Mais les fléaux se répandront et les bûchers funéraires se multiplieront,
Jusqu’à ce que le grand roi, sans recevoir de rançon,
Ait renvoyé à Chrysa la fille aux yeux noirs.
Homère, L’Iliade, livre I
PENDANT qu’Uncas disposait ses forces, la forêt était aussi silencieuse et – à l’exception de ceux qui venaient de se réunir en conseil – apparemment aussi inhabitée que lorsqu’elle était sortie des mains de son Créateur tout-puissant. L’œil pouvait plonger dans toutes les directions et balayer ces perspectives d’arbres, interminables et ombragées, mais nulle part ne s’offrait à la vue le moindre objet qui ne fît pas naturellement partie de ce décor somnolent et paisible. On entendait, çà et là, un oiseau voleter dans les branches d’un hêtre et, de temps à autre, un écureuil laissait tomber une noisette, attirant dans cette direction le regard surpris de la bande des Delawares, mais dès que cette perturbation fortuite avait cessé, ils ne percevaient plus que le murmure du vent qui passait au-dessus de leurs têtes, sur toute la surface verdoyante et ondulante de ces bois qui s’étendaient sur un territoire immense sans interruption autre qu’un cours d’eau ou un lac. Dans cette partie de la forêt qui séparait les Delawares du village de leurs ennemis, le silence était si profond qu’on eût dit que l’homme n’y avait jamais mis le pied. Mais Œil-de-Faucon, dont le devoir le plaçait en première ligne dans cette aventure, connaissait trop bien le caractère de ceux qu’il allait affronter pour se fier à cette tranquillité trompeuse.
Quand il vit sa petite troupe regroupée, l’éclaireur inclina “tueur-de-cerfs” dans le creux de son bras, puis, faisant signe à ses hommes de le suivre, il les fit revenir plusieurs centaines de pas en arrière, jusqu’au lit d’un petit ruisseau qu’ils avaient franchi en venant. Là, il s’arrêta et après avoir attendu que tous ses guerriers, graves et attentifs, se fussent réunis autour de lui, il demanda en delaware :
— Quelqu’un parmi vous sait-il où mène ce cours d’eau ?
Un Delaware tendit une main, écartant deux doigts, et il montra comment ils se rejoignaient à la fourche :
— Avant que le soleil ait achevé sa course, la petite eau sera dans la grande, répondit-il, et il ajouta en indiquant la direction de l’endroit dont il parlait : Les deux en font une suffisante pour les castors.
— C’est bien ce que je pensais, dit l’éclaireur en jetant un coup d’œil en l’air, vers la cime des arbres, d’après le cours qu’il suit et la position des montagnes. Mes amis, nous allons rester à couvert sur les bords de ce ruisseau, jusqu’à ce que nous sentions la piste des Hurons.
La brève exclamation d’usage exprima l’accord de ses compagnons, mais, voyant que leur chef allait lui-même montrer le chemin, quelques-uns lui donnèrent à comprendre qu’il y avait un problème. Œil-de-Faucon saisit la signification de leurs regards et en se retournant, il vit que sa troupe avait été suivie jusque-là par le maître de chant.
— Savez-vous mon ami, demanda l’éclaireur sur un ton grave, et peut-être avec, dans son attitude, un peu de cet orgueil qui marque souvent celui qui est conscient de ses mérites, que ceci est une bande de guerriers téméraires, choisis pour une mission des plus risquées et placés sous le commandement d’un homme qui – quelqu’un d’autre pourrait le dire mieux que moi – n’est pas du genre à les laisser sans rien faire. Dans moins de cinq minutes, peut-être, et en tout cas, dans moins de trente, nous foulerons le corps d’un Huron, mort ou vif.
— Bien que je n’aie pas été verbalement averti de vos projets, répondit David, dont le visage était un peu rouge et dont les yeux, d’ordinaire calmes et peu expressifs, brillaient d’un feu inhabituel, vos hommes m’ont fait penser aux fils de Jacob allant combattre les Sichémites parce que leur chef voulait épouser une femme d’une race élue par le Seigneur après l’avoir déshonorée. Il se trouve que j’ai voyagé loin et séjourné longtemps, dans de bonnes et de mauvaises circonstances, avec la jeune femme que vous cherchez ; et si je ne suis pas un homme de guerre, si je n’ai pas de ceinturon autour des reins et pas d’épée tranchante, je ne répugnerais pas à donner quelques coups pour venir à son secours.
L’éclaireur hésita, comme s’il pesait le pour et le contre d’un enrôlement aussi étrange, avant de répondre :
— Vous ne savez vous servir d’aucune arme. Vous n’avez pas de fusil et, croyez-moi, les Mingos ne se font pas faute de rendre au centuple les coups qu’ils reçoivent.
— Je ne suis certainement pas aussi vantard et sanguinaire qu’un Goliath, répondit David en sortant une fronde de sous ses vêtements grossiers et bariolés, mais je n’ai pas oublié l’exemple de l’enfant juif. J’ai beaucoup pratiqué cet instrument dans ma jeunesse et qui sait, je n’ai peut-être pas perdu toute mon habileté.
— Ah ! dit Œil-de-Faucon, jetant sur la lanière et la poche en peau de cerf un regard froid et décourageant. Cette chose pourrait peut-être faire son effet face à des flèches, ou même des couteaux, mais ces Mengwes ont tous reçu des Français un bon vrai fusil. Toutefois, vous semblez avoir le don d’éviter les balles et jusqu’à présent vous vous en êtes sorti sans une égratignure – major, le chien de votre arme est relevé ; un seul coup de feu prématuré signifierait une vingtaine de scalps perdus inutilement – chanteur, vous pouvez nous suivre, il est possible que vous nous rendiez service quand il faudra pousser des cris de guerre.
— Je vous remercie, mon ami, répondit David en ramassant des munitions, comme le roi dont il portait le nom, parmi les cailloux du ruisseau. Bien que nullement disposé à tuer, j’aurais eu l’esprit bien tourmenté si vous m’aviez renvoyé.
— N’oubliez pas, ajouta Œil-de-Faucon en se tapotant la tête à l’endroit qui, sur celle de Gamut, était encore douloureux ; nous venons pour nous battre, et non pour faire de la musique. Tant que le cri de guerre n’a pas été poussé, seul le fusil a la parole.
David hocha la tête pour signifier son accord avec ces conditions, et après avoir jeté un dernier coup d’œil vigilant à ses compagnons, l’éclaireur donna le signal du départ.
Sur une distance d’un mille environ, leur chemin suivait le lit du cours d’eau. Les rives abruptes et les épais fourrés qui les bordaient mettaient la troupe à l’abri des éventuels guetteurs, néanmoins, aucune précaution en usage chez les Indiens qui préparent une attaque ne fut négligée. Sur chaque flanc, un guerrier avançait, accroupi plutôt que debout, de manière à pouvoir épier la forêt alentour à intervalles réguliers ; de plus, toutes les quatre ou cinq minutes, le groupe s’arrêtait pour essayer de détecter des bruits suspects avec une acuité de perception qui serait à peine concevable chez un homme plus éloigné de l’état de nature. Mais ils continuèrent ainsi sans être inquiétés et ils atteignirent l’endroit où le petit ruisseau se jetait dans le grand, sans que leur progression n’eût été apparemment remarquée. L’éclaireur ordonna une nouvelle halte pour consulter les signes de la forêt.
— Je crois que nous allons avoir une belle journée pour nous battre, dit-il en anglais à Heyward en levant les yeux vers les nuages qui commençaient à s’amonceler dans le ciel. Un soleil éclatant et un canon brillant n’ont jamais été les amis du tireur. Tout nous est favorable : le vent souffle dans leur direction, il rabattra sur eux les bruits et la fumée, ce qui n’est pas négligeable en soi, tandis que pour nous, la vue sera dégagée après chaque tir. Mais ici se termine notre marche à couvert ; les castors vivent sur ce cours d’eau depuis des centaines d’années et entre ce qu’il leur faut pour leur nourriture et pour construire leurs barrages, ils ont laissé, comme vous pouvez le voir, beaucoup de souches, mais peu d’arbres vivants.
Il faut effectivement dire qu’Œil-de-Faucon venait de donner en quelques mots une description assez fidèle de la vue qui s’offrait maintenant à eux. La largeur du ruisseau était très irrégulière : ici l’eau giclait par les fissures entre les rochers, là elle s’étalait sur un terrain plat, formant des nappes qui pouvaient mériter le nom d’étangs. Ses rives, sur toute leur longueur, étaient parsemées d’arbres morts, ou ce qu’il en restait, à tous les stades possibles du pourrissement, de ceux qui gémissaient, chancelants sur leurs racines, à ceux qui avaient été récemment dépouillés de cette protection rugueuse qui contient, de manière si mystérieuse, leur principe vital. Quelques amas de troncs, longs, bas et couverts de mousse, étaient éparpillés çà et là, vestiges d’une ancienne génération depuis longtemps disparue.
Tous ces petits détails étaient relevés par l’éclaireur avec un sérieux et un intérêt qu’ils n’avaient jamais suscités auparavant. Il savait que le camp des Hurons n’était situé qu’à un demi-mille en amont du ruisseau, et, rongé par le tourment caractéristique de celui qui redoute un danger caché, il s’inquiétait de ne pas avoir décelé le plus petit indice d’une présence ennemie. Il fut tenté, à une ou deux reprises, de donner l’ordre d’attaquer, pour essayer de prendre le village par surprise, mais son expérience l’avertit aussitôt des dangers d’une entreprise aussi inutile. Alors il tendit l’oreille, avec une douloureuse incertitude, au cas où des bruits d’hostilités lui seraient parvenus du secteur où Uncas était resté, mais seul était audible le souffle du vent qui commençait à balayer le cœur de la forêt en bourrasques, annonçant une possible tempête. Finalement, cédant à une impatience inhabituelle au lieu de prendre le conseil de sa sagesse, il décida de brusquer les choses en découvrant ses forces pour poursuivre, avec prudence, mais sans tergiverser, le long du cours d’eau.
Pendant qu’il procédait à toutes ces observations, l’éclaireur s’était abrité derrière des buissons, et ses compagnons étaient restés tapis dans le ravin au fond duquel coulait l’eau, là où le petit ruisseau débouchait dans le grand, et lorsqu’ils entendirent son signal, discret, mais reconnaissable, tous les combattants grimpèrent le talus de la rive comme autant de spectres sombres et se disposèrent en silence autour de lui. Tendant le doigt dans la direction qu’il voulait prendre, Œil-de-Faucon se remit en route et la troupe le suivit en file indienne, marchant dans ses pas avec une telle précision qu’ils ne laissèrent, si l’on excepte Heyward et David, que les traces d’un seul homme.
Cependant, la bande était à peine sortie de son abri qu’une décharge d’une douzaine de fusils éclata derrière eux et un Delaware fit un bond, tel un cerf blessé, avant de retomber, tué sur le coup.
— Ah ! je craignais bien un piège diabolique de ce genre ! s’exclama l’éclaireur en anglais, ajoutant, à la vitesse de la pensée, dans sa langue d’adoption : À couvert, mes amis et poursuivons-les !
La troupe se dispersa dans l’instant et avant qu’Heyward fût revenu de sa surprise, il se retrouva seul avec David. Heureusement, les Hurons avaient déjà effectué un mouvement de repli et il n’avait rien à craindre de leurs tirs. Mais il était évident que cet état de choses n’allait pas durer, car l’éclaireur, donnant l’exemple, se lançait à l’attaque des fuyards et faisait feu, se précipitant d’un arbre à l’autre tandis que l’ennemi cédait du terrain.
L’embuscade paraissait avoir été tendue par un petit groupe de Hurons, mais leur nombre ne cessait d’augmenter à mesure qu’ils retrouvaient d’autres membres de leur tribu en se repliant, jusqu’au moment où la riposte fut presque, sinon complètement égale au tir des Delawares qui avançaient. Heyward se mêla aux combattants et imita la prudence nécessaire de ses compagnons, faisant feu rapidement avec son fusil. L’affrontement devint intense, mais statique. Peu d’hommes étaient touchés car des deux côtés les guerriers se protégeaient aussi bien que possible derrière les arbres et n’exposaient une partie de leur corps que lorsqu’ils visaient avant de faire feu. Peu à peu, toutefois, la situation tournait au désavantage d’Œil-de-Faucon et sa troupe. L’éclaireur était suffisamment lucide et avisé pour percevoir ce danger, mais il ne savait pas comment y remédier. Il voyait qu’il était plus dangereux de battre en retraite que de maintenir leurs positions, mais par ailleurs, l’ennemi envoyait de plus en plus d’hommes sur leurs flancs, ce qui faisait que les Delawares étaient tellement occupés à se protéger de tous côtés qu’ils ne pouvaient plus faire feu. Au moment angoissant où ils commençaient à se dire que la tribu ennemie tout entière les encerclait peu à peu, ils entendirent des cris de combattants et le crépitement d’armes retentir sous la voûte des bois, à l’endroit où Uncas était posté, un creux qui, d’une certaine manière, était situé à un niveau inférieur à celui du terrain sur lequel Œil-de-Faucon et son groupe se battaient.
Les effets de cette attaque furent immédiats et d’un grand secours pour l’éclaireur et ses amis. Œil-de-Faucon avait prévu l’embuscade qui leur avait été tendue, ce qui l’avait fait échouer ; par contre, l’ennemi s’était apparemment trompé sur son objectif, ainsi que sur le nombre des Delawares, et avait laissé une troupe trop faible pour résister à l’impétueux assaut du jeune Mohican. Cette conjecture fut doublement confirmée par la rapidité avec laquelle la bataille dans la forêt se déplaça vers l’amont, en direction du village, et par une diminution instantanée de l’effectif des Hurons, beaucoup se précipitant pour prêter main-forte sur l’autre front, qui s’avérait être désormais leur principale position à défendre.
Encourageant ses compagnons de la voix et du geste, Œil-de-Faucon donna alors l’ordre d’avancer. La charge, dans ce genre de bataille grossière, consistait simplement à s’approcher de l’ennemi en passant d’un abri à un autre, et l’éclaireur, dans cette manœuvre, fut immédiatement obéi avec succès. Les Hurons furent obligés de se replier et la scène de l’affrontement passa rapidement du terrain plus dégagé sur lequel il avait débuté à un endroit où les hommes de Magua purent se retrancher dans des fourrés. Là, la lutte se prolongea, âpre et, sembla-t-il, prit une tournure à l’issue incertaine. En raison de leur position désavantageuse, les Delawares, sans subir de nouvelle perte, comptaient des blessés qui saignaient en abondance.
En cet instant critique, Œil-de-Faucon trouva le moyen de s’abriter derrière le même arbre qu’Heyward, tandis que la plupart de ses guerriers se trouvaient à portée de voix, sur sa droite, d’où ils maintenaient un feu nourri mais inefficace sur leurs ennemis à couvert.
— Vous êtes un homme jeune, major, dit l’éclaireur en laissant retomber la crosse de “tueur-de-cerfs” au sol avant de s’appuyer sur le canon, un peu fatigué par toute l’activité qu’il venait de déployer, et il est possible que vous ayez, un jour prochain, à mener une armée contre ces diables de Mingos. Vous pouvez voir ici à l’œuvre la tactique des Indiens au combat. Elle repose principalement sur des mains habiles, un coup d’œil vif et sûr, et un bon abri. Bien, supposons que vous ayez une compagnie des Royal Americans sous vos ordres, comment les feriez-vous manœuvrer dans le cas présent ?
— Je ferais une percée en chargeant à la baïonnette.
— Oui, c’est un raisonnement de Blanc, mais dans ces territoires sauvages, un chef se doit de se demander combien de vies il peut ménager. Non… le cheval, continua l’éclaireur en secouant la tête comme quelqu’un qui est plongé dans ses réflexions, bien que cela me gêne de le dire, c’est le cheval qui, un jour ou l’autre, fera la différence dans ce genre de batailles. Les animaux sont plus forts que les hommes et il faudra bien que nous en venions aux chevaux à la fin. Mettez des sabots ferrés face aux mocassins d’un Peau-Rouge, une fois que le fusil de l’Indien sera vide, il ne s’arrêtera jamais pour le recharger1.
— C’est là un sujet dont il vaudrait mieux débattre une autre fois, répondit Heyward. Allons-nous charger ?
— Je ne vois pas ce qui empêcherait qui que ce soit de profiter de ses moments de répit pour réfléchir un peu, répliqua l’éclaireur. Pour ce qui est de partir à l’assaut, je ne goûte guère ce genre de manœuvre car nous allons y laisser quelques scalps. Et pourtant, ajouta-t-il en inclinant la tête sur le côté, comme pour écouter les bruits du combat en cours un peu plus loin, si nous voulons être d’une quelconque utilité à Uncas, il va bien falloir se débarrasser de ces canailles devant nous.
Se détournant, l’air résolu et pressé, il lança des instructions à ses Indiens, dans leur propre langue. Ils lui répondirent par un cri et, au signal donné, chaque guerrier se dégagea en même temps de l’arbre qui lui servait d’abri. L’apparition soudaine et simultanée de tant de silhouettes sombres sous leurs yeux déclencha une riposte hâtive et donc imprécise des Hurons. Alors, sans prendre le temps de respirer, les Delawares s’élancèrent, faisant de grands bonds en direction du petit bois comme autant de pumas sautant sur leur proie. Œil-de-Faucon menait la charge, brandissant son terrible fusil et encourageant ses compagnons par son exemple. Quelques Hurons plus âgés et plus astucieux, qui ne s’étaient pas laissé prendre par la ruse et n’avaient pas tiré, firent feu maintenant à bout portant et justifièrent les craintes de l’éclaireur en abattant trois de ses premiers guerriers. Mais le choc ne fut pas suffisant pour stopper l’assaut. Les Delawares pénétrèrent dans les fourrés avec leur férocité naturelle et, dans la fureur de l’attaque, balayèrent toute trace de résistance.
Le combat au corps-à-corps ne dura qu’un instant, puis les Hurons cédèrent rapidement du terrain jusqu’à l’autre extrémité du petit bois, où ils s’accrochèrent à leur abri avec l’obstination farouche que l’on voit souvent chez les animaux traqués par le chasseur. Une nouvelle fois, l’issue de la bataille devint incertaine, et c’est alors qu’un coup de fusil retentit derrière les assiégés et une balle siffla en provenance des loges de castors, situées dans la clairière, et fut suivie du féroce et terrifiant cri de guerre.
— Voilà le Sagamore qui s’en mêle ! s’écria Œil-de-Faucon, qui répondit à l’appel avec sa voix de stentor. Ils sont pris entre deux feux !
L’effet sur les Hurons fut instantané. Découragés par des tirs dont ils ne pouvaient pas se protéger, ils poussèrent un hurlement de désespoir et décampèrent en toute hâte, se dispersant dans la clairière, ne cherchant plus leur salut que dans la fuite. Dans cette tentative, beaucoup tombèrent sous les balles ou les coups des Delawares qui les poursuivaient.
Nous ne nous interromprons pas pour décrire les retrouvailles entre l’éclaireur et Chingachgook, ni celles, plus touchantes encore, entre Duncan et le colonel Munro. Quelques paroles, brèves et pressées, suffirent à expliquer la situation aux deux parties, puis Œil-de-Faucon, désignant le Sagamore à sa troupe, remit l’autorité principale entre les mains du chef mohican. Chingachgook assuma la position à laquelle sa naissance et son expérience lui donnaient si éminemment droit avec cette gravité et cette solennité qui confèrent toujours un poids particulier aux ordres émanant d’un guerrier indien. Suivant l’éclaireur, il conduisit le groupe à travers le taillis où ses hommes scalpèrent les Hurons tombés lors du combat et dissimulèrent le corps de leurs morts, puis ils atteignirent un point où Œil-de-Faucon crut bon de faire halte.
Les guerriers s’étaient essoufflés au cours de la bataille qui avait précédé et ils s’installèrent maintenant sur une étendue plate parsemée d’arbres en nombre suffisant pour les cacher à la vue. Devant eux, le terrain s’affaissait plus qu’il ne tombait de manière abrupte, et sous leurs yeux une vallée s’étendait sur plusieurs milles, étroite, sombre et boisée. C’était dans cette forêt dense et obscure qu’Uncas continuait à se battre avec le gros des forces ennemies.
Le Mohican et ses amis s’avançèrent jusqu’au bord de la colline et tendirent une oreille exercée pour capter les bruits de la bataille. Quelques oiseaux voltigeaient au-dessus de la vallée feuillue, chassés de leurs nids secrets, et çà et là un petit nuage vaporeux, qui semblait déjà se dissiper dans l’air, montait au-dessus de la cime des arbres, signalant quelque endroit où la lutte avait été acharnée et statique.
— Le combat se rapproche et monte par ici, dit Duncan en pointant le doigt dans la direction d’une nouvelle fusillade. Nous sommes trop au centre de leur ligne de tir pour être efficaces.
— Ils vont obliquer vers ce creux, où ils seront plus à couvert, dit l’éclaireur, et cela nous situera bien sur leur flanc. Allez, Sagamore, tu arriveras juste à temps pour pousser ton cri de guerre et mener tes jeunes hommes à l’attaque. Moi, je vais prendre part à cet affrontement avec des guerriers de ma propre couleur ! Tu me connais, Mohican, pas un seul de ces Hurons ne franchira cette bosse sans que “tueur-de-cerfs” ne l’ait remarqué.
Le chef indien s’attarda encore un moment pour observer l’engagement qui se déplaçait rapidement vers la pente de la colline, signe que les Delawares prenaient le dessus, toutefois, il ne quitta sa position que lorsqu’il fut averti de la proximité de ses amis, mais aussi de ses ennemis, par les balles que les premiers tiraient sur les seconds et qui commençaient à crépiter sur les feuilles mortes, comme des grêlons qui précèdent le gros de la tempête. Œil-de-Faucon et ses trois compagnons reculèrent de quelques pas, jusqu’à un abri, et attendirent la suite des événements avec un calme qui, dans ce genre de situation, ne peut provenir que d’une grande habitude.
Bientôt les détonations cessèrent d’être répercutées par la forêt et retentirent comme des coups de feu tirés en plein air. Puis des guerriers apparurent çà et là, repoussés vers l’orée des bois et dans la clairière où ils se rassemblaient, comme à l’endroit où devait s’organiser la dernière résistance. Ils furent bientôt rejoints par d’autres et finalement on aperçut une longue file de silhouettes sombres s’abritant derrière les arbres et s’accrochant à leur position avec l’acharnement du désespoir. Heyward commença à s’impatienter et regarda dans la direction de Chingachgook. Le chef était assis sur un rocher et seul dépassait son visage calme, contemplant la scène d’un regard aussi détaché que s’il était posté là simplement pour observer la bataille.
— L’heure est venue pour le Delaware de frapper, dit Duncan.
— Non, pas encore, répondit l’éclaireur. Quand il sentira la présence de ses amis, il leur fera savoir qu’il est ici. Regardez un peu, ces canailles se regroupent dans ce bosquet de pins comme des abeilles qui se posent au retour d’une expédition. Seigneur Dieu ! une squaw serait capable de mettre une balle au beau milieu d’un essaim de Peaux-Rouges comme celui-ci.
À cet instant, le signal fut lancé et une dizaine de Hurons tombèrent sous les balles de Chingachgook et les siens. À l’appel qui suivit répondit un unique cri de guerre en provenance de la forêt, et une clameur s’éleva dans l’air telle qu’on aurait dit qu’un millier de poitrines s’étaient unies pour la pousser. Les Hurons, désemparés, désertèrent le centre de leur ligne et Uncas émergea de la forêt par la brèche ainsi créée, à la tête d’une centaine de combattants.
Agitant les mains à droite et à gauche, le jeune chef désigna l’ennemi à ses troupes qui se séparèrent pour engager la poursuite. La bataille se divisa alors, les deux ailes des Hurons en déroute cherchant à nouveau refuge dans les bois, suivis de près par les guerriers lenapes victorieux. Une minute s’était à peine écoulée que déjà les bruits s’éloignaient dans différentes directions et leur écho s’amenuisait progressivement sous la voûte des arbres. Toutefois, un noyau de Hurons qui avaient dédaigné de chercher un abri se retiraient tels des lions aux abois et montaient la pente de la colline que Chingachgook et sa troupe venaient de déserter pour se mêler de plus près à la lutte. Magua se faisait remarquer dans ce groupe, autant par son visage féroce et sauvage que par l’allure autoritaire et hautaine qu’il conservait encore.
Dans son empressement à lancer ses hommes à la poursuite de l’ennemi, Uncas s’était retrouvé pratiquement isolé, mais à l’instant où il aperçut la silhouette du Subtil, il oublia toute autre considération. Poussant son cri de guerre, qui rappela à lui six ou sept Delawares, et faisant fi de l’inégalité des effectifs, il se rua sur son ennemi. Renard Subtil, qui observait ses mouvements, s’arrêta pour l’attendre avec une joie secrète. Mais au moment où il pensait que la témérité de son fougueux assaillant l’avait mis à sa merci, un autre cri retentit et il vit Longue Carabine se précipiter à la rescousse, accompagné de ses compagnons blancs. Le Huron se retourna aussitôt et ne tarda pas à battre en retraite vers le sommet de la colline.
Il n’y eut pas une minute perdue en salutations ou en compliments, car Uncas, à peine conscient de la présence de ses amis, continua la poursuite à la vitesse du vent. En vain, Œil-de-Faucon lui cria de rester à couvert ; le jeune Mohican s’exposait au feu de ses ennemis et il les força bientôt à s’enfuir aussi rapidement qu’il se ruait sur eux. Heureusement, la course fut de courte durée et les Blancs étaient favorisés par leur position, sinon Uncas aurait largement devancé tous ses compagnons et sûrement été victime de son impétuosité. Mais avant qu’un tel malheur ne pût se produire, les poursuivants comme les poursuivis entrèrent dans le village des Wyandots à une faible distance les uns des autres.
Stimulés par la proximité de leurs habitations, et fatigués par leur fuite, les Hurons tentèrent alors de résister et se battirent autour de la loge de leur conseil avec la rage du désespoir. L’assaut et son issue furent comme le passage d’une tornade et la destruction qu’elle laisse dans son sillage. Le tomahawk d’Uncas, les coups d’Œil-de-Faucon et même le bras encore vigoureux de Munro firent tous des ravages et en quelques instants le sol fut jonché de leurs victimes. Cependant, Magua, qui faisait pourtant preuve de témérité et s’exposait au danger, parvint à échapper à toutes les tentatives de ses ennemis pour l’abattre, comme s’il bénéficiait de cette sorte de protection fabuleuse qui veillait sur les grands héros légendaires des textes anciens. Poussant un hurlement à la mesure de sa fureur et de sa frustration, le chef rusé, voyant tous ses guerriers tomber, s’esquiva précipitamment, escorté de ses deux derniers compagnons, laissant les Delawares occupés à arracher aux morts les trophées sanglants de leur victoire.
Mais Uncas, qui l’avait vainement cherché dans la mêlée, s’élança à sa poursuite, immédiatement suivi par Œil-de-Faucon, Heyward et David. Le plus que l’éclaireur pouvait faire, c’était maintenir un peu en avant de son ami le canon de son fusil, mais l’arme remplissait tout de même à merveille la fonction de bouclier enchanté. À un moment, Magua parut disposé à tenter une dernière fois de venger ses pertes, puis, renonçant à cette intention à peine esquissée, il bondit dans un fourré, aussitôt imité par ses ennemis, et entra dans la caverne dont il a déjà été question. Œil-de-Faucon, qui ne s’était abstenu de tirer que par égard pour Uncas, poussa un cri de joie et déclara que leur proie ne pouvait plus leur échapper. Les poursuivants se ruèrent dans la longue entrée étroite, juste à temps pour apercevoir les silhouettes des Hurons en fuite. Leur passage dans les galeries naturelles et les chambres souterraines de la caverne était précédé par les piaillements de centaines de femmes et d’enfants. Vu dans une lumière incertaine et sépulcrale, l’endroit faisait songer aux ombres infernales où flottaient une multitude d’êtres fantomatiques et de démons en furie.
Mais Uncas ne voyait que Magua, comme si sa vie n’avait que ce seul objet. Heyward et l’éclaireur étaient toujours derrière lui, animés du même sentiment, quoique à un degré moindre, peut-être. Pourtant, leur progression devenait compliquée dans ces sinistres couloirs obscurs. Ils entrevoyaient les trois Hurons de plus en plus rarement et indistinctement, et à un moment, ils crurent avoir perdu leurs traces, mais brusquement ils virent une robe blanche flotter au bout d’un passage qui semblait mener en haut de la montagne.
— C’est Cora ! s’exclama Heyward d’une voix où l’horreur et la joie étaient étrangement mêlées.
— Cora ! Cora ! répéta Uncas en écho et bondissant comme un cerf.
— Oui, c’est bien elle ! s’écria l’éclaireur. Courage, Cora, nous voici ! Nous sommes là !
La poursuite reprit de plus belle, leur ardeur étant décuplée par la vue de la jeune captive. Mais le chemin était tourmenté, accidenté et, en certains endroits, presque impraticable. Uncas abandonna son fusil et se rua en avant avec une fougue que rien ne pouvait arrêter. Sans réfléchir, Heyward l’imita, et tous deux furent aussitôt après avertis de leur folie en entendant le tonnerre d’un coup de fusil que les Hurons avaient eu le temps de tirer dans la galerie, au milieu des rochers, et la balle blessa même légèrement le jeune Mohican.
— Il faut les rattraper ! dit l’éclaireur en dépassant ses amis à la faveur d’un bond désespéré. Ces scélérats ne vont pas nous manquer à cette distance, et regardez, ils se servent de la jeune fille comme bouclier.
Ses paroles furent ignorées, ou plutôt elles ne furent pas entendues, mais du moins ses amis suivirent-ils son exemple, et, grâce à des efforts inouïs, ils se rapprochèrent suffisamment des fugitifs pour voir que Cora était traînée par les deux guerriers tandis que Magua donnait les instructions nécessaires à leur fuite. À cet instant, les quatre silhouettes se découpèrent nettement sur le ciel dans une ouverture, puis elles disparurent. Rendus presque fous par la déception, Uncas et Heyward redoublèrent des efforts qui semblaient déjà surhumains et, sortant de la caverne, ils se retrouvèrent sur le flanc de la montagne, à temps pour apercevoir la direction prise par les Hurons. Il fallait continuer à monter et le chemin était toujours dangereux et parsemé d’obstacles.
Gêné par son fusil, et peut-être moins motivé par un intérêt pour la captive qui n’était pas aussi vif que celui de ses compagnons, Œil-de-Faucon laissa ceux-ci le précéder et Uncas, pour sa part, passa devant Heyward. C’est ainsi que furent franchis, en très peu de temps, rochers, précipices et divers obstacles, qui, à un autre moment et dans d’autres circonstances, auraient été jugés comme autant de difficultés insurmontables. L’impétuosité des jeunes hommes fut tout de même récompensée, car ils s’aperçurent que, gênés dans leurs mouvements par Cora, les Hurons perdaient du terrain.
— Arrête-toi, chien des Wyandots ! s’écria Uncas, agitant son tomahawk étincelant en direction de Magua. C’est une porteuse de jupons delaware qui te demande de t’arrêter !
— Je refuse d’aller plus loin, hurla Cora, s’immobilisant brusquement sur une saillie rocheuse qui surplombait un précipice, non loin du sommet de la montagne. Tuez-moi si vous voulez, maudits Hurons, mais je n’irai pas plus loin !
Les deux guerriers qui soutenaient la jeune femme levaient déjà leur tomahawk, avec cette satisfaction satanique que les démons trouvent, dit-on, dans l’accomplissement du mal, mais Magua bloqua soudain les deux bras levés. Après avoir jeté dans l’abîme les armes qu’il avait arrachées à ses compagnons, le chef huron sortit son couteau et se tourna vers sa prisonnière, posant sur elle un regard où se lisait le violent conflit de ses passions contraires.
— Femme, dit-il, choisis : le wigwam du Subtil, ou son couteau !
Cora ne le regarda même pas ; tombant à genoux, elle leva les yeux et les bras vers le ciel et dit, avec douceur, mais sur un ton confiant :
— Seigneur, je t’appartiens ; dispose de moi selon ta volonté !
— Femme, répéta Magua d’une voix rauque et essayant en vain d’attirer le regard serein et radieux de Cora, choisis !
La jeune femme n’entendit pas sa demande et y resta indifférente. Le corps du Huron tremblait de rage de la tête aux pieds et il leva bien haut le bras, puis il le laissa retomber, l’air interdit, comme quelqu’un qui doute. Une fois encore, il lutta avec lui-même, et une fois encore il leva la lame effilée – mais à cet instant précis, un cri perçant retentit au-dessus d’eux et Uncas apparut, sautant désespérément d’une hauteur invraisemblable sur la plate-forme rocheuse. Magua recula d’un pas et l’un de ses compagnons, saisissant cette occasion, plongea son couteau dans la poitrine de Cora.
Le Huron bondit comme un tigre sur son congénère qui venait de commettre cette offense et qui, déjà, battait en retraite, mais dans sa chute Uncas sépara les deux hommes. Détourné de son objet par l’intervention inopinée du jeune chef, et rendu fou par le meurtre auquel il venait d’assister, Magua enfonça son arme dans le dos du Mohican encore à terre, poussant un cri démoniaque en même temps qu’il accomplissait cet acte odieux. Uncas parvint à se relever malgré ce coup, comme une panthère blessée se retourne contre son ennemi, et étendit à ses pieds le meurtrier de Cora au prix d’un effort qui lui coûta toute l’énergie qui lui restait. Puis, le regard sévère et ferme, il se tourna vers le Subtil et par la lueur qui brillait dans ses yeux, il lui donna à comprendre tout ce qu’il ferait si ses forces ne l’avaient pas abandonné. Alors saisissant le bras inerte du Mohican sans défense, Magua lui enfonça son couteau dans la poitrine à trois reprises, et le jeune chef, le regard toujours fixé sur son ennemi avec un air de mépris incommensurable, tomba mort à ses pieds.
— Pitié ! Pitié ! Huron, criait Heyward, plus haut, la voix étranglée par un sentiment d’horreur. Accorde ta pitié et elle te sera accordée en retour.
Faisant tournoyer son couteau ensanglanté en direction du jeune homme qui l’implorait, Magua poussa un cri de victoire si féroce, si sauvage et en même temps si joyeux que le bruit annonça son triomphe barbare aux oreilles de ceux qui se battaient dans la vallée, mille pieds plus bas. En réponse, une exclamation s’échappa des lèvres de l’éclaireur, dont on put alors voir la haute silhouette descendre rapidement vers le Huron au milieu des rochers dangereux, bondissant avec une folle témérité comme s’il avait la faculté de se déplacer dans les airs. Mais quand le chasseur atteignit la scène de l’effroyable massacre, il n’y avait plus sur la plate-forme que les trois morts.
Il leur lança un seul regard, puis mesura la difficulté de l’ascension devant lui. Un homme se tenait tout en haut de la montagne, au bord d’un à-pic vertigineux, les bras levés dans une attitude menaçante. Sans prendre le temps de scruter l’individu, Œil-de-Faucon leva son fusil, mais une pierre, projetée sur la tête du Huron qui escortait Magua, découvrit le visage rouge et indigné du brave Gamut. À cet instant, Magua émergea d’une cavité et, enjambant avec une froide indifférence le corps de son dernier compagnon, il sauta par-dessus une large crevasse et se mit à escalader les rochers à un endroit où le bras de David ne pouvait plus rien contre lui. D’un seul bond il allait atteindre l’autre bord du précipice où il serait en sécurité. Mais avant de prendre son élan, le Huron s’arrêta et secouant le poing en direction de l’éclaireur, il cria :
— Les Visages-Pâles sont des chiens ! Les Delawares sont des femmes ! Magua les abandonne aux corbeaux, sur les rochers !
Dans un éclat de rire rauque, il s’élança et fit un saut désespéré, qui s’avéra trop court ; mais il se raccrocha à un buisson au bord de l’abîme. Œil-de-Faucon s’était accroupi comme une bête sauvage sur le point de bondir et ses membres tremblaient si violemment d’impatience que le canon de son fusil à moitié levé était agité comme une feuille qui frissonne dans le vent. Sans s’épuiser dans de vains efforts, le rusé Magua laissa retomber son corps, suspendu par les bras et il trouva un morceau de rocher sous son pied pour prendre appui. Puis, faisant appel à toutes ses forces, il fit une nouvelle tentative et parvint à poser les genoux sur le rebord du précipice. Ce fut à cet instant, alors que son ennemi s’était presque entièrement hissé sur le replat, que l’éclaireur leva son fusil frémissant et le mit en joue. Les rochers environnants eux-mêmes n’étaient pas plus immobiles que ne le devint le canon à l’instant précis où il cracha le feu. Les bras du Huron se détendirent et il retomba un peu en arrière tandis que ses genoux restaient en place. Jetant un regard intraitable vers son ennemi, Magua secoua la main en manière de défi sinistre. Mais sa prise se relâcha et son corps oscilla la tête en avant, l’espace d’une seconde, avant de basculer par-dessus le buisson accroché au bord de la montagne dans une chute vertigineuse, pour s’écraser au fond de l’abîme.
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1 La forêt américaine permet le passage des chevaux dans la mesure où il y a assez peu de broussailles et de fourrés inextricables. La tactique exposée par Œil-de-Faucon est celle qui s’est toujours montrée la plus efficace dans les combats entre les Blancs et les Indiens. Le général Wayne, dans sa célèbre campagne contre les Miamis, se trouva sous le feu ennemi en ligne, il fit alors opérer un mouvement tournant à ses dragons et les Indiens furent délogés de leur abri avant d’avoir eu le temps de recharger. Un des plus grands chefs indiens qui a participé à la bataille de Miami a assuré à l’auteur que les Peaux-Rouges n’étaient pas en mesure de combattre les guerriers “aux longs couteaux et aux bas de cuir”, désignant par là les dragons avec leurs sabres et leurs bottes.