Michael se réveilla avec la bouche pâteuse.
Il se glissa hors du lit aussi furtivement que possible, et pénétra dans la salle de bains. La porte refermée, il se brossa les dents.
Lorsqu’il retourna dans la chambre à coucher sur la pointe des pieds, la forme qu’on devinait sous les draps lui adressa la parole :
— Tu as triché.
Michael se glissa à nouveau dans le lit.
— Je pensais que tu dormais.
— Maintenant, il va falloir que moi aussi j’aille me brosser les dents.
— Pas la peine… Mon haleine me rend parano, pas la tienne.
Jon écarta les couvertures et se dirigea vers la salle de bains.
— Quelque chose d’autre qu’on a en commun.
Mona frappa à la porte au mauvais moment.
— Euh… Oui… Attends une seconde, Mona.
Mona s’écria à travers la porte :
— C’est la femme de chambre, messieurs. Relevez les couvertures.
Michael sourit à Jon.
— Ma colocataire. Accroche-toi.
Quelques secondes après, Mona jaillit dans la chambre avec un plateau de croissants et de café.
— Salut, les petits durs ! On fait la grasse matinée ?
— Je l’aime bien, dit Jon après que Mona se fut éclipsée majestueusement. Elle fait ça tous les matins ?
— Non. Je crois qu’elle est curieuse.
— De quoi ?
— De toi.
— Ah… Vous êtes ensemble, tous les deux… ?
— Non. On est amis.
— Vous n’avez jamais… ?
Michael secoua la tête.
— Jamais.
— Et pourquoi ?
— Pourquoi ?… Voyons : que dirais-tu de… je suis pédé comme un foc ?
— Et alors ?
— Et alors, je suis puceau pour les femmes, dit Michael. Un parfait 6 sur 6 pour Kinsey.
— Ah.
— Ça t’ennuie ?
— Non, c’est juste que… T’as quel âge ?
— J’espère que tu ne fais pas partie de ces pédales qui ne flashent que sur les petits jeunes. J’ai vingt-six ans.
— Moi j’en ai vingt-huit… Et non, je ne fais pas partie de ces gens-là.
— Quel soulagement.
— Et au lycée ?
— Assez bon élève.
Jon sourit.
— Je te parle de filles. Tu n’as jamais rien fait avec elles ?
— Tout ce que je faisais au lycée, c’était de déconner avec mes potes en buvant de la bière et en cherchant des hétérosexuels à tabasser.
— Ah bon ?
Michael fit signe que oui.
— Tu ne peux pas les rater. Ils marchent bizarrement et gardent leurs livres bien serrés contre eux. C’est ça que tu faisais, non… quand tu étais hétérosexuel ?
Jon le considéra pendant un instant.
— Tu ne dois pas être aussi défensif. Je ne te critiquais pas.
— Si ça peux t’aider, je n’ai pas révélé mon homosexualité jusqu’à il y a trois ans. Au lycée, j’étais un eunuque.
— J’aurais aimé te connaître à ce moment-là.
— Plutôt que maintenant ?
— En plus de maintenant, lança Jon en lui ébouriffant les cheveux. Je t’aime bien, idiot !
Après le départ de Jon, Michael contenait à peine son émoi.
— Il est formidable, Mona. Il est sûr de lui et équilibré… et il est docteur, putain ! Tu t’imagines ? Mon propre docteur personnel !
— Quoi, il t’a demandé en mariage ?
— Ne sois pas si à cheval sur les détails.
— Quel type de docteur ?
— Gynécologue.
— Oh, comme ça te sera utile.
Michael lui donna une claque sur le derrière.
— Non mais. Je peux fantasmer, oui ou merde ?
— Tu vas déménager, hein ?
— Mona !
— Eh bien ?
— Mona, t’es mon amie. On restera toujours ensemble, d’une manière ou d’une autre.
— Ah ouais ? Et qu’est-ce que vous allez faire, m’adopter ?
Elle alla jusqu’à la porte et l’ouvrit, s’adressant à une invitée imaginaire :
– « Oh, bonjour Madame Duchmol ! Je vous présente mon père, Michael Tolliver, célèbre conteur et bon vivant, et ma mère, le gynéco ! »
Michael, hilare, secoua la tête.
— Je t’épouserais dans la journée, Mona !
— Si tu étais le seul garçon au monde, et moi la seule fille ? Ce n’est pas neuf !
Il l’embrassa sur le front.
— Ne t’en fais pas. Je vais la gâcher comme il faut, cette idylle !
— À t’entendre, on jurerait que c’est ce que tu cherches.
— Épargne-moi l’analyse jungienne.
— OK, alors sors les poubelles et advienne que pourra.