Mary Ann était profondément ébranlée lorsqu’elle quitta l’hôpital avec Burke. Elle avait prévu d’y rester la plus grande partie de la soirée, mais elle n’avait pu s’empêcher de pleurer. Cependant, Jon l’appellerait si jamais « il y avait du nouveau ».
Revenue à Barbary Lane, elle essaya de décongeler un steak en le passant sous le robinet d’eau chaude.
— Ne te donne pas ce mal pour moi, dit Burke.
— Je croyais que tu aimais les steaks.
— Je n’ai pas faim, je t’assure.
Elle soupira et posa la tranche de viande sur l’égouttoir.
— Moi non plus. (Elle se tourna vers Burke avec un sourire forcé.) Tu sais comment j’ai rencontré Michael ?
— Au supermarché, c’est ça ?
— Je te l’ai déjà dit ?
— À Puerto Vallarta, dit Burke en hochant la tête.
Mary Ann s’essuya les mains avec un torchon et s’assit à la table de la cuisine en face de Burke.
— Il était tellement mignon, Burke… Mais j’étais furieuse contre lui, parce qu’il était avec un type qui me plaisait énormément et pendant toute la nuit, je me suis répété : « Quel gâchis !… Quel gâchis !… » Et je le croyais vraiment. J’étais persuadée que c’était du gâchis, qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas chez lui. Bien sûr, je me disais que j’avais de la peine pour lui, mais en réalité, c’était pour moi que j’avais de la peine. Je venais de découvrir que tous les Princes Charmants n’étaient pas pour moi et je ne le supportais pas.
— Ce n’est pas grave. Les gens évoluent vite.
— Pas moi. Il m’a fallu longtemps. À l’époque, j’étais… Je ne sais pas. Je devais me dire que j’étais capable de le changer, de devenir son amie, pour qu’il se détende et qu’il se mette à apprécier les femmes. Je ne pensais pas que je découvrirais un jour que c’était moi qui avais besoin de me détendre.
— Ne te fais pas de mal comme ça.
— C’est pourtant vrai, Burke.
— Michael t’aime, Marry Ann. Tu as dû bien agir.
— J’espère.
— Tu espères ? Merde, Mary Ann, quand on était au Mexique, il y avait des moments où je crevais de jalousie.
— Tu étais jaloux ? De Michael ?
— De Michael et de toi quand vous étiez ensemble. Michael et toi, quand vous riiez et que vous conspiriez. Michael et toi, quand vous vous fichiez d’Arnold et de Melba. Michael et toi, quand vous faisiez semblant d’être… Et merde, vous ne faisiez pas semblant : vous étiez mariés. Vous étiez aussi mariés que deux personnes peuvent l’être !
Elle le regarda en papillotant des yeux, stupéfaite, tripotant machinalement la petite clé qu’elle portait autour du cou.
— Burke… Je t’aime. Je n’ai jamais voulu…
— Je ne t’accuse pas. Je ne veux simplement pas que tu te culpabilises. Vis-à-vis de Michael. Il y a quelque chose de merveilleux entre vous.
Elle lâcha la clé et tendit la main pour prendre la sienne.
— On pourrait aller se coucher ? demanda-t-elle.
Une fois dans le lit, elle se blottit dans ses bras et pleura.
Après quoi, ils regardèrent la télévision, prétendant chacun que c’était pour faire plaisir à l’autre. Puis Burke se leva et l’éteignit.
— Tu veux appeler l’hôpital ? lui demanda-t-il.
— Non… Je… Non.
— Ça pourrait te rassurer.
— Jon est là-bas. Je ne crois pas que je devrais…
— Je pense que Michael serait content.
— Mais qu’est-ce que je pourrais… ?
Le téléphone sonna. Ils sursautèrent tous les deux.
— Tu veux que je réponde ? demanda Burke.
Elle hésita :
— Non… J’y vais.
Elle lui tourna le dos pour décrocher. Elle ne voulait pas que Burke voie son visage.
— Salut, Jon… Ça va, oui, je crois… Oui… Oh, mon Dieu ! Oh, mon Dieu !… Non, ça va aller. À quelle heure est-ce qu’il… ? Merci… Ouais… Je vais… Oui, Jon. Je t’embrasse.
Et elle raccrocha.
Burke passa un bras autour de ses épaules.
— Dieu merci, dit-elle doucement. Ce n’était pas Michael, Burke. C’était Beauchamp. Jon et Michael viennent de l’apprendre par la radio. Sa voiture a heurté la paroi du tunnel de Broadway et a explosé. On n’a pas pu le sauver, Burke. Il est mort brûlé vif.