12 décembre 1997
Cher Jonathan,
Salutations d’Ukraine. Je viens de recevoir ta lettre que j’ai relue plusieurs fois, nonobstant les parties que j’ai lues à Mini-Igor. (T’ai-je dit qu’il lit ton roman à mesure que je le lis ? Je le traduis pour lui et j’y introduis aussi les remaniements nécessaires.) J’articulerai seulement que nous attendons tous deux les restes avec impatience. C’est une chose à laquelle nous pouvons penser et dont nous pouvons converser. C’est aussi une chose dont nous pouvons rire, ce dont nous avons besoin.
Il y a tant dont je veux t’informer, Jonathan, mais je ne puis percevoir la manière de le faire. Je veux t’informer au sujet de Mini-Igor et dans quoi il est un frère si extra et aussi de ma mère, qui est très, très humble, comme je te le signale souvent, mais néanmoins une bonne personne, et néanmoins ma mère. Peut-être ne l’ai-je pas peinte des couleurs que j’aurais dû employer. Elle est bonne pour moi, et jamais mauvaise pour moi, et c’est ainsi que tu dois la voir. Je veux t’informer au sujet de grand-père qui contemple la télévision pendant de nombreuses heures et n’arrive plus à témoigner mes yeux mais doit être attentif à quelque chose dans mon dos. Je veux t’informer au sujet de mon père et du fait que je ne suis pas une caricature quand je te dis que je l’amputerais de ma vie si je n’étais pas si lâche. Je veux t’informer au sujet de ce à quoi ça ressemble d’être moi, qui est une chose dont tu ne possèdes toujours pas le moindre murmure. Peut-être qu’en lisant la prochaine division de mon histoire, tu vas englober. C’est la plus difficile division que j’aie encore composée, mais je suis certain qu’elle n’approche pas en difficulté ce qui reste à venir. J’ai rangé dans un très lointain placard ce que je sais que je dois faire, qui est de montrer du doigt grand-père montrant du doigt Herschel. Tu as sans doute observé ceci.
J’ai appris de nombreuses leçons considérables de ton écriture, Jonathan. Une leçon est que ce n’est pas important d’être ingénu ou délicat, ou pudique. Soyez vous-même. Je n’arrivais pas à croire que ton grand-père était une personne si inférieure, au point d’être charnel avec la sœur de son épouse, et le jour de ses noces, et d’être charnel debout, ce qui est une disposition très inférieure, pour des raisons dont tu devrais être conscient. Et puis il est charnel avec les femmes âgées, qui devaient avoir une très flasque motte dont je n’articulerai rien de plus. Comment peux-tu faire ceci à ton grand-père, écrire au sujet de sa vie d’une telle manière ? Pourrais-tu écrire de cette manière s’il était vivant ? Et sinon, qu’est-ce que cela signifie ?
J’ai encore une question à discuter au sujet de ton écriture. Pourquoi les femmes aiment-elles ton grand-père à cause de son bras inerte ? L’aiment-elles parce qu’il leur permet de se sentir plus fortes que lui ? L’aiment-elles par commisération et que nous aimons les choses que nous commisérons ? L’aiment-elles parce que c’est un considérable symbole de mort ? Je demande parce que je ne sais pas.
Je n’ai qu’une remarque au sujet de tes remarques au sujet de mon écriture. En concernant comment tu m’as ordonné d’amputer les sections où tu parles au sujet de ta grand-mère, je dois te dire que ceci n’est pas une possibilité. J’accepte si à cause de ma décision tu choisis de ne plus me présenter aucun numéraire, ou si tu commandes que je te poste en retour le numéraire que tu m’as donné dans les mois précédents. Ce serait en justifiant chaque dollar, je t’en informerai.
Nous nous montrons très nomades avec la vérité, oui ? Nous tous les deux ? Penses-tu que ceci est acceptable quand nous écrivons au sujet de choses qui arrivèrent ? Si ta réponse est non, alors pourquoi écris-tu au sujet de Trachimbrod et de ton grand-père de la manière que tu le fais, et pourquoi me commandes-tu de ne pas être véridique ? Si ta réponse est oui, alors cela crée une autre question, qui est, si nous sommes tellement nomades avec la vérité, pourquoi ne faisons-nous pas l’histoire plus extra que la vie ? Il me semble que nous faisons l’histoire même encore inférieure. Nous nous faisons souvent apparaître comme si nous étions des personnes sottes et nous faisons apparaître notre voyage, qui fut un noble voyage, très normal et de deuxième ordre. Nous pourrions donner deux bras à ton grand-père et le faire haute fidélité. Nous pourrions donner à Brod ce qu’elle mérite en le lieu de ce qu’elle obtient. Nous pourrions même trouver Augustine, Jonathan, et tu pourrais la remercier, et grand-père et moi pourrions nous embrasser, et ce pourrait être parfait et beau, et drôle, et utilement triste, comme tu dis. Nous pourrions même faire entrer ta grand-mère dans notre histoire. Ceci est ce que tu désires, oui ? Ce qui me fait penser que peut-être nous pourrions faire entrer grand-père dans l’histoire. Peut-être, et je ne fais qu’articuler ceci, nous pourrions le faire sauver ton grand-père. Il pourrait être Augustine. Auguste, peut-être. Ou simplement Alex, si cela est satisfaisant pour toi. Je ne crois pas qu’il y a aucunes limites à combien excellente nous pourrions faire sembler la vie.
Ingénument,
Alexandre