Dieu merci, ce fut Splinter qui décrocha le téléphone :
— Allo ?
— Bonjour ! Splint ?
— À qui ai-je l’honneur ?
— Un indice d’abord : « Sittin’ on the dock of the bay, wastin’ tiiiime… »
— DeDe ?
— Je me disais bien que ça te rappellerait quelque chose.
Son ton se voulait aguichant mais distingué.
— Ça me fait plaisir de t’entendre. Alors, qu’est-ce que vous devenez, toi et Beauchamp ?
— Oh, pas grand-chose. Beauchamp est parti avec les Gardes.
— Merde ! J’ai raté une réunion ?
— Pardon ?
— On est dans le même comité, Beauchamp et moi. Ils vont m’incendier si j’ai…
— Il se peut que ce soit autre chose que les Gardes, Splint… Maintenant que j’y pense.
Eh bien voilà, au moins elle était fixée.
— J’espère… Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?
— Je me souviens d’un temps où c’était l’inverse. (Silence à l’autre bout du fil.) Beauchamp ne rentre pas avant ce soir, Splint.
— DeDe…
— Sans engagement.
— Tu sais, je ne crois pas que…
— Oona est là ? C’est ça ?
— Non. Écoute, DeDe… Je suis extrêmement flatté, sincèrement…
— J’ai beaucoup changé, Splint.
— Moi aussi.
— En quoi aurais-tu tellement changé ?
— J’aime Oona.
Elle lui raccrocha au nez.
Presque immédiatement, elle décrocha le téléphone et appela Jiffy’s Market. Elle commanda deux litres de lait, une boîte de céréales et des bananes. Les céréales avaient quelque chose de réconfortant. Cela lui faisait penser à son enfance à Halcyon Hill.
Le garçon livreur arriva en quinze minutes.
DeDe le connaissait. Lionel Wong, dix-huit ans, musclé, et faisant visiblement une fixation sur Bruce Lee.
— Dois-je déposer ça dans la cuisine, Mme Day ?
— Oui, Lionel, merci. Je vais chercher mon porte-monnaie dans la chambre à coucher.
— Pas la peine, Mme Day. Nous mettrons ça sur votre compte.
— Non… Je voudrais te donner un petit quelque chose pour ta peine.
Elle entra dans la chambre à coucher, et en ressortit avec un billet d’un dollar.
— Merci beaucoup.
DeDe sourit.
— Est-ce que tu as vu l’exposition au De Young ?
— Quoi ?
— L’exposition sur la République populaire. C’est renversant, Lionel. Tu as de quoi être fier de ton peuple.
— Oui, madame.
— Vraiment renversant. La culture est extraordinaire.
— Ouais.
— Tu veux quelque chose à boire ? Je n’ai pas de Coca dans la maison. Que dirais-tu d’un Schweppes ?
— J’ai encore quelques livraisons à faire.
— Juste un petit moment ?
— Merci beaucoup, mais…
— Lionel, je t’en supplie…
Une demi-heure plus tard, Beauchamp arriva à la maison et croisa Lionel dans l’ascenseur.
— Lionel ! Tu bosses les dimanches ? Pas de veine.
— Oh, ce n’est pas un problème.
— Quelque chose pour les Day ?
— Oui… Mme Day avait besoin de quelques trucs.
— Et le Kung Fu, ça avance ?
— Ça avance.
— Continue. Ton physique se développe bien.
— Merci. À bientôt.
— Salut. Conduis-toi bien : prends exemple sur moi !
À l’étage, DeDe savourait son deuxième bain moussant de la journée.