Fuite


Prue resta recroquevillée dans l’obscurité, tandis que le bruit de son souffle résonnait à ses oreilles comme une tempête.

Les jumeaux étaient déjà profondément endormis, pelotonnés dans leur coin avec leurs peaux de lapins.

Le bruit des pas de Luke décrut dans la nuit.

Prue compta lentement jusqu’à soixante, puis elle posa l’oreille contre la porte de la cabane.

Rien.

Elle poussa légèrement la porte et scruta l’obscurité.

Elle ne vit pas grand-chose, hormis les empreintes récentes, sur le sable, qui indiquaient le départ de Luke. Au-dessus, dans les eucalyptus, le vent faisait courir une rumeur de papier de soie froissé.

Elle referma la porte dont le grincement la fit sursauter, puis elle s’agenouilla auprès des enfants et les secoua doucement.

— Anna… Edgar… Réveillez-vous, mes chéris.

La petite fille s’ébroua la première.

— Qu’est-ce qu’il y a ? fit-elle à voix haute.

— Chut ! murmura Prue. Il faut parler tout bas.

Edgar s’assit en se frottant les yeux.

— Où est papa ? demanda-t-il.

— Euh, il est parti pour un petit moment. (Elle trouva le blouson du petit garçon et l’aida à l’enfiler.) On va aller faire une petite promenade. Oh, on va bien s’amuser, hein ?

— Où ? voulut savoir Anna.

— Chez moi, dit Prue. Vous n’avez jamais vu ma maison.

— J’veux pas ! J’veux dormir ! commença à pleurnicher Edgar.

Prue tâtonna dans l’obscurité à la recherche du blouson d’Anna, en proie à une terreur croissante. À moins de bâillonner les enfants, elle ne pouvait pas tenter grand-chose de plus pour les exhorter au silence.

— Il ne faut pas faire de bruit, mon trésor. Tu veux bien être gentil avec Prue ?

— Pourquoi on s’en va ? insista Edgar.

— Eh bien… C’est pour faire une surprise… à papa.

— Quel genre de surprise ?

— Vous verrez, chuchota Prue.

Les pleurnicheries continuèrent.

— Tu ne veux pas voir ta maman ? demanda Prue.

Edgar se tut.

— Tu ne veux pas ?

Ce fut Anna qui se montra la plus curieuse :

— Elle est chez toi ?

— Oui, susurra Prue. Elle y sera très bientôt. Allez, maintenant, en silence : je veux voir de quoi vous êtes capables.

 

Elle les guida sur la pente, puis dans les rhododendrons, sursautant au moindre craquement de brindille sous leurs pieds. Une fois dans les massifs, Prue trouva l’obscurité si dense qu’elle fut contrainte de retrouver son chemin de mémoire.

— J’ai peur, fit Anna en se cramponnant à la main de Prue.

— Tout va bien, ma chérie. Il ne fera pas longtemps noir.

Les enfants se mirent à pleurer bruyamment.

— Anna… Je t’en prie, ma chérie… Tout va bien. Edgar, dis à ta sœur de ne pas avoir peur.

Silence.

— Edgar ?

Pas de réponse.

— Edgar ! Mon Dieu, où es-tu ? (Anna éclata en sanglots. Prue s’agenouilla et la prit dans ses bras en lui caressant les cheveux.) Chut… Ce n’est rien, ma chérie… Ce n’est rien. On va juste chercher Edgar, c’est tout. (Elle se releva, serrant toujours l’enfant contre sa poitrine et repartit sur ses pas en suivant le chemin invisible.) Edgar ! cria-t-elle à mi-voix.

— Où tu es ? demanda une petite voix.

— Ici ! répondit-elle, en se rendant compte que ce n’était pas une information très utile.

— Où ? hurla l’enfant.

— Marche dans la direction de ma voix, mon chéri.

Elle fut soulagée d’entendre quelque chose remuer dans les taillis, jusqu’au moment où elle se rendit compte de la vitesse à laquelle cela approchait. Une branche craqua et lui cingla brutalement le visage. Anna et elle poussèrent un cri suraigu lorsqu’une forme surgissant de nulle part plongea sur Prue à travers les buissons, la renversa et lui glissa une langue énorme et humide dans l’oreille.

— Vuitton !

Le barzoï aboya, ravi de retrouver sa maîtresse. Dans le désarroi auquel Luke l’avait réduite, Prue avait totalement oublié l’animal.

— C’est juste mon chien, annonça-t-elle à Anna. Ça va, ma chérie ?

— Je veux rentrer, sanglota l’enfant.

— Tout va bien se passer… Je te le promets. Edgar… C’est toi ? Une petite main s’était agrippée à sa jambe.

— C’est vraiment le tien ? demanda Edgar.

— Oui, mon chéri. Il est très gentil. (Elle se releva comme elle put et prit les mains des enfants.) Tout va bien se passer.

Où était le plus proche téléphone, au fait ?

Au musée de Young ?

Si Luke était en route pour Halcyon Hill, il fallait absolument que quelqu’un prévînt Frannie.