Illumination
« Herschel s’occupait de ton père quand j’avais une course à faire, ou quand ta grand-mère était malade. Elle était malade tout le temps, pas seulement à la fin de sa vie. Herschel s’occupait du bébé et le prenait dans ses bras comme si c’était le sien. Il l’appelait même fils. »
Je dis tout ceci à Jonathan comme grand-père me l’avait dit, et il écrivit tout dans son journal. Il écrivit :
« Herschel ne possédait pas de famille à lui. Il n’était pas une personne très sociale. Il aimait beaucoup lire, et aussi écrire. Il était poète, et il m’exhibait beaucoup de ses poèmes. Je m’en rappelle beaucoup. Ils étaient niais, pourrait-on dire, et au sujet de l’amour. Il était toujours dans sa chambre à écrire ces choses, et jamais avec les gens. Je lui disais, À quoi bon tout cet amour sur le papier ? Je disais, Que ce soit l’amour qui écrive sur toi, pour une fois. Mais il était très têtu. Ou peut-être il était seulement timide. »
« Tu étais son ami ? » demandai-je, alors qu’il avait déjà dit qu’il était l’ami de Herschel.
« Il nous avait dit une fois que nous étions ses seuls amis. Ta grand-mère et moi. Il dînait avec nous et à certaines occasions restait très tardif. Nous allions même en vacances ensemble. Après la naissance de ton père, nous nous promenions tous les trois avec l’enfant. Quand il avait besoin de quelque chose, il venait nous voir. Quand il avait une difficulté, il venait nous voir. Un jour il me demanda s’il pouvait embrasser ta grand-mère. Pourquoi, lui demandai-je, et cela me rendit une personne courroucée, en vérité, très courroucée, qu’il puisse désirer l’embrasser. Parce que j’ai peur, dit-il, de ne jamais embrasser une femme. Herschel, dis-je, c’est parce que tu n’essayes d’en embrasser aucune. »
(Était-il amoureux de grand-mère ?)
(Je ne sais pas.)
(C’était une possibilité ?)
(C’était une possibilité. Il la regardait et aussi lui apportait des fleurs en cadeau.)
(Cela t’ennuyait-il ?)
(Je les aimais tous les deux.)
« L’embrassa-t-il ? »
« Non », dit-il. (Et tu te rappelleras, Jonathan, que là il a ri. C’était un rire court, grave.) « Il était trop timide pour embrasser qui que ce soit, même Anna. Je crois qu’ils n’ont jamais rien fait. »
« C’était ton ami », dis-je.
« C’était mon meilleur ami. Ce n’était pas pareil à l’époque. Juifs, pas juifs. Nous étions jeunes encore, et il y avait beaucoup de vie en avance de nous. Qui savait ? » (Nous ne savions pas, voilà ce que j’essaye de dire. Comment aurions-nous su ?)
« Su quoi ? » demandai-je.
« Qui savait que nous vivions sur une telle aiguille ? »
« Une aiguille ? »
« Un jour, Herschel dînait avec nous et il chantait des chansons à ton père dans ses bras. »
« Des chansons ? » (Là, il a chanté la chanson, Jonathan, et je sais combien tu adores insérer des chansons dans l’écriture, mais tu ne pourrais me requérir d’écrire ceci. J’ai essayé pendant si longtemps de déplacer la chanson de mon cerveau, mais elle y est toujours. Je m’entends la chanter quand je marche, pendant mes cours à l’université, et avant de m’endormir.)
« Mais nous étions des gens très bêtes », dit-il, et il examina de nouveau la photo et sourit. « Tellement bêtes. »
« Pourquoi ? »
« Parce que nous croyions des choses. »
« Quelles choses ? » demandai-je, parce que je ne le savais pas. Je ne comprenais pas.
(Pourquoi poses-tu tant de questions ?)
(Parce que tu n’es pas clair avec moi.)
(J’ai très honte.)
(Tu n’as pas à être honteux en ma proximité. La famille, c’est les gens qui ne doivent jamais nous faire sentir honteux.)
(Tu te trompes. La famille, c’est les gens qui doivent nous faire sentir honteux quand nous le méritons.)
(Et tu le mérites ?)
(Je le mérite. C’est ce que j’essaye de te dire.) « Nous étions bêtes, dit-il, parce que nous croyions des choses. »
« Pourquoi est-ce bête ? »
« Parce qu’il n’existe pas de choses à croire. »
(L’amour ?)
(Il n’y a pas d’amour. Seulement la fin de l’amour.)
(La bonté ?)
(Ne sois pas idiot.)
(Dieu ?)
(Si Dieu existe, il ne faut pas y croire.)
« Augustine ? » demandai-je.
« Je rêvais que cela pouvait être la chose, dit-il. Mais je me trompais. »
« Peut-être que tu ne te trompais pas. Nous n’avons pas pu la trouver, mais cela ne signifie rien au sujet de si tu dois ou non croire en elle. »
« À quoi bon quelque chose qu’on ne peut pas trouver ? »
(Je te dirai, Jonathan, qu’à cet endroit de la conversation, ce n’était plus Alex et Alex, grand-père et petit-fils, qui parlaient. Nous produisîmes d’être deux personnes différentes, deux personnes qui pouvaient se contempler l’une l’autre dans les yeux et articuler des choses qui ne sont pas articulées. Quand je l’écoutais, je n’écoutais pas grand-père, mais quelqu’un d’autre, quelqu’un que je n’avais jamais rencontré auparavant, mais que je connaissais mieux que grand-père. Et la personne qui écoutait cette personne n’était pas moi mais quelqu’un d’autre, quelqu’un que je n’avais jamais été auparavant, mais que je connaissais mieux que moi-même.)
« Dis-m’en plus », dis-je.
« Plus ? »
« Herschel. »
« C’était comme s’il était un membre de notre famille. »
« Dis-moi ce qui arriva. Que lui arriva-t-il ? »
« À lui ? À lui et moi. Cela arriva à tout le monde, ne t’y trompe pas. Ce n’est pas parce que je n’étais pas juif qu’il faudrait croire que cela ne m’arriva pas à moi. »
« Quoi ? »
« Il fallait choisir, en espérant choisir le moindre mal. »
« Il fallait choisir, dis-je à Jonathan, en espérant choisir le moindre mal. »
« Et je choisis. »
« Et il choisit. »
« Que choisit-il ? »
« Que choisis-tu ? »
« Quand ils prirent notre ville… »
« Kolki ? »
« Oui, mais ne le lui dis pas. Il n’y a pas de raison de le lui dire. »
« Nous pourrions y aller demain matin. »
« Non. »
« Peut-être ce serait une bonne chose. »
« Non, dit-il. Mes fantômes ne sont pas là-bas. »
(Tu as des fantômes ?)
(Bien sûr que j’ai des fantômes.)
(Comment sont tes fantômes ?)
(Ils sont sur l’intérieur des paupières de mes yeux.)
(C’est aussi là que résident mes fantômes.)
(Tu as des fantômes ?)
(Bien sûr que j’ai des fantômes.)
(Mais tu n’es qu’un enfant.)
(Je ne suis pas un enfant.)
(Mais tu n’as pas connu l’amour.)
(Ce sont mes fantômes, les espaces entre l’amour.)
« Tu pourrais nous le révéler, dis-je. Tu pourrais nous emmener là où tu vivais autrefois et là où sa grand-mère vivait autrefois. »
« Cela ne sert à rien, dit-il. Ces gens ne signifient rien pour moi. »
« Sa grand-mère. »
« Je ne veux pas connaître son nom. »
« Il dit que ça ne sert à rien de retourner à la ville dont il est venu, dis-je à Jonathan. Elle ne signifie rien pour lui. »
« Pourquoi est-il parti ? »
« Pourquoi es-tu parti ? »
« Parce que je ne voulais pas que ton père grandisse si près de la mort. Je ne voulais pas qu’il la connaisse et qu’il vive avec elle. C’est pourquoi je ne l’informai jamais de ce qui se produisit. Je désirais tellement qu’il vive une bonne vie, sans mort, sans choix et sans honte. Mais je n’étais pas un bon père, je dois te l’informer. J’étais le plus mauvais père. Je désirais l’éloigner de tout ce qui était mal, et je n’ai réussi à lui donner que du mal et encore du mal. Un père est toujours responsable de la façon d’être de son fils. Tu dois le comprendre. »
« Je ne comprends pas. Je ne comprends rien de tout ceci. Je ne comprends pas que tu sois de Kolki, ni pourquoi je ne l’ai jamais su. Je ne comprends pas pourquoi tu es venu dans ce voyage si tu savais combien nous nous en approcherions. Je ne comprends pas ce que sont tes fantômes. Je ne comprends pas comment une photo de toi était dans la boîte d’Augustine. »
(Te rappelles-tu ce qu’il fit ensuite, Jonathan ? Il examina la photographie de nouveau, et puis la plaça sur la table de nouveau, et puis il dit, Herschel était une bonne personne, et moi aussi, et à cause de ceci ce n’est pas juste, ce qui arriva, rien de ce qui arriva. Alors je lui demandai, Quoi, qu’est-ce qui arriva ? Il retourna la photographie dans la boîte, tu te le rappelleras, et il nous raconta l’histoire. Exactement ainsi. Il plaça la photographie dans la boîte, et il nous raconta. Il n’évita pas une fois nos yeux, et il ne mit pas une fois ses mains sous la table. J’ai tué Herschel, dit-il. Ou ce que j’ai fait revenait à le tuer. Que veux-tu dire ? lui demandai-je, parce que ce qu’il disait était une chose si puissante à dire. Non, ceci n’est pas vrai. Herschel aurait été tué avec ou sans moi, mais c’est quand même comme si je l’avais tué. Que se passa-t-il ? demandai-je. Ils vinrent dans le plus noir de la nuit. Ils arrivaient d’une autre ville et iraient dans une autre ensuite. Ils savaient ce qu’ils faisaient, ils étaient tellement logiques. Je me rappelle avec beaucoup de précision la sensation de mon lit secoué quand les tanks arrivèrent. Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est ? demanda grand-mère. Je sortis du lit pour examiner par la fenêtre. Que vis-tu ? Je vis quatre tanks et je me les rappelle sous tous les aspects. C’étaient quatre tanks verts et des hommes marchaient sur les côtés. Ces hommes avaient des fusils, je te le dirai, et ils les pointaient contre nos portes et nos fenêtres au cas où quelqu’un tenterait de s’enfuir. Il faisait noir mais je voyais quand même ceci. Avais-tu peur ? J’avais peur, alors que je savais que je n’étais pas celui qu’ils voulaient. Comment le savais-tu ? Nous les connaissions. Tout le monde savait. Herschel savait. Nous ne croyions pas que cela nous arriverait à nous. Je te l’ai dit, nous croyions des choses, nous étions si bêtes. Et ensuite ? Ensuite j’ai dit à grand-mère de prendre le bébé, ton père, et de l’emmener à la cave sans manufacturer aucun bruit mais aussi de ne pas devenir trop effrayée parce que nous n’étions pas ceux qu’ils cherchaient. Et ensuite ? Ensuite ils arrêtèrent tous les tanks et pendant un instant je fus assez bête pour croire que c’était fini, qu’ils avaient décidé de retourner en Allemagne et de finir la guerre parce que personne n’aime la guerre pas même ceux qui lui survivent, pas même les vainqueurs. Mais ? Mais ils ne le firent évidemment pas. Ils avaient seulement arrêté les tanks devant la synagogue et ils sortirent de leurs tanks et agirent selon des lignes très logiques. Le général qui avait les cheveux blonds mit un microphone devant son visage et parla en ukrainien il dit que tout le monde devait venir à la synagogue tout le monde sans omission. Les soldats cognèrent contre toutes les portes avec leurs fusils et investiguèrent les maisons pour être certains que tout le monde serait devant la synagogue je dis à grand-mère de retourner à l’étage avec le bébé parce que je craignais qu’ils les découvrent dans la cave et les abattent parce qu’ils se cachaient. Herschel pensais-je Herschel doit s’échapper comment peut-il s’échapper il faut qu’il s’enfuie maintenant qu’il s’enfuie dans le noir peut-être s’est-il déjà enfui peut-être a-t-il entendu les tanks et s’est enfui mais quand nous arrivâmes à la synagogue je vis Herschel et il me vit et nous nous mîmes l’un à côté de l’autre parce que c’est ce que font les amis en présence du mal ou de l’amour. Que va-t-il se passer me demanda-t-il et je lui dis je ne sais pas ce qui va se passer et la vérité est qu’aucun d’entre nous ne savait ce qui allait se passer alors que tous nous savions que ce serait un mal. Cela captura si longtemps pour que les soldats finissent d’investiguer les maisons tellement il était important pour eux d’être certains que tout le monde était devant la synagogue. J’ai si peur dit Herschel je crois que je vais pleurer. Pourquoi demandai-je pourquoi il n’y a rien à pleurer il n’y a aucune raison de pleurer mais je te dirai que moi aussi j’avais envie de pleurer et que moi aussi j’avais peur mais pas pour moi pour grand-mère et pour le bébé. Que firent ils ? Que se passa-t-il ensuite ? Ils nous firent mettre en rang et j’étais à côté d’Anna d’un côté et de Herschel de l’autre côté certaines femmes pleuraient et c’était parce qu’elles avaient peur des fusils que les soldats tenaient et qu’elles croyaient que tous nous allions être tués. Le général aux yeux bleus mit le microphone devant son visage. Vous devez écouter attentivement dit-il et faire tout ce qui est commandé ou vous serez abattus. Herschel me chuchota j’ai très peur et je voulais lui dire fuis tes chances sont meilleures si tu fuis il fait noir fuis tu n’as aucune chance si tu ne le fais pas mais je ne pus lui dire ceci parce que j’avais peur d’être abattu si je parlais et que j’avais peur aussi de céder à la mort de Herschel en l’admettant sois courageux dis-je avec aussi peu de volume que j’en pouvais manufacturer il est nécessaire que tu sois courageux ce qui je le sais aujourd’hui était une chose tellement bête à articuler la chose la plus bête que j’aie jamais articulée être courageux pourquoi ? Qui est le rabbin demanda le général et le rabbin éleva la main. Deux des gardes saisirent le rabbin et le poussèrent dans la synagogue. Qui est le chantre demanda le général et le chantre éleva la main mais il n’était pas aussi tranquille au sujet de la mort que le rabbin il pleurait et disait non à sa femme non non nonnonnon et elle leva la main vers lui et deux gardes la saisirent et la mirent dans la synagogue aussi. Qui sont les juifs demanda le général dans son microphone tous les juifs avancez mais pas une seule personne n’avança. Tous les juifs doivent avancer dit-il encore et cette fois il le cria mais encore aucune personne n’avança et je vous dirai que si j’avais été juif moi aussi je n’aurais pas avancé le général approcha du premier rang et dit dans son microphone vous montrerez un juif du doigt ou vous serez considéré comme un juif la première personne qu’il approcha était un juif nommé Abraham. Montre-moi un juif lui demanda le général et Abraham tremblait qui est juif demanda encore le général et il mit son arme contre la tête d’Abraham Aaron est juif Aaron et il montra Aaron qui était au deuxième rang celui où nous étions nous-mêmes. Deux gardes saisirent Aaron et il résistait beaucoup alors ils lui tirèrent dans la tête et ce fut le moment où je sentis la main de Herschel toucher la mienne. Faites ce qu’on vous commande hurla dans son microphone le général avec une balafre sur le visage sinon. Il alla à la deuxième personne dans le rang qui était un ami à moi Leo et il dit montre-moi un juif et Leo montra Abraham et dit cet homme est juif pardon Abraham deux gardes emmenèrent Abraham dans la synagogue une femme au quatrième rang tenta de s’enfuir avec son bébé dans les bras mais le général cria quelque chose en allemand cette langue la plus terrible horrible affreuse dégoûtante vile monstrueuse et un des gardes lui tira derrière la tête et ils la traînèrent elle et son bébé qui était encore vivant dans la synagogue. Le général alla au suivant de la rangée et au suivant et chacun montrait un juif parce que personne ne voulait être tué un juif montra son cousin et un autre se montra lui-même parce qu’il ne voulait montrer personne d’autre. Ils enfermèrent Daniel dans la synagogue et Talia aussi et Louis et tous les juifs qu’il y avait mais pour une raison que je ne connaîtrai jamais Herschel ne fut jamais montré peut-être parce que j’étais son seul ami et qu’il n’était pas très social et que beaucoup de gens ne savaient même pas qu’il existait et que j’étais le seul qui saurait pour le montrer ou peut-être était-ce parce qu’il faisait si noir qu’on ne pouvait plus le voir. Ce ne fut pas éternel avant qu’il soit le seul juif qui restait en dehors de la synagogue où le général était maintenant au deuxième rang et dit à un homme parce qu’il demandait seulement aux hommes je ne sais pas pourquoi qui est juif et l’homme dit ils sont tous dans la synagogue parce qu’il ne connaissait pas Herschel ou ne savait pas que Herschel était juif le général tiradanslatêtedel’homme et je sentis la main de Herschel toucher la mienne très doucement et je m’assurai de ne pas le regarder le général alla à la personne suivante qui est juif demanda-t-il et cette personne dit ils sont tous dans la synagogue il faut me croire je ne mens pas pourquoi mentirais-je vous pouvez les tuer tous je m’en fiche mais s’il vous plaît épargnez-moi s’il vous plaît ne me tuez pas s’il vous plaît et alors le général luitiradanslatête et dit je commence à en avoir assez et il alla à l’homme suivant de la rangée et c’était moi qui est juif demanda-t-il et je sentis la main de Herschel encore et je sais que sa main disait silteplaîtsilteplaît Eli s’il te plaît je ne veux pas mourir s’il te plaît ne me montre pas tu sais ce qui va m’arriver si tu me montres ne me montre pas j’ai peur de mourir j’ai si peur de mourir jaisipeurdemourir jaisipeurdemourir qui est juif me demanda encore le général et je sentis sur mon autre main la main de grand-mère et je savais qu’elle tenait ton père et qu’il te tenait et que tu tenais tes enfants j’ai si peur de mourir j’ai sipeurdemourir jaisipeurdemourir jaisipeurdemourir et je dis il est juif qui est juif demanda le général et Herschel étreignit ma main avec beaucoup de force et c’était mon ami c’était mon meilleur ami je l’aurais laissé embrasser Anna et même lui faire l’amour mais je suis moi et ma femme est ma femme et mon enfant est mon enfant comprends-tu ce que je te dis je montrai Herschel du doigt et dis c’est un juif cet homme est juif s’il te plaît me dit Herschel et il pleurait dis-leur que c’est pasvrai s’il te plaît Eli s’il te plaît deux gardes le saisirent et il ne résista pas mais il pleura plus et plus fort et il cria dis-leur qu’il n’y a plus de juifs plusdejuifs et que tu as dit que j’étais juif seulement pour ne pas être tué je t’en supplie Eli tuesmonami ne me laisse pas mourir j’ai si peur de mourir j’aisipeur tout ira bien lui dis-je tout ira bien ne fais pas ça dit-il fais quelque chose fais quelque chose faisquelquechose faisquelquechose tout ira bien tout irabien à qui disais-je cela fais quelque chose Eli faisquelquechose j’ai sipeurdemourir j’ai sipeur tu sais ce qu’ils vont faire tuesmonami lui dis-je mais je ne sais pas pourquoi je dis cela à cet instant et les gardes le mirent dans la synagogue avec le reste des juifs et tous les autres restaient dehors pour entendre les pleursdesbébés et les pleursdesadultes et pour voir l’étincelle noire quand la première allumette fut allumée par un jeunehomme qui ne devait pas être plus vieux que moi ou Herschel ou toi elle illumina ceux qui n’étaient pas dans la synagogue ceux qui n’allaient pas mourir et il la jeta sur les branches qui étaient entassées contre la synagogue ce qui rendait cela si affreux c’était que ce soit trèslent et que le feu mourut plusieurs fois et qu’il fallut le rallumer je regardai grand-mère et ellemembrassasurlefront et je lembrassaisurlabouche et nos larmessemélangèrentsurnoslèvres et après j’embrassaitonpère plusieurs fois je le pris des bras de grand-mère et jeleserraiavecbeaucoupdeforce si fort qu’il se mit à pleurer je dis je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je taime je taime je taime je taime jetaime jetaime jetaime jetaime jetaime jetaimejetaimejetaimejetaime et je sus qu’il fallait que je change tout que j’abandonne tout et je sus que je ne pourrais jamais permettre qu’il apprenne quijétais ni cequejavaisfait parce que c’était pour lui que javaisfaitcequejavaisfait c’était pour lui que j’avais montré du doigt et pour lui qu’on tuait Herschel que je tuais Herschel et c’est pourquoi il est comme il est il est comme il est parce qu’un père est toujours responsable de son fils et que je suis moi et que je suis responsable pas de Herschel mais de mon fils parce que je le serrais avec tantdeforcequilpleura parce que je l’aimais tant et que je rendislamourimpossible et que je te demande pardon et que je demande pardon à Iggy et que c’est toi qui dois me pardonner il nous dit ces choses et Jonathan où allons-nous maintenant que faisons-nous avec ce que nous savons grand-père disait que je suis moi et cela ne pouvait être vrai la vérité est que j’ai aussi montrédudoigtHerschel et que j’ai aussi dit ilestjuif je te dirai que tu as aussi montrédudoigtHerschel et que tu as aussi dit ilestjuif et plus que ça grand-père aussi mamontrédudoigt en disant ilestjuif et que tu l’as aussi montrédudoigt et dit ilestjuif et que ta grand-mère et Mini-Igor et nous tous noussommesmontréslesunslesautres alors qu’aurait-il dû faire ilauraitétéidiotdefaireautrechose mais ce qu’il fit est-il pardonnable pourratiljamaisêtrepardonné pour son doigt pour cequefitsondoigt pour cequilmontra et cequilnemontrapas pour cequiltouchadanssavie et cequilnetouchapas il est encorecoupable je le suis je le suis jelesuis jelesuisje ?)
« Et maintenant, dit-il, il faut aller dormir. »