Effraction


Une nuit avant le 24 décembre, Michael appela Mona à Pacific Heights.

— Salut, Babycakes !

— Mouse !

— Je ne te permets pas de m’appeler Mouse ! Je suis très en colère ! Je croyais que tu allais devenir une gouine, pas une nonne ! Où étais-tu passée ?

— Oh, Mouse, je suis désolée… Ça m’a pris tellement de temps pour m’habituer…

— Vas-y, dis-moi. C’est dur d’être une chipie. J’ai essayé une fois, pendant trois jours, à Laguna Beach… et j’ai failli périr noyé sous les cafetans.

Mona réussit à rire.

— Tu me manques, Mouse. Tu me manques beaucoup.

— Alors prouve-le, et viens à la petite fête de Mme Madrigal.

— Quand ?

— Demain soir.

— Je ne peux pas. Oh, mon Dieu… Je n’ose même pas y penser !

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— J’ai invité les parents de D’or à dîner.

— Ouh là ! Les beaux-parents, rien que ça ? Tu dois t’amuser comme une folle, avec D’orothea !

— Elle n’est même pas au courant.

— Elle n’est… ? Qu’est-ce que tu mijotes, Babycakes ?

— Oh, c’est une longue histoire… Inutile de te dire que je suis crispée.

— Mme Madrigal va être déçue.

— Je sais. Je regrette.

— Tu devrais peut-être juste lui passer un coup de fil. J’ai l’impression qu’elle croit que… tu lui en veux.

— Mais pourquoi ?

— Mona, tu ne lui as pas parlé depuis des semaines !

— Merci de remuer le couteau dans la plaie…

— Je ne remue pas le couteau dans la plaie. Elle m’a demandé de t’appeler. Tu lui manques énormément.

Silence.

— Je lui expliquerai, pour ton dîner. Elle comprendra. Mais appelle-la, OK ?

— OK.

Sa voix semblait curieusement faible.

— Babycakes, tu es sûre que ça va ?

— Mouse… Je crois que D’or se drogue.

Michael ne put s’empêcher de rire.

— Mouse, je suis très sérieuse ! reprit Mona.

— Quoi ? Elle te fauche tes Quaaludes ?

— Figure-toi, petit malin, que j’ai découvert des pilules totalement non identifiables dans son armoire hier soir. Et elle a eu une réaction très bizarre quand je lui ai demandé ce que c’était.

— Elle agit bizarrement, le reste du temps ?

— Non. Pas particulièrement.

— Bon. Alors détends-toi.

— Je ne peux pas. J’économise mon dernier Quaalude pour demain.

 

Mary Ann, pendant ce temps, s’interrogeait sur la démarche à suivre avec Norman.

Il était devenu impossible à joindre ces derniers jours, évitant Barbary Lane et ne rentrant souvent à son domicile sur le toit qu’à trois ou quatre heures du matin, quand Mary Ann pouvait entendre ses pas lourds sur les marches.

Il buvait beaucoup, supposait-elle, et l’idée qu’elle puisse en être la cause la mettait mal à l’aise.

Mme Madrigal lui avait laissé deux mots à propos de la fête. Il n’avait répondu à aucun des deux. Il semblait être devenu un homme obsédé par une idée fixe. Un homme maussade et légèrement maniaque, lancé sauvagement à la conquête d’un Saint Graal que lui seul pouvait voir.

Il fallait faire quelque chose.

 

Le vestibule de la maison baignait dans l’obscurité quand Mary Ann ouvrit la porte qui, sous la cage d’escalier, menait à la cave. Cherchant l’interrupteur à tâtons, elle tendait attentivement l’oreille, à l’affût du moindre bruit au-dessus d’elle. Elle en mourrait, pensait-elle, si quelqu’un la surprenait.

Les crochets des clés se trouvaient juste derrière la boîte à fusibles, enveloppés de toiles d’araignées. Elle chercha pendant une demi-minute avant de trouver la clé marquée « Maison du toit ». Ensuite, elle referma la porte aussi doucement que possible et gravit les trois étages sur la pointe des pieds, jusqu’à la porte peinte en orange.

Malgré qu’elle fût certaine de l’absence de Norman, elle frappa deux fois. Les deux coups résonnèrent dans la cage d’escalier. Elle s’immobilisa. Quelqu’un aurait-il pu l’entendre ?

La maison était complètement silencieuse.

Elle enfonça la clé dans la serrure. Avec difficulté. Elle la fit jouer jusqu’à ce que la porte s’ouvre. Puis les ténèbres de la maisonnette l’engloutirent.

Il lui fallut moins d’une minute pour trouver la valise Nutri-Vim.