La dame des relations publiques était presque aussi bouleversée que Frannie.
— Mme Halcyon… Croyez-moi… Nous avons tenté l’impossible…
— La réception commence dans deux heures. J’ai notifié Women’s Wear Daily, le Chronicle et l’Examiner, Carson Callas… Comment diable est-il possible de perdre un chef d’orchestre ?
Le ton de l’attachée de presse de l’opéra devint emprunté :
— Le Maestro n’est pas… perdu, Mme Halcyon. Nous ne parvenons tout simplement pas à le localiser. Nous avons laissé un message à son hôtel, et il y a de bonnes chances qu’il…
— Et Cunningham ? Elle viendra sans lui, n’est-ce pas ?
— Nous cherchons un cavalier de rechange, au cas où… Nous faisons le maximum, Mme Halcyon. Mlle Cunningham n’est en général pas compatible avec les ténors.
— Vous voulez me dire qu’elle ne… ? Oh, mon Dieu… C’est l’excuse la plus lamentable… Et qu’est-ce que je vais dire à mes invités ?
Beauchamp et DeDe arrivèrent à Halcyon Hill plus tard que prévu. DeDe avait coincé la fermeture éclair de son ensemble. Beauchamp, afin de survivre à l’épreuve, avait vidé quatre mesures de J&B.
— Maman doit être plus morte que vivante, lança DeDe.
— Arrête d’essayer de me remonter le moral.
— Mon Dieu… Carson Callas est déjà là. Il adore écrire des articles sur les réceptions ratées où les célébrités ne viennent pas. Il a complètement humilié les Stonecypher avec cet article sur… Dis donc, Beauchamp, ça te dérangerait d’avoir l’air un peu moins accablé par l’ennui ?
— Voilà Splinter.
— Je veux un drink, Beauchamp.
— Sers-toi. Je vais parler à Splinter.
— Si tu crois que je vais aller seule au bar…
— Prue Giroux y arrive bien toute seule.
— Beauchamp ! Non ! Je ne veux pas… parler à Oona.
Trop tard. Les Riley étaient déjà à côté d’eux, rayonnant de bonheur conjugal. DeDe affichait un sourire forcé. Sa robe lui faisait l’effet d’une peau de saucisse.
— Alors, où est la diva ? demanda joyeusement Splinter. C’est le terme exact, n’est-ce pas ?
Oona sourit et serra le bras de son mari.
— Quel mufle ! Comment as-tu fait, DeDe, pour épouser un intellectuel ?
DeDe reçut le message cinq sur cinq. Un intellectuel impuissant.
Splinter avait parlé à Oona de son coup de téléphone, DeDe en était sûre.
Beauchamp brisa le silence :
— Eh bien l’intellectuel a besoin de se bousiller quelques cellules grises. Tu te joins à moi au bar, Splinter ?
Les hommes s’éloignèrent.
Oona resta. Elle souriait à DeDe, mais uniquement avec la bouche.
— Je suis désolée, DeDe.
— À propos de quoi ?
— L’épreuve que tu traverses.
— Quelle épreuve ?
— Ah… je vois. Je suppose que nous ferions mieux de parler d’opéra ou de quelque chose comme ça.
— Je n’ai pas la moindre idée de ce dont tu parles.
— Oublie. Tu dois me prendre pour quelqu’un de terriblement insensible.
— Oona, aurais-tu l’obligeance de m’…
— Le garçon livreur, ma chérie. Le garçon livreur chinois.
Silence.
— Shugie m’a tout raconté sur le Forum, et nous sommes toutes de tout cœur avec toi. Ç’a dû être atroce.
Oona souriait perfidement.
— C’était bien atroce, n’est-ce pas ?
— Il faut que j’y aille.
— Je n’en soufflerai pas un mot, ma chérie. Il faut que nous serrions les rangs, les anciennes du Sacré-Cœur. Et puis, ajouta Oona en replaçant la bretelle du soutien-gorge de DeDe sous sa robe, chaque fille se débrouille comme elle peut.