contre elle. Un édit de Philippe III, rendu en 1609, et exécuté l’année suivante, ordonna l’expulsion totale des Morisques. Douze à quinze cent mille malheureux furent chassés de l’Espagne, et le petit nombre d’entre eux qui survécurent à cette horrible exécution allèrent se perdre, en cachant leur origine, au milieu des races étrangères. Ainsi l’Espagne, déjà dépeuplée par les émigrations d’Amérique, se priva, comme fit plus tard la Franche à la révocation de l’édit de Nantes, de ses plus industrieux habitants, qui allèrent grossir les troupes des pirates de Berbérie, dont ses côtes étaient infestées. (Voir l’Essai sur l’Histoire des Arabes et des Mores d’Espagne, appendice, tome II). Au milieu des ménagements dont Cervantès s’enveloppe, il est facile de voir que toute sa sympathie est pour le peuple opprime.
Un autre écrivain du temps de Cervantès, Cristoval de Herrera. avait dit quelques années plus tôt : . . . . . « Il faudrait empêcher que les Français et les Allemands parcourussent ces royaumes en nous soutirant notre argent, car tous les gens de cette espèce et de cet habit nous en emportent. On dit qu’en France les parents promettent pour dot de leurs filles ce qu’ils rapporteront de leur voyage à Saint-Jacques de Compostelle, allée et retour, comme s’ils allaient aux Grande-Indes. » (Amparo de pobres.)
Plus loin il est appelé don Gaspar Grégorio.
Selon la tradition, Galiana était une princesse arabe, à laquelle son père Gadalife éleva un magnifique palais, sur les bords du Tage, à Tolède. On donne encore le nom de palais de Galiana à des ruines qui se voient dans le jardin del Rey.
Il y a ici une espèce de contradiction avec la lin du chapitre LI, où l’on dit que les habitants de l’île Barataria observent encore Les Constitutions du grand gouverneur Sancho Panza. Mais Cervantès sans doute n’a pas résisté au désir de de-cocher une épigramme contre le gouvernement de l’Espagne, qui avait, de ce temps-là, le défaut de rendre force lois et ordonnances sans pouvoir les faire exécuter.
Au dixième chant de l’Orlando furioso, Biréno abandonne son amante Olympia dans une île déserte. A son réveil, elle maudit le perfide et le charge d’imprécations, comme Didon au départ d’Énée. De là les deux comparaisons d’Altisidore.
Cette imprécation forme ce que les Espagnols appellent el estribillo (le refrain), et se trouve répétée à la fin de toutes les strophes.
Littéralement : Tue-Mores.
Regnum cælorum vim patitur (Saint Matthieu, chap. 11, v. 12.
Santiago, y cierra, Espana, Littéralement, saint Jacques, et attaque, Espagne. Le mot cerrar, qui a voulu dire anciennement attaquer, signifie maintenant fermer. De là le jeu de mots de Sancho.
Les gardiens des taureaux destinés aux courses les gardent à cheval, et portent des lances au lieu de fouets. Les taureaux qu’on amène des pâturages au cirque, la veille des combats, sont conduits par des bœufs dressés à cet usage, et qu’on appelle cabestros.
Cervantès parle ici de l’impertinente continuation du Don Quichotte, faite par un auteur aragonais qui s’est caché sous le nom du licencie Alonzo Fernandez de Avellanéda, continuation qui parut pendant qu’il écrivait lui-même la seconde partie. Cet Avellanéda peint en effet don Quichotte comme revenu de son amour, dans les chapitres IV, VI, VIII, XII et XIII. Il avait dit an troisième chapitre : « Don Quichotte finit son entretien avec Sancho, en disant qu’il voulait aller à Saragosse « pour les joutes, et qu’il pensait oublier l’ingrate infante Dulcinée du Toboso, pour chercher une autre dame. »
Ce sont des injures grossières adressées directement à Cervantès.
Cervantès oublie que lui-même lui a donné ce nom dans la première partie, et qu’il l’appelle Juana Gutierrez dans le chapitre VII de la seconde.
Ces détails obscènes et ridicules se trouvent principalement dans les chapitres XV, XVI, XVII, XVIII et XIX.
La description de cette course de bagues est dans le chapitre XI.
Ces paroles sont celles que la tradition place dans la bouche du connétable Du Guesclin, lorsque, pendant la lutte de Pierre le Cruel et de son frère Henri de Transtamar, dans la plaine de Montiel, il aida celui-ci à monter sur le corps de Pierre, que Henri perça de sa dague.
Sancho applique à son maître les deux derniers vers d’un ancien romance, composé sur la tradition des sept infants de Lara (Canc. de Amberes, p. 172.) Gonzalo Gustos de Lara avait épousé dona Sancha, sœur de Ruy-Velazquez. Ce dernier, pour venger une offense, livra au roi more de Cordoue son beau-frère et ses sept neveux. Le père fut jeté dans une prison perpétuelle après qu’on lui eut servi sur une table les tètes de ses sept enfants. Cependant l’amour d’une femme arabe, sœur du roi, le tira de prison, et le fils qu’il eut d’elle, appelé Mudarra Gonzalo, vengea le sang de ses frères dans celui de Ruy-Velazquez. L’ayant rencontré un jour à la chasse, il l’attaqua, et, bien que l’antre lui demandât le temps d’aller chercher ses armes, il le tua après avoir répondu les vers que cite Sancho :
Esperesme, don Gonzalo,
Iré à tomar las mis armas –
– El espera que tu diste
A los infantes de Lara :
Aqui moriras, traidor,
Enemigo de dona Sancha.