AVANT-PROPOS[1]

Il existe une étrange confrérie : celle des amis d’Au-dessous du volcan. On n’en connaît pas tous les membres et ceux-ci ne se connaissent pas tous entre eux. Mais, que dans une assemblée, quelqu’un prononce le nom de Malcolm Lowry, cite Au-dessous du volcan, les voici qui s’agrègent, s’isolent, communient dans leur culte. Ils plaignent les non-initiés et si, d’aventure, ils ont affaire à un adversaire ou à un sceptique, ils l’accablent. Quelques-uns, après ces joutes, ne se sont plus guère adressé la parole ; d’autres, que le hasard seul avait réunis, sont devenus des amis. Utilisé par certains comme un sésame le nom de Malcolm Lowry est pour d’autres un test qui partage facilement l’humanité en deux camps. Parlerai-je de ceux qui sont partis pour le Mexique afin, notamment, de mettre leurs pieds dans les traces du Consul à Quauhnahuac ? Hélas ! Quauhnahuac n’est qu’une petite ville pour touristes américains : Cuernavaca, et l’ombre du Consul, comme celles de l’empereur Maximilien et de Charlotte, ont été mises en fuite, à l’intérieur des palais en ruines, par les « flash » des appareils photographiques. L’orgueilleuse habitation de Cortès retentit de nasillards « hello ! ». L’emprise magique qu’ont subie les lecteurs d’Au-dessous du volcan n’est le fait que du seul Malcolm Lowry.

Qu’une œuvre littéraire dans laquelle s’est à peu près résumée la carrière d’un auteur méconnu, suscite, par ses seules vertus, des passions d’une telle ampleur, a de quoi surprendre. Lowry n’a point écrasé le monde de son génie ; il ne s’est point imposé par le scandale et la plupart de ses admirateurs ne l’ont jamais approché. La nouvelle de sa mort, survenue le 29 juin 1957, n’a été connue que plusieurs mois plus tard, sans donner lieu à de nombreux commentaires. Il repose dans un petit cimetière du Sussex après avoir vécu dans diverses parties du monde : le Mexique, les États-Unis, la France, le Canada, la Sicile, et l’avoir parcouru en tous sens, jusqu’en Chine. Sa vie et son œuvre auront été brèves, frappées toutes deux par la foudre qui met si tragiquement fin au destin de ses héros dans la forêt de Tlaxcala. Après des années Au-dessous du volcan dégage pourtant la même odeur de soufre, tandis que demeure visible l’aura qui la couronne, et qu’elle continue de rayonner dans un monde qui devient un peu plus tous les jours selve obscure.

Il semble, en outre, que cette vie, comme cette œuvre, aient été en butte à tous les maléfices. Comme son Consul, Lowry souffrait d’un mal qu’on préfère décorer du nom de vice : l’éthylisme. Bandant contre lui tous les ressorts de sa volonté, souffrant mille souffrances et succombant sans cesse à la tentation, il n’est point parvenu à s’en débarrasser, sauf pour de courtes périodes. Au-dessous du volcan, a été écrit au cours de l’une d’elles, pendant la guerre, et semble avoir eu pour première fin d’exorciser les fantômes. Si l’on s’en tient aux apparences, c’est le roman d’un alcoolique qui, avec une lucidité effrayante et une suprême maîtrise de moyens, décrit tous les symptômes de sa maladie et lui trouve ses véritables causes, qui ne sont pas du ressort de la médecine. La drogue qui entretient son mal est aussi celle qui le calme : il lui est impossible de sortir de ce cercle vicieux. Après avoir écrit son chef-d’œuvre, Malcolm Lowry se laisse de nouveau emporter par le vent d’une chute étourdissante qui ne pouvait se terminer autrement que par une mort précoce. Il a sciemment travaillé à son suicide.

Au-dessous du volcan, aussi est marqué par le mauvais sort. Il en rédige la première version aux États-Unis où elle est refusée par les éditeurs. Il le récrit au Canada et perd le manuscrit dans un bar, au Mexique. La troisième version périt dans l’incendie de sa maison. La quatrième, publiée aux États-Unis, à la fin de la Guerre, connaît un succès considérable, mais sans lendemain : Malcolm Lowry est aujourd’hui aussi ignoré en Amérique qu’il l’est dans son pays natal, l’Angleterre. La version française, publiée en 1950 par le Club Français du Livre et, pour l’édition ordinaire, par Corrêa, comporte également une longue histoire aux péripéties décourageantes dont Clarisse Francillon a fait le récit. L’ouvrage paraît enfin et est unanimement salué par la critique qui le juge comme « le plus important qui ait paru depuis vingt ans ». Hormis quelques admirateurs fanatiques il ne suscite qu’un succès d’estime.

Qu’Au-dessous du volcan porte toutes les marques du chef-d’œuvre, c’est l’évidence. Or, les chefs-d’œuvre n’ont jamais été facilement reçus. On peut même parier que celui-ci a suscité pendant quelques semaines l’engouement du public américain par erreur : à cause de son choix comme « livre du mois » par un Book Club. C’est la France, où les conditions de vente d’un livre sont moins anormales, qui offre le véritable test. Or, les lecteurs de Lowry y ont été recrutés par dizaines d’unités annuelles seulement. C’est la progression normale du chef-d’œuvre, celle, pour ne point parler d’auteurs français, de l’Ulysse de Joyce, du Bruit et la Fureur, du Procès.

Car le chef-d’œuvre n’ouvre point ses portes à tous les vents. Il se présente comme un monde clos, hérissé de défenses et entouré de remparts. On n’y peut pénétrer qu’après plusieurs tentatives d’escalade et par effraction. Se trouve-t-on au cœur de la place qu’il n’est point encore aisé de s’y reconnaître : tout vous y paraît étranger et vaguement effrayant ; prisonnier, toutes les issues se sont refermées sur vous. Il va falloir vivre tête à tête avec un monstre inconnu qui possède sur vous tous les pouvoirs, se rendre à sa merci. Dans les arts plastiques comme en littérature, les chefs-d’œuvre commencent toujours par communiquer une sorte d’effroi. Ils échappent à nos normes.

Malcolm Lowry a dressé ses défenses et maçonné ses remparts avec un soin tout particulier. Il présente d’abord au lecteur un premier chapitre à peu près inintelligible ou, du moins, dont on ne comprend tout à fait le sens qu’une fois achevée la lecture de l’ouvrage. Si c’était là seulement une ruse de guerre elle serait grossière. Elle comporte des motifs plus profonds et tient à la conception même de l’œuvre, fermée sur elle-même sans doute, mais à la façon d’un tourbillon : le premier chapitre d’Au-dessous du volcan est en même temps le dernier, après quoi nous sommes de nouveau entraînés dans une ronde infernale qui n’a point eu de commencement et qui pourrait ne pas avoir de fin. La disparition des protagonistes n’est qu’un accident, bien que patiemment machiné, voire un simple incident, après lequel toutes les questions posées par l’auteur restent en l’état, que dis-je, commencent à vivre dans l’esprit du lecteur, deviennent ses propres questions. Dans ce monde circulairement clos il est donc une issue par laquelle on peut entrer et sortir : elle se trouve à des hauteurs variables de ce typhon qui, de la terre, monte en spirale jusqu’aux nuages. Pour ne la point manquer il faut s’y jeter avec un certain élan.

Au centre du tourbillon, dans cette zone de calme où l’air paraît raréfié parce qu’il est aspiré de tous côtés, se tient le Consul, Geoffrey Firmin. Il souffre, il délire, il cherche à se fuir, il appelle au secours. Sans nul doute il expie une faute mystérieuse dont il n’est peut-être pas responsable mais qu’il lui faudra assumer jusqu’en ses ultimes conséquences, jusqu’au châtiment. Quand l’ange exterminateur enfin se présente, sous l’aspect sordide d’un policier d’occasion, dans une nuit trouée d’éclairs, à la porte d’une « cantina » où la débauche tient compagnie à l’abjection, alors vient le pardon. Geoffrey Firmin meurt réconcilié avec lui-même et avec le monde. Son cadavre jeté dans la « barranca » où roulent immondices et chiens crevés, c’est l’image même de la fin à laquelle il aspirait.

D’abord, on pense à Lord Jim. La faute qu’il a commise, pour laquelle il a été officiellement acquitté, mais qui lui a fait descendre les échelons de la hiérarchie diplomatique jusqu’à être relégué dans une ville perdue du Mexique où il exerce des fonctions dérisoires, cette faute-là il ne peut, lui, se la pardonner. C’était pendant la Première Guerre mondiale ; il commandait un navire de guerre camouflé en cargo, un bateau-piège, chargé d’arraisonner les sous-marins allemands. Il a laissé enfourner des officiers ennemis prisonniers dans la chaudière de son bateau ; il a même peut-être prêté la main au crime. Si les tribunaux de son pays l’ont lavé de ce forfait sa conscience se montre plus rigoureuse. À la différence de Lord Jim il sait qu’aucun rachat n’est possible au cours d’une vie qui deviendrait par la suite édifiante : c’est à la déchéance qu’il est voué, au châtiment quotidien.

Il accepte cette déchéance ; il s’inflige ce châtiment. L’ivresse en est la forme avouable, mais poussée jusqu’au delirium tremens. Les rats de la crise alcoolique rongent sa chair ; dans la cuvette du lavabo un vautour le contemple fixement. Ce n’est point assez. La faute ouvertement expiée n’est que dérision à côté de celle qu’il se découvre en tant que vivant et en tant qu’homme et qui tient à sa condition terrestre. Pour quelle raison obscure vit-il dans le tourment et la solitude, « séparé », alors qu’il porte en lui le ciel de la réconciliation et de l’unité ? L’humanité est-elle donc aveugle, et aveugle ce monde qu’agitent, en cette année 1938, les premiers soubresauts de la Guerre ? La tequila, plus encore le mescal, cette liqueur de feu à odeur d’éther, constituent à la fois la drogue qui lui permet de refuser l’humanité, c’est-à-dire l’indignité et qui, du monde lui ouvre les arcanes, en révèle les symboles celés, la place sur le chemin de la connaissance. Les fleurs qu’il cueille le long de son chemin obscur sont empoisonnées et les secrets qu’il fait lever au cours de sa marche titubante ne peuvent être regardés en face. La Création n’est peut-être qu’un pont entre deux néants. Cependant le Consul ne justifiera sa vie qu’en acquérant le regard des dieux. Cette « Divine Comédie ivre » qu’est, d’après Malcolm Lowry lui-même, Au-dessous du volcan et au cours de laquelle en effet nous parcourons tous les cercles de l’Enfer, se présente également, selon la remarque de Max-Pol Fouchet, comme une tentative faustienne. Et Geoffrey Firmin, comme le Dr. Faust, sera puni de sa témérité.

Sous le récit qui nous est donné et dont l’intrigue se réduit à quelques péripéties voyantes, courent sans cesse, à des niveaux divers, d’autres récits plus difficilement décelables. Des lectures successives nous font descendre toujours plus profondément dans le gouffre, tandis que les hasards de la déambulation du Consul paraissent toujours plus savamment calculés, les lieux qu’il hante : les « cantinas », la fête foraine, le jardin public, son propre jardin à l’abandon, la route qui mène à Tlaxcala, la forêt du Farolito, autant d’endroits ritualisés, et les actions, les paroles, voire le cheminement des pensées, autant de symboles d’un drame occulte dont nous ne percevons, çà et là, que l’affleurement. On va jusqu’à se demander si derrière les livres divers qui constituent ce livre unique ne s’en cache point encore un autre, indéchiffrable celui-là à la façon d’une kabbale moderne.

Les lecteurs pressés qui, par exemple, n’ont point voulu se contenter de voir dans Au-dessous du volcan un roman de plus sur le Mexique, ou la pitoyable épopée d’un alcoolique, ou un nouveau Lord Jim, peuvent être requis par la tragique histoire d’amour qui nous y est contée, sans doute l’une des plus belles et des plus poignantes qu’on ait jamais lues. Comment ne les plaindrait-on pas de rester cependant à la surface des choses, de se contenter une fois de plus des apparences ?

Quand l’histoire commence véritablement, c’est-à-dire au deuxième chapitre, le jour des morts de l’année 1938, le Consul retrouve sa femme, Yvonne, qui l’avait quitté un an plus tôt et avec qui il est en instance de divorce. Ils s’aiment encore, ils n’ont jamais cessé de s’aimer, en dépit de la fuite probablement justifiée de l’épouse qui s’était préalablement laissée aller à tromper son mari avec un vague Français en résidence à Quauhnahuac, Jacques Laruelle. Pendant un an elle a écrit à Geoffrey des lettres tendres et désespérées auxquelles il n’a pas répondu. Quand elle revient arrive la première carte envoyée par elle un an plus tôt, immédiatement après son départ, et que des incidents postaux ont retardée jusqu’à ce moment. Elle porte ces mots : « Chéri, pourquoi suis-je partie ? Pourquoi m’as-tu laissée ?… Je t’aime ». Il n’y a donc jamais eu vraiment séparation entre Geoffrey et Yvonne et on s’attend à ce que, reprenant la vie commune en connaissance de cause, ils revivent les jours heureux du début de leur amour. Pourtant, en dépit de leurs efforts mutuels ils ne parviennent pas à se rejoindre. La séparation n’est pas entre eux, elle est en chacun d’eux ; c’est contre eux-mêmes qu’ils sont divisés. Yvonne voudrait arracher Geoffrey à son mal et rêve de s’établir avec lui dans un pays de pâturages et d’eaux vives, au Canada, mais elle se laisse courtiser, malgré elle, par le frère du Consul : Hugh Firmin, de retour à Quauhnahuac le même jour. C’est surtout avec lui qu’elle passe cette première et dernière tragique journée, dont elle ne verra pas la fin, et c’est non loin de lui, alors qu’ils sont tous deux à la recherche du Consul, qu’elle est blessée à mort. De son côté, Geoffrey ne peut oublier qu’elle l’a trompé avec Laruelle, et sa jalousie s’alimente de la voir si bien s’accorder avec son frère. Elle attend qu’il la prenne dans ses bras, et ce geste si simple, qu’il désire lui-même de toutes ses forces accomplir, lui est impossible. Ils brûlent tous les deux, l’un pour l’autre, du même feu, ils aspirent à se rejoindre et n’y peuvent parvenir.

Ici aussi l’affabulation romanesque masque, en la révélant par bribes, une réalité plus profonde. En dépit de ses écarts, Yvonne n’a eu qu’un homme dans sa vie, Geoffrey, et c’est pourquoi elle lui revient. Geoffrey n’a pas aimé d’autre femme. Ils ont autrefois connu cette sorte d’amour où le couple s’annihile et disparaît, laisse place à une seule entité de cœur, d’esprit et de chair. Pour que les deux moitiés de l’être qu’ils ont formé se rejoignent à nouveau, pour que revive l’androgyne originel dont parlent les traités mystiques, trop d’événements ont passé, et le temps lui-même, qui fut celui de la séparation. Ils sont eux-mêmes contradiction et désaccord, en guerre contre leurs propres sentiments. Yvonne s’est fatiguée la première qui n’aspire qu’au couple paisible dont le géant Popocatepetl et sa tendre épouse l’Ixtaccihuatl lui donnent le spectacle. Geoffrey, à la recherche de l’absolu, ne voit plus le monde qu’en traité des « correspondances » où tout lui renvoie l’image de la séparation et du chaos. C’est pour lui un avertissement péremptoire de ce que l’amour est impossible quand, Yvonne à peine arrivée et passant tous deux devant la vitrine d’un imprimeur de Quauhnahuac ils contemplent la photographie d’un roc éclaté sous l’effet de l’eau, du temps et du feu. Elle porte en légende : la Despedida ; aucun moyen n’existe de « sauver le pauvre rocher » que tout le monde avait cru, peu de temps auparavant, « unique roc indivis ». En dépit de leurs efforts, dans le désespoir et les larmes, Geoffrey et Yvonne s’écartent un peu plus l’un de l’autre et, lorsque la nuit tombe et que l’orage gronde dans la forêt du Farolito, ils achèvent leur course solitaire dans l’ignorance mutuelle de leur fin. Ils ont été manœuvrés par des forces qui les dépassent.

Le Consul a nourri l’ambition de maîtriser ces forces. Féru de science secrète, attelé à la rédaction d’un ouvrage d’ésotérisme, il sait les voir et les reconnaître. Un Indien monté sur un cheval marqué du chiffre 7 ne croise pas sa route par hasard : il est un envoyé du destin et ce destin sera maléfique. La roue Ferris de la fête foraine qui le suspend, tête en bas, dans le vide, est pour lui l’image de la loi et du temps irréversible. Les « cantinas » successives, aux noms prédestinés, où il fait de longues stations, sont autant d’antres infernaux qu’il lui faut visiter avant de parvenir au Farolito, qui dispense la lumière. Le long de sa route s’accumulent et se multiplient les signes d’une mort prochaine et probablement ignominieuse à la rencontre de laquelle il lui faut néanmoins marcher. La nature entière lui parle et les événements hasardeux du monde lui révèlent leurs liens préalablement établis, mais cette demi science qu’il possède ne sert qu’à le désespérer davantage : il prévoit les coups et ne peut les éviter ; il sait l’amour impossible ; il connaît le lieu et l’heure de son supplice et il ne fait rien pour se soustraire à celui-ci. Il vaudrait mieux, pour son repos, qu’il fût ignorant, mais ce n’est pas le repos qu’il cherche, ni le bonheur, c’est le salut et la connaissance. Pour être lavé de sa faute originelle, attachée à sa qualité d’homme, il lui faut assumer l’humanité jusque dans l’abjection et la transgresser par une lucidité qui n’appartient qu’à Dieu ou au Diable. Son châtiment c’est peut-être de s’apercevoir en fin de compte qu’il n’est qu’un homme.

On gloserait à l’infini à propos d’une œuvre aussi riche et aussi profonde, et ce n’est certes pas le but de cette présentation. Elle voulait seulement prévenir le lecteur qui va s’enfoncer pour la première fois dans la forêt obscure que la place du moindre arbuste y a été marquée par un homme qui n’a rien voulu laisser au hasard, comme pour mieux montrer, sans doute, que le hasard nous tient dans sa main. La liberté souveraine dont il fait preuve et qui donne si souvent au lecteur l’impression de la découverte ou de la surprise se présente comme le cadeau mérité par une longue méditation dont on jurerait qu’elle fut de nature mathématique. Certains seront séduits par cette algèbre ; d’autres se laisseront emporter par le roman, divers en ses épisodes, vaste par sa prise, déchirant en son dénouement ; d’autres encore tiendront Au-dessous du volcan pour une symphonie aux amples thèmes savamment entrecroisés ; beaucoup y verront un poème déchirant en lequel se résolvent les voix cacophoniques d’une époque marquée par la destruction et éperdue de nostalgie, un nouveau Paradis perdu ; quelques-uns, enfin, parviendront peut-être à déchiffrer le message caché qu’il contient. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est qu’on n’épuise pas cet ouvrage bouleversant à la première lecture. Il faut le lire et le relire afin d’en mieux pénétrer la signification et d’en mieux savourer les beautés. À côté de tant d’œuvres muettes auxquelles la grandeur ne fait pas toujours défaut on perçoit ici une voix pathétique qu’il est difficile d’oublier.

Maurice Nadeau.