26 janvier 1998

Cher Jonathan,

J’ai promis que jamais plus je ne mentionnerais l’écriture, parce que je croyais que nous étions au-delà de cela. Mais je dois rompre ma promesse.

Je pourrais te haïr ! Pourquoi ne veux-tu pas permettre à ton grand-père d’être amoureux de la jeune gitane et de lui montrer son amour ? Qui ordonne que tu écrives de cette manière ? Nous avons tant d’occasions de bien faire et tu t’entêtes à faire et à refaire le mal. Je n’ai pas voulu lire cette division la plus contemporaine à Mini-Igor, parce que je ne la jaugeais pas digne de ses oreilles. Non, cette division, je l’ai présentée à Sammy Davis Junior, Junior, qui a agi fidèlement avec elle.

Je dois poser une simple question, et c’est, qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ? Si ton grand-père aime la jeune gitane, et je suis certain qu’il l’aime, pourquoi ne part-il pas avec elle ? Elle pourrait le rendre très heureux. Et pourtant il décline le bonheur. Ce n’est pas raisonnable, Jonathan, et ce n’est pas bien. Si j’étais l’écrivain, je ferais Safran montrer son amour à la jeune gitane et l’emmener à Greenwich Shtetl à New York City, ou je ferais Safran se tuer, qui est la seule autre chose véridique à accomplir, malgré qu’alors tu ne serais pas né, ce qui signifierait que cette histoire ne peut être écrite.

Tu es un lâche, Jonathan, et tu m’as déçu. Je ne te commanderai jamais d’écrire une histoire qui soit comme elle s’est passée dans le réel, mais je te commanderai de faire ton histoire fidèle. Tu es un lâche pour la même explication que Brod est lâche, et que Yankel est lâche, et que Safran est lâche – tous tes parents sont lâches ! Vous êtes tous lâches parce que vous vivez dans un monde qui est « en deçà, à l’écart », si je peux te citer en extrait. Je n’ai aucun hommage pour quiconque dans ta famille, avec les exceptions de ta grand-mère, parce que vous êtes tous dans la proximité de l’amour et que tous vous désavouez l’amour. J’ai enclos le numéraire que tu m’as le plus récemment posté.

Évidemment, je comprends, en certaines manières, ce que tu tentes d’accomplir. Il existe une chose comme l’amour qui ne peut pas être, c’est certain. Si je devais informer mon père, par exemple, de la façon dont j’englobe l’amour, et qui je désire aimer, il me tuerait, et ceci n’est pas une expression. Nous choisissons tous des choses, et nous choisissons tous aussi contre des choses. Je veux être le genre de personne qui choisit pour plus que contre, mais comme Safran, et comme toi, je découvre que je choisis cette fois et la fois suivante contre ce que je sais certainement être bien et correct et contre ce que je sais certainement être valable. Je choisis ce que je ne ferai pas, au lieu de choisir ce que je ferai. Rien de ceci ne peut être dit sans effort.

Je n’ai pas donné l’argent à grand-père, et c’était pour des raisons très différentes de celles que tu as suggérées. Il n’était pas surpris quand je le lui ai dit. « Je suis fier de toi », a-t-il dit.

« Mais tu voulais que je te le donne ? », ai-je dit.

« Beaucoup, dit-il. Je suis sûr que j’aurais pu la trouver. »

« Comment peux-tu être fier, alors ? »

« Je suis fier de toi, pas de moi. »

« Tu n’es pas en colère contre moi ? »

« Non. »

« Je ne veux pas te décevoir. »

« Je ne suis ni en colère ni déçu », dit-il.

« Cela te rend-il triste que je ne te donne pas l’argent ? »

« Non. Tu es une bonne personne, tu fais ce qui est bien et juste. Cela me rend satisfait. »

Alors, pourquoi avais-je l’impression d’avoir choisi l’action lâche et pitoyable et d’être un pitoyable lâche ? Que je t’explique pourquoi je n’ai pas donné mon argent à grand-père. Ce n’est pas parce que je l’économise pour moi pour aller en Amérique. Cela est un rêve dont je me suis éveillé. Je ne verrai jamais Amérique et Mini-Igor non plus, et je comprends cela maintenant. Je n’ai pas donné l’argent à grand-père parce que je ne crois pas à Augustine. Non, ce n’est pas ce que je veux dire. Je ne crois pas à l’Augustine que grand-père cherchait. La femme de la photographie est vivante. J’en suis sûr. Mais je suis sûr aussi qu’elle n’est pas Herschel, comme grand-père voulait qu’elle soit, et qu’elle n’est pas ma grand-mère, comme il voulait qu’elle soit, et qu’elle n’est pas mon père, comme il voulait qu’elle soit. Si je lui avais donné l’argent, il l’aurait trouvée, il aurait vu qui elle est en réalité, et cela l’aurait tué. Je ne dis pas ceci métaphoriquement. Ça l’aurait tué.

Mais c’était une situation sans rien à gagner. Les possibilités étaient nulles, entre ce qui était possible et ce que nous voulions. Et ici j’ai à te conférer une terrible nouvelle. Grand-père est mort il y a quatre jours. Il s’est coupé les mains. Il était très tard dans la nuit et je n’arrivais pas à dormir. Il y avait un bruit venant de la salle de bains, alors je suis allé l’investiguer. (Maintenant que je suis l’homme de la maison, c’est à moi de voir que tout fonctionne.) J’ai trouvé grand-père dans la baignoire qui était pleine de sang. Je lui dis d’arrêter de dormir, parce que je ne comprenais pas encore ce qui se passait. « Réveille-toi ! » Puis je l’ai secoué violemment et je lui ai cogné la figure. Je me suis fait mal à la main, si fort je l’avais cogné. Je l’ai cogné encore. Je ne sais pas pourquoi, mais je l’ai fait. Pour te dire la vérité, je n’avais encore jamais cogné personne, seulement été cogné. « Réveille-toi ! » Je hurlais, et je l’ai encore cogné, cette fois de l’autre côté de son visage. Mais je savais qu’il ne s’éveillerait pas. « Tu dors trop ! » Mes cris ont réveillé ma mère et elle est venue en courant dans la salle de bains. Elle a dû me tirer de force pour m’écarter de grand-père et elle m’a dit par la suite qu’elle croyait que je l’avais tué, à la façon dont je le cognais tellement et au regard de mes yeux. Nous avons inventé une histoire au sujet d’un accident avec des somnifères. C’est ce que nous avons raconté à Mini-Igor, de sorte qu’il n’ait jamais besoin de savoir.

Ça avait déjà été une telle soirée. Des volumes s’étaient produits, comme des volumes se produisent en ce moment, comme des volumes se produiront. Pour la première fois de ma vie, j’ai dit exactement à mon père ce que je pensais, comme je vais te dire maintenant, pour la première fois, exactement ce que je pense. Comme à lui, je te demande de me pardonner.

 

Avec toute mon affection,

Alex