Nicole n’était pas au tribunal ce matin-là pour une bonne raison : elle était encore malade de la façon dont Gary s’était comporté la veille.
Elle croyait que le premier jour serait consacré au procès, mais en fait on n’y avait procédé qu’au choix des jurés. On ne cita aucun témoin. C’était long et assommant, et elle ne réussit même pas à parler à Gary avant la seconde suspension d’audience lorsqu’on la laissa s’asseoir à côté du box. Tout d’un coup, il exhiba la lettre qu’elle avait écrite une semaine auparavant, celle où elle lui disait qu’elle préférerait être morte plutôt que de le faire souffrir en allant avec d’autres hommes. Et voilà que tout d’un coup il réagissait de façon très désagréable. « Tu parles de mourir, ce ne sont que des mots, bébé », dit-il en lui lançant un regard signifiant que séparée du box par la cloison elle ne risquait rien.
Elle lui dit alors que s’il le voulait, il pouvait la tuer là, en pleine salle de tribunal. En fait, dit-elle en s’efforçant de ne pas pleurer, c’était déjà la tuer que de pouvoir penser comme il le faisait. Il dit d’un ton sarcastique : « Comment voudrais-tu que je te tue maintenant ? Avec des menottes aux poignets et les jambes enchaînées ? » Elle se sentit stupide. Plus tard, il lui fit un clin d’œil. Comme si de rien n’était. Comme s’il avait eu seulement une bouffée de méchanceté et que c’était passé.
Mais elle ne dormit pas de toute la nuit. Le matin, après avoir laissé les gosses à sa voisine, elle sommeilla un peu et se réveilla tout abrutie et mal foutue.
Lorsqu’elle arriva au tribunal, il sembla absolument ravi de la voir. Il avait complètement oublié la journée de la veille. Nicole était assise là, comme en transe. Elle ne se rendait même pas compte de ce qui se passait. À la fin de la journée, elle se sentait plus loin de Gary qu’elle ne l’avait été à aucun moment lors de la pire époque de Spanish Fork.
Ce soir-là Sue arriva et annonça qu’elle emmenait Nicole pour la soûler, pour lui changer les idées.
Nicole se rendit compte qu’elle avait vraiment envie de s’amuser, de danser. Ce n’était pas une très bonne idée, mais Sue était là. Nicole se laissa entraîner.
Elles passèrent au Dollar d’Argent puis s’en allèrent chez Fred. Nicole aimait bien l’atmosphère qui régnait là. Il y avait un tas de bergers australiens, elle dansa avec deux ou trois d’entre eux. Elle les aimait bien. C’était chouette la façon dont ils effleuraient les boules de billard.
Un type vraiment bien lui dit qu’il était ancien président des bergers de Salt Lake. Un beau parleur. Il était bel homme et dansait bien. Mais elle revenait toujours à sa propre table pour siroter son jus de pamplemousse à la vodka.
Sur ces entrefaites, Sue disparut et Nicole se retrouva avec toutes ses préoccupations. Ce fut alors que l’ancien président lui proposa de venir à Salt Lake. Nicole se dit qu’elle aimerait bien voir à quoi ressemblait ce club. Ça faisait des années qu’elle entendait parler de la maison des bergers australiens de Salt Lake. Peut-être qu’elle allait se détendre un peu et rencontrer des gens.
Elle essaya de penser un peu clairement à quoi ça pourrait la mener. Il était déjà 2 heures du matin. Il lui faudrait près d’une heure pour aller à Salt Lake, et puis là-bas la fête continuerait. Elle se dit que le jour arriverait avant que des problèmes se posent.
C’est vrai que lorsqu’ils arrivèrent à Salt Lake, elle resta assise à écouter des gens, à parler un peu. Elle s’anima, but de la bière ; bref, passa le temps de façon agréable et paisible. Elle se sentait détendue, assise sur le divan, un vieux canapé défoncé. C’était bien, ce club, un endroit plein de bonnes vibrations, avec une sorte de bar installé dans le salon et aussi un tas de motocyclettes. Il y avait des taches d’essence et d’huile sur la vieille moquette déchirée. Par moments, elle fermait les yeux et peut-être s’assoupit-elle un peu. Il devait être 5 heures du matin lorsqu’elle dit : « J’ai envie de dormir. »
L’ex-président la persuada de descendre et ça lui parut sans grand risque. C’était une vaste pièce pleine de matelas où des gens étaient installés. Certains peut-être qui s’envoyaient en l’air, il faisait trop sombre pour voir. Elle commença à s’éveiller un peu et à se demander comment diable elle allait partir toute seule de Salt Lake. Là-dessus le type s’installa sur le même matelas, et pas moyen de lui faire comprendre qu’elle n’en avait pas du tout envie. Tout ce qu’elle essayait de dire rebondissait. Il lui demandait sans cesse pourquoi elle avait encore ses vêtements et lui pas. Elle essaya de discuter, mais il avait fumé trop d’herbe. Impossible de s’en tirer comme ça. Elle dut finir par le laisser faire. Ça foutait vraiment en l’air la décision qu’elle avait prise d’être fidèle à Gary dans la vie et dans la mort.
Lorsqu’elle s’éveilla, ça n’allait pas fort. Elle n’avait pas peur que Gary l’apprenne, elle avait tout simplement peur. Elle était installée dans un horrible endroit. À l’intérieur d’elle-même tout était merdique. Elle en aurait pleuré, mais ça aurait fait un bien vilain bruit.
Ce fut une longue matinée. Elle dut réveiller l’ex-président des bergers australiens pour qu’il la ramène au tribunal, et lorsqu’elle arriva l’audience était commencée. En revenant de Salt Lake à Provo, à califourchon sur la moto, elle savait qu’elle ne mentirait jamais à Gary à propos de ça s’il l’interrogeait, mais elle n’avait pas envie de lui en parler. Elle frissonnait à l’idée qu’il allait lui poser des questions.
Installée derrière cet étranger, elle décida que, jusqu’à la fin de ses jours, elle ne coucherait plus jamais avec un autre type.
Jamais elle ne se laisserait de nouveau entraîner dans quelque chose qui la mettrait à ce point mal à l’aise. Un de ces jours, au cours d’une de ses visites, Gary allait peut-être la regarder dans le blanc des yeux en lui demandant si elle avait couché avec quelqu’un. Elle ne savait pas si elle serait capable de lui dire la vérité. Elle ne voulait pas penser aux dégâts que ça ferait chez lui et chez elle, si elle mentait carrément tout en le regardant bien en face. Elle avait assez d’emmerdements pour l’instant.
Me ESPLIN : Votre Honneur, nous demandons que pour ce sujet la salle soit évacuée. C’est un sujet assez délicat.
LA COUR : Monsieur Gilmore, demandez-vous que la salle soit évacuée ?
GILMORE : Oui.
LA COUR : Je vais donc faire évacuer. Je vais demander à tout le monde de sortir, à l’exception des membres de la Cour et du personnel de sécurité. (À 9 heures du matin, la salle fut évacuée.)
Me ESPLIN : Votre Honneur, la défense a terminé sa présentation hier… À ce moment nous estimions que M. Gilmore ne devait pas témoigner dans cette affaire, qu’il devait exercer son droit de garder le silence tout au long de ce procès… Après avoir discuté cette question hier soir et pris conscience de son désir de venir à la barre, une fois de plus nous… avons tous les deux exprimé l’avis soigneusement pesé… qu’il ne devait pas y venir… et laisser à l’accusation la charge de la preuve. Mais une fois de plus nous lui avons assuré que c’était à lui de décider et… qu’il avait le droit de venir à la barre malgré notre avis. Nous lui avons conseillé de réfléchir, pendant la nuit, à la décision qu’il allait prendre. Nous l’avons reçu ce matin…
LA COUR : Monsieur Gilmore, désirez-vous toujours venir à la barre ?
GILMORE : Ça n’est pas que j’aie un si brûlant désir de venir à la barre, mais je n’étais tout simplement pas prêt à voir mes avocats terminer leur exposé comme ils l’ont fait hier. Je veux dire que c’est ma vie que je joue à ce procès et je m’attendais à une sorte de défense. Et lorsqu’ils ont arrêté leur exposé hier, ma foi, il m’a semblé que c’était à peu près la même chose que de plaider coupable à une accusation de meurtre avec préméditation, parce que je ne vois pas, à ce stade, comment le jury pourrait rendre un autre verdict. Et pourquoi avoir un procès ? Je veux dire…
LA COUR : Quelle preuve avez-vous que vous souhaitiez présenter ?
GILMORE : Apparemment, d’après mes avocats, je n’en ai aucune.
LA COUR : En avez-vous ou pas ?
GILMORE : Mon Dieu, je ne sais pas… J’ai des impressions, des sentiments et je crois que les médecins ne sont pas d’accord sur ce point.
LA COUR : Voyons, monsieur Gilmore.
GILMORE : Il faut me laisser finir.
LA COUR : Oui. Oui. Allez-y.
GILMORE : Il me semble que j’ai de bonnes raisons de plaider la folie, ou du moins certains éléments. Mais il parait que les médecins ne sont pas d’accord. Seulement les conditions dans lesquelles j’ai parlé aux médecins n’étaient pas bonnes. Il y avait des détenus présents. Tout ça ne s’est pas bien passé. Ça n’était vraiment pas juste pour moi. Et ça flanquait par terre tout mon système de défense. Tout simplement, je ne veux pas plaider coupable à une accusation de meurtre avec préméditation et accepter une condamnation sur cette base. Telles que je vois les choses maintenant, ça demandera moins d’une demi-heure pour en arriver là. C’est ce que je dis. C’est ce que je sens, enfin. Je veux dire que je m’attendais quand même à ce qu’on présente une sorte de dossier, même s’il est un peu maigre. Et je crois que la meilleure chose que je pourrais faire serait sans doute de m’adresser aux jurés moi-même. Je pourrais faire ça à l’audience de révision de peine, mais ce serait après qu’ils m’eurent déclaré coupable. J’aimerais exposer au moins ce que j’ai à dire avant que le jury se retire.
LA COUR : Vous pouvez venir à la barre si vous le désirez. Mais si vous le faites, vous devez pleinement comprendre les conséquences de cette mesure.
GILMORE : Ma foi, vous savez, je ne vous dis pas que je brûle d’envie d’aller à la barre. J’aimerais juste présenter une défense. C’est ce à quoi je m’attendais de la part de mes avocats.
LA COUR : Voulez-vous venir à la barre et témoigner ?
GILMORE : Je veux présenter une défense. Je ne veux pas rester assis sur mon banc sans rien dire et être…
LA COUR : La question que je vous pose est la suivante : voulez-vous que la Cour rouvre le dossier.
GILMORE : Exact.
LA COUR :… Prêter serment et témoigner ?
GILMORE : Oui. Oui. Parfaitement. Si c’est comme ça que vous me le demandez, d’accord.
LA COUR : Maintenant, je tiens à ce que vous compreniez pleinement que si vous faites ça vous devrez alors vous soumettre au contre-interrogatoire du procureur. Vous comprenez cela ?
GILMORE : Oui.
LA COUR : Et vous serez forcé de répondre aux questions qu’on vous posera.
GILMORE : Oui.
LA COUR : Et ces questions et vos réponses peuvent peut-être vous accabler. Vous comprenez cela ?
GILMORE : Je le comprends. Vous savez, je comprends tout ce que vous avez dit.
Me SNYDER : Votre Honneur, puis-je faire une autre déclaration ?
LA COUR : Oui, vous pouvez.
Me SNYDER : Je tiens à ce que M. Gilmore comprenne parfaitement que Me Esplin et moi-même avons contacté le Dr Howell, le Dr Crist, le Dr Lebegue, le Dr Woods, que nous avons discuté avec eux en détail les examens auxquels ils ont procédé et leurs conclusions, et que nous avons relu tous leurs dossiers à l’hôpital de l’État d’Utah, dossier qui fait presque huit centimètres d’épaisseur. Le mieux qu’ils puissent vraiment faire est de certifier que le prévenu souffre d’une forme de trouble mental connu sous le nom de comportement psychopathique ou antisocial. Nous en avons discuté avec l’accusé. Nous lui avons dit qu’à notre avis, et d’après la loi, ce n’est pas une défense en ce qui concerne la folie. Et nous avons conseillé à l’accusé de ne pas citer de témoins dans la catégorie d’experts, de médecins, de psychiatres, de psychologues pouvant aider l’accusé à cet égard… Et que sans ce genre de témoignage d’experts, la Cour ne donnera même pas aux jurés l’idée d’envisager l’excuse de la folie. Je tiens à ce que tout cela soit bien noté et je tiens à conseiller M. Gilmore là-dessus.
GILMORE : Je vais retirer ma demande. Continuez comme c’était avant.
LA COUR : Vous quoi ?
GILMORE : Je retire ma demande de rouvrir le dossier.
LA COUR : Vraiment ?
GILMORE : Oui.
LA COUR : Très bien. Voulez-vous faire revenir le jury, s’il vous plaît ? Oui, et les autres peuvent entrer aussi.
Ils étaient abasourdis. Les avocats de la défense, le procureur, le juge, peut-être l’accusé lui-même. On aurait dit qu’au cours de la discussion une sorte de résignation s’était abattue sur lui, une tristesse profonde, et qu’il voyait maintenant l’affaire comme Snyder et Esplin la lui avaient exposée depuis des semaines.
Ce matin-là, alors que Gary faisait sa déclaration, Noall Wootton n’y comprenait plus rien.
Il aimait à s’attaquer à une affaire comme s’il était l’avocat de la défense. Parfois cela lui donnait quelques idées sur ce que les autres allaient faire. Dans le cas présent, il attendait que la défense trouve pour Gilmore un meilleur mobile que le vol lorsqu’il avait pénétré dans City Center Motel. Que, par exemple, il était venu demander une chambre, ou qu’il était passé pour reprendre une discussion. Peut-être Buschnell avait-il refusé un jour d’en louer une à Gilmore parce qu’il était ivre. Et dans ce cas, étant venu sans intention de voler, il aurait pu abattre Buschnell sans préméditation. L’idée du vol ne lui serait venue qu’après. Ce serait donc un meurtre sans préméditation. Wootton s’attendait tout naturellement à ce genre de système de défense. Il ne savait vraiment pas ce qu’il pourrait invoquer pour le réfuter si Gary venait à la barre raconter une histoire convaincante.
Ce ne fut que plus tard que Wootton apprit que Gary ne voulait pas coopérer avec ses avocats. Dans l’immédiat, il avait du mal à comprendre pourquoi ils avaient arrêté leur exposé, mais il avait conclu que la raison pour laquelle ils ne faisaient pas venir Gilmore à la barre devait concerner sa personnalité. Il devait avoir un caractère explosif. Aussi, ce matin-là, dès que Gary annonça qu’il voulait témoigner, Wootton se dit que ce serait peut-être aussi bien. Ce pourrait être une occasion de faire apparaître le fait que Gilmore avait ordonné à sa victime de s’allonger par terre et puis l’avait abattue.
Peut-être Gary vit-il son regard, peut-être Gary sentit-il son assurance. Wootton fut doublement déconcerté lorsque Gary eut de nouveau changé d’avis. C’était comme avoir affaire à un poney fou qui partait au galop à la moindre bouffée de vent. Et puis ensuite ne voulait plus bouger.
Wootton fit une brève conclusion. Il passa en revue ce que ses témoins avaient établi la veille, exposa l’enchaînement des preuves et insista sur le témoignage du Dr Morrison.
« Selon lui, dit Wootton, Bennie Buschnell est mort d’une seule balle tirée dans la tête. Il vous a dit quelque chose de bien plus important que cela. Il vous a dit que le pistolet avait été placé directement contre le crâne de Bennie lorsqu’on avait pressé la détente… Cela vous montre qu’il ne s’agissait pas d’un coup de feu tiré au hasard à travers la pièce. Ce n’était pas une balle tirée pour intimider ou effrayer, c’était un coup de feu qui voulait tuer et tuer sur-le-champ. (Il prit une profonde inspiration.) Réfléchissez bien à l’affaire, dit-il en conclusion, et jugez-la équitablement. Mais quand je dis jugez-la équitablement, je ne veux pas dire avec équité du seul point de vue de Gary Gilmore, bien que cela soit important ; vous devez vous montrer équitable du point de vue de la veuve de Benny Buschnell, de son enfant et de l’enfant qu’attend sa veuve. » L’accusation en avait terminé.
Mike Esplin commença par féliciter le jury. Puis il se mit à chercher les points faibles dans les preuves présentées par Noall Wootton.
Me ESPLIN : Considérez d’abord l’heure tardive. Pour commencer, il semble raisonnable de supposer que le directeur du motel n’était même pas dans son bureau. Peut-être… était-il dans son salon et quelqu’un d’autre était-il dans son bureau, peut-être cette personne était-elle en train de prendre l’argent dans la caisse et le directeur est-il survenu et a-t-il été abattu. Ce n’est pas un larcin, c’est un vol qualifié. Je me permets donc de vous suggérer que sur ce point il y a un doute raisonnable. L’accusation n’a pas prouvé ces faits. Or, elle a des témoins qu’elle aurait pu citer pour les établir…
Il faisait allusion à Debbie Buschnell.
… Mais elle ne l’a pas fait. Autre point, elle a indiqué qu’il manquait cent vingt-cinq dollars, et aussi que l’accusé avait été arrêté pour ce délit plus tard le même soir. L’accusation n’a pas montré un centime de cet argent. Elle n’a pas mentionné que M. Gilmore avait été fouillé. Ce prévenu est accusé d’avoir volé de l’argent. Où est-il ? Autre point : cette arme, quelle que soit la personne qui l’ait mise dans le buisson, quand on l’a placée là, est partie accidentellement. Le coup est parti. Cela ne vous amène-t-il pas à penser que c’est un pistolet qui part bien facilement ? L’accusation doit démontrer le meurtre intentionnel. On n’a pas répondu à ces questions. Il n’y a personne qui, en fait, ait vu l’incident. La seule chose dont M. Arroyo ait pu témoigner, c’est qu’il a vu une personne dans le bureau, qu’il a identifiée comme étant l’accusé, avec un pistolet semblable à celui-ci. Il a dit qu’il ne pouvait pas assurer que c’était le même pistolet… Tout ce qu’il a pu déclarer, c’était qu’il se souvenait de son visage et lui avoir vu un pistolet dans la main. » On ne peut pas tirer grand-chose du témoignage de Martin Ontiveros. Il a dit aussi que Gary Gilmore était arrivé à la station-service pour faire réparer sa camionnette. Ça semble un peu ridicule. Je vous suggère que si l’intention de M. Gilmore était de venir cambrioler le City Center Motel il n’aurait pas laissé sa camionnette là, à la station-service, ce qui permettait de le situer facilement sur les lieux ou à proximité des lieux du crime.
Esplin éprouvait de l’émotion. À sa surprise, ces conclusions devenaient la déclaration la plus émouvante qu’il eût jamais faite. À plusieurs reprises, sa voix se brisa. Par la suite, les gens lui dirent, lors de la suspension : « Comment avez-vous pu faire un numéro pareil ? » « Ça n’était pas du chiqué », répondit Esplin. Il avait remarqué, et il en tirait quelque espoir, que plusieurs jurés avaient les larmes aux yeux.
« Quand vous vous retirerez pour délibérer, reprenez les questions que l’on vous pose, considérez-les avec soin et si vous avez des doutes là-dessus, le moindre doute raisonnable, alors j’estime que votre obligation est premièrement de déclarer l’accusé coupable du crime moins grave d’homicide par accident, ou bien, deuxièmement, d’acquitter l’accusé. Je vous remercie. Procureur Wootton, nous renonçons à réfuter les arguments de la défense. » (Sur quoi le jury se retira, pour délibérer, à 10 h 13, le 7 octobre 1976.)
Lorsque le jury fut sorti, Esplin se leva de nouveau.
Me ESPLIN : Votre Honneur, il y a encore un point : nous voudrions faire objection aux commentaires avancés par le procureur dans ses conclusions, quand il faisait allusion au fait de rendre justice à Benny Buschnell, à sa veuve et à ses enfants, conclusion que nous estimons dommageable à l’objectivité de ce jury, et nous voudrions dès maintenant introduire un recours en annulation fondé sur ce point.
LA COUR : Le recours en annulation est refusé. Rien d’autre ? Très bien. L’audience est donc suspendue jusqu’au moment où l’huissier nous annoncera que le jury est parvenu à un verdict.
Le jury s’était retiré à 10 h 13 du matin. Une heure et vingt minutes plus tard, les jurés revinrent avec un verdict déclarant l’accusé coupable d’homicide avec préméditation. Comme il était presque l’heure du déjeuner, le juge Bullock décida de suspendre le procès jusqu’à 1 h 30 de l’après-midi, heure où commencerait l’audience en révision de peine pour déterminer si Gary allait être condamné à l’emprisonnement à vie ou à la peine de mort.