VIII

Là-haut sur les toits, les plages goudronnées, elles se mettaient de l’huile solaire sur les bras et les jambes, les filles, assises en short sur des couvertures, ou bien en jeans retroussés jusqu’aux genoux, et elles se tartinaient le visage et écoutaient une radio portative jusqu’à ce que la chaleur soit trop intense pour être supportable et puis elles restaient encore un peu.

Elles chantaient les chansons du hit-parade de la semaine, de la quarantième à la première, et elles avaient les paroles, les pauses, les inflexions et les modulations, chaque intonation absolument parfaite, mais seulement les chansons qu’elles aimaient bien sûr.

Le goudron ramollissait et fumait et la chaleur tapait fort et les moucherons verts leur collaient à la peau et de l’autre côté de la rue le gosse aux pigeons envoyait ses oiseaux voler en spirale avec une perche en bambou, et il agitait de temps en temps une serviette, et sifflait comme un flic à un carrefour, et sa volée se mêlait en l’air à une volée rivale d’un autre toit à trois rues de là, le tumulte et la confusion de cent oiseaux, et les plus jeunes volaient avec la mauvaise bande et ils étaient capturés et parfois tués, exécutés dans les règles par le garçon rival sur l’autre toit, et au bout d’un moment les filles durent s’en aller parce que le soleil était vraiment trop brûlant, chantant toujours tout en repliant leurs couvertures.


 

Ils prirent le bus pour aller à la plage et les gens continuaient à s’entasser et Nick se trouva pressé tout au fond contre Gloria au lieu de Loretta. Ils se tenaient aux poignées et, chaque fois que le car tournait ou s’arrêtait, il y avait une certaine dose de contact physique inévitable sauf qu’ils auraient pu l’éviter, et Nick restait de marbre et Gloria souriait et c’est un trajet qui dura à peu près une éternité.


 

La section 13 de la plage était celle où on draguait, mais ils posèrent leur couverture au premier espace libre parce qu’ils étaient venus ensemble et que la plage était aussi encombrée que le bus.

Des types grimpaient sur les épaules d’autres types et luttaient à main nue, les cavaliers, dans l’eau peu profonde.

Des couvertures avec des radios, de la nourriture, des parasols loués, des corps sableux tassés les uns contre les autres, des joueurs de cartes, des casquettes de marins, de l’huile solaire.

Loretta sortit de l’eau et il lui lança une serviette, la seule serviette qu’ils aient apportée, à quatre, et il la regarda dressée au-dessus de la couverture, dans une vaste nation sableuse de couvertures, la plage en fer à cheval s’étirant jusqu’à un môle rocheux de chaque côté, et il la regarda secouer l’eau de ses cheveux et s’enfoncer des coins de serviette dans les oreilles.

Un type marcha sur les mains avant de s’effondrer sur une couverture dont il n’était pas originaire et il y eut des regards et des mots et des gens qui balayaient le sable.

Juju se leva pour se mettre de la lotion sur le corps.

“Fais-leur voir, dit Gloria.

— L’haltérophile, dit Loretta.

— Montre-leur tes avant-bras, Juju.

— C’est drôle ce que tu peux faire sur une plage, dit Loretta. Que si tu le faisais au coin d’une rue, les gens te jetteraient des pierres.

— Fais-leur voir tes biceps, ils regardent”, dit Gloria.

Un vendeur de glaces circulait parmi les couvertures, tout de blanc vêtu, le visage devenu rose vif en plein soleil, et si on achetait un double esquimau jamais on n’arriverait à la deuxième moitié sans qu’il vous ait fondu dans la main.

Nick se jeta à l’eau et descendit en profondeur et ressentit le choc brutal lorsqu’il émergea, les poumons bloqués et les yeux brûlés de sel, le violent changement de monde.

Des femmes retiraient les maillots de bains mouillés de leurs enfants avec les gosses enroulés dans des serviettes et puis elles les rhabillaient, sous-vêtements et tout, toujours dans les serviettes, comme des numéros de contorsion magique dans le désert.

Loretta était à plat ventre sur la couverture, endormie, avec du sable collé dans le dos, et il était appuyé sur un coude auprès d’elle, à lui souffler doucement sur l’épaule.


 

Au retour, ils eurent toute la banquette arrière du bus pour eux, avec le moteur juste au-dessous d’eux, la chaleur accablante, et ils somnolèrent sur les épaules les uns des autres, le visage crispé par le soleil et les yeux qui piquaient un peu, fatigués, affamés, heureux, avec le bus qui rotait de la chaleur sous eux.


 

Il était dans le couloir sombre et la regardait.

“Gloria, tu es vraiment vache.

— Je ne suis pas vache. C’est toi qui es vache.

— Tu es vraiment vache.

— Si je suis vache, tu es quoi, toi ?

— Gloria, viens là, Gloria.

— Qu’est-ce que tu veux ?

— Viens là une minute.

— Quoi viens là ? Viens là pour quoi ?

— Tu es une salope, Gloria.

— Qu’est-ce que tu veux ?

— Tu es une salope, Gloria.

— Dis quelque chose de gentil, Nicky.”

Elle souriait, pas lui.

“Tu es tellement vache. Tu es vraiment vache.

— Moi je suis vache ? Qui est-ce qui est vache ?”

Elle faisait rouler ses hanches sous les mains de Nick et souriait.

“Tu es une salope en long en large et en travers. Tu es une salope partout et toujours et par tous les bouts.

— Essaie de dire quelque chose de gentil pour changer”, lui dit-elle.


 

Nick souleva la dernière caisse de bouteilles vides par le panneau et la glissa dans le flanc du camion. Puis il prit place dans le camion à côté de Muzz le chauffeur, qui avait de la sueur qui traversait sa chemise et bouffait les couleurs, faisant virer toute la chemise au gris.

“Je dis d’accord.

— On se bouge.

— Je dis d’accord. Mais c’est ridicule, dit Muzz.

— Allez, on s’en va.

— Je me suis levé ce matin. Je peux pas y croire. Je me suis dit.

— Allez, roule, je meurs.

— Tu prends tes comprimés de sel ? Prends tes comprimés de sel.”

Ils étaient arrêtés à un feu lorsqu’une voiture les toucha par-derrière.

Muzz regarda dans le rétroviseur.

“T’as touché mon pare-chocs enfoiré.”

Le type dans la voiture dit quelque chose.

“T’as touché mon pare-chocs enfoiré.”

Le type dit quelque chose.

“T’essaies de faire ?” dit Muzz.

Le type parla dans son pare-brise.

“Dis-lui, dit Nick. Où t’as eu ton permis ?”

Muzz passa la tête par la fenêtre, mais sans se tourner vers la voiture derrière eux.

“Où t’as eu ton permis pour conduire ce tas de merde ?”

Le type dit quelque chose dans le pare-brise.

“Dis-lui dans le catalogue Sears Roebuck ou quoi ?” dit Nick.

Muzz regarda dans le rétroviseur, le visage à deux centimètres du miroir.

Sears Roebuck trouduc.”

Le feu passa au vert et les gens commencèrent à klaxonner.

“Fous-toi en rogne, dit Nick. Dis-lui que tu vas lui enfoncer ton cric dans le cul.”

Le visage à deux centimètres du rétroviseur, Muzz articulait lentement devant la glace. La sueur lui dégoulinait au creux des reins, dans son pantalon. Ils klaxonnaient là-bas derrière.


 

L’école était vide à présent et la sœur parcourait les couloirs de temps en temps, et regardait dans les classes. D’autres étaient parties, elles passaient l’été à la maison mère ou en visite dans leurs familles quelque part ou elles préparaient un doctorat sur un campus, partageant les allées sous les frondaisons avec des athées et des gauchos.

Quelquefois, avec les classes vides et les couloirs tellement morts, sœur Edgar avait du mal à savoir qui elle était. Il y avait deux ou trois autres religieuses, elles allaient et venaient, et il y avait le concierge philippin, Miguel, qui récurait le sol des couloirs même quand personne n’y mettait les pieds pendant des jours et des jours, une façon de faire que sœur Edgar admirait bien sûr, parce qu’on ne peut jamais nettoyer une chose de manière si méticuleuse qu’on n’ait pas besoin de recommencer dès l’instant où c’est terminé.

Seule dans sa chambre elle portait une simple chemise de dessous et lisait Le Corbeau. Elle le lisait et le relisait et l’apprenait par cœur. Elle voulait le réciter à sa classe lorsque l’école rouvrirait. Son poète homonyme, oui, et le sombre poème croassant qui ravivait son sentiment d’être edgarienne, tracée, formée, vocalisée, en l’absence de ses garçons et de ses filles.

Ses magazines pour fans étaient empilés dans le placard. Il y avait une image de Jésus appuyée contre un bougeoir. Il y avait eu un petit miroir accroché au-dessus du lavabo, mais elle l’avait décroché parce qu’elle était déconcertée de se voir dévoilée. Cheveux, cou, épaules, visage entier – c’étaient des choses qu’elle avait laissées derrière elle pour entrer en religion. Le choc du corps, révélé. L’individu de base, avec les cheveux taillés et les épaules osseuses. C’était une vue dont elle devait se protéger, plus dépouillée, même, que les classes vides de l’été.

Elle apprenait par cœur les vers et travaillait les rythmes et les répétitions. Elle faisait les cent pas, organisant un système de gestes et d’inflexions. Elle avait la classe de sixième et elle voulait effrayer un peu les enfants. Elle était leur religieuse pour l’année, et leur faisait travailler huit matières. Un professeur de dessin venait toutes les deux semaines, et un professeur de musique aussi, avec un diapason à bouche et un parfum fruité. Tout le reste était sœur Edgar.

Elle donnait même des notes en hygiène, sur la base des absences et des retards, et du nombre de demandes pour aller aux toilettes, et la quantité de crasse accumulée sous leurs ongles et incrustée dans les lignes de leurs mains.

Et elle voulait leur enseigner la peur. C’était le cœur secret de son enseignement et cela commencerait par le poème, par le présage, la solitude et la mort, et elle les ferait trembler dans leurs chaussures de rentrée des classes.

Elle faisait les cent pas et parcourait les couloirs vides et apprenait par cœur les vers. Ils allaient bientôt revenir, en uniforme bleu et blanc, avec des cahiers craquants neufs, des stylos remplis, des cartables qu’ils balanceraient au bout de leurs poignets souples, et elle les alignerait le long des murs par rang de taille puis elle les placerait par ordre alphabétique et elle inspecterait leurs mains et leurs ongles, et elle leur frapperait les paumes avec une règle quand ce serait nécessaire.

Ils sauraient qui elle était et elle aussi.

Et elle leur réciterait le poème, en braquant son doigt recourbé sur leur cœur. Elle deviendrait à la fois le poème et le corbeau, l’oiseau au profil romain, surgissant du fond infini du ciel et fondant sur eux.


 

Ces nuits d’été là, les femmes des étages supérieurs ne pouvaient pas faire la vaisselle parce que la pompe à incendie était ouverte, avec les enfants qui dansaient sous le jet en éventail, et il n’y avait pas assez de pression pour faire monter l’eau dans tout l’immeuble.

Tous les mouvements tournés vers l’air, la nuit, des têtes qui sortaient des fenêtres, des femmes qui mangeaient des pêches à des fenêtres sans lumière, riant dans le noir là-haut, des femmes qui attendaient de sentir un souffle d’air et des hommes en maillot de corps sur les marches, en bas, avec des radios allumées, un match de baseball qui se jouait à Cleveland la venteuse.

Des gamins qui couraient, en nage, torse nu, un gamin avec toute une cage de côtes dénudées sur le devant de son corps. D’autres gamins qui faisaient la queue derrière le camion Bungalow Bar ; esquimaux et sucettes glacées à l’orange, et il y a le gamin avec de l’encre sur la langue, il y a toujours un gamin avec la langue pleine d’encre, Waterman bleu-noir. Qu’est-ce qu’il fait, il le boit ce truc ?

Des femmes assises sur la véranda d’une maison particulière, qui bavardent dans le noir.

Des gamins plus âgés sur des vélos loués, dix cents de l’heure, et des filles avec les garçons, en amazone sur la barre, et les garçons qui roulent sous l’eau qui gicle, ravissant tout le monde, les gens sur les perrons, les têtes aux fenêtres, les filles glapissantes sur les vélos et les petits mômes qui s’éparpillent pour laisser passer les vélos, tous heureux ensemble, et enfin le gosse qui a mis le costume de bain de son frère et qui approche une boîte de conserve du bec de la pompe pour faire gicler l’eau, pour faire un grand geyser.

Plus tard, les jeunes gens vont s’attarder aux coins de rues en fumant tandis que les lumières s’éteindront, pour passer la nuit à dire des foutaises, et les gens dormiront sur les escaliers de secours, ici et là, parce qu’il y a un souffle d’air dehors. Finalmente. Une petite brise de rien du tout qui change tout.


 

Nick était installé et lisait une revue tandis que les coups caverneux rebondissaient à toute volée sur le mur le plus éloigné, huit pistes plus loin.

“Nicky, quoi de neuf ?

— Salut, Jack. Te voilà marié, il paraît.

— J’y suis allé et je l’ai fait. Pas de regrets.

— Elle te laisse sortir pour le bowling ?

— Seulement pour le bowling”, dit Jack.

Lonzo était accroupi là-bas au bout de la piste, pratiquement le seul type noir dans les parages, un habitué, dans un rayon de cinq ou six rues. C’était un homme sans âge, difficile de dire s’il avait vingt-cinq ou quarante-cinq ans, et son travail consistait à redresser les quilles, plus ou moins chaque soir, le pied léger, les traits fins et légèrement déphasé. Un peu stunat’, le Lonzo, et ils prenaient garde à ne pas le traiter mal, les habitués de la piste, parce qu’il portait les mêmes vêtements pendant des jours et des nuits et semblait n’avoir pas d’endroit fixe où dormir et il empestait quelquefois le whisky, passant d’un pied léger devant le comptoir pour aller aux pistes.

Juju vint s’asseoir à côté de Nick.

“Quoi de neuf ?

— Ton tour approche, dit Nick. Je te vois marié avec trois gosses. À prendre du ventre et te déplumer.

— Allez, viens faire une partie.

— Laisse tomber. Pas mon sport. Elle te permettra de sortir une fois par semaine pour jouer au bowling.

— Les gens se marient et ils ont des gosses. C’est normal, non ?

— Le bowling, pour moi, c’est comme de soulever des haltères.

— Fais-moi plaisir.

— C’est un truc où j’aime mieux être mauvais que d’être bon.

— Mais fais-moi plaisir ce coup-ci rien qu’une fois.

— Parce que d’être bon à ce truc-là ça veut dire que tu as un truc qui cloche.

— Oublie que je t’en ai parlé, d’accord ?

— J’aimerais mieux mourir la mort de mille blessures.

— Chaque fois que tu vois un film de Charlie Chan. Tiens, à propos, tu me dois pas cinq thunes de la dernière fois qu’on a fait un bowling ?

— Pas question de payer ça, lui dit Nick.

— Comment ça ?

— Parce que je n’essaie pas de gagner. Parce que gagner serait une insulte à ma dignité. Bats-moi au billard et je te paierai les cinq dollars. Sinon, u’gazz’. Je refuse de payer.”

Les habitués se provoquaient constamment entre eux et disaient des trucs aux filles qui arrivaient de temps en temps et ils regardaient toujours un peu de travers les inconnus qui entraient. Mais ils prenaient garde à être patients avec Lonzo l’homme sans âge même s’il était lent ou maladroit pour redresser les quilles, une silhouette d’oiseau voûtée là-bas au bout des pistes, l’œil blanc dans la giclée de bois qui volait.

Juju trouva quelqu’un avec qui faire une partie et au bout d’un moment Nick posa la revue et s’en alla.

“Eh. Pas de conneries, hein ?

— Pas de conneries, Jack.

— Pas de conneries.

— Pas de conneries”, dit Nick.


 

La nuit et le silence étaient tombés à présent et il remonta la petite rue jusqu’à chez lui, mais là il bifurqua impulsivement sous un porche et descendit les marches pour aller dans les cours.

Il n’y avait pas de lumière dans le passage extérieur et il longea les murs à tâtons pour trouver la porte d’entrée. Il sentait la pierre humide là où le gardien avait arrosé les sols. Il entra et passa devant la salle des chaudières pour aller jusqu’à la porte au bout du couloir.

Il était encore mal à l’aise au souvenir de cette pièce dans la cave, avec la seringue et le garrot en caoutchouc et la cuillère, mais cela pâlissait peu à peu dans un lointain estompé, à demi perdu dans la trame de mille choses.

George était bien dans la pièce, à jouer au solitaire.

“Je pensais que tu serais peut-être là.

— Fait frais ici.

— C’est ce que je pensais”, dit Nick.

George ramassa les cartes, les empila et les battit. Nick s’assit en face et George en distribua trois par personne et retourna un atout trèfle, et ils commencèrent une partie.

“Le problème avec les cartes, quand tu joues pour de l’argent, dit George, et que tu te concentres sur tous ces nombres et ces couleurs pendant des heures et des heures, un poker jusqu’au matin, putain tu peux pas fermer l’œil quand tu rentres chez toi.

— Tu as l’esprit trop actif.

— Pas moyen de putain de dormir.

— Ta tête cavale à cent à l’heure.

— Mais là on fait une petite partie amicale de briscola. Peut-être que je pourrai dormir dans une heure ou deux.

— Tu as du mal, normalement, à dormir ?

— J’ai du mal à dormir. J’ai aussi du mal à rester éveillé.”

Ils rirent et jouèrent. Ils jouèrent une heure en parlant de pas grand-chose et fumèrent deux ou trois cigarettes chacun en jetant les mégots dans une vieille bouteille de bière.

“Il y a un truc que je veux te montrer. Je l’ai trouvé il y a deux jours de ça, dit George. Dans une voiture que je garais au champ de courses. Ça a glissé de sous le siège quand j’ai pris un virage un peu sec.

— Les virages que tu fais.

— Je fais attention. Eh. Comparé à la plupart des mecs.

— Tu respectes les bagnoles que tu gares.

— Les proprios pas tellement. Les voitures, c’est sûr.”

Ils rirent. George se pencha en arrière et extirpa un objet de la dernière étagère du bas, derrière des pots de peinture et des rouleaux de lino.

C’était un fusil de chasse, scié, le canon ne dépassant le fût que de cinq centimètres, et la crosse était bricolée pour être plus ou moins comme une crosse de pistolet.

“Quoi ? Tu l’as trouvé ?

— Je ne voulais pas le laisser dans la voiture où quelqu’un d’irresponsable…

— Laisse-moi voir”, dit Nick.

Il tendit le bras par-dessus la table pour saisir l’arme. Il la fit comme sauter dans ses mains et puis se leva pour la tenir plus naturellement.

“Je sais une chose sur les fusils, dit George. Tu tires avec les deux yeux ouverts.

— Scié c’est illégal, non ?

— Ça, c’est l’autre chose que je sais. Une fois que tu coupes le truc, c’est une arme dissimulée.

— Il a l’air d’être vieux.

— Il est vieux, rouillé, usé, dit George. C’est un vieux truc foutu, en fait.”

Il posait avec l’arme, Nick, un pistolet de pirate ou un vieux Kentucky à silex si c’est bien le terme. C’était plus naturel avec deux mains qu’une seule, la main gauche sous le fût pour maintenir et viser.

Il le souleva et visa. Il vit un sourire intéressé tomber sur le visage de George. Il tenait l’arme braquée sur George. Il se tenait à deux mètres de George et George était dans le fauteuil et il tenait le fusil à mi-corps, légèrement au-dessus de la hanche, ce qui signifiait qu’il était braqué sur la tête de George.

Une petite lueur entra dans l’œil de George. Rare chez George. Cette lueur dans l’œil. Et une expression intéressée lui passa sur les lèvres. C’était le plus chafouin des sourires à manger de la merde.

“Il est chargé ?

— Non”, dit George.

Cela le fit sourire encore un peu plus. Ils passaient un bon moment. Et il avait une expression sur le visage qui était plus vivante et plus animée qu’il n’en avait jamais eu. Parce qu’il s’intéressait à ce qu’ils faisaient là.

Nick pressa la détente.

Dans l’intervalle prolongé du mouvement de la détente, le long quart de seconde, avec le mouvement laborieux et dur de la détente, Nick déchiffra le sourire sur le visage de l’autre.

Puis le coup partit et le bruit explosa dans la pièce et même en voyant le siège et le corps voler en éclats il avait encore l’empreinte du visage de George gravée dans la tête.

La façon dont le type a dit non quand il a demandé si c’était chargé.

Il a demandé si le fusil était chargé et le type a dit non et le sourire tout entier n’exprimait que le risque, bien sûr, l’humeur de défi de ce qu’ils faisaient.

Il a senti la détente jouer et le coup est parti et il est resté là à se dire faiblement que ce n’est pas lui qui l’a fait.

Mais d’abord, il a braqué le fusil sur la tête du type et demandé si c’était chargé.

Puis il a senti la détente jouer et entendu le coup partir et l’homme et le siège ont été précipités dans des sens différents.

Et la façon dont le type a dit non quand il a demandé si c’était chargé.

Il a demandé si le truc était chargé et le type a dit non et maintenant il a une arme dans les mains qui vient apparemment de faire feu.

Il a pressé la détente de toutes ses forces en scrutant le sourire sur le visage de l’autre type.

Mais d’abord, il a posé avec le fusil et l’a braqué sur le type et a demandé si c’était chargé.

Puis le bruit a explosé dans la pièce et il est resté là à se dire faiblement que ce n’est pas lui qui l’a fait.

Mais d’abord, il a pressé la détente de toutes ses forces et il a scruté le sourire et le sourire semblait d’une humeur de défi.

Pourquoi le type aurait-il dit non si c’était chargé ?

Mais d’abord lui, pourquoi aurait-il braqué le fusil sur la tête du type ?

Il a braqué le fusil sur la tête du type et il a demandé si c’était chargé.

Puis il a senti le mouvement de la détente et l’a lue dans l’expression chafouine du sourire.

Il se tenait au-dessus du corps étalé dans la bouillasse sanguinolente de la pièce, non qu’il vît très clairement la pièce, et il lui sembla entendre un bruit d’aspiration provenir du visage du type, comme un placenta du visage, les résidus faciaux de ce qui avait été une tête.

Mais d’abord, il repassa la séquence dans sa tête et c’était la même chose.

Lorsqu’ils l’emmenèrent jusqu’à la voiture de police il y avait des gens sur les marches devant les maisons, en robe de chambre, certains, et des têtes à beaucoup de fenêtres, penchées, pâles et muettes, et beaucoup de jeunes gens entouraient la voiture, certains qu’il connaissait bien et d’autres en passant, et ils le regardaient avec une gravité attentive, pensant que c’était l’histoire, en quelque sorte, qui se déroulait là, dans leurs rues à eux, ordinaires et reculées.