Le flux est l’avenir du livre

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Le flux est l’avenir du livre

Le flux est l’avenir du livre

Tags: , Publié dans diffusion, formats, interface par hguillaud le 3/12/2009 9:42

On présente souvent l’avenir du livre sous la forme d’un fichier numérisé de livre. L’avenir du livre serait demain de pouvoir accéder à toute la culture via des livres disponibles au format numérique. C’est ce que proposent désormais tous les acteurs du secteur : Google, Amazon et même les éditeurs qui se mettent à démultiplier leurs titres sous forme électronique. Nous allons accéder à des fichiers de livres au format électronique… C’est très bien, mais qu’est-ce que ça change ? Qu’est-ce que ça change dans le rapport auteur/lecteur ? Qu’est-ce que ça change à la relation ? Qu’est-ce que ça apporte ? En quoi ce format supplémentaire innove, transforme, remet en cause ?

Je le dis depuis longtemps, cette forme m’intéresse peu. Le contenu transformé sous forme de fichier qu’on lit depuis une interface dédiée coupée de ce qui fait la richesse de l’internet m’intéresse peu. Ces nouveaux formats ne sont pas adaptés à la lecture web, à la lecture à l’écran, avec les possibilités communicationnelles des écrans. Ces images de livres (le fameux pdf) n’ouvrent pas suffisamment de possibilités en terme d’interaction. Ils demandent de s’immerger dans un document, sans bénéficier des possibilités communicationnelles et relationnelles qu’a inventé le web : ces documents ne sont pas citables autrement que dans leur entièreté, ne proposent pas d’interaction poussées (difficiles à annoter, à partager, à commenter), ne sont pas indexables, mixables, cherchables, scriptables… Ils demeurent des silos, assez semblables à ceux que le papier à produit, hormis pour ceux qui les produisent. Google sera seul capable d’exploiter les contenus des livres qu’il va proposer dans ces formats : lui seul pourra en produire le graphe, car lui seul en disposera sous un autre format que celui qu’il proposera aux lecteurs. Lui seul pourra créer des graphes et des relations entre les contenus, car lui seul disposera de la base de données des livres : nous n’aurons accès qu’à une succession de fichiers, que nos outils auront du mal à interpénétrer.

La structure web, elle, propose un autre contrat de lecture. Chaque partie de document est citable, anotable, commentable, accessible, indexable, cherchable, mixable, scriptable… De page en page, de billets en billets, de flux en flux, ces contenus sont agrégables et peuvent proposer des oeuvres finalisées, consommables comme on le souhaite. Mais leur flux n’est pas génératif. Si je m’abonne au flux RSS de la Feuille, j’obtiendrais les derniers billets et les prochains. Je ne pourrais pas obtenir l’oeuvre dans son ensemble, depuis le début, à une dose que je serais capable d’absorber, petit à petit. Si cela n’a que peut d’intérêt pour une oeuvre en continue, en devenir, qui se couple à l’actualité comme l’est un blog, cela n’est pas la même chose pour une oeuvre finie, aboutie, terminée.

En passant au format numérique, le livre demeure un bloc qui n’est pas adapté au flux du web, comme le remarquait très justement Thierry Crouzet : le flux du web n’est pas adapté aux textes longs. Enfin, parce qu’on ne le veut pas, parce que l’interface, telle qu’elle est conçue, n’est pas pensée pour les contenus clos, terminés. Parce qu’elle n’est pas conçue pour les régénérer, pour les faire vivre.

L’avantage que je vois de passer au format web est également de proposer un autre contrat de lecture par rapport à la lecture classique que le pdf singe. Le pdf que l’on lit sur une liseuse ou sur un ordinateur vient directement concurrencer notre lecture traditionnelle. Il propose la même posture de lecture, le même éloignement à la page, la même posture, la même coupure, le même isolement. Or si le plus important est de créer une nouvelle relation avec le lecteur – et je pense que c’est le plus important -, ces outils ne servent à rien. Il faut qu’ils permettent – aussi, et c’est aussi est important, car cette autre forme de lecture n’est pas contradictoire avec la première – une autre relation : la même que celle que nous propose le web. Celle qui donne du pouvoir à l’échange, au lecteur, au rapport auteur/lecteur.

Quand je lis un livre, pour ma part, j’ai la même envie de réagir que quand je lis un simple article. Mais le format ne me le permet pas, ou très difficilement. Un livre papier comme un pdf d’ailleurs, nécessite des transpositions pour se faire. Il faut passer d’un support à un autre (du papier à l’écran, du pdf au navigateur…), il faut avoir un espace pour commenter ou annoter ou partager, ce que ne propose pas souvent ces fichiers et encore moins leurs supports (les liseuses).

Pour cela que faut-il imaginer ? Comment faire que le livre, dans son entièreté devienne un flux ou puisse le devenir ?

D’abord, cesser de singer le papier, de singer l’enfermement. Proposer un PDF (un epub, un scribd…) revient à proposer 200 pages d’un coup. Un bloc donc, qui a du mal à s’inscrire dans la temporalité du flux qu’est notre mode de lecture (même un livre bloc, on le lit par morceau : le web ne rend que plus évident ce morcellement). Du mal à s’inscrire dans nos écrans. Une solution simple, pourrait être par exemple de créer une flux RSS génératif pour CommentPress. CommentPress est un logiciel basé sur Wordpress qui permet d’intégrer un livre, de respecter son découpage et de le donner à lire sous forme web. Développé par l’Institut pour le futur du livre, c’est l’une des meilleures formes web qui soit pour offrir un contenu de type livre en ligne. Pour ma part, j’ai pris plaisir à lire plusieurs livres dans cette forme, parce que justement, je m’y sentais libre… Libre de réagir, de piocher, de citer… Libre de tisser des liens en commentaire vers d’autres contenus, libre de suivre les liens proposer dans le corps du texte. Et libre de me concentrer sur la seule lecture, sans distraction aucune.

Reste que le livre qu’on y dépose dans sa globalité devient vite un site statique, sans actualité autre que les commentaires. La vie y disparaît puisqu’il ne produit pas de flux. Or, le flux, c’est la vie. Le flux, c’est les lecteurs. Le flux c’est ce qui amène à la lecture sur le web. C’est ce qui fait participer. C’est ce qui implique, quelque soit les défauts cognitifs de ces flux (regardez Twitter, alors qu’il est cognitivement insupportable puisqu’il demande une attention permanente, c’est la permanence du flux qui le rend indispensable).

La question est donc comment transformer des contenus statiques en flux. A mon avis, il suffit d’un simple plug-in pour remédier en partie à cela. Proposer sur un livre intégré dans un CommentPress un flux RSS génératif, qui permet à quiconque de s’abonner, quand il le souhaite, au flux du livre, qui va lui délivrer le contenu dans sa chronologie propre, selon le mode d’abonnement de l’usager. Il faut donc créer un flux qui s’adapte aux usages, qui permette à quelqu’un de faire entrer un contenu statique, fini, dans un flux, donc dans son temps de lecture, dans ses modes de lecture, comme le propose Daylit par exemple (sur un catalogue hélas restreint et majoritairement anglophone et sans tisser une complémentarité entre le flux et le web, puisque le système ne propose que des commentaires généraux et non pas adressés).

Un flux génératif, qui s’adapte à chaque abonné pour proposer chaque jour sa mise à jour, depuis un contenu clos. Un flux chronologique, qu’on peut prendre en cours de publication ou une fois celle-ci terminée. Un flux génératif qui s’adapte à l’usage. C’est certainement cela qui manque à CommentPress pour devenir une vraie plateforme de lecture au format web.

Souvenons-nous du journal d’Orwell, disponible sous forme de flux ! Et d’autres oeuvres classiques mises au format blog… Pourquoi ce journal ne serait-il pas indéfiniment proposé sous ce mode de lecture ? Indéfiniment… C’est-à-dire quelque soit le moment dans le temps auquel vous accédez à ce contenu, vous devez pouvoir le consommer selon votre propre synchronicité. Des solutions existent déjà. Je pensent qu’elles gagneraient à se greffer sur CommentPress.

Si l’on veut répondre à la demande que nous adresse Thierry Crouzet (et qui me semble plus que pertinente), il nous faut trouver les outils permettant de transformer tout contenu, même publié, même terminé, en flux. Il faut que la publication puisse devenir « facilement multiforme » et il me semble que parvenir à générer ce type de flux nous proposerait une alternative intéressante. Le livre est un flux comme les autres disait déjà Thierry. Oui, le flux est l’avenir du livre.

Alors, qui nous développe ce plug-in ? Qui maîtrise suffisamment bien les arcanes du Pipes pour imaginer cela ?

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