Lorsque Mary Ann et Burke rentrèrent au 28 Barbary Lane, Jon entendit le bruit de leurs pas dans l’escalier et sortit pour les appeler.
— Michael est malade, expliqua-t-il d’une voix sombre. (Il les fit entrer dans la chambre, où une oie en plastique éclairée projetait une lueur jaunâtre sur la forme immobile qu’on voyait dans le lit. Jon s’agenouilla auprès du malade.) Mary Ann et Burke sont là.
— Ils… Tu es allé les réveiller ?
Mary Ann s’approcha à son tour :
— On était sortis pour… Mouse, qu’est-ce qui se passe ?
Michael se releva sur les coudes :
— On est en train d’essayer de comprendre. J’ai les jambes… paralysées.
Jon donna un petit coup sur l’une des jambes avec la pince à épiler que Michael utilisait pour ramasser les cafards morts.
— Tu sens quand je te touche ?
— Non, dit Michael, tandis que Jon essayait plusieurs points sur la jambe en remontant depuis le mollet. Non… Non… Là, oui, dit-il lorsque Jon parvint à mi-cuisse.
— Bien.
— Bien ? Tu parles ! Mais qu’est-ce que j’ai ?
— Je crois que c’est temporaire, Michael. Je vais t’emmener à l’hôpital.
— Je vais accoucher, c’est ça ? Allez, tu peux me le dire !
— Ne parle pas, dit Jon en souriant. Nous allons t’y conduire tout de suite.
— Mais arrête de faire ton cinéma et dis-moi ce que…
— Je ne sais pas, Michael. Je ne sais pas ce que c’est.
Jon appela une ambulance qui arriva un quart d’heure plus tard. Burke, Mary Ann et lui montèrent derrière avec Michael et bavardèrent pendant le trajet jusqu’à l’hôpital St. Sebastian. La conversation sonnait faux et Mary Ann se sentait péniblement inutile face à la situation.
— Mouse, dit-elle doucement alors qu’ils passaient devant Lafayette Park. Donne-moi le numéro de tes parents, je vais les appeler quand nous serons à l’hôpital.
Il hésita avant de répondre :
— Non… Je préfère que tu ne les appelles pas.
— Mouse, tu ne crois pas qu’on devrait…
— Non, surtout pas.
Jon se pencha et lui caressa les cheveux :
— Michael, je crois que ta famille a le droit…
— C’est ici qu’est ma famille, dit Michael.
Mary Ann et Burke restèrent assis sans rien dire dans la salle d’attente, tandis que Jon accompagnait Michael aux urgences. Vingt minutes plus tard, il vint leur donner les nouvelles.
— On va lui faire une ponction lombaire, dit-il.
Mary Ann tripota nerveusement le magazine posé sur ses genoux.
— Jon… Je ne sais même pas ce que c’est.
— Un prélèvement au niveau de la colonne vertébrale. Cela permet de vérifier l’élévation du niveau de protéines et… la diminution du taux de lymphocytes dans le… dit-il en les regardant à peine. On pense que c’est le syndrome de Guillain-Barré.
Cette fois, ce fut au tour de Burke d’intervenir :
— Jon… Tu pourrais traduire ?
— Excusez-moi. Vous vous souvenez des gens qui s’étaient retrouvés paralysés après avoir été vaccinés contre la grippe ?
Burke secoua la tête négativement.
— Je me rappelle, dit Mary Ann.
— Eh bien, c’était le syndrome Guillain-Barré. Je veux dire que c’est ce syndrome qui est la cause de la paralysie.
— Mais, dit Mary Ann en fronçant les sourcils, Michael n’a jamais été vacciné contre la grippe.
— C’est l’une des causes possibles. On ne sait pas exactement ce qui provoque ce syndrome, en fait.
— Mais… Qu’est-ce que ça fait ?
— C’est une paralysie qui remonte. Généralement, ça commence dans les pieds et les jambes, et puis… eh bien, ça remonte. (Il baissa les yeux et pianota sur ses cuisses.) Le plus souvent, ça disparaît.
— Jon, il n’est pas…
— Le seul véritable danger, c’est lorsque ça gagne le système respiratoire. Si la paralysie progresse suffisamment pour empêcher la respiration, il faut faire une trachéotomie pour permettre… (Il leva les mains à son visage et se massa les paupières du bout des doigts. Mary Ann pensa qu’il allait se mettre à pleurer, mais il garda la même expression.) Mon pauvre Michael, dit-il doucement.
Mary Ann se retint de poser une main apaisante sur son épaule. On aurait dit qu’il était sur le point d’exploser.
— Jon, demanda-t-elle, il ne va quand même pas ?… Est-ce que les médecins ?…
— Ces connards de toubibs !
— Que… Qu’est-ce qu’ils t’ont dit ?
— Rien ! Pas ça ! (La fureur qu’elle sentit dans sa voix fit frémir Mary Ann et il entoura d’un bras ses épaules pour s’excuser.) Je crois qu’il risque d’y passer, Mary Ann. Il faut que nous soyons prêts à cette éventualité.