Énigme à l’usine Twinkie


Après plusieurs semaines d’hésitation inquiète, Mona s’embarqua finalement dans sa mission secrète pour réunir D’orothea et ses parents.

Les indices étaient maigres.

Elle apprit que les Twinkies étaient fabriqués par la Continental Baking Company et qu’il y avait deux usines dans la région de la Baie de San Francisco. L’une était la boulangerie Wonder-Bread à Oakland. L’autre se trouvait à Bryant Street.

— Hostess Cakes, bonjour.

— Je… Est-ce que vous faites les Twinkies ?

— Oui, certainement. Nous confectionnons aussi les Ho-Hos, les Ding-Dongs, les Crumb Cakes…

— Merci. Est-ce qu’un M. Wilson travaille chez vous ?

— Lequel ?

— Euh… Je ne suis pas sûre.

Elle faillit dire « le noir », mais cela lui parut raciste.

— Donald K. Wilson travaille comme emballeur… et nous avons un Leroy N. Wilson, qui est pâtissier.

— Je crois que c’est lui.

— Leroy ?

— Oui… Pourrais-je lui parler, s’il vous plaît ?

— Je regrette. Les pâtissiers travaillent dans la tranche de nuit. De 23 h à 7 h.

— Pourriez-vous me donner son numéro privé ?

— Désolé. Nous ne sommes pas autorisés à divulguer ce type d’information.

Bon sang, pensa-t-elle. Où est-ce que je suis tombée ? Dans une centrale nucléaire ou dans une putain d’usine Twinkie ?

— Si je passais, ce soir, euh… serait-ce possible de lui parler ?

— Je ne vois pas ce qui vous l’interdirait. Pendant sa pause, par exemple ?

— Aux alentours de minuit ?

— Je suppose.

— Vous vous situez sur Bryant Street ?

— C’est cela. Au coin de la 15e Avenue. Un grand bâtiment marron, en briques.

— Merci beaucoup.

— Vous désirez peut-être lui laisser un message ?

— Non… Merci, quand même.

 

D’orothea rentra tard, épuisée par une séance de dix heures devant l’objectif des photographes.

— Je ne veux plus jamais voir une assiette de Rice-a-Roni de ma vie !

Mona rit et lui tendit un verre de Dubonnet :

— Devine ce qu’il y a pour dîner ? risqua-t-elle.

— Je vais t’égorger !

— Non, attends : côtes de porc et okra !

— Quoi ?

Mona confirma, un sourire aux lèvres :

— Probablement comme ta mère le faisait.

— Qu’est-ce que c’est que cette remarque à la con à propos de ma mère !

— Bon… Comme tes ancêtres, alors.

— Tu t’es remise à lire Racines ?

— Mais D’or, j’aime la cuisine ethnique !

D’orothea lui jeta un regard mauvais :

— Est-ce que tu m’aimerais si je n’étais pas noire ? demanda-t-elle.

— D’or ! Pourquoi est-ce que tu dis ça ?

Après avoir étudié le visage de Mona pendant un moment, D’or mit fin à la discussion par un sourire et un clin d’œil.

— Je suis juste fah-tiguée, ma ché’ie. Allons man-ger ces côtes de po’.

 

Après dîner, elle se couchèrent près du feu et regardèrent des transparents en couleur de D’orothea avec ses pantys Adorable.

Le moment sembla propice à Mona pour prévenir D’orothea :

— D’or… Michael m’a proposé d’aller voir un film avec lui au Lumière tard ce soir.

— Tant mieux.

— Ça ne te dérange pas si… ?

— Tu ne dois pas me demander l’autorisation d’aller au cinéma.

— En temps normal je t’aurais demandé de venir…

D’orothea lui tapota la main.

— Chérie, dans dix minutes je plonge dans un sommeil profond. Amuse-toi bien.

 

Un peu après minuit, le cœur de Mona battait si fort que l’usine Twinkie aurait pu tout aussi bien être la Maison Usher.

La salle d’attente lui rappelait le hall d’entrée d’un ancien hôtel du Tenderloin.

Au bureau d’informations, elle appuya sur une sonnette. Plusieurs minutes plus tard, un homme qui semblait être pâtissier demanda s’il pouvait l’aider.

— Connaissez-vous Leroy Wilson ? s’enquit-elle.

— Ouais… vous voulez lui parler ?

— Oui, s’il vous plaît.

L’homme disparut, et dix minutes supplémentaires s’écoulèrent avant que Leroy Wilson ne se présente à Mona, qui resta bouche bée : le pâtissier était recouvert d’une fine couche de sucre en poudre, et sa peau, dessous, était aussi blanche que le sucre.