Retour à la maison


Quand Mary Ann repéra sa R5 Le Car sur le parking longue durée de l’aéroport de San Francisco, elle éprouva un brusque sursaut d’optimisme.

— Tu veux que je te dise ? commença-t-elle en prenant le bras à DeDe. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que le pire est passé.

L’expression de DeDe était désespérée :

— Je t’en prie, n’essaie pas de me réconforter, dit-elle. Tu en as déjà assez fait. Vraiment.

— Je n’essaie pas de te réconforter. J’ai vraiment l’impression que les choses vont s’arranger. S’il est revenu avec eux sur le bateau, au vu et au su de tout le monde, c’est qu’il n’avait pas l’intention de les kidnapper ! Je veux dire : pas au sens fort du terme, en tout cas. Il est peut-être fou, mais il n’a pas l’air dangereux.

— C’est ça ! fit DeDe. C’est ce que tout le monde disait en 78.

— Mais, poursuivit prudemment Mary Ann, nous ne sommes pas non plus tout à fait certaines que ce Starr était vraiment…

— Arrête de dire ça. Je le sais, moi. Je sais que c’est lui. Il a bien fait ce que raconte la berceuse, oui ou non ? Et la description de Prue me semble coller parfaitement à… (Elle laissa sa phrase en suspens.)

— À quoi ? demanda Mary Ann.

— À… l’apparence que je lui connais.

— Qu’est-ce qu’elle t’a raconté, au fait ?

— Qui ?

— Prue.

— Ce n’est pas le moment, répliqua DeDe en se détournant.

Mary Ann ouvrit la portière, monta et ouvrit celle de sa passagère.

DeDe s’installa sans rien dire.

— Et ce sera quand, le moment ? insista Mary Ann.

DeDe hésita, puis elle regarda Mary Ann droit dans les yeux :

— Plus tard, d’accord ?

— D’accord, admit Mary Ann.

 

C’est simplement la fatigue qui les fit rester silencieuses durant le trajet d’Hillsborough. Il leur en fallait du temps, pour se remettre, songea Mary Ann. Du temps pour se sortir de la crise… et se libérer l’une de l’autre. Quand elles s’arrêtèrent sur l’allée circulaire d’Halcyon Hill, Mary Ann aborda directement le sujet.

— Je crois qu’on a besoin d’un petit répit, dit-elle. Et de sommeil. Pourquoi ne laisses-tu pas ta mère te dorloter un petit peu ? Je te rappellerai dans la matinée pour discuter.

— Tu as été super, s’épancha DeDe en la serrant dans ses bras. Je ne vois personne qui en aurait fait autant.

— Ce n’est rien, fit Mary Ann.

— J’espère qu’ils ne vont pas te tomber dessus.

— Qui ?

— Les gens de la télé. Pour être partie sans prévenir.

— Oh… (Elle ne l’avait pas mise au courant, pour Bambi Kanetaka, et ce n’était pas le moment de le faire.) Je crois qu’on pourra s’arranger.

— J’espère, lança DeDe en descendant de voiture. Dors bien. Je te rappelle demain.

— DeDe ?

— Oui ?

— Je crois qu’il est temps de prévenir la police.

— Je le crois, moi aussi, reconnut DeDe, qui restait étonnamment calme.

— Dieu merci !

— Je pense qu’on n’a plus qu’à s’en remettre à Lui, en effet. On décidera de la suite demain.

— Tu es sûre que ta mère est là ? demanda Mary Ann en scrutant la façade de la maison.

— Sa voiture est là.

— Tu veux que j’attende, le temps que tu ailles voir ?

— Non, ça ira. Rentre, Mary Ann. Va retrouver Brian dans ton lit.

Mary Ann consulta sa montre : huit heures moins le quart !

— Il n’est peut-être pas trop tard, plaisanta-t-elle.

— Il n’est jamais trop tard pour ça, fit DeDe avec un petit clin d’œil.

 

Tandis qu’elle redescendait l’allée, Mary Ann observa DeDe dans le rétroviseur jusqu’à ce qu’elle vît Emma apparaître sur le pas de la porte. Cette partie du problème étant résolue, elle commença à réfléchir à l’explication qu’elle fournirait à Bambi.

Elle songea que c’était le troisième jour de captivité de la présentatrice.

À moins, évidemment, que Mme Madrigal n’ait pas pu — ou pas voulu — la détenir aussi longtemps.

Elle n’avait pas regardé les journaux, à l’aéroport. Il était tout à fait possible que Bambi eût déjà dévoilé toute l’affaire. Et si Bambi avait porté plainte contre Mme Madrigal et les autres ?

Elle avait presque atteint les grilles d’Halcyon Hill lorsqu’elle entendit du bruit derrière elle. Elle regarda de nouveau dans le rétroviseur et vit DeDe qui courait sur l’allée en hurlant à pleins poumons :

— Arrête ! Reviens, Mary Ann ! Reviens !