Beauchamp et DeDe passèrent un dimanche matin tranquille à Sausalito, dégustant un brunch à l’Altamira.
Ils étaient à nouveau un couple, parfaitement assortis — beaux, bronzés, et de bonne famille. Les gens leur lançaient des regards envieux, chuchotant des spéculations à la terrasse ensoleillée de l’hôtel.
DeDe en savourait chaque instant.
— Beauchamp…
— Mmm ?
Ses yeux étaient exactement de la même couleur que la baie.
— La nuit dernière était… meilleure que notre nuit de noces.
— Je sais.
— Est-ce que… c’est moi qui ai changé, ou c’est toi ?
— Quelle importance ?
— Ça en a pour moi. Un peu.
Beauchamp haussa les épaules :
— Je suppose que j’ai… remis de l’ordre dans mes priorités.
— Ça me perturbe un peu, tu sais.
— Pourquoi ?
— Je ne sais pas. Le fait que tout aille tellement mieux… Je voudrais savoir ce que je fais de bien, comme ça je pourrais continuer à le faire.
Il frotta son genou contre le sien.
— Sois toi-même, d’accord ?
— D’accord, répondit-elle en souriant.
De retour à Montgomery Street, Beauchamp attacha une laisse au cou du corgi.
— J’emmène César faire sa promenade. Tu as envie de venir ?
— Non, merci, fit DeDe. Je crois que je vais trier mon courrier.
Dès qu’il eut quitté la maison, elle appela Binky Gruen.
— Bink ?
— DeDe ?
— Je suis de retour.
— Alors ?
— Alors quoi ?
— Alors combien, idiote ? Combien tu as perdu ?
— Oh… neuf kilos.
Binky émit un sifflement.
— Dis donc, tu frises l’anorexie !
— Binky, j’ai besoin…
— À ce propos, je suis convaincue que Shugie Sussman est anorexique. Aucun doute là-dessus. Elle est en train de fondre à vue d’œil, et personne n’arrive à la persuader qu’elle n’est pas obèse. C’est absolument tragique, DeDe. On pourra bientôt envoyer cette pauvre fille à l’hôpital dans une enveloppe !
— Binky, malgré tout l’intérêt que je porte au sort de Shugie Sussman…
— Désolée, ma chérie. Tu t’es bien amusée ? Enfin, je veux dire, mis à part ces monstrueuses séances d’exer…
— J’ai besoin de ton aide, Binky.
— Oui.
— Il me faut… un docteur.
— Oh, mon Dieu ! Alors tu es malade. Oh, je suis si…
— Non, je ne suis pas malade. Il me faut juste un docteur.
— Ah.
— Je pensais à celui que tu avais consulté au printemps dernier.
— Oh oh.
— Rien d’officiel. Je ne suis pas sûre. Je me sentirais mieux si…
— Ça pourrait être dû à tous ces exercices. Parfois, un tel changement physique peut foutre en l’air ton cycle.
— J’y ai pensé.
— Qui sait, ça pourrait même être de l’anorexie.
— Tu vas arrêter avec ça ? Ça pourrait être à peu près n’importe quoi. Je veux juste…
— À peu près n’importe quoi, mais malheureusement pas Beauchamp, c’est ça ?
Silence.
— Il te faut un gynéco qui ne connaisse pas la famille, n’est-ce pas ?
— Voilà.
— OK. J’ai ce qu’il te faut. Une merveille. Il est doux, discret, et très agréable à regarder. Tu as de quoi écrire ?
— Vas-y.
— Jon Fielding. Pas de h à Jon. 450 Sutter. Tu peux lui dire que c’est moi qui t’envoie.