Les adieux


Quand Mary Ann fit son apparition, elle présenta ses excuses à Mme Madrigal :

— J’espère que ça n’a pas posé de problèmes. Je… Enfin, j’ai un peu perdu la notion du temps avec les courses de Noël et tout ça.

— Ne sois pas ridicule, chérie. Ça n’a pas posé le moindre problème, et Michael a été parfait… Mary Ann, tu n’aurais pas vu M. Williams, par hasard ? S’il est dans la maison, nous devrions l’inviter…

— Non. Non, je ne l’ai pas vu. Pas depuis un jour ou deux.

— Bon, tant pis, alors.

— Il était souvent parti, ces derniers temps. Il ne paraissait pas lui-même… Pas selon moi, en tout cas.

— Non, effectivement.

— Ça me fait plaisir de revoir mon amie Connie.

— Je sais. Quelle coïncidence, hein ? Et Mona a finalement réussi à se libérer… Que Dieu nous bénisse, tous !

Elle embrassa Mary Ann sur la joue un peu trop jovialement et se dépêcha de quitter la pièce.

Il sembla à Mary Ann qu’elle pleurait.

 

Un quart d’heure plus tard, Mona partit à la recherche de la logeuse et la trouva assise sur l’escalier à l’entrée de la ruelle.

— Vous attendez quelqu’un ? demanda-t-elle, s’asseyant à côté d’elle.

— Non, chérie. Plus maintenant.

— Quelqu’un que je connais ?

— Non, mais j’aurais aimé.

— Aurais ?

— Je voulais dire… C’est dur à expliquer.

— Je regrette de ne pas avoir donné de mes nouvelles.

Mme Madrigal se tourna et la regarda. Elle avait les larmes aux yeux :

— Oh, merci de me dire ça !

Elle éclata en sanglots et s’appuya contre Mona pendant un instant. Puis, retrouvant son calme, elle se redressa.

— J’aimerais revenir habiter ici, dit Mona. Si vous pouvez me supporter.

— Te supporter ? Ma pauvre enfant ! Tu ne réaliseras jamais à quel point tu m’as manqué !

Mona sourit :

— Merci… Et joyeux Noël !

— Joyeux Noël, chérie.

— Pourquoi est-ce que vous ne rentrez pas ? Il fait froid, dehors.

— J’arrive. Dans une minute. Vas-y la première.

— Est-ce que votre ami ne pourrait pas venir vous rencontrer à l’intérieur ?

— Il ne viendra pas. Il nous a déjà quittés.

 

Edgar s’éteignit à Halcyon Hill.

Le docteur Jack Kincaid avait administré un sédatif à sa femme, pendant que sa fille et son beau-fils lui disaient au revoir.

Il était allongé dans le lit, sur le dos. Sa peau était si pâle qu’elle paraissait translucide.

— Papa ?…

— C’est toi, DeDe ?

— Moi et Beauchamp.

— Ah.

— On a une surprise pour toi, papa.

Beauchamp jeta un coup d’œil embarrassé à sa femme. DeDe lui décocha un regard noir, puis se tourna et s’agenouilla auprès de son père.

— Papa… Tu vas devenir grand-père !

Silence.

— Papa, tu m’as entendu ?

Edgar sourit.

— J’ai entendu.

— Tu n’es pas content ?

Il leva faiblement la main.

— Pourrais-tu… me montrer ?

— Elle est si petite !

DeDe se leva, prit sa main, et la pressa doucement contre son ventre.

— Je ne sais pas si tu peux la sentir… dit-elle.

— Si. Je la sens, fit Edgar. Tu crois que c’est une fille, hein ?

— Oui.

— Moi aussi. Tu as déjà choisi un nom ?

— Non. Pas encore.

— Appelle-la Anna, tu veux bien ?

— Anna ?

— J’ai… toujours aimé ce prénom.

Souriant à nouveau, il garda sa main pressée contre la chaleur de cette vie nouvelle :

— Bonjour, Anna ! dit-il. Comment ça va ?