Gibbs écrivit à Gary pour lui dire qu’il venait pour le procès vers le 20 décembre. Il pensait qu’il serait libéré à ce moment-là et voulait savoir s’il y avait quelque chose qu’il pouvait faire pour Gary avant de quitter l’État, parce qu’il n’allait pas traîner par ici. Il allait, écrivit-il, montrer à l’Utah ce que Mae West avait montré au Tennessee. Son cul, en partant.
Le 11 décembre, le Gros Jake accompagna Gibbs jusqu’à l’entrée où un type d’un certain âge, avec une moustache, attendait. Il marchait avec une canne et avait un porte-documents à la main. Ce monsieur se présenta comme étant l’oncle de Gary, Vern Damico, et dit que Gary lui avait demandé de lui remettre un témoignage de son amitié. Puis il ouvrit sa serviette et remit à Gibbs un chèque de deux mille dollars.
Gibbs demanda si la mère de Gary n’avait pas de problèmes financiers et, lorsque M. Damico lui eut dit que non, ils échangèrent une poignée de main. Gibbs présenta M. Damico au Gros Jake en disant que c’était le seul geôlier pour lequel Gary avait du respect. M. Damico répondit : « En effet, Gary m’a dit des choses aimables sur vous, Gros Jake. » Damico dit alors qu’il avait d’autres rendez-vous, lui souhaita bonne chance et partit. « On aurait dû lui demander si Gary m’inviterait à l’exécution », dit le Gros Jake.
Deux gardiens étaient restés plantés sur le seuil et en bavaient d’envie. Gibbs éclata de rire et passa un coup de fil à Salt Lake. Il fit venir un de ses amis pour mettre le chèque à la banque.
Ce soir-là, Gibbs écrivit une nouvelle lettre à Gary, le remercia pour l’argent et expliqua qu’en haute surveillance il y avait maintenant six prisonniers au total, y compris Powers. Gary répondit : « Si j’étais là, on les ferait tous s’allonger sur leurs pieux comme de petites souris d’église et on chargerait Powers de lécher avec sa langue Le Puits de la Mine de Soufre à Ciel Ouvert. » Dans la lettre, il ajoutait qu’il faisait toujours la grève de la faim et qu’il ne comptait pas manger « tant qu’on ne m’a pas laissé parler à ma douce amie Nicole ».
« J’ai essayé, écrivit Gary, de garder une certaine égalité d’humeur et de pensées, mais depuis quelque temps je suis de plus en plus irrité et furieux. Je n’aime pas l’idée qu’ils gardent Nicole là-bas et qu’ils lui lavent le cerveau. »
« Par pure curiosité personnelle, demanda Moody, y a-t-il une autre façon de vous faire cesser cette grève de la faim autrement qu’en vous laissant téléphoner à Nicole ?
— Aucun, dit Gary, voilà tout. (Il marqua un temps.) Et vous savez, j’ai foutrement faim, murmura-t-il dans le téléphone.
— J’admire votre courage, dit Moody.
— Oh ! fit Gilmore, ça n’est que de l’entêtement.
— Il n’y a pas beaucoup de gens, lui dit Moody, qui ont la force de leurs convictions.
— J’ai passé une fois dix-huit mois d’affilée au trou, dit Gilmore. Je ne crois pas que ce que je subis en ce moment puisse même s’y comparer. »
Ron sentait que Gary faisait étalage de sa force morale. Chaque jour, il tenait à faire sa gymnastique et il faisait le poirier sur une chaise pour montrer qu’il ne souffrait pas. Toutefois, non seulement il perdait beaucoup de poids, mais depuis quelque temps son jeûne semblait affecter sa pensée. Il trébuchait sur les mots. Ses joues commençaient à se creuser. Pour la première fois, Ron remarqua les fausses dents de Gary. En perdant du poids, on aurait dit que cela avait modifié le placement sur ses gencives, et il parlait avec une lenteur délibérée, comme s’il avait une bille dans la bouche, comme un orateur qui a la langue liée.
Sur ces entrefaites, Gary dit à Vern qu’il voulait absolument que Ida et lui aillent voir sa mère. Pour lui porter les mille dollars. Vern en parla à Schiller, qui sauta aussitôt sur l’occasion. Bessie, dès l’instant où elle se mettrait à parler à Vern, donnerait peut-être son accord pour une interview.
Moody rédigea donc les documents. Schiller précisa : « Je paierai les billets d’avion, les coups de téléphone et j’ajouterai mille dollars pour son autorisation. Si vous avez besoin de plus, vous n’avez qu’à m’appeler. » Vern dit : « Je crois que j’aurai besoin de plus. Allons, Schiller, vous savez bien que vous pouvez donner davantage à la mère de Gary. » Larry savait qu’il en arriverait là, mais mille dollars suffiraient peut-être pour commencer.
Vern et Ida prirent donc l’avion de Salt Lake à Portland, louèrent une petite Pinto, trouvèrent le parc à caravanes de McLaughlin Boulevard et frappèrent à la porte de Bessie.
Ils crurent tout d’abord qu’elle n’allait pas les laisser entrer. Ils restèrent sur une sorte de petit perron pendant un temps interminable sans obtenir de réponse. Il faisait froid et Vern, après son opération, souffrait encore de sa jambe. Les premiers mots de Bessie furent : « Allez-vous-en. Je ne peux pas vous laisser entrer. Je ne suis pas présentable. »
Ils durent parler assez fort pour se faire entendre à travers la porte. Ils finirent par se présenter. Ils expliquèrent qu’ils arrivaient tout droit de Provo. Ils avaient des choses à discuter. Des choses que Gary voulait lui faire dire. Bessie finit par les laisser entrer.
Ils ne l’avaient pas revue depuis l’enterrement de grand-papa Brown, il y avait près de dix-huit ans. On pouvait dire qu’elle avait changé. Sa beauté avait disparu. Elle avait l’air malsain et lessivé de quelqu’un qui souffre beaucoup et qui respire rarement l’air pur. Ida n’en revenait pas. Les yeux verts de Bessie brillaient jadis comme des joyaux. Aujourd’hui, on aurait dit qu’ils étaient couverts d’une pellicule terne et grise.
Ida comprit pourquoi elle ne voulait pas les laisser entrer. Avec son arthrite, c’était à peine si elle pouvait faire son ménage. Lorsque Bessie habitait Provo, en attendant que Frank Sr sorte de prison, sa petite maison était impeccable. Ida pensa un instant à mettre un peu d’ordre, mais elle comprit, à l’expression du visage de Bessie, qu’elle ferait mieux de ne toucher à rien.
Vern, cependant, inspecta quand même le buffet et le réfrigérateur. Assurément, Bessie n’avait pas beaucoup de réserves. Il alla donc en voiture jusqu’à une épicerie et rapporta pour environ cinquante dollars de provisions. Après avoir rangé tout cela, il expliqua à Bessie qu’il avait sur lui des documents juridiques et qu’il devait aussi lui laisser mille dollars comme cadeau de la part de Gary. Comme elle commençait à le remercier, Vern dit : « Je ne suis que le facteur. Je livre, c’est tout. » Il ajouta qu’il y avait encore mille dollars qu’elle pouvait toucher en signant les papiers que Larry Schiller l’avait chargé de transmettre. Bessie regarda l’autorisation, réfléchit un moment et dit : « Je ne pense pas que je vais accepter maintenant. »
Vern avait promis à Larry de faire tous ses efforts. Lorsqu’ils la revirent le lendemain, il ramena le sujet sur le tapis. Il sentait à quel point elle était méfiante en affaires. Comme une biche sous le vent. Peu importait qu’on approche avec un fusil à la main ou une carotte, pas question de parler à la biche. « Pour l’instant, Vern, dit-elle, je vais attendre. » Il n’insista pas trop. Il lui dit pourtant : « À mon avis, tu devrais signer. Pour faciliter les choses, tenons-nous les coudes. Il faut voir si on ne peut pas tirer quelque chose de toute cette histoire. Je crois que Schiller est un homme honnête et respectable. »
Bessie se contenta de répondre : « Non, je veux attendre et voir. » Vern laissa courir. Pas moyen de tirer quelque chose de Bessie contre sa volonté. Autant essayer avec Gary.
Comme ils se levaient pour partir, Vern prit mille dollars en espèces et les posa sur la table. C’était comme si tout d’un coup Gary était là. Bessie s’effondra en sanglotant. Ida et elle tombèrent dans les bras l’une de l’autre et Bessie dit : « Oh ! on peut dire que j’en ai l’emploi. » Ils lui laissèrent aussi un châle rouge tricoté à la main et des pantoufles d’intérieur pour lui tenir chaud aux pieds. En fin de compte, ils n’étaient pas arrivés à parler de la requête de Bessie devant la Cour suprême. Ce ne fut qu’en rentrant à Provo, le 13 décembre, que Vern apprit la décision venue de Washington.
Dix jours après l’ordonnance de sursis, Stanger reçut un coup de fil du greffier de la Cour suprême qui lui dit : « Je voudrais juste vous informer que nous allons avoir une décision aujourd’hui. Ils sont en pleine partie de bras de fer. » Ron s’imagina les neuf juges de la Cour suprême en train de s’acharner, manches retroussées. C’était excitant de penser que la même atmosphère régnait ce jour-là à la Cour suprême que dans l’Utah.
Au bureau du procureur général, la nouvelle arriva par la voix du greffier qui déclara qu’on était en train de voter et tous les collaborateurs se réunirent autour d’une grande table pour écouter un téléphone branché sur haut-parleur, et pointant fébrilement les votes tandis que le greffier lisait la décision de chaque juge. Ils étaient si excités qu’ils durent refaire une seconde fois le total pour découvrir qu’ils avaient gagné par cinq voix contre quatre. Bill Evans, Bill Barrett, Mike Deamer et Earl Dorius étaient ravis. Le sursis d’exécution avait été annulé. C’était de nouveau le feu vert.
DESERET NEWS
Plus de retards, dit Gilmore
Salt Lake, 13 décembre. – Dans une ordonnance rendue lundi, la Cour suprême des États-Unis a décrété que Gary Mark Gilmore avait renoncé en toute connaissance de cause à faire valoir ses droits.
En attendant la décision, Gilmore a mis un terme à une grève de la faim de vingt-cinq jours.
En arrivant à la prison, Moody et Stanger trouvèrent que les gardiens à l’entrée avaient l’air content. On retrouvait cette humeur jusqu’à la grille du quartier des condamnés à mort. Tout le monde était soulagé, maintenant que Gary ne faisait plus la grève de la faim.
Lorsque Bob et Ron le virent, ils se contentèrent de dire : « Il paraît que vous avez eu gain de cause », et il hocha la tête en disant : « C’est ce que j’avais décidé. » On aurait dit que c’était lui qui contrôlait la situation. Ils prirent bien soin de ne pas mentionner qu’ils n’avaient jamais pu donner un coup de téléphone à Nicole. Comme ils n’avaient pas réussi à l’obtenir, ils n’étaient pas pressés de lui en parler. D’ailleurs, il était d’excellente humeur après la décision de la Cour suprême.
En fait, c’était aussi un soulagement pour les avocats.
En parlant de l’interruption de sa grève de la faim, Stanger dit à Schiller : « Gary a obtenu ce qu’il voulait. » Schiller ne put s’empêcher de dire : « Comment ça ? » « Tout le monde sait maintenant qu’il était sérieux », fit Stanger. Tout cela parut un peu embrouillé à Schiller. De toute évidence, la vérité c’était que rien ne marchait. Gilmore attendait beaucoup de sa grève de la faim, n’en avait tiré aucun résultat, et il avait assez le sens des relations publiques pour se remettre à manger un jour où il y avait une histoire plus importante pour intéresser le public.
Mais ce qui combla Schiller de joie, ce fut que Gary annonça à Stanger qu’il voulait bien répondre à la seconde liste de questions écrites et qu’il était prêt à examiner la nouvelle liste préparée par Larry.
Le second jeu de réponses, toutefois, se révéla décevant. On aurait dit que plus la grève de la faim se poursuivait, plus Gary voulait jouer au plus fin. Beaucoup de questions demeuraient sans réponse. Et c’étaient toujours les meilleures.
POURQUOI PRENIEZ-VOUS DES CHOSES AU SUPERMARCHÉ SANS LES PAYER, DE LA BIÈRE, DES ARMES, ETC. ?
Je n’avais pas toujours le temps de faire des queues interminables à la caisse.
AVEZ-VOUS ENVIE DE SAVOIR CE QUE FAISAIT VOTRE INCONSCIENT QUAND VOUS AVEZ TUÉ ?
Ça ne m’ennuierait sans doute pas de le savoir si je pouvais connaître exactement la vérité.
Je ne veux pas que ça me soit expliqué par un idiot de psychiatre qui fait des hypothèses à la con.
À PROPOS DE QUOI NICOLE ET VOUS VOUS DISPUTIEZ-VOUS ? DONNEZ-MOI DES EXEMPLES DE DISPUTES.
Vous n’avez qu’à le lui demander.
POUR QUELLES RAISONS ET DANS QUELLES CIRCONSTANCES, LE 13 JUILLET 1976, NICOLE VOUS-A-T-ELLE QUITTÉ ? VEUILLEZ PRÉCISER.
Vous n’avez qu’à le lui demander.
AVANT LES MEURTRES DE PROVO AVEZ-VOUS JAMAIS TENTÉ DE VOUS SUICIDER ? SI OUI, ÊTES-VOUS CONTRARIÉ D’AVOIR ÉCHOUÉ ET POURQUOI ?
VOULEZ-VOUS ME RACONTER TOUT CE QUI S’EST PASSÉ AU MOTEL LORSQUE VOUS ÉTIEZ LA-BAS AVEC APRIL.
POURQUOI VOUS ÊTES-VOUS ARRÊTÉ À LA STATION D’ESSENCE ET QUE S’EST-IL PASSÉ ? DE QUOI APRIL ET VOUS PARLIEZ-VOUS AVANT D’ARRIVER AU POSTE D’ESSENCE ?
POURQUOI AVEZ-VOUS VOLÉ AVANT DE TUER… POURQUOI NE PAS SIMPLEMENT TUER OU SIMPLEMENT VOLER ?
Par habitude, sans doute.
C’est mon style.
Nous sommes tous des créatures d’habitude.
Peut-être que quelqu’un d’autre venant d’un milieu différent aurait agi différemment.
C’est une bonne question. Une question valable. J’aurais aussi bien pu me contenter de tuer… mais je suis un voleur. Un ancien prisonnier, un cambrioleur. Je revenais à mes habitudes… Peut-être pour que ça rime à quelque chose pour moi. J’espère que j’ai répondu à cette question. Maintenant, Larry, j’ai une question pour vous et j’aimerais une réponse sincère.
Avez-vous lu les lettres que j’ai écrites à Nicole ?
Dites-moi.
Ça flanqua la frousse à Schiller. Il allait devoir agir vite pour obtenir de Vern et des avocats leurs accords pour vendre les lettres à l’étranger. S’il attendait beaucoup plus longtemps, Gary allait peut-être commencer à faire tout un plat à propos de ces lettres.
Schiller chassa ce problème de son esprit et passa à la liste de questions suivantes. Gary y avait répondu le jour où il avait commencé à s’alimenter et, Dieu merci, ses réponses étaient plus étoffées.
VOULIEZ-VOUS RÉELLEMENT « REPARTIR DE ZÉRO » QUAND VOUS AVEZ ÉTÉ LIBÉRÉ SUR PAROLE CETTE FOIS-CI ? PENSEZ-VOUS QUE LES CHOSES ONT COMMENCÉ À FAIRE BOULE DE NEIGE ET QUE VOUS AVEZ RENONCÉ À ESSAYER ? QUE DE TOUTE FAÇON VOUS ÉTIEZ EN TRAIN DE TOUT GÂCHER ALORS À QUOI BON…
Oui, à quoi bon ! Je regrette de ne pas pouvoir vous parler, Schiller. Je n’aime pas écrire. Ça n’est pas pareil que parler. On a plus de spontanéité dans un échange verbal et par conséquent de meilleures réponses. Je tiens beaucoup à ce que vous me compreniez bien.
Je sens à vos questions que vous ne savez pas vraiment ce que je veux vous dire. Vous êtes à au moins 35°de la cible. Ça n’est pas l’idéal pour communiquer.
QUE PENSEZ-VOUS DU FAIT D’ÊTRE EN PRISON ?
On pourrait facilement se débarrasser d’un tas de prisons.
C’est de la merde. Elles engendrent le crime, elles n’en dissuadent pas.
Pour l’instant, je suis prisonnier de mon corps.
Je suis enfermé en moi-même.
C’est pire que la prison !
PENSIEZ-VOUS JAMAIS À LA MORT AVANT DE VOUS TROUVER CONFRONTÉ AVEC CETTE CONDAMNATION À MORT ?
Beaucoup.
En profondeur
Beaucoup, beaucoup.
Oh, oui.
COMMENT AVEZ-VOUS FAIT LA CONNAISSANCE DE NICOLE ? COMMENT VOS RELATIONS ONT-ELLES COMMENCÉ ?
C’était, pour chacun de nous, comme trouver une partie de nous qui s’était perdue et qui nous avait manqué un moment. Je ne peux pas le prouver, mais je le sais.
Vous voulez que je vous dise autre chose ! J’ai été célèbre avant – pas une triste célébrité comme aujourd’hui, mais célèbre et riche aussi. C’est peut-être pour ça que ce qui m’arrive maintenant ne me fait pas beaucoup d’effet. Tout ça arrive comme ça le devait. En mon for intérieur – dans cet endroit tranquille qui guide notre vie – je l’ai toujours su. Ça n’est pas une surprise. Il n’y a pas de quoi s’en étouffer.
ÇA PEUT SEMBLER RIDICULE, TERRIBLEMENT PSYCHANALYTIQUE, STUPIDE ET TOUT CE QUE VOUS VOULEZ, MAIS QUE PENSEZ-VOUS DE VOTRE MÈRE ET DE SON RÔLE DANS VOS PREMIÈRES ANNÉES ?
J’aime ma mère. C’est une femme belle et forte. Elle n’a jamais cessé de m’aimer. Ma mère et moi nous nous sommes toujours bien entendus. On n’est pas seulement mère et fils, on est aussi amis. C’est une bonne mère de la souche des pionniers mormons. Une brave femme. Qu’est-ce que vous pensez de votre mère ?
EN GÉNÉRAL ÊTES-VOUS SENSIBLE À CE QUE LES GENS PENSENT DE VOUS ?
Oui.
Comme tout le monde.
Oui, il y était sensible, songea Schiller. Raison de plus pour vendre et publier les lettres. Le public serait moins totalement hostile à Gilmore.
En signe d’amitié, ou bien était-ce une indication de l’intérêt que trouvait Gilmore à présenter de lui une image plus favorable, il avait envoyé aussi un long poème qu’il avait écrit voilà quelques années. Schiller ne savait pas trop quoi en faire, mais il se dit qu’il pourrait en extraire quelques vers pour les donner à Time ou Newsweek lorsqu’ils seraient à court de copie.
Le Maître de Ces Lieux
Une introspection par Gary Gilmore
En sentant un vent violent souffler
Dans les couloirs de mon âme j’ai su
Qu’il était temps que j’entre
J’ai grimpé et j’ai regardé partout
J’étais bien chez moi ma semence même
Un miroir de moi reflétant mon image
De chaque courbe et de chaque ligne
Et de chaque surface Chaque grain nu
Chaque couleur chaque ton et chaque valeur Chaque son
Orgueil Haine Vanité
Indolence
Gâchis Folie Désir Envie Besoin
L’ignorance noire et verte
Je me voyais à chaque détour
Mettre mon esprit même à brûler
Face à face et sans esquive possible
Tête baissée je tombais dans ce chalet
Je me sentais seul et seul je me retrouvais
Un hurlement rouge m’échappait
Mais je le reprenais
Mais j’en maîtrisais la force
Il allait crescendo dans un poids désespéré
Et sombrait dans le sang…
Je sentais et j’étendais un battement d’ailes
Comme nul oiseau que l’on connaît
Au-dessus je me voyais noir et tordu
Et brun et crispé – emporté dans les airs
Par l’aile grise d’une chauve-souris… Perchée là
Sur mes épaules…
Une chose était claire
Nul mépris ici ne menaçait
Voilà comme sont les choses
Dépouillées jusqu’à l’os
Et j’ai bâti cette maison Moi seul
Je suis le maître de ces lieux