Déballage de linge sale


La proie de Brian était assise sur une chaise en plastique, dans la zone d’attente à moquette touffue du Come Clean Center. Elle portait un pantalon orange qu’aurait pu lui envier une équipe de cantonniers travaillant de nuit.

Son T-shirt Mao Tsé-toung étreignait si fortement sa poitrine que le Président affichait un large sourire.

Elle était en train de lire People.

Brian hésita un moment en face du distributeur de détergent, feignant l’indécision. Puis il se retourna.

— Euh… pardon. Pourriez-vous me dire la différence entre ces deux lessives ?

Elle interrompit sa lecture d’un article sur Cher, et, à travers ses lentilles de contact bleu cobalt, le considéra d’un air interrogateur. Mâchouillant son chewing-gum sans sucre, elle renifla le nouveau taureau qui venait de s’introduire dans son pré.

— Downy est un adoucissant, fit-elle en souriant. Ça adoucit vos vêtements et leur donne une odeur fraîche. Tenez… vous voulez essayer le mien ?

Brian sourit à son tour.

— Vous êtes sûre d’en avoir assez ?

— Absolument certaine.

Elle pêcha un flacon de Downy dans son panier à linge en plastique rouge.

— Regardez. Il y a écrit…

Brian se plaça à côté d’elle.

— Où ça ?

— Ici… sur l’étiquette, en dessous du…

— Ah oui.

La joue de Brian était à quelques centimètres. Il pouvait sentir son parfum.

— Je vois, fit-il. Fraîcheur d’avril.

Elle pouffa de rire, et continua à lire l’étiquette :

–… Et aide à éliminer l’électricité statique.

— Je déteste l’électricité statique, pas vous ?

Elle le regarda, perplexe, puis elle reprit la lecture.

— Les blancs sont blancs et les couleurs lumineuses.

— Bien sûr.

— Adoucit en profondeur.

— Mmm. En profondeur.

Elle se recula brusquement, et lui fit face avec un sourire de sainte nitouche.

— Vous êtes gonflé, dites donc !

— Gonflé d’une fraîche brise d’avril, j’espère.

— Oh ben vous, alors !

— Et voilà, elles disent toutes ça.

— Je vous conseille de…

— Vous n’êtes pas d’ici, n’est-ce pas ?

— Pourquoi ?

— Je sais pas. Vous dégagez un certain… non, c’est idiot.

— Quoi ?

— Ça ressemble à une phrase préparée.

— Je peux très bien en juger par moi-même.

— Vous dégagez une sorte de… charme cosmopolite.

Après l’avoir fixé pendant un instant, elle baissa les yeux en direction de son T-shirt. Puis elle fixa à nouveau Brian.

— Pourquoi vous avez fait ça ? demanda-t-il.

— Je ne savais plus si je portais mon T-shirt Paris Match.

Il partit d’un rire suave.

— Ce ne sont pas vos vêtements. C’est juste… quelque chose… que vous dégagez. Oh, n’y pensez plus.

— Et vous, vous êtes de la région ?

— Bien sûr. Troisième séchoir à droite.

— Allez !

— Je sais que ça n’a l’air de rien, mais à l’intérieur, c’est très joli. Des chandeliers en cristal, du papier peint fibreux, du linoleum… Et vous, vous habitez où ?

— La Marina.

— Tout près d’ici, alors ?

— Ouais.

— À pied, on y serait en combien de temps ?

— Je ne crois pas… cinq minutes.

— Vous ne croyez pas quoi ?

— Oh rien.

— Parfait. On y va ?

— Écoutez, je ne connais même pas votre nom.

— Bien sûr. Où avais-je la tête ? Brian Hawkins.

Elle empoigna sa main et la secoua de manière assez formelle.

— Moi c’est Connie Bradshaw. Hôtesse à United Airlines.