La chambre d’Hillary


Brian en était tout retourné. C’était une déesse. Une sœur cadette de Liv Ullman, à la rigueur… et par un putain de bol, elle avait une chambre !

Cette fille ne plaisantait pas.

— Je m’appelle Hillary, dit-elle en refermant la porte.

La chambre n’était pas plus grande qu’un petit bureau.

— Pas étonnant.

— Hein ?

— Ce nom vous va très bien. Et vous allez très bien avec le nom.

— Vous n’êtes pas obligé de me faire des compliments. Je suis décidée.

— J’étais sincère.

— Et quel est votre nom ?

— Brian.

Elle tapota l’emplacement vide sur le lit à côté d’elle.

— Assieds-toi, Brian.

Elle semblait étrangement clinique, malgré sa nudité.

— Tu as déjà fait cela souvent ?

— Venir aux bains ?

Elle ne pouvait pas vouloir dire baiser.

— Non, je veux dire, faire l’amour avec une fille… une femme ?

Il lui adressa son plus beau sourire à la Steve McQueen.

— Je me défends pas trop mal.

— Depuis quand es-tu gay ?

— Quoi ?

— Si tu ne veux pas en parler, ce n’est pas grave.

— Euh… Je crois que tu fais erreur.

— Bien… Comme tu voudras.

Son regard se voulait professionnellement compatissant. Cela l’irritait au plus haut point.

— Non, Hillary… pas « bien ». Je ne suis pas gay, c’est clair ?

— Tu n’es pas gay ?

— Non.

— Mais qu’est-ce que tu fais ici alors ?

— Je deviens dingue ! Elle me demande ce que je fais ici ! Mais bordel de merde, qu’est-ce que tu crois que je suis en train de foutre ici ?

— Beaucoup de mecs qui viennent ici sont gays… ou bi, au moins.

— Ouais, ben pas moi, OK ? J’ai un répertoire limité mais bien huilé.

Doucement, il déposa sa main sur la jambe d’Hillary.

Doucement, elle la repoussa.

— Nous sommes tous un peu homosexuels, Brian. Cela veut dire que tu n’es pas en relation avec ton corps.

— Ce n’est pas avec mon corps que j’ai envie d’être en relation !

— Tu n’es pas obligé de jouer au macho en permanence, tu sais.

— Je ne joue pas au macho. J’essaie de m’envoyer en l’air.

— Ah. Une exploitation froide et mécanique de…

— Écoute…

La voix de Brian s’était faite plus douce :

— Je ne pense pas que tu sois tout à fait juste en insinuant que je suis un phallocrate. Je veux dire, euh, nous sommes égaux, non ? Regarde nous deux. Tu m’as invité dans ta chambre… et moi j’ai accepté. Non ?

Elle fixa le mur et dit :

— Je pensais que tu avais besoin d’aide.

— Mais j’en ai besoin. J’en ai terriblement besoin !

— Ce n’est pas la même chose.

— Qu’est-ce que j’y peux si je suis différent ? J’ai eu ces envies perverses depuis toujours.

— Ne sois pas si impertinent ! Tu ne vaux pas plus qu’un gay, tu sais.

— Hillary, est-ce que j’ai dit ça ? Hein ? J’aime bien les gays. J’accepte les gays. Bon sang, ne me fais pas dire que certains de mes meilleurs amis sont gays !

— Même si tu le disais, je ne te croirais pas.

— Écoute, Hillary…

— Il vaut mieux que tu partes, Brian.

— S’il te plaît, tout ce que je…

— Je vais appeler Frieda.

Il se leva, et ramassa sa serviette à terre. Il l’enroula autour de sa taille. Hillary lui tenait déjà la porte ouverte.

— Une fois, lâcha-t-il, quand j’avais douze ans, moi et un type de ma compagnie de scout, on a enlevé notre…

— Ça ne compte pas.

Il resta dans l’embrasure de la porte, et la regarda avec une tristesse rêveuse refermer la porte sur elle. Vénus se réfugiait dans son coquillage.