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Supposons, par exemple,
que vous empruntiez quatre-vingt-quinze poscreds
à un taux d’intérêt minimum.
Le total de vos versements se montera à…
La lumière du jour pénétrait avec éclat dans l’élégante chambre d’hôtel, révélant aux yeux clignotants de Joe Chip les grands rideaux aux motifs peints à la main qui dépeignaient les étapes de l’ascension de l’homme, depuis les organismes unicellulaires du cambrien jusqu’aux premiers engins volants plus lourds que l’air au début du XXe siècle. Il admira d’un regard mal assuré la splendeur de la pièce, la magnifique commode en pseudo-acajou, les quatre fauteuils de repos multicolores revêtus de cryptochrome… puis il réalisa, avec un frémissement de déception aigu, que Wendy n’était pas venue frapper à sa porte. Ou alors il avait dormi d’un sommeil trop profond pour l’entendre.
Ainsi donc son triomphe s’était englouti avant même d’avoir pris naissance.
Engourdi par une mélancolie qui persistait de la veille, il se leva du vaste lit, rassembla ses vêtements et s’habilla. Il faisait froid, anormalement froid ; il le remarqua et s’interrogea à ce sujet. Puis il décrocha le vidphone avec l’intention de protester auprès de la direction.
« … lui rendre la pareille dans la mesure du possible, émit le récepteur au moment où il le portait à son oreille. D’abord, bien sûr, il faut établir si Stanton Mick est intervenu en personne contre nous, ou bien s’il s’est agi d’un mannequin homosimulé ; si oui pourquoi, et sinon comment il se fait que… (La voix continua son monologue à l’intention d’elle-même, sans s’adresser à Joe. Elle semblait aussi ignorante de sa présence que s’il n’avait pas eu d’existence.) D’après nos rapports antérieurs, poursuivit-elle, il ne semble pas, en général, que Mick agisse en violant la législation en vigueur à travers le système solaire. En fonction de ce fait… »
Joe raccrocha et resta titubant et pris de vertige, en essayant de s’éclaircir les idées. La voix de Runciter. Aucun doute là-dessus. Il décrocha à nouveau et se remit à écouter.
« … intenter un procès par Mick, qui a l’habitude de ce genre de litige et qui peut s’offrir ce luxe. Nos experts juridiques devront être consultés avant que nous transmettions un compte rendu à la Société. Si la chose était rendue publique, ce serait la diffamation, et il y aurait là matière à une plainte pour… »
— Runciter ! dit Joe à haute voix.
« … dont il serait impossible bien entendu d’apporter la moindre preuve. »
Joe raccrocha.
Je ne comprends pas, se dit-il.
Il alla dans la salle de bains, s’aspergea la figure d’eau glacée, se peigna à l’aide d’un peigne hygiénique et gratuit de l’hôtel, puis, après avoir médité un moment, se rasa avec le rasoir à jeter hygiénique et gratuit de l’hôtel. Il appliqua de l’after-shave hygiénique et gratuit de l’hôtel sur son menton, son cou et ses joues, défit de son emballage le verre hygiénique et gratuit de l’hôtel et y but. Est-ce que le moratorium est finalement arrivé à le faire revivre ? se demanda-t-il. Est-ce qu’ils l’ont branché sur ma ligne vidphonique ? Sitôt conscient, c’est à moi que Runciter voudrait parler avant tout autre. Mais, dans ce cas, pourquoi ne peut-il pas m’entendre ? Pourquoi la transmission est-elle à sens unique ? Est-ce que c’est un simple défaut technique qui peut être arrangé ?
Revenant au vidphone, il prit le récepteur pour demander le Moratorium des Frères Bien-Aimés.
« … pas l’homme idéal pour diriger la firme ; trop de problèmes personnels qui lui compliquent l’existence, surtout… »
Je ne peux pas appeler, se dit Joe. Il raccrocha. Je ne peux même pas obtenir le standard de l’hôtel.
Dans un coin de la chambre un carillon résonna et une voix mécanique au timbre grêle annonça : « Je suis votre machine à homéojournal gratuite, un service réservé à ses clients par la Rootes des hôtels Rootes partout sur Terre et dans les colonies. Réglez simplement le cadran sur les informations de votre choix, et en quelques secondes je vous fournirai un homéojournal avec les toutes dernières nouvelles dans le domaine qui vous intéresse ; et ceci, je le répète, sans aucun frais ! »
— D’accord, fit Joe, et il traversa la pièce en direction de la machine.
Peut-être, réfléchit-il, la nouvelle du meurtre de Runciter avait-elle maintenant filtré. Les organismes de presse se tenaient au courant, à titre de routine, de toutes les admissions dans les moratoriums. Il actionna le réglage de façon à obtenir nouvelles interplanétaires. La machine se mit aussitôt à dégorger une feuille imprimée dont il s’empara.
Aucune mention de Runciter. Trop tôt ? Ou la Société était-elle parvenue à censurer l’information ? À moins que ce ne soit Al, pensa-t-il ; Al avait peut-être glissé quelques poscreds au propriétaire du moratorium. Mais… c’était lui qui détenait la totalité de l’argent d’Al. Celui-ci ne pouvait acheter personne.
On frappa à la porte.
Posant l’homéojournal, Joe s’avança précautionneusement en pensant : C’est sans doute Pat Conley ; elle m’a coincé ici. D’un autre côté, ça pourrait être quelqu’un venu de New York pour me chercher et m’emmener. Théoriquement, conjectura-t-il, ça pourrait même être Wendy. Mais c’est peu probable. Pas maintenant, pas si tard.
C’est peut-être aussi un assassin envoyé par Hollis. Peut-être qu’il veut nous tuer les uns après les autres.
Joe ouvrit la porte.
Tremblant et mal à l’aise, frottant ses mains molles l’une contre l’autre, Herbert Schoenheit von Vogelsang se tenait sur le seuil en marmonnant :
— Je n’y comprends rien, Mr Chip. Nous avons travaillé toute la nuit en nous relayant. Nous n’avons pas obtenu un seul signal. Et pourtant l’électro-encéphalogramme montre les traces d’une activité cérébrale faible mais indéniable. L’après-vie est donc bien là, mais apparemment nous ne pouvons pas la capter. Nous avons maintenant sondé chaque partie du cortex. Je ne sais pas quoi faire d’autre, monsieur.
— Y a-t-il un métabolisme cérébral mesurable ? questionna Joe.
— Oui. Nous avons fait venir un expert d’un autre moratorium, et il l’a décelé avec ses instruments. C’est dans la proportion normale. Ce à quoi on peut s’attendre immédiatement après la mort.
— Comment avez-vous su où me trouver ? demanda Joe.
— Nous avons appelé Mr Hammond à New York. Ensuite j’ai essayé de vous joindre ici à votre hôtel, mais votre vidphone a été occupé toute la matinée. C’est pourquoi j’ai jugé bon de venir sur place.
— Il est en dérangement, dit Joe. Le vidphone. Je ne peux pas appeler non plus.
— Mr Hammond a également essayé de vous contacter sans succès, dit von Vogelsang. Il m’a chargé de vous communiquer un message, quelque chose qu’il veut que vous fassiez avant de quitter Zurich pour New York.
— Je sais, dit Joe. Il veut me rappeler de parler à Ella.
— Et de lui apprendre la mort malheureuse et prématurée de son mari.
— Est-ce que je peux vous emprunter quelques poscreds ? demanda Joe. Pour mon petit déjeuner ?
— Mr Hammond m’a prévenu que vous essaieriez de m’emprunter de l’argent. Il m’a informé qu’il vous avait laissé de quoi payer votre chambre ainsi que quelques verres et…
— Al a basé son calcul sur l’hypothèse que je prendrais une chambre plus modeste. Mais il n’y en avait pas d’autre de disponible, et il ne l’avait pas prévu. Vous pouvez mentionner ça dans le rapport que vous présenterez à notre firme à la fin du mois. Comme Al vous l’a sans doute dit, c’est moi qui la dirige maintenant. Vous avez en face de vous un homme puissant à la pensée positive, qui a franchi une à une toutes les étapes jusqu’au sommet. Je pense que vous vous rendez compte que nous pourrions changer d’avis quant au moratorium qui a nos préférences, rien ne nous interdit, par exemple, d’en choisir un à proximité de New York.
D’un air renfrogné, von Vogelsang sortit de sa toge de tweed un portefeuille en ersatz de crocodile dans lequel il fouilla.
— Le monde où nous vivons est sans pitié, dit Joe en acceptant l’argent. La règle est : Les chiens se mangent entre eux.
— Mr Hammond m’a chargé de vous transmettre d’autres informations. La fusée envoyée par vos bureaux de New York arrivera à Zurich d’ici environ deux heures.
— Parfait, déclara Joe.
— Pour vous laisser le temps de vous entretenir avec Ella Runciter, Mr Hammond vous fera prendre par la fusée au moratorium. À cet effet, il suggère que je vous emmène au moratorium avec moi. Mon aéronef est garé sur le toit de l’hôtel.
— Al Hammond a dit ça ? Que je devais retourner au moratorium avec vous ?
— Exact, opina von Vogelsang.
— Un grand Noir aux épaules carrées, âgé de la trentaine ?
Avec les dents de devant aurifiées, chacune avec une décoration, celle de gauche un cœur, la suivante un trèfle, celle de droite un carreau ?
— L’homme qui est venu hier avec nous de l’astroport. Celui qui a attendu au moratorium avec vous.
— Il avait bien un pantalon de feutre vert, des socquettes grises, une chemise décolletée jusqu’à l’estomac et des escarpins en cuir verni d’imitation ?
— Je ne sais pas ce qu’il portait. J’ai juste vu sa figure sur l’écran du vidphone.
— Il n’a pas employé de mots convenus pour que vous soyez sûr que c’était lui ?
Irrité, le propriétaire du moratorium répondit :
— Je ne comprends pas votre problème, Mr Chip. L’homme qui m’a parlé de New York au vidphone était celui que j’ai vu hier en votre compagnie.
— Je ne peux pas prendre le risque, dit Joe, de partir avec vous, de monter dans votre aéronef. Vous êtes peut-être envoyé par Ray Hollis. C’est Ray Hollis qui a tué Mr Runciter.
Les yeux pareils à des billes de verre, von Vogelsang demanda :
— Avez-vous informé la Société de Protection ?
— Nous allons le faire en temps voulu. D’ici là nous devons veiller à ce que Hollis ne nous tue pas tous. Il a essayé sur la Lune.
— Vous avez besoin d’être protégé, dit le propriétaire du moratorium. Je vous conseille d’appeler immédiatement la police de Zurich pour demander un garde du corps jusqu’à votre départ. Et quand vous serez arrivé à New York…
— Je vous ai dit que mon vidphone ne fonctionnait pas. Tout ce que j’y entends, c’est la voix de Glen Runciter. C’est pour ça que personne ne peut me joindre.
— Vraiment ? C’est très insolite. (Von Vogelsang s’avança dans la chambre d’une démarche ondulante.) Puis-je essayer ? (Il soulevait le récepteur d’un air interrogateur.)
— Donnez-moi un poscred, dit Joe.
Après avoir fouillé dans ses poches, le propriétaire du moratorium tendit de mauvaise grâce à Joe une poignée de monnaie.
— Ce n’est que le prix qu’on demande ici pour une tasse de café, précisa Joe. Ça vaut bien ça.
En y pensant, il se rendit compte qu’il n’avait pas pris de breakfast et allait devoir affronter Ella à jeun. Il pourrait prendre un comprimé d’amphétamine à la place, l’hôtel devait aussi fournir ça gracieusement à ses clients. Le récepteur appliqué à l’oreille, von Vogelsang déclara :
— Je n’entends rien. Pas même la tonalité. Simplement des grésillements très faibles qui semblent venir de très loin.
Il tendit le récepteur à Joe qui le prit et écouta à son tour. Il entendit lui aussi la friture. À des milliers de kilomètres de distance, semblait-il. Bizarre, pensa-t-il. Aussi déconcertant en un sens que la voix de Runciter – si toutefois c’était bien elle qu’il avait perçue.
— Je vous rends votre poscred, fit-il en raccrochant.
— Laissez, je vous en prie, dit von Vogelsang.
— Mais vous n’avez pas entendu la voix.
— Allons au moratorium. Comme l’a suggéré Mr Hammond.
— Al Hammond est mon employé, dit Joe. C’est moi qui prends les décisions. Je pense que je vais rentrer à New York avant de parler à Ella ; à mon avis, il est plus important de préparer notre rapport à l’intention de la Société. Al Hammond vous a-t-il dit si tous les neutraliseurs ont quitté Zurich avec lui ?
— Tous sauf la jeune femme qui a passé la nuit avec vous à l’hôtel. (Perplexe, le propriétaire du moratorium regarda autour de lui, cherchant des yeux celle dont il parlait.) Elle n’est pas ici ? ajouta-t-il d’un air inquiet.
— Quelle jeune femme était-ce ? interrogea Joe ; son moral, qui était déjà bas, accomplit une chute jusqu’au tréfonds de son esprit.
— Mr Hammond ne l’a pas dit. Il a présumé que vous étiez au courant. Vu les circonstances, il eût été indiscret de sa part de me révéler son nom. Mais elle n’est pas… ?
— Personne n’est venu.
De qui s’agissait-il ? De Pat Conley ? Ou de Wendy ? Il se mit à faire les cent pas dans la pièce, en se débarrassant par réflexe de la peur qui l’envahissait. Je souhaite, pensa-t-il, que ce soit Pat.
— La penderie, dit von Vogelsang.
— Quoi ? (Il s’arrêta de marcher.)
— Si vous y regardiez ? Dans ces chambres de luxe, les penderies sont très grandes.
Joe toucha le bouton de la porte de la penderie ; elle s’ouvrit d’un seul coup sous l’effet d’un mécanisme à ressort.
À l’intérieur un tas recroquevillé, déshydraté, presque momifié, gisait roulé en boule par terre. Les lambeaux décomposés de ce qui semblait avoir été autrefois du tissu en recouvraient la plus grande partie, comme si, graduellement, durant un long laps de temps, la chose s’était ratatinée dans ce qui subsistait de ses vêtements. Se penchant, Joe la retourna. Elle ne pesait que quelques kilos ; sous la pression de sa main les membres se déployèrent, réduits à de fines extensions osseuses qui bruissaient comme du papier. La chevelure paraissait immense ; raide et emmêlée, elle voilait la face comme un nuage noir. Il s’accroupit sans faire un autre geste, ne voulant pas voir ce que c’était. Von Vogelsang grinça d’une voix étranglée :
— Mais c’est vieux. Complètement desséché. Comme si c’était là depuis des siècles. Je descends avertir la direction.
— Ça ne peut pas être une femme adulte, dit Joe. (Cette dépouille ne pouvait être que celle d’une enfant ; elle était trop petite.) Ce n’est ni Pat ni Wendy, ajouta-t-il, et il souleva la chevelure pour dévoiler le visage. On dirait que ç’a été passé au four, à une température énorme, pendant très longtemps.
L’explosion, songea-t-il. La chaleur dégagée par la bombe. Il contempla alors en silence la petite figure noircie et ridée. Et il sut qui c’était. Avec difficulté il la reconnut.
Wendy Wright.
À un moment quelconque de la nuit, réfléchit-il, elle était entrée dans la chambre, et quelque chose avait ensuite commencé à lui arriver. Elle l’avait senti, elle avait rampé jusqu’à la penderie pour s’y cacher, pour qu’il ne sache pas ; durant les dernières heures de sa vie – ou les dernières minutes, il espérait que ce n’avait été que des minutes – elle avait subi ce phénomène, mais elle n’avait pas crié. Elle ne l’avait pas réveillé. Ou bien, pensa-t-il, elle a essayé et n’a pas pu, elle n’est pas parvenue à attirer mon attention. C’est peut-être après ça, après avoir tenté de m’éveiller sans y parvenir, qu’elle s’est réfugiée dans la penderie.
Je prie Dieu, se dit-il, pour qu’elle soit morte rapidement.
— Vous ne pouvez rien faire pour elle ? demanda-t-il à von Vogelsang. À votre moratorium ?
— Il est trop tard. Il ne peut pas rester de semi-vie, pas avec cette détérioration complète. C’est elle la… jeune femme ?
— Oui, fit Joe en hochant la tête.
— Vous feriez mieux de quitter cet hôtel. Tout de suite. Pour votre sécurité. Hollis – c’est bien Hollis, n’est-ce pas ? – vous fera la même chose qu’à elle.
— Mes cigarettes, dit Joe. Sèches comme du bois. L’annuaire vieux de deux ans à bord du vaisseau. La crème tournée et le café moisi. Les pièces de monnaie antiques. (Un dénominateur commun : le vieillissement.) Elle l’a dit sur la Lune, juste avant qu’on décolle ; elle a dit : je me sens vieille.
Il médita, en essayant de dominer sa peur ; elle commençait maintenant à se muer en terreur. Mais la voix au vidphone, songea-t-il. La voix de Runciter. Ça signifie quoi ? Il ne voyait pas de trame en filigrane, pas de sens caché. Il ne pouvait imaginer ni bâtir aucune théorie expliquant cette histoire de voix au vidphone.
— Les radiations, dit von Vogelsang. On a l’impression qu’elle a été exposée à une radioactivité intense, sans doute peu avant de mourir. À une dose inouïe, en fait.
— Je suppose qu’elle est morte des suites de l’explosion, dit Joe. L’explosion de la bombe qui a tué Runciter.
Des particules de cobalt, se dit-il. Un nuage radioactif qui s’est déposé sur elle et qu’elle a respiré. Mais alors nous allons tous mourir de la même façon ; nous y avons tous été exposés. Je l’ai en ce moment dans les poumons ; et Al aussi ; et tous les autres neutraliseurs. Il n’y a plus rien à faire. C’est trop tard. Nous n’avions pas pensé à ça, réalisa-t-il. Il ne nous est pas venu à l’idée que l’explosion était une réaction nucléaire à l’échelon micronique. Pas étonnant que Hollis nous ait laissés partir. Et pourtant… Cela expliquait bien la mort de Wendy ainsi que les cigarettes desséchées. Mais pas l’annuaire, ni les pièces de monnaie, ni la putréfaction de la crème et du café.
Cela n’expliquait pas non plus la voix de Runciter, ce monologue ininterrompu qui ne s’arrêtait que quand von Vogelsang décrochait le récepteur. Quand quelqu’un d’autre que lui, conclut-il, essayait d’écouter. Il faut que je rentre à New York, se dit-il. Il faut que tous ensemble nous cherchions le moyen de nous en tirer. Avant de mourir les uns après les autres, comme Wendy. Ou d’une mort encore pire.
— Demandez à l’hôtel qu’on m’apporte un sac en polyéthylène, dit-il au propriétaire du moratorium. Je vais la mettre dedans et l’emmener avec moi à New York.
— Mais ça ne concerne pas la police ? Un meurtre aussi horrible, ils devraient être informés.
— Faites-moi simplement monter le sac, répondit Joe.
— Entendu. C’est votre employée. (Von Vogelsang se dirigea vers la sortie.)
— Elle l’était, rectifia Joe. Elle ne l’est plus.
Il a fallu que ce soit elle la première, se dit-il. Mais c’est peut-être mieux en un sens. Wendy, songea-t-il, je te ramène avec moi, je te ramène chez moi.
Mais pas comme il en avait fait le projet.
Rompant brusquement le silence général, Al Hammond dit aux autres neutraliseurs assis autour de la table de conférences en chêne massif véritable :
— Joe ne devrait pas tarder.
Il regarda sa montre pour s’assurer de l’heure. Apparemment elle était arrêtée.
— En attendant, dit Pat Conley, nous pourrions peut-être regarder les informations télévisées pour voir si Hollis a laissé la nouvelle de la mort de Runciter s’ébruiter.
— Il n’y a rien dans le journal, fit Edie Dorn.
— Avec la TV nous aurons des nouvelles plus récentes, rétorqua Pat.
Elle tendit à Al une pièce de cinquante cents pour mettre en marche le récepteur TV installé derrière des rideaux à l’extrémité de la pièce, un système perfectionné en couleurs et relief avec son polyphonique qui avait fait l’orgueil de Runciter.
— Vous voulez que j’aille mettre la pièce à votre place, Mr Hammond ? demanda Sammy Mundo avec empressement.
— D’accord, répondit Al ; l’air sombre, il lança la pièce à Mundo qui l’attrapa au vol et se précipita vers la télévision.
Walter W. Wayles, l’avoué de Runciter, s’agitait nerveusement sur son siège, en tripotant de ses mains aristocratiques et finement veinées la fermeture de son porte-documents.
— Vous n’auriez pas dû, dit-il, laisser Mr Chip à Zurich. Nous ne pouvons rien faire jusqu’à son arrivée, et il est d’une importance vitale de régler toutes les questions ayant trait à Mr Runciter.
— Vous avez lu le testament, déclara Al. Et Joe Chip aussi. Nous savons qui Runciter voulait à la tête de la firme.
— Mais d’un point de vue légal… commença Wayles.
— Il n’y en a pas pour longtemps, fit Al d’un ton rude. Il traça avec son stylo des fioritures sur les bords de la liste qu’il avait inscrite sur une feuille ; quand il l’eut entièrement entourée de festons, il la relut d’un air préoccupé.
CIGARETTES DESSÉCHÉES
ANNUAIRE PÉRIMÉ
MONNAIE DÉMODÉE
DENRÉES PUTRÉFIÉES
ANNONCE SUR LA POCHETTE D’ALLUMETTES
— Je vais une fois de plus faire passer cette liste autour de la table, dit-il en haussant le ton. Que chacun essaie encore de chercher un lien entre ces cinq incidents… si c’est le terme qui convient. Ces cinq choses qui sont… (Il fit un geste.)
— Anormales, compléta Jon Ild.
— Les quatre premières ont un lien évident, dit Pat Conley. Mais la pochette d’allumettes ne cadre pas avec le reste.
— Faites-la-moi voir encore une fois, demanda Al en tendant la main.
Pat lui donna la pochette et, à nouveau, il lut le texte qui figurait au dos.
DOUBLEZ VOS REVENUS SANS PEINE !
Mr Glen Runciter, du Moratorium des Frères Bien-Aimés de Zurich, en Suisse, a doublé son chiffre d’affaires une semaine après avoir reçu notre panoplie de chaussures gratuite, avec la méthode détaillée qui vous permettra, à vous aussi, de vendre nos véritables mocassins en imitation cuir à vos amis, vos parents, vos collègues de travail. Bien que congelé dans sa capsule cryonique, Mr Runciter est arrivé à gagner quatre cents poscreds au bout de
Al s’arrêta de lire ; il réfléchit, en faisant claquer l’ongle de son pouce sur une dent de sa mâchoire inférieure. Oui, pensa-t-il, cette annonce, c’est différent. Les autres trucs, c’est le vieillissement et la pourriture. Ça, c’est autre chose.
— Je me demande, dit-il, ce qui arriverait si nous répondions à cette publicité. L’adresse est une boîte postale à Des Moines, dans l’Iowa.
— On recevrait une panoplie de chaussures gratuite, dit Pat Conley. Avec la méthode détaillée qui nous permettra à nous aussi de…
— Peut-être, interrompit Al, serions-nous mis en contact avec Glen Runciter. (Tout le monde autour de la table, y compris Walter W. Wayles, le fixa du regard.) Je parle sérieusement, continua-t-il. Tenez. (Il tendit la pochette d’allumettes à Tippy Jackson.) Écrivez-leur par courrier urgent.
— Pour leur dire quoi ? questionna Tippy Jackson.
— Remplissez simplement le coupon-réponse, répondit Al. (Il demanda à Edie Dorn :) Vous êtes absolument sûre que vous aviez cette pochette dans votre sac depuis la semaine dernière ? Vous ne l’avez pas ramassée quelque part aujourd’hui ?
— J’en avais mis plusieurs dans mon sac mercredi dernier, déclara Edie Dorn. Comme je vous l’ai dit, c’est ce matin que j’ai remarqué celle-ci, en allumant une cigarette avant d’arriver ici. Mais elle était déjà dans mon sac avant qu’on parte pour la Lune, je suis formelle. Et elle y était depuis plusieurs jours.
— Avec cette annonce publicitaire ? demanda Jon Ild.
— Je ne regarde jamais ce genre de choses ; je l’ai remarquée aujourd’hui par hasard. Avant, je ne peux rien dire. Ni moi ni personne.
— Non, personne, fit Don Denny. Qu’est-ce que vous en pensez, Al ? Un gag forgé par Runciter ? Il aurait fait imprimer ça avant sa mort ? Ou alors ça vient de Hollis ? Une sinistre plaisanterie, alors qu’il savait déjà qu’il allait le tuer ? Et qu’au moment où nous lirions ça Runciter serait congelé à Zurich, exactement comme le dit l’annonce ?
Tito Apostos intervint :
— Comment Hollis pouvait-il être sûr que nous le placerions à Zurich ? Même un précog ne voit pas forcément…
— À cause d’Ella, répondit Don Denny.
À l’autre bout de la pièce, Sammy Mundo examinait en silence la pièce de cinquante cents qu’Al lui avait remise. Des rides de perplexité barraient son front pâle.
— Qu’est-ce qu’il y a, Sam ? interrogea Al.
Il éprouvait une tension interne, comme s’il pressentait la venue d’un autre événement.
— Ce n’est pas la tête de Walt Disney qu’il y a sur les pièces de cinquante cents ? demanda Sammy.
— Celle de Disney, dit Al, ou si c’est un modèle plus ancien celle de Fidel Castro. Faites voir.
— Une autre pièce hors d’usage, dit Pat Conley pendant que Sammy la rapportait pour la montrer.
— Non, déclara Al en la regardant de près. Elle est de l’année dernière ; au point de vue date, elle est parfaitement normale. Toutes les machines du monde l’accepteraient.
— Alors qu’est-ce qu’elle a ? questionna Edie Dorn timidement.
— Exactement ce que Sam a dit, fit Al. La tête qu’il y a dessus n’est pas la bonne. (Il se leva, porta la pièce à Edie, la déposa dans la paume moite de celle-ci.) Ça ressemble à qui à votre avis ?
Après un moment d’hésitation Edie répondit :
— Je… je ne sais pas.
— Si, vous le savez, insista Al.
— Oui, dit Edie avec répugnance, d’une voix crispée.
Elle repoussa la pièce vers lui, comme pour s’en débarrasser avec un frisson d’aversion.
— C’est Runciter, annonça Al à tous ceux qui étaient assis autour de la vaste table.
Au bout d’un instant Tippy Jackson dit :
— Vous pouvez ajouter ça à votre liste. (Sa voix était à peine audible.)
— Je vois deux phénomènes en cours, remarqua Pat tandis qu’Al se rasseyait pour faire l’ajout à sa liste. D’abord un processus de détérioration qui est manifeste ; nous sommes tous d’accord là-dessus.
Al leva la tête vers elle.
— Et l’autre ?
— Je n’ai pas de certitude. (Elle hésita.) Quelque chose qui a trait à Runciter. Nous devrions tous regarder nos pièces de monnaie. Et les billets aussi. Attendez que je réfléchisse encore.
Un par un, ils sortirent leurs portefeuilles, fouillèrent dans leurs sacs ou leurs poches.
— J’ai un billet de cinq poscreds, dit Jon Ild, avec un superbe portrait de Mr Runciter. Les autres… (Il observa attentivement la liasse qu’il tenait.) Ils sont normaux. Vous voulez voir celui de cinq poscreds, Mr Hammond ?
— J’en ai déjà deux. Qui d’autre ? répondit Hal. (Il regarda autour de la table. Six bras se levèrent.)
— Nous sommes donc huit, poursuivit-il, à posséder en partie ce que nous pourrions appeler la monnaie Runciter. Je pense qu’à la fin de la journée toute la monnaie en circulation sera de la monnaie Runciter. Ou d’ici deux jours. De toute façon la monnaie Runciter sera valable ; elle mettra les machines en marche et nous permettra de payer ce que nous devons.
— Pas sûr, observa Don Denny. Qu’est-ce qui vous le fait supposer ? Cet argent est bidon ; ce n’est pas le gouvernement qui l’a émis. Pourquoi est-ce que les banques l’accepteraient ?
D’accord, fit Al d’un ton conciliant. Peut-être que les banques le refuseront. Mais la vraie question n’est pas là.
— La vraie question, dit Pat Conley, c’est de savoir la nature de ce second phénomène : ces manifestations de Runciter.
— C’est le mot qui convient, approuva Don Denny. Des manifestations de Runciter. Une partie de la monnaie devient démodée, l’autre s’orne du portrait de Runciter. Ce sont deux processus qui vont dans des directions opposées. D’un côté un éloignement, quelque chose qui cesse d’exister. De l’autre l’apparition d’une chose qui n’existait pas auparavant.
— L’accomplissement d’un souhait, murmura Edie Dorn.
— Comment ça ? demanda Al.
— C’est peut-être ce que souhaitait Runciter, expliqua Edie. Avoir son portrait partout sur les billets de banque et les pièces de monnaie. Un rêve grandiose.
— Oui, mais les pochettes d’allumettes ? observa Tito Apostos.
— Ça n’est pas très grandiose, reconnut Edie.
— La maison a déjà fait de la publicité sur les pochettes d’allumettes, dit Don Denny. Et à la télévision, et dans les journaux, et par circulaires. Mais ce n’était pas le genre de chose dont Runciter se préoccupait beaucoup, surtout en ce qui concerne les pochettes d’allumettes. Si son moi devait se matérialiser quelque part, ce serait à la télévision plutôt qu’ailleurs.
— Mais peut-être est-il à la télévision, dit Al.
— Exact, fit Pat Conley. Nous n’avons pas essayé. Aucun de nous n’a eu le temps de la regarder.
— Sammy, dit Al en lui rendant la pièce de cinquante cents, allez mettre le récepteur en marche.
— Je me demande si j’ai envie de regarder, déclara Edie tandis que Sammy Mundo insérait la pièce dans la fente du récepteur et se déplaçait sur le côté pour manipuler les boutons de réglage.
La porte s’ouvrit. Joe Chip était sur le seuil ; Al vit son visage.
— Fermez la télévision, dit-il en se levant. (Il se dirigea vers Joe ; chacun observait la scène.) Qu’est-ce qui est arrivé, Joe ? demanda-t-il. (Il attendit. Joe ne répondit rien.) Qu’est-ce qui se passe ?
— J’ai loué une fusée pour rentrer, dit Joe d’une voix enrouée.
— Avec Wendy ? Joe continua :
— Il faut payer la fusée. Elle est sur le toit. Je n’ai pas assez d’argent sur moi.
Al demanda à Walter W. Wayles :
— Vous pouvez débloquer des fonds ?
— Dans un cas pareil, oui. Je vais m’occuper de cette fusée. Wayles quitta la pièce en emportant son porte-documents. Joe restait sur le seuil, à nouveau silencieux. Depuis la dernière fois qu’Al l’avait vu, il semblait avoir vieilli de cent ans.
— Dans mon bureau. (Joe se détourna, battit des paupières, hésita.) Je… je pense qu’il vaudrait mieux que vous ne regardiez pas. Le type du moratorium était avec moi quand je l’ai vue. Il a dit qu’il ne pouvait rien faire ; ça remontait à trop longtemps. Des années.
— Des années ? répéta Al, pétrifié.
— Allons à mon bureau, dit Joe. (Il fit sortir Al de la salle de conférences et l’emmena avec lui jusqu’à l’ascenseur.) Pendant le trajet la fusée m’a donné des tranquillisants. C’est compté sur la facture. On peut dire que je me sens mieux. En fait je ne sens rien du tout. C’est l’effet des tranquillisants. Après, tout me reviendra.
L’ascenseur survint. Ils descendirent ensemble sans rien dire jusqu’au troisième étage où se trouvait le bureau de Joe.
— Ne regardez pas, je vous le conseille. (Joe déverrouilla la porte et fit entrer Al dans son bureau.) Mais c’est à vous de décider. Si je l’ai supporté, vous y arriverez aussi sans doute. (Il alluma le plafonnier.)
— Grand Dieu, fit Al après un moment de silence.
— N’ouvrez pas le sac, dit Joe.
— Je n’y tiens pas. Ce que je vois au travers suffit. Cette nuit ou ce matin ?
— Sans doute tôt dans la soirée, avant même qu’elle arrive à ma chambre. Nous avons trouvé – le propriétaire du moratorium et moi – des lambeaux de vêtements dans le couloir. En direction de ma porte. Mais elle devait être encore dans un état normal, ou à peu près normal, quand elle est passée à la réception. D’ailleurs le fait qu’elle soit allée jusqu’à ma chambre…
— Oui, ça prouve qu’elle était au moins capable de marcher. En tout cas c’est probable.
— Je pense à nous tous, dit Joe.
— Comment ça ?
— La même chose. Ça va nous arriver.
— Mais c’est impossible.
— Et pour elle, ça ne l’était pas ? C’est à cause de l’explosion. Nous allons tous mourir de la même façon, à tour de rôle. Un par un. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne. Jusqu’à ce que chacun de nous soit une dépouille dans un sac, quelques kilos d’os, de peau et de cheveux.
— Bon, dit Al. Il y a une force à l’œuvre qui produit un vieillissement accéléré. Son effet se fait sentir depuis l’explosion sur la Lune. Ça, nous le savions déjà. Mais nous savons aussi, ou nous croyons savoir, qu’une autre force agit en sens contraire, en faisant évoluer les choses dans une direction opposée. Quelque chose qui est lié à Runciter. Son portrait commence à apparaître sur notre monnaie. Et il y a une pochette d’allumettes…
— Il était au vidphone, dit Joe. À mon hôtel.
— Au vidphone ? Comment ?
— Je ne sais pas ; il y était, c’est tout. Pas son image, pas sur l’écran. Mais on entendait sa voix.
— Il disait quoi ?
— Rien de spécial.
Al observa Joe.
— Vous avez pu lui parler ? demanda-t-il enfin.
— Non. J’ai essayé. Mais c’était à sens unique ; je pouvais l’écouter, rien d’autre.
— C’est pour ça que je ne suis pas arrivé à vous joindre.
— C’est pour ça, approuva Joe.
— Tout à l’heure quand vous êtes entré nous allions mettre la télévision. Vous vous rendez compte qu’il n’y a rien eu dans les journaux sur la mort de Runciter ? Quelle histoire !
Il n’aimait pas l’aspect de Joe Chip. Celui-ci avait l’air vieux, tassé et fatigué. Est-ce ainsi que ça commence ? se demanda-t-il. Il faut absolument que nous établissions le contact avec Runciter, se dit-il. Arriver à l’entendre ne suffit pas ; il est évident qu’il essaie de nous atteindre mais… Si nous voulons avoir une chance de nous en sortir, il faut que ce soit nous qui arrivions à le joindre.
— Même si on le capte à la TV, ça ne servira à rien, dit Joe. Ce sera comme au vidphone. À moins qu’il puisse nous dire comment communiquer avec lui. Après tout peut-être qu’il peut nous le dire ; peut-être qu’il le sait. Il a peut-être compris ce qui s’est passé. Il faudrait qu’il ait compris ce qui lui est arrivé à lui. Car c’est ça que nous ne savons pas. (En un sens, réfléchit Al, il est sûrement encore vivant, bien qu’on n’ait pas pu le réveiller au moratorium. Et pourtant ils ont certainement fait tout ce qu’ils ont pu, avec un client de cette importance.) Est-ce que von Vogelsang l’a entendu au vidphone ? demanda-t-il à Joe.
— Il a essayé. Mais il n’y avait plus rien qu’une friture qui semblait venir de très loin. Je l’ai écoutée aussi. Un bruit très bizarre. Comme l’équivalent sonore du néant.
— Tout ça ne me plaît pas, dit Al. (Il ne savait pas avec certitude pourquoi.) J’aimerais mieux que von Vogelsang ait aussi entendu sa voix. Au moins on serait sûrs qu’elle était bien là, que ce n’était pas une hallucination de votre part.
Mais, pensa-t-il, il faudrait dire aussi de notre part à tous. Si on prend le cas de la pochette d’allumettes. De toute façon certains événements ne pouvaient avoir été des hallucinations ; des machines avaient refusé des pièces de monnaie qui n’avaient plus cours – des machines objectives, réglées pour ne réagir qu’aux propriétés physiques. Aucun élément psychologique ne pouvait intervenir ici. Les machines n’ont pas d’imagination.
— Je vais partir d’ici pour quelque temps, dit Al. Citez-moi un nom de ville au hasard, une ville à laquelle rien ne nous rattache et où nous ne sommes jamais allés.
— Baltimore, fit Joe.
— Bon, je pars pour Baltimore. Je vais voir si un magasin choisi au hasard acceptera la monnaie Runciter.
— Achetez-moi de nouvelles cigarettes, dit Joe.
— D’accord. Et je verrai si ces cigarettes sont affectées elles aussi. Je vérifierai d’autres produits en faisant des achats au petit bonheur. Vous venez avec moi ou vous montez les mettre au courant de la mort de Wendy ?
— Je viens avec vous, répondit Joe.
— Peut-être qu’il vaudrait mieux ne jamais le leur dire.
— Je ne crois pas, dit Joe. Puisque ça va se reproduire. Ça peut arriver avant que nous ne revenions. C’est peut-être en train de se passer en ce moment.
— Alors faisons ce trajet jusqu’à Baltimore le plus vite possible.
Al sortit du bureau et Joe Chip le suivit.