Pour sa sortie nocturne avec Brian, Michael choisit finalement le Stud. Le bar de Folsom Street était un véritable marché du sexe, et sa décoration pseudo-écologique intimiderait Brian probablement moins que les autres.
Ça lui rappellera peut-être même Sausalito.
— Ça me fait penser au Trident, lâcha-t-il quand ils franchirent la porte.
Michael sourit.
— C’est le Code des années 70, non ? Ce que tu fais n’a pas d’importance, à condition que tu le fasses dans un endroit qui ressemble à une grange.
— Putain ! Vise un peu ces nichons, là, au bar !
— Ouais ! Il doit faire de la muscu’ depuis l’âge de treize ans, celui-là !
— La gonzesse, Michael !
— Eh ! fit Michael. Tu regardes tes nichons ; moi je regarde mes pectoraux !
Les autres clients étaient nonchalamment regroupés autour du bar central, certains en grappes de trois ou quatre. Ils partaient de petits éclats de rires spasmodiques, pendant que sur scène, un groupe minable imitait Kenny Loggins en train de chanter Back to Georgia.
— Voilà ce qu’on va faire, dit Michael en aparté. Si je tombe sur quelque chose qui pourrait t’intéresser, je te l’envoie.
— Pas quelque chose, Michael. Quelqu’un.
— Oui. Et toi tu fais la même chose pour moi.
— T’en fais pas.
— Quelque chose t’a déjà tapé dans l’œil ?
— Ouais. Nichons d’Or, tout là-bas.
— Tu vas d’abord devoir te débarrasser du type qui l’accompagne.
— Il est peut-être homo ?
— Ne rêve pas. Il est hétéro.
— Comment tu sais ?
— Regarde la taille de son cul, Brian !
— Les homos n’ont pas de gros culs ?
— S’ils en ont un, ils ne vont pas dans les bars. Ça, c’est l’autre Code des années 70.
La femme qui s’assit à côté de Brian portait un T-shirt beige qui titrait « Garce » en discrètes lettres brodées.
— Vous êtes ensemble, toi et ce mec ? s’enquit-elle.
— Ouais. Enfin, pas exactement. Il est gay et moi je suis hétéro.
— Ça doit être agréable, pour toi.
— Ce n’est pas ce que je voulais dire. Michael est un ami.
— Et qu’est-ce que tu fais ?
— Avec Michael ?
— Non. Dans la vie.
— Je suis serveur. Chez Perry.
— Ouh là. Dur-dur !
Il en fut contrarié.
— Ah bon ? dit-il.
— Enfin je veux dire… c’est assez… plastique, non ?
— Moi, j’aime bien, mentit-il.
Il n’allait pas laisser une connasse en T-shirt « Garce » traiter son boulot de toc.
— Moi, je travaille pour Francis.
— Le Mulet Parlant ?
Elle leva les yeux impatiemment :
— Ford Coppola.
Michael attendait seul au bar quand Brian vint le rejoindre.
— Ça marche ?
Brian but une gorgée de bière.
— J’ai préféré me casser, dit-il. Elle était bizarre.
— Comment ça ?
— Oh, laisse tomber.
— Allez. Je veux les détails. Esclave et Discipline ? Sports aquatiques ? Draps en satin ?
— Elle voulait savoir si j’aimais… les cockrings.
Michael faillit hurler :
— Tu déconnes ?
— À quoi ça sert, ces trucs-là ?
— Les cockrings ? Alors… attends voir. C’est une espèce d’anneau en acier… environ grand comme ça… parfois il est en bronze ou en cuir… et tu le mets autour de ton… engin.
— Et quel est l’intérêt de faire ça ?
— Ça permet de bander plus longtemps.
— Ah.
— La vie n’est-elle pas intéressante ?
— Et t’en as un, toi ?
Michael rit.
— Certainement pas.
— Pourquoi ?
— Ben… ça fait un truc de plus à ne pas oublier. Je n’arrive déjà pas à garder une paire de lunettes solaires plus d’une semaine.
Il éclata de rire en pensant soudain à quelque chose :
— Je connaissais un mec… un courtier très convenable, d’ailleurs… qui en portait un constamment. Mais il s’est débarrassé assez rapidement de cette habitude.
— Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Il devait aller à une conférence à Denver en avion, et on l’a arrêté à l’aéroport quand il est passé par le détecteur de métaux.
— Merde ! Qu’est-ce qu’ils ont fait ?
— Ils ont ouvert sa valise et ont découvert ses jambières en cuir noir !
Brian siffla en secouant la tête.
— Il n’est pas trop tard pour une tasse de café chez Pam-Pam.
— OK, mec. Ça sera avec plaisir.