Le laïus d’encouragement de Michael


Mary Ann se leva avec hésitation, mal à l’aise avec Michael dans son nouveau rôle de mentor. Elle regrettait d’avoir mentionné son intention de rentrer à Cleveland.

— Tu veux un peu de crème de menthe ? demanda-t-elle.

— Pourquoi est-ce que tu t’en vas, Mary Ann ?

Elle s’assit à côté de lui.

— Pour des tas de raisons… Je sais pas… peut-être à cause de San Francisco en général.

— Tout ça parce qu’un connard t’a laissée tomber…

— Ce n’est pas ça… Michael, il n’y a pas de stabilité ici. Personne ne reste jamais avec quelqu’un ou avec quelque chose, parce qu’il y a toujours autre chose de meilleur au prochain tournant.

— Et puis qu’est-ce qu’il t’a fait, d’abord ?

— Je ne supporte pas ça, Michael. J’ai envie de vivre quelque part où on n’a pas besoin de s’excuser quand on sert du café soluble. Tu sais ce que j’aime à Cleveland ? Les gens à Cleveland ne sont pas « branchés » quelque chose.

— Chiants, quoi.

— Appelle ça comme tu voudras… J’en ai besoin. J’en ai désespérément besoin.

— Mais pourquoi rentrer chez toi ? On a des gens chiants ici aussi. Tu n’as jamais été au Paoli à l’heure du déjeuner ?

— Ça ne sert à rien…

La sonnerie du téléphone retentit. Michael bondit et décrocha.

— Ici le Royaume de la Chierie. Vous êtes bien chez Mary Ann Singleton.

— Michael !

Mary Ann lui arracha le téléphone des mains.

— Allo ?

— Allo, Mary Ann ?

— Maman ?

— Nous étions morts d’inquiétude.

— Comme toujours, quoi.

— Ne me parle pas sur ce ton. Cela fait des semaines que nous n’avons pas eu de tes nouvelles.

— Désolée. Je n’ai pas une minute à moi.

— Qui était ce monsieur ?

— Quel monsieur ? Ah !… Michael. Un ami.

— Michael comment ?

Mary Ann recouvrit le combiné.

— Michael, quel est ton nom de famille ?

— De Sade.

— Michael !

— Tolliver.

— Michael Tolliver, maman. C’est quelqu’un de très gentil. Il habite en dessous de chez moi.

— Ton père et moi, nous avons discuté, Mary Ann… Alors écoute-moi bien. Nous sommes tous les deux d’accord pour dire que tu avais le droit de… tenter ta chance à San Francisco. Mais il est maintenant grand temps… Mary Ann, nous n’allons pas te laisser gâcher ta vie.

— C’est ma vie que je gâche, maman.

— Pas quand tu sembles ne pas avoir la maturité nécessaire pour…

— Et qu’est-ce que tu en sais ?

— Mary Ann… Un homme bizarre vient de répondre à ton téléphone.

— Ce n’est pas un homme bizarre.

— Ah bon ? fit Michael en souriant.

— Tu ne connais même pas son nom de famille.

— Ici, on fait moins de formalités.

— Apparemment. Si tu n’es pas capable de te rendre compte par toi-même qu’inviter n’importe…

— Maman, Michael est homosexuel.

Silence.

— Il n’aime que les garçons, tu comprends ? Je sais que tu en as entendu parler. De nos jours, on en voit à la télé.

— Je n’arrive pas à le croire…

— Maman. Je t’appelle dans quelques jours, OK ? Tout va bien. Bonne nuit.

Elle raccrocha.

Sur le sofa, Michael était radieux.

 

Mona lança la seconde vague d’assaut.

— Bon sang, Mary Ann ! Pas étonnant que tu sois déprimée. Tu restes là, assise, sans te bouger, à t’imaginer que la vie ressemble à une carte de Noël. Eh bien, laisse-moi te dire qu’il n’y a pas une seule âme, là, dehors, qui en a assez à foutre pour t’envoyer ses meilleurs vœux !

— Donc, quel est l’intérêt de…

— Il faut que tu fasses bouger les choses, Mary Ann. Quand tu es au bout du rouleau, sors d’ici et prends la vie par les… Prends un crayon et note cette adresse !