Après la cérémonie, Jon reconduisit Mary Ann et Burke au 28 Barbary Lane. Le couple était anormalement silencieux, remarqua-t-il, sans doute en raison de l’incident qu’avait provoqué la rose rouge.
— Pas la peine de s’inquiéter à cause de ça, conclut finalement le médecin.
— J’aurais dû apporter des kleenex et du produit nettoyant, dit Mary Ann.
— C’était un sale con, dit Jon en secouant la tête. Moi, je trouve que vomir, en la circonstance, était relativement justifié.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda Burke.
— Je parle de Beauchamp. C’était un chieur de première.
— Je croyais que tu connaissais seulement DeDe, dit Mary Ann, intriguée.
— Ouais, c’était surtout elle que je connaissais. Mais lui je l’avais vu aussi deux ou trois fois.
Ce n’était pas la peine de leur raconter sa brève amourette avec Beauchamp. Il n’en avait jamais parlé à Michael, parce qu’il n’avait jamais été très fier de cet épisode de sa vie.
Revenu à l’appartement de Michael, il alla voir quelle place il y avait dans les placards de la chambre. Dès que les affaires de Mona auraient été déménagées en bas — elle avait déjà exprimé son désir de vivre chez Mme Madrigal — il y aurait tout ce qu’il fallait d’espace pour ses meubles et sa garde-robe. Michael n’avait que très peu d’affaires à lui.
Il resta devant la commode de Michael à examiner les objets qui décoraient le cadre du miroir.
Des Polaroïd de Mona nue à Devil’s Slide. D’autres de Mary Ann, posant timidement dans la cour. Une médaille en forme de slip, sans doute le prix qu’avait remporté Michael au concours du Endup. Une photo, découpée dans un magazine, de l’acteur Jan-Michael Vincent torse nu.
Il n’y avait pas de souvenir de Jon, ni de leur couple. Ils n’étaient pas encore restés ensemble suffisamment longtemps. La seule trace de leur relation était un napperon en papier du Sans Souci, glissé dans le cadre derrière la photo de l’idole de son ami.
Tout à coup, Jon s’effondra sur le bord du lit de Michael et se mit à pleurer.
Comme d’habitude, Michael avait eu raison. Toute cette histoire concernant les peintures était prématurée. Rien n’indiquait — absolument rien — que l’état de Michael allait s’améliorer. Et on ne pouvait pas raconter des histoires à ce petit bonhomme romantique qui envisageait sa mort prochaine.
Jon se levait en s’essuyant les yeux quand le téléphone sonna.
— Allô ? dit-il en décrochant le téléphone de la cuisine.
— Qui est-ce ? demanda une voix de femme.
Une voix de gorge, pensa Jon.
— Jon Fielding. Un ami de Michael.
— Je ne suis pas chez Mona Ramsey ?
— Oh… Eh bien, en quelque sorte. Elle…
— En quelque sorte ?
Non, pas une voix de gorge. Une voix autoritaire, se corrigea-t-il.
Jon fit un effort pour demeurer cordial :
— Elle est en train de déménager. Vous pouvez la joindre au rez-de-chaussée chez sa… sa propriétaire.
— Quelle crétine… murmura la voix, inaudible.
— Voulez-vous le numéro ?
— Oui, s’il vous plaît.
Jon le lui donna.
Le téléphone sonna pendant que Mme Madrigal et Mother Mucca étaient parties faire des courses à North Beach. Mona était seule à l’appartement.
— Ouais ?
— Mona ?
— Salut, Betty.
— Je croyais que tu étais morte.
— Ah bon ? Eh bien… coucou !
— En voilà, une drôle de façon de parler à sa mère !
— Je t’ai envoyé une carte du Nevada.
— J’étais morte d’inquiétude. Qu’est-ce que tu faisais dans le Nevada ?
— Euh… des trucs, fit Mona qui jugea préférable de changer de sujet. Il fait quel temps, à Minneapolis ?
— L’hiver est épouvantable.
— Dommage. J’espère que ça n’aura pas fait baisser le cours de tes immeubles. Au fait, comment tu as eu le numéro ?
— J’ai appelé chez toi et un jeune type me l’a donné.
— Ce devait être Jon.
— Mona, écoute-moi… Il faut que je te parle.
— Bon, eh bien, vas-y.
— Non. En personne. Tu es en train de faire une grosse bêtise, Mona.
— À propos de quoi ?
— Je ne peux pas te le dire au téléphone. Je viens te voir.
Silence.
— Tu m’as entendue, Mona ?
— Impossible, Betty. Il n’y a pas de place ici.
— Je peux aller chez des amis. Je me suis déjà… arrangée. Tu n’auras besoin de me consacrer que deux heures, Mona. Je ne te demande pas la permission, j’arrive. Tu me dois bien au moins ça.
— Ouais, fit Mona sur un ton résigné. Probablement.