*** s’assit dans le lit et alluma une cigarette :
— Peut-être qu’on devrait faire une petite pause, non ?
— D’accord, dit Michael. Je suis désolé.
Ah bon sang, ce qu’il était désolé, oui !
— C’est pas grave, bonhomme…
— Pour toi, peut-être !
— Mais non, ce n’est pas grave. Ça arrive tout le temps.
— C’est vrai ?
Michael s’assit à son tour et ils se retrouvèrent tous les deux adossés à la royale tête de lit.
La star lui pinça une cuisse :
— Mais oui, tout le temps !
— Ça doit finir par être chiant, remarqua Michael.
Le même sourire ensommeillé, paupières mi-closes, qui semblait faire tellement d’effet à l’écran sur les partenaires féminines de *** se dessina sur son visage.
— Je suis un mec comme toi, tu sais.
— Non, ce n’est pas vrai, répliqua Michael en lui rendant son sourire.
— Te tracasse pas, le rassura *** en tirant sur sa cigarette. On n’est pas pressés. Pas moi, en tout cas.
— Mais le film ne doit pas se terminer bientôt ?
La star haussa les épaules :
— Tu n’as rien manqué. Ça, je peux te le promettre.
— En bas, peut-être.
— Hé, du calme, bonhomme… Si je ne t’excite pas, ce n’est pas dramatique.
— Tu rigoles ? Quand j’avais onze ans, tu m’excitais déjà !
— Eh bien, s’exclama ***. Merci du compliment !
Michael répondit par un sourire penaud :
— Je ne m’en sors pas très bien, hein ?
*** le regarda affectueusement et lui ébouriffa les cheveux :
— Si, très bien. Sacrément bien, même.
— Quel gâchis ! se lamenta Michael. T’as une si belle queue.
L’acteur le remercia encore, mais cette fois d’un hochement de tête.
— Je n’arrive pas à croire que je puisse gâcher ça comme un con, marmonna Michael. Je veux dire, merde… Combien d’occasions on peut avoir dans sa vie de baiser avec *** ?
— Deux ou trois, plaisanta la star en pinçant un téton de Michael. Et on peut avoir des lasagnes aussi ! Peut-être. Guido est en train d’en servir au troupeau, en bas. Si j’allais nous en chercher une assiette ?
Un quart d’heure après, quand *** revint avec les lasagnes, Michael avait une bonne nouvelle à lui annoncer :
— J’ai retrouvé l’étui à poppers. Il était coincé entre le matelas et la tête de lit.
— Génial, fit *** en se glissant dans le lit avec l’assiette et deux fourchettes.
Michael examina l’étui en cuir noir :
— Waouh ! Avec tes initiales et tout. Et du vrai poppers dedans. Mince, tout est vraiment grandiose, ici, à Harmonia Gardens.
*** planta une fourchette dans les lasagnes et la tendit ensuite à Michael.
— C’est un cadeau de Ned. Pour Noël, il y a deux ans. Il sait ce que j’aime.
Michael avala une grosse bouchée de pâtes.
— Il a suffi de ça, tu sais : ces putains d’initiales inscrites sur ce petit étui. Du coup je me suis dit : « Ça y est ! Me voilà dans le rôle de la belle ***. »
— Elle est un peu plus coriace que toi, remarqua l’acteur. Mais je te préfère comme t’es foutu.
Michael sourit, la bouche pleine :
— Quelque chose me fait penser que c’est pas la première fois que tu la sers, celle-là.
— Eh bien, disons que tu n’es pas vraiment le premier mec qui a l’impression d’être ***, répondit *** en regardant sa fourchette.
— OK.
— Ça passera. Parfois, ça prend du temps.
— Je crois que c’est déjà passé.
— Hein ?
— Ça t’embête si on laisse tomber les lasagnes et qu’on ressaie ?
— Ça tourne ! répliqua ***.
Quelque part dans l’Arizona, Michael fait du stop sur une autoroute déserte. Le routier qui s’arrête pour le prendre est plus vieux que lui, grisonnant, un peu marqué, mais il a un corps massif et bien dur. Sans un mot, il pose une main aux veines épaisses sur la cuisse de Michael et l’emmène dans un hôtel sordide au bord du désert. C’est là que cela arrive enfin, là que Michael sent sur ce cou bronzé l’odeur et le goût du diesel et qu’il s’abandonne totalement aux désirs d’un inconnu.
— Euh… Michael ?
— Mmm ?
— Ça va ?
— Est-ce que toutes les copines ont une robe rouge dans leurs rêves ?
— Quoi ?
— Pardon. Je faisais juste de l’humour de folle post-coïtal.
— Ah.
— Mais ça va. Et toi ?
— Ça va aussi. Tout est possible, hein ?
— Mmm, mmm, répondit rêveusement Michael en se demandant si, quelque part en Arizona, une auto-stoppeuse solitaire dormait dans les bras d’un routier, mais en rêvant de la même idole que lui.
Ça n’aurait été que justice !