Juste d’un peu plus près
Une heure avant la réunion prévue dans le bureau de Martin Friel. Sean et Whitey s’arrêtèrent chez le sergent pour lui permettre d’enlever le maillot sur lequel il avait renversé une partie de son déjeuner.
Whitey habitait avec son fils, Terrance, dans un immeuble de brique blanche au sud de la ville. L’appartement se caractérisait par des sols recouverts de moquette beige, des murs blanc cassé et une atmosphère de renfermé semblable à celle des chambres de motel ou des couloirs d’hôpitaux. La télé était allumée lorsqu’ils entrèrent, réglée sur la chaîne sportive ESPN alors que personne ne la regardait, et les différents composants d’une console de jeu Sega étaient étalés par terre devant un meuble hi-fi/vidéo noir monolithique. Il y avait un futon bosselé en face et, devina Sean, des emballages de chez McDonald plein la poubelle, ainsi que des plats pré-cuisinés dans le congélateur.
— Où est Terry ? demanda Sean.
— Au hockey, je pense, répondit Whitey. Peut-être au base-ball, en cette saison, mais le hockey, c’est vraiment son truc. Toute l’année.
Sean n’avait rencontré Terry qu’une fois. À quatorze ans, c’était déjà une armoire à glace, et deux ans plus tard. Sean n’imaginait que trop bien sa corpulence et la terreur des autres gosses quand ils le voyaient débouler à toute allure sur la glace.
Whitey avait la garde de son fils, car sa femme Suzanne n’en voulait pas. Elle les avait abandonnés tous les deux quelques années plus tôt pour un avocat d’affaires souffrant d’une dépendance au crack qui lui avait valu d’être radié du Barreau et poursuivi pour détournement de fonds. Elle était cependant restée avec lui, d’après ce que Sean avait entendu dire, tout en conservant de bonnes relations avec son ex-mari. Parfois, quand Whitey parlait d’elle, Sean devait fournir un effort pour se rappeler qu’ils étaient divorcés.
Son collègue évoquait d’ailleurs Suzanne quand il le précéda dans le salon, puis ôta son maillot en contemplant la console par terre.
— Suzanne répète toujours que Terry et moi, on s’est aménagés une vraie petite garçonnière de rêve. Dans sa bouche, ça sonne comme un reproche, mais au fond, j’ai le sentiment qu’elle est un peu jalouse. Je vous offre une bière, ou quelque chose ?
Au souvenir de l’allusion faite par Friel à un problème de boisson chez Whitey, Sean vit déjà le regard furieux qu’ils s’attireraient tous les deux s’ils se présentaient à la réunion en sentant les bonbons à la menthe et la Budweiser. De plus, connaissant Whitey, il ne pouvait écarter la possibilité d’un test de sa part, dans la mesure où tout le monde était censé le surveiller durant cette période de mise à l’épreuve.
— De l’eau, plutôt, répondit-il. Ou un Coca.
— Bravo, vous êtes sage, répliqua Whitey en souriant comme s’il l’avait réellement soumis à un test, mais Sean décela le manque dans ses yeux qui ne se fixaient sur rien, dans sa façon de se passer la langue sur les lèvres. C’est parti pour deux Coca.
Quelques instants plus tard, il rapportait de la cuisine les deux sodas. Après en avoir tendu un à Sean, il se dirigea vers la petite salle de bains de l’autre côté du couloir, puis ouvrit le robinet du lavabo.
— Toute cette affaire me paraît de moins en moins logique, lança-t-il. Vous n’avez pas cette impression ?
— Un peu, admit Sean.
— Les alibis de Fallow et de O’Donnell m’ont l’air plutôt solides.
— Ils ont très bien pu engager un tueur.
— Exact. Mais vous y croyez, vous ?
— Pas vraiment. C’est trop brouillon pour être l’œuvre d’un pro.
— Pourtant, on ne peut pas éliminer cette éventualité.
— Non, on ne peut pas.
— Il va falloir qu’on ré-interroge le petit Harris, vu qu’il n’a pas d’alibi, mais je ne l’imagine pas capable d’un truc pareil. Ce gosse est doux comme un agneau.
— En attendant, il aurait peut-être un mobile. Une jalousie incontrôlable vis-à-vis de Bobby O’Donnell, quelque chose comme ça.
Whitey sortit de la salle de bains en s’essuyant le visage avec une serviette. Son ventre blanc s’ornait d’une cicatrice rouge sinueuse qui dessinait un sourire dans sa chair sur toute la largeur de sa cage thoracique.
— D’accord, mais franchement, ce n’est pas le genre de ce gamin, reprit-il en s’éloignant vers la chambre au fond de l’appartement.
Sean lui emboîta le pas.
— C’est aussi ce que je pense, mais pour le moment, on n’est sûrs de rien.
— Bon, il y a aussi le père de la petite, et ses cinglés d’oncles, mais j’ai envoyé des hommes interroger les voisins, et apparemment ce n’est pas la peine de chercher plus loin de ce côté-là.
Son Coca à la main, Sean s’adossa au mur.
— Si c’est bien un crime gratuit, sergent, putain…
— Mouais, comme vous dites. (Whitey reparut, une chemise propre sur les épaules.) Mais rappelez-vous, la vieille dame. Mme Prior, n’a pas entendu de cris.
— Pas des cris, non, mais un coup de feu.
— C’est nous qui avons envisagé un coup de feu. On a sûrement raison, d’ailleurs. Reste qu’elle n’a pas entendu de cris.
— Peut-être que la victime était trop occupée à se défendre contre son agresseur et à essayer de prendre la fuite.
— Admettons. N’empêche, pourquoi est-ce qu’elle n’a pas crié quand elle l’a vu approcher, quand il s’est avancé vers la voiture ? demanda-t-il en passant devant Sean, qui le suivit.
— Parce qu’elle le connaissait sûrement. D’où ce « Salut » mentionné par la vieille dame.
— Possible. (Whitey hocha la tête.) À mon avis, c’est aussi pour ça qu’elle s’est arrêtée.
— Non.
— Non ?
Appuyé contre le comptoir dans la cuisine. Whitey interrogea du regard son collègue.
— Non, répéta Sean. Sa voiture est allée percuter le trottoir.
— Il n’y avait pas de traces de dérapage sur la chaussée, objecta Whitey.
Sean opina.
— Elle devait rouler à vingt-cinq, trente à l’heure quand quelque chose l’a obligée à faire une embardée.
— D’après vous, ce serait quoi, ce quelque chose ?
— Hé, comment voulez-vous que je le sache ? répliqua Sean. C’est vous, le patron.
Whitey sourit, vida son Coca d’un trait, puis aller s’en chercher un autre dans le frigo.
— Qu’est-ce qui peut obliger quelqu’un à braquer sans freiner ?
— Un obstacle sur la route, répondit Sean.
En signe d’approbation. Whitey leva vers lui sa boîte de soda.
— Sauf qu’il n’y avait rien sur la route quand on est arrivés.
— C’était le lendemain matin, sergent.
— Vous pencheriez pour une brique, par exemple ?
— Une brique, c’est un peu petit, non ? Elle ne l’aurait sûrement pas vue en pleine nuit.
— Un parpaing, alors ?
— Pourquoi pas ?
— Quelque chose, en tout cas.
— Quelque chose, oui, convint Sean.
— Elle braque, heurte le trottoir, son pied glisse de la pédale, la voiture cale…
— Et c’est à ce moment-là que l’assassin se manifeste.
— Un assassin qu’elle connaît Bon, et après ? Il s’approche tranquillement et lui tire une balle dans l’épaule ?
— Oui, et ensuite, elle le frappe avec sa portière et…
— Vous avez déjà été frappé avec une portière de voiture ? demanda Whitey, qui releva son col, glissa la cravate autour et entreprit de la nouer.
— Jusque-là, j’avoue ne pas avoir connu cette expérience, non.
— C’est l’équivalent d’un coup de poing. En admettant que vous soyez tout près, et qu’une femme d’environ cinquante-cinq kilos vous balance dessus la portière de sa Toyota, ça n’aura pas beaucoup d’effet à part vous mettre en rogne. Or, d’après Karen Hughes, le tireur se tenait à une quinzaine de centimètres de la voiture quand il a fait feu la première fois. Quinze centimètres, vous imaginez ?
Sean commençait à voir où il voulait en venir.
— O.K. Mais peut-être qu’elle a reculé pour prendre de l’élan et taper dans la portière avec son pied. Ce serait plausible, non ?
— Dans ce cas, il fallait donc que cette portière soit ouverte. Si elle avait été fermée, la gosse aurait pu la bourrer de coups de pied toute la journée que ça n’aurait pas changé grand-chose. À mon avis, elle l’a d’abord ouverte, avant de donner une bonne poussée. Auquel cas, soit le tueur a reculé et reçu la portière alors qu’il ne s’y attendait pas, soit…
— Il ne pèse pas lourd.
— Ce qui nous ramène aux empreintes de pas, déclara Whitey en rajustant son col.
— Toujours ces foutues empreintes de pas, hein ?
— Mouais, toujours. (Whitey ferma le premier bouton de sa chemise, avant de placer le nœud de sa cravate sur sa gorge.) Bon sang, Sean, le type poursuit cette fille dans le parc. Elle fonce droit devant elle, et lui, il se lance à ses trousses comme un dératé. Je veux dire, il court à toute vitesse, ce salaud. Et son pied ne se serait pas enfoncé une seule fois dans la terre ?
— Il a plu toute la nuit.
— D’accord, mais on a retrouvé trois empreintes manifestement laissées par la victime. Non, Sean. Décidément, y a un truc qui cloche sur ce point.
Sean appuya la tête contre le placard derrière lui en essayant d’imaginer la scène : Katie Marcus dévalant en pleine nuit la pente en direction de l’écran, la peau écorchée par les broussailles, les cheveux trempés par la pluie et la sueur, le sang dégoulinant sur sa poitrine et le long de son bras ; et le tueur, que Sean voyait plongé dans l’ombre et privé de visage, surgissant au sommet de la colline quelques secondes plus tard, courant lui aussi, assoiffé de violence. Pour Sean, il ne pouvait s’agir que d’un colosse, d’une force de la nature. Mais malin, cela dit. Suffisamment malin en tout cas pour avoir placé un obstacle au milieu de la rue, obligeant Katie Marcus à braquer pour l’éviter, à percuter le trottoir avec ses roues de devant. Suffisamment malin pour avoir choisi un endroit dans Sydney Street où peu de gens risquaient de voir ou d’entendre quelque chose. Le fait que la vieille Mme Prior ait perçu du bruit était une aberration, un élément que l’assassin n’aurait pu prédire, car même Sean avait été étonné d’apprendre que des personnes vivaient encore dans ce quartier de bâtiments à moitié calcinés. Mais hormis ce détail, l’homme avait fait preuve d’ingéniosité, sans aucun doute.
— Et s’il avait pensé à effacer ses traces ? lança Sean.
— Hein ?
— Le meurtrier. Peut-être qu’il l’a tuée, puis qu’il a rebroussé chemin pour recouvrir de boue ses empreintes de pas.
— Possible, mais comment aurait-il pu se souvenir de tous les lieux où il était passé ? Il faisait nuit, rappelez-vous. Et même en supposant qu’il ait apporté une lampe électrique, le parc est grand. Vous imaginez le paquet d’empreintes qu’il lui aurait fallu identifier et effacer ?
— La pluie l’a aidé.
Whitey soupira.
— Je veux bien prendre la pluie en compte, si on considère que notre homme pèse dans les soixante-dix kilos ou moins. Sinon…
— Brendan Harris ne m’a pas paru peser beaucoup plus lourd.
Un grognement de frustration échappa à Whitey.
— Vous le croyez vraiment capable de l’avoir tuée ?
— Non, répondit Sean.
— Moi non plus. Et votre copain, au fait ? Il est plutôt mince, dans le genre.
— Qui ?
— Boyle.
Sean se redressa.
— Comment on est arrivés à lui ?
— On y arrive maintenant.
— Hé, attendez une minu…
Whitey leva la main pour l’interrompre.
— Il nous a affirmé qu’il avait quitté le bar vers une heure. O.K. ? Mais il nous a raconté des craques. Ces fichues clés de voiture ont arrêté l’horloge à une heure moins dix. Et Katherine Marcus est partie à une heure moins le quart. Ça, c’est confirmé. Sean. J’en déduis que l’alibi de Boyle présente un trou d’une quinzaine de minutes. Au moins. Après tout, on ne sait pas à quelle heure il est vraiment rentré chez lui.
— Écoutez, répliqua Sean avec un petit rire, il faisait partie des types qui se trouvaient dans ce bar, c’est tout.
— C’est aussi le dernier endroit où elle est allée. Le dernier, Sean. Vous l’avez dit vous-même.
— Ah bon ? J’ai dit quoi, au juste ?
— Qu’on cherche peut-être un type frustré d’être resté chez lui le soir du bal du lycée.
— Je…
— Je ne suis pas en train de l’accuser, Sean. Loin de là. Pour l’instant, du moins. Mais il y a quelque chose qui me chiffonne chez ce gars. Vous avez entendu sa remarque, comme quoi la ville aurait besoin d’une bonne vague de criminalité ? Il avait l’air sérieux quand il a sorti cette connerie.
Sean reposa son Coca vide sur le comptoir.
— Vous les rapportez à la consigne ?
— Non, répondit Whitey, les sourcils froncés.
— Pas même pour cinq cents la boîte ?
— Sean…
Celui-ci jeta le Coca à la poubelle.
— Vous voudriez me faire croire que Dave Boyle aurait tué la – quoi au juste ? – petite cousine de sa femme parce qu’il est contrarié par l’invasion des yuppies dans son quartier ? Franchement, c’est le truc le plus stupide que j’aie jamais entendu, affirma Sean.
— J’ai coincé un type un jour qui a assassiné sa femme parce qu’elle critiquait sa façon de cuisiner.
— Peut-être, mais là, c’est le problème du mariage, mon vieux. De toute la rancœur qui peut s’accumuler entre deux personnes pendant des années. Vous, vous me parlez d’un gars qui se dirait : « Merde, les loyers s’envolent. Si je liquidais quelques personnes, histoire de faire baisser les prix ? »
Whitey éclata de rire.
— Quoi ? marmonna Sean.
— C’est la façon dont vous tournez ça… O.K., c’est idiot. N’empêche, il ne me paraît pas clair, votre copain. S’il n’y avait pas ce trou dans son alibi, je n’insisterais pas. S’il n’avait pas vu la victime une heure avant sa mort, je n’insisterais pas non plus. Le problème, c’est qu’il y a ce trou, et qu’il l’a vue, et qu’il n’est pas convaincant. Il nous a raconté qu’il était rentré directement chez lui ? Je veux que sa femme nous le confirme. Je veux que son voisin du premier l’ait entendu monter l’escalier vers une heure et quart. Vous me suivez, Sean ? Après, je lui foutrai la paix. Au fait, vous avez remarqué sa main ?
Cette fois, Sean ne répondit pas.
— Il a la main droite deux fois plus grosse que la gauche, enchaîna Whitey. Il a eu un problème, récemment, et je veux savoir lequel. Quand j’aurai la certitude que ce n’était qu’une bagarre dans un bar, un truc comme ça, je laisserai tomber.
Whitey termina son second Coca, puis jeta la boîte à la poubelle.
— Dave Boyle, reprit Sean. Vous avez vraiment l’intention de vous intéresser à Dave Boyle ?
— Je vais me pencher sur son cas. Sean. Regarder les choses d’un peu plus près. Juste d’un peu plus près.
Ils se retrouvèrent chez le procureur, dans la salle du troisième étage que se partageaient les Crimes Majeurs et la brigade criminelle, et où Friel organisait toujours ses réunions, car il s’agissait d’une pièce impersonnelle, purement utilitaire, avec des chaises inconfortables, une table noire et des murs gris parpaing. Autrement dit, elle ne se prêtait pas du tout aux bons mots ni aux digressions interminables. Personne n’avait envie de s’y attarder ; on venait juste ici parler boulot, avant de retourner bosser.
Il y avait sept sièges dans la salle cet après-midi-là, et tous étaient occupés. Friel était assis en bout de table, avec à sa droite Maggie Mason, directrice adjointe de la brigade criminelle du comté de Suffolk, et à sa gauche le sergent Robert Burke, responsable de l’autre équipe de la Criminelle. Venaient ensuite Sean et Whitey, installés l’un en face de l’autre, Joe Souza, Chris Connolly, et enfin les inspecteurs Payne Brackett et Shira Rosenthal. Chacun avait devant lui une pile de rapports d’enquête ou de copies de rapports d’enquête, ainsi que des photos prises sur la scène du crime, le rapport du médecin légiste, ceux des services scientifiques, plus ses propres notes et calepins, quelques serviettes en papier avec des noms griffonnés dessus et des schémas grossiers ébauchés dans le parc.
Whitey et Sean ouvrirent la discussion, relatant leurs entretiens avec Eve Pigeon et Diane Cestra, Mme Prior. Brendan Harris. Jimmy et Annabeth Marcus, Roman Fallow et Dave Boyle, seulement qualifié par Whitey, au grand soulagement de Sean, de « témoin présent dans le bar ».
Brackett et Rosenthal prirent le relais – Brackett se chargeant de la plus grande partie de l’exposé, mais Rosenthal. Sean en était sûr, ayant assumé presque tout le travail de terrain.
— Les employés du magasin géré par le père de Mlle Marcus disposent tous d’alibis solides, et aucun n’a de mobile évident. Les uns après les autres, ils nous ont affirmé que la victime, à leur connaissance du moins, n’avait pas d’ennemis, pas de dettes ni de problème de stupéfiants. Il n’y avait pas de drogues contrôlées dans sa chambre, pas de journal intime non plus, mais on a trouvé sept cents dollars en liquide. L’examen des relevés bancaires de la victime a fait apparaître que ses dépôts étaient en rapport avec ce qu’elle gagnait. Elle n’a pas effectué d’opérations importantes sur son compte jusqu’au matin du vendredi 5, où elle l’a clôturé. L’argent était caché dans un tiroir de sa commode, et sa présence semblerait confirmer ce qu’a découvert le sergent Powers, à savoir qu’elle devait quitter la ville dimanche. Les premiers entretiens avec les voisins n’ont pas révélé d’éléments susceptibles d’étayer l’hypothèse d’une situation familiale tendue.
Lorsque Brackett rassembla les feuilles devant lui pour indiquer qu’il avait terminé, Friel se tourna vers Souza et Connolly.
— On a passé en revue les listes établies dans les bars où la victime a été vue le soir de sa mort, expliqua Souza. Jusque-là, on a interrogé vingt-huit clients sur environ soixante-quinze, sans compter les deux dont se sont occupés le sergent Powers et l’agent Devine, c’est-à-dire Roman Fallow et ce…David Boyle. Les agents Hewlett, Darton, Woods, Cecchi, Murray et Eastman se sont partagés les quarante-cinq autres et nous ont fait parvenir leurs rapports préliminaires.
— Où en êtes-vous avec Fallow et O’Donnell ? demanda Friel à Whitey.
— Ils sont clean, apparemment. Pour autant, ils ont très bien pu confier le boulot à quelqu’un.
Friel s’adossa à sa chaise.
— J’ai eu à traiter pas mal d’exécutions par contrat au fil des années, mais je n’ai pas le sentiment que ce soit le cas dans cette affaire.
— S’ils avaient engagé un tueur, intervint Maggie Mason, pourquoi ne se serait-il pas contenté de tirer sur elle dans sa voiture ?
— Eh bien, c’est ce qui est arrivé, répliqua Whitey.
— Maggie voulait sans doute dire qu’il aurait pu tirer plus d’un coup de feu, sergent. Pourquoi le meurtrier n’a-t-il pas vidé son chargeur ?
— L’arme s’est peut-être enrayée, suggéra Sean. (Comme plusieurs paires d’yeux rétrécis convergeaient vers lui, il ajouta :) Après tout, c’est une éventualité que personne n’a prise en compte. Le flingue s’enraye, Katie Marcus en profite pour frapper son agresseur et foncer dans le parc.
Le silence s’abattit quelques instants sur la salle. Index rapprochés pour former un triangle, Friel réfléchissait.
— Possible, déclara-t-il enfin. Oui, possible. Mais pourquoi la frapper ensuite avec une crosse, une batte ou je ne sais quoi ? Je ne vois pas un professionnel s’acharner de cette manière.
— Pour le moment, rien ne prouve que Fallow et O’Donnell aient des accointances dans le milieu des criminels chevronnés, souligna Whitey. Si ça se trouve, ils ont embauché une espèce de junkie à qui ils ont promis un peu de crack et un briquet.
— Vous nous avez dit tout à l’heure que cette vieille femme avait entendu la petite Marcus saluer son agresseur, intervint Maggie Mason. Est-ce qu’elle aurait réagi comme ça si elle avait vu un type complètement défoncé s’approcher de sa voiture ?
Whitey esquissa un léger mouvement de tête qui pouvait passer pour un signe d’approbation.
— Vous marquez un point.
— Donc, reprit Maggie Mason en se penchant vers la table, nous partons du principe qu’elle connaissait son assassin, n’est-ce pas ?
Sean et Whitey échangèrent un coup d’œil, puis acquiescèrent de conserve.
— Bon, je veux bien qu’il y ait des drogués au crack à East Bucky, et surtout dans les Flats, mais peut-on supposer pour autant qu’une jeune fille comme Katie Marcus fréquentait ce genre d’individus ?
— Là, vous marquez encore un point, soupira Whitey. Mouais.
— Je préférerais, dans l’intérêt de tout le monde, qu’il s’agisse d’un contrat, intervint Friel. Mais ces coups qu’elle a reçus me parlent de fureur. Ils me parlent d’une absence totale de sang-froid.
— Exact, admit Whitey. Simplement, rien ne nous permet d’écarter cette possibilité pour le moment.
— Tout à fait d’accord, sergent, convint Friel, avant de se tourner de nouveau vers Souza.
Celui-ci, qui paraissait contrarié par cette longue digression, s’éclaircit la gorge avant de consulter ses notes sans hâte particulière.
— Bref, on s’est entretenus avec ce gars, un certain Thomas Moldanado, qui se trouvait lui aussi au Last Drop, le dernier bar où s’est rendue Katie Marcus avant de partir avec ses deux amies. Il semblerait qu’il n’y ait qu’un seul W.-C. dans l’établissement, et Moldanado faisait la queue devant quand il a remarqué que les trois filles s’en allaient. Comme il en avait marre d’attendre, il est sorti pisser dehors, et là, sur le parking, il a vu un gars assis dans sa voiture, les phares éteints. D’après lui, il était une heure et demie. Il portait une montre neuve, et il l’a regardée pour voir si les chiffres étaient luminescents.
— Et ils l’étaient ?
— Apparemment, oui.
— Votre gars, dans la voiture, intervint Robert Burke, il était peut-être en train de cuver.
— C’est la première chose qu’on s’est dite, sergent. Et Moldanado y a tout de suite pensé lui aussi, mais d’après lui, le gars était assis bien droit derrière le volant, les yeux grands ouverts. Il l’aurait même pris pour un flic si le type en question n’avait pas eu une petite voiture étrangère, comme une Honda ou une Subaru.
— Un peu abîmée, ajouta Connolly. Avec une bosse au niveau de la portière avant côté passager.
— C’est ça, reprit Souza. Alors, Moldanado en a conclu que c’était un micheton. Il paraît que le quartier grouille de putes, la nuit. Mais pourquoi ce type serait-il resté sur le parking, dans ce cas ? Pourquoi ne roulait-il pas dans l’avenue, plutôt ?
— O.K., fit Whitey. Donc…
— Une minute, sergent, l’interrompit Souza. (Il se tourna vers Connolly, le regard brillant, l’air soudain excité.) Du coup, on l’a exploré, ce parking, et on a découvert du sang.
— Du sang ?
Il acquiesça.
— À première vue, on aurait pu croire qu’un conducteur avait changé son huile. La flaque était épaisse, accumulée pratiquement en un seul endroit. Et puis, on a commencé à fureter, et on a trouvé une goutte par-ci, une goutte par-là, toutes de plus en plus éloignées de la flaque principale. On en a aussi repéré sur les murs et par terre dans l’impasse derrière le bar.
— Qu’est-ce que vous essayez de nous dire, bordel ? lança Friel.
— Quelqu’un d’autre a été blessé à la sortie du Last Drop ce soir-là.
— Comment pouvez-vous savoir que ça s’est passé le même soir ? demanda Whitey.
— Les services scientifiques nous l’ont confirmé. Un veilleur de nuit avait garé sa voiture dessus samedi soir, ce qui a masqué la flaque, mais ce qui l’a aussi protégée de la pluie. Quoi qu’il en soit, la victime doit être dans un sale état. Et son agresseur est également blessé. L’analyse des traces de sang sur le parking a permis d’identifier deux groupes sanguins différents. En ce moment même, nos enquêteurs se renseignent auprès des hôpitaux, et aussi des compagnies de taxis, au cas où la victime se serait fait conduire aux urgences. On a découvert des cheveux ensanglantés, des fragments de peau et des éclats d’os. On attend toujours la réponse de six services d’urgences. Les autres ne nous ont rien signalé de particulier, mais je suis prêt à parier qu’il y a quelque part un hôpital où quelqu’un est arrivé avec un traumatisme crânien le samedi soir ou très tôt le dimanche matin.
Sean leva la main.
— Si j’ai bien compris, la nuit où Katherine Marcus est allée au Last Drop, deux personnes se sont à moitié entretuées sur le parking de ce même bar ?
— Tout juste, répondit Souza avec un sourire.
— Les gars du labo ont identifié deux groupes sanguins, renchérit Connolly. A et B négatif. Beaucoup plus de A que de B négatif, ce qui laisse supposer que la victime appartient au groupe A.
— Katherine Marcus appartenait au groupe O, précisa Whitey.
D’un mouvement de tête, Connolly acquiesça.
— L’analyse des cheveux a révélé que la victime était masculine.
— Et quelles sont vos conclusions ? s’enquit Friel.
— Pour le moment, on sait juste que la nuit où Katherine Marcus a été assassinée, un homme a été tabassé sur le parking du dernier bar où elle est allée.
— Bon, il y a eu une bagarre à la sortie du Last Drop, récapitula Maggie Mason. Et après ?
— Aucun des clients ne se souvient d’une bagarre, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement. Entre une heure et demie et deux heures moins dix, les seules personnes à avoir quitté l’établissement ont été Katherine Marcus, ses deux amies et ce témoin, Moldanado, qui est tout de suite rentré dans le bar après avoir pissé. Il n’y a pas eu d’autres arrivants. Moldanado a aperçu quelqu’un dans le parking vers une heure et demie, un homme qu’il a décrit comme « normal », entre trente et trente-cinq ans, avec les cheveux noirs. Et qui n’était plus là lorsque Moldanado est parti, à deux heures moins dix.
— Au moment où la petite Marcus s’enfuyait dans Pen Park.
Souza opina.
— Aucun de nous n’est en mesure d’affirmer qu’il y a un lien. Si ça se trouve, il n’y en a pas, d’ailleurs. Mais la coïncidence est troublante.
— Encore une fois, intervint Friel, qu’est-ce que vous en déduisez ?
— Je ne sais pas, monsieur, répondit Souza avec un haussement d’épaules. Supposons qu’un contrat ait effectivement été lancé sur Katherine Marcus. Le gars du parking guettait peut-être son départ pour appeler le tueur. Celui-ci n’avait plus qu’à prendre le relais.
— Et ensuite ? demanda Sean.
— Ensuite ? Ben, il l’a assassinée.
— Non, je veux parler du type dans la voiture. Celui censé surveiller Katherine Marcus. Il aurait décidé tout d’un coup de défoncer le crâne de quelqu’un, c’est ça ? Juste pour le plaisir ?
— Peut-être que ce quelqu’un l’avait surpris.
— En train de faire quoi, hein ? lança Whitey. De téléphoner avec son portable ? Merde, à la fin ! C’est sans doute sans rapport avec l’affaire Marcus.
— Qu’est-ce que vous voulez, sergent ? protesta Souza. Qu’on laisse tomber comme si ça n’avait aucune importance ?
— J’ai dit ça ?
— Ben…
— J’ai dit ça ? répéta Whitey.
— Non.
— Non, en effet. Je n’ai pas dit ça. Vous avez intérêt à montrer un peu plus de respect envers vos aînés, Joseph, ou vous risquez de retourner bosser du côté de Springfield, dans le secteur où tout le monde deale de la drogue de merde, où vous serez obligé de traîner avec des bikers et des nanas qui sentent mauvais et bouffent du saindoux à même la boîte.
Souza poussa un profond soupir pour se calmer.
— À mon avis, je pense qu’il y a quelque chose là-dessous. C’est tout.
— Ce n’est pas exclu, répondit Whitey. Simplement, je crois qu’on a besoin d’éléments plus concrets avant d’envoyer des hommes enquêter sur ce qui n’est peut-être qu’un incident isolé, indépendant de notre affaire. De plus, le Last Drop dépend de la juridiction du BPD.
— On a pris contact avec eux, l’informa Souza.
— Ils s’en occupent ?
— Oui.
— Parfait, déclara Whitey en ouvrant les mains. Faites le point avec eux, et tenez-nous au courant, mais sinon, ne vous en mêlez pas pour l’instant.
— Puisque nous en sommes à envisager différentes hypothèses, intervint Friel, quelle est votre théorie, sergent ?
Celui-ci haussa les épaules.
— J’en ai plusieurs, mais elles valent ce qu’elles valent. Katherine Marcus est morte à la suite d’une blessure par balle dans la nuque. Aucune de ses autres blessures, y compris la balle retrouvée dans son biceps gauche, n’était fatale. Les coups qu’elle a reçus ont été portés avec un instrument en bois aux bords aplatis – une sorte de crosse, ou de planche. Le légiste est en mesure d’affirmer qu’elle n’a pas subi de violences sexuelles. Nos propres recherches sur le terrain ont fait apparaître qu’elle avait prévu de partir avec le jeune Harris. Bobby O’Donnell était son ex-petit copain. Le problème, c’est qu’il avait du mal à admettre son statut d’« ex ». Quant au père, il n’apprécie ni O’Donnell ni Harris.
— Qu’est-ce qu’il a contre Harris ?
— On l’ignore. (Whitey jeta un coup d’œil à Sean, avant de reporter son attention sur Friel.) Mais on va le découvrir. Bref, d’après ce qu’on a compris, elle comptait quitter la ville le dimanche matin. Elle organise une petite fête avec ses deux copines, se fait virer d’un bar par Roman Fallow, puis reconduit ses copines chez elles. Il se met à pleuvoir, les essuie-glaces ne fonctionnent pas bien, le pare-brise est sale. Soit elle évalue mal la distance qui la sépare du trottoir parce qu’elle a trop bu et pique du nez au volant pour la même raison, soit elle braque pour éviter un obstacle sur la route. Sa voiture cale, et ensuite quelqu’un s’approche. D’après notre vieille dame. Katherine Marcus aurait dit : « Salut. » C’est à ce moment-là que l’assassin tire le premier coup de feu. Elle réussit à le frapper avec la portière – peut-être, en effet, parce que l’arme s’est enrayée -et à s’enfuir dans le parc. Comme elle connaît bien le coin, elle doit s’imaginer qu’elle sèmera plus facilement son assaillant là-bas. Mais bon, rien ne nous permet de déterminer exactement pourquoi elle a choisi le parc, sinon que l’autre solution pour elle, c’était de s’élancer en ligne droite dans Sydney où, sur au moins quatre ou cinq cents mètres, il n’y avait pas grand-monde pour l’aider. Sans compter qu’elle aurait été à découvert, laissant la possibilité à l’assassin de l’écraser avec sa propre voiture ou de l’abattre à vue. Donc, elle file vers le parc. À partir de là, elle suit plus ou moins la direction du sud-est, traverse les jardins ouvriers, tente de se réfugier dans le ravin sous le pont, avant de piquer un sprint vers l’écran du drive-in. Elle…
— En d’autres termes, elle s’enfonce toujours plus loin dans le parc, souligna Maggie Mason.
— C’est exact, madame.
— Pourquoi ?
— Pourquoi ?
— Oui, sergent. (Maggie Mason ôta ses lunettes, qu’elle plaça sur la table devant elle.) Si j’étais moi-même poursuivie dans un parc dont je connais bien la configuration, il se pourrait qu’au départ, je décide en effet d’y entraîner mon agresseur avec l’espoir de le semer. Mais à la première occasion, j’essaierais d’en sortir. Pourquoi n’a-t-elle pas bifurqué vers le nord en direction de Roseclair, ou carrément rebroussé chemin vers Sydney ? Pourquoi continuer tout droit ?
— Parce qu’elle était sous le choc, peut-être. Et parce qu’elle avait peur. La peur empêche les gens de raisonner. N’oublions pas non plus qu’elle avait près d’un gramme d’alcool dans le sang. Elle était ivre, quoi.
Son interlocutrice remua la tête.
— Je ne suis pas convaincue, sergent. Et il y a autre chose : si je me base sur votre rapport, puis-je supposer que Mlle Marcus était plus rapide que son poursuivant ?
Whitey entrouvrit les lèvres, mais parut oublier ce qu’il voulait dire.
— Dans ce rapport, sergent, vous affirmez qu’à deux reprises au moins, Mlle Marcus a choisi de se cacher plutôt que de poursuivre sa course. Elle s’est d’abord réfugiée dans les jardins ouvriers, puis sous le pont. J’en tire deux conclusions : la première, c’est qu’elle était plus rapide que son poursuivant, sinon elle n’aurait même pas eu le temps d’essayer de se cacher ; la seconde, c’est qu’apparemment, conserver une certaine avance ne lui suffisait pas. Si vous ajoutez à cela le fait qu’elle n’a pas tenté de sortir du parc, qu’est-ce que vous en déduisez ?
Personne n’avait de réponse à lui fournir.
En fin de compte, Friel demanda :
— Et vous, Maggie, qu’est-ce que vous en déduisez ?
— J’aurais tendance à croire qu’elle se sentait cernée.
Durant quelques secondes. Sean eut l’impression que l’air dans la pièce devenait statique, qu’il était parcouru par des courants d’électricité.
— Vous pensez à un gang, quelque chose comme ça ? interrogea enfin Whitey.
— Quelque chose comme ça, oui, répondit-elle. A vrai dire, je n’en sais rien, sergent. Je me pose des questions, c’est tout. Je ne vois pas pourquoi cette jeune femme, qui était apparemment plus rapide que son attaquant, ne s’est pas précipitée hors du parc à la première occasion. À moins qu’ils n’aient été au moins deux à la traquer.
Whitey baissa la tête.
— Sauf votre respect, madame, on aurait retrouvé beaucoup d’indices sur les lieux dans un tel cas de figure.
— Vous avez vous-même fait plusieurs fois allusion à la pluie, dans votre rapport.
— Exact, convint Whitey. Mais si plusieurs individus, ou ne serait-ce que deux, s’étaient lancés à la poursuite de Katie Marcus, ils auraient laissé des traces. Au moins des empreintes de pas. Quelque chose.
Maggie Mason chaussa de nouveau ses lunettes, avant de se concentrer sur le document dans sa main.
— C’est une hypothèse, sergent. Une hypothèse qui, si j’en juge d’après votre rapport, mérite qu’on s’y attarde.
Whitey avait beau garder la tête baissée. Sean sentait le mépris émaner de lui comme une brume de chaleur.
— Votre avis, sergent ? lança Friel.
Un sourire las aux lèvres. Whitey releva enfin la tête.
— Je m’en souviendrai. D’accord. Mais les gangs n’ont jamais été moins actifs. Quant à l’autre possibilité, celle de deux agresseurs, elle nous ramène à la question d’un éventuel contrat.
— O.K…
— Mais si c’est le cas – et nous avons tous admis ici dès le début que c’était peu probable –, le second tireur aurait dû vider son chargeur dès le moment où Katherine Marcus a heurté le premier avec la portière. La seule explication qui se tienne pour l’instant, c’est celle d’un seul assassin et d’une jeune fille paniquée, ivre, peut-être affaiblie par la perte de sang, incapable de rassembler deux pensées cohérentes, et qui a sacrément joué de malchance.
— Vous garderez quand même mon hypothèse à l’esprit ? insista Maggie Mason avec un sourire empreint d’amertume, le regard fixé sur la table.
— Entendu, lui assura Whitey. À partir de maintenant, je suis prêt à considérer toutes les suggestions. Sérieux. Elle connaissait son meurtrier. O.K. Toutes les personnes susceptibles d’avoir un mobile ont été écartées. Plus on examine les données de l’affaire, plus il semblerait que l’attaque ait été gratuite. La pluie a détruit au moins les deux tiers des indices, la petite Marcus n’avait pas un seul ennemi, pas de secrets financiers, pas de problème de drogue, et à ma connaissance elle n’avait jamais été témoin d’un crime quelconque. Sa mort, pour autant qu’on puisse en juger, ne bénéficiait à personne.
— Sauf à O’Donnell, objecta Burke, qui ne voulait pas la laisser quitter la ville.
— C’est vrai, convint Whitey. Mais il a un alibi en béton, et selon toute vraisemblance, le meurtre n’a pas été commis par un tueur à sa solde. Alors, qui aurait pu lui vouloir du mal ? Personne.
— Pourtant, elle est morte, déclara Friel.
— Elle est morte, oui, répéta Whitey. Et c’est pour ça que je pense à un crime gratuit. Si on élimine l’argent, l’amour et la haine comme mobiles éventuels, il ne reste pas grand-chose. À part peut-être une espèce de putain d’obsédé qui aurait consacré un site Web à la victime, ou quelque chose dans ce goût-là.
Friel haussa les sourcils.
— On a déjà commencé à explorer cette piste-là, monsieur, intervint Shira Rosenthal. Jusque-là, nada.
— Autrement dit, vous ne savez pas ce que vous cherchez, conclut Friel.
— Oh si, répliqua Whitey. Un gars avec un revolver. Ah, et aussi une crosse de hockey.