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Si un jour je m'ennuie, je sais ce que je ferai : je sauterai dans ma voiture, je filerai à Los Angeles à la bibliothèque de l'Université et j'irai fouiller dans les dossiers conservés dans des classeurs métalliques à la Section des Collections spéciales. Dans ces dossiers, se trouvent des milliers de lettres que, sur leur demande pressante, j'envoie aux bibliothécaires depuis que je suis à Big Sur. Elles sont là pour la postérité je suppose. Malheureusement, j'en ai brûlé quelques-unes parmi les meilleures, les plus délirantes, les plus folles (à l'instigation de ma femme), peu de temps avant que la bibliothèque me les réclame. Avant cela, à New York et encore à Paris (au moment de partir pour la Grèce), je me suis débarrassé d'une bonne tonne de correspondance que j'estimais alors sans intérêt, même pour la « postérité ».

Avec les lettres, « bien entendu1 », arrivent manuscrits, poèmes somptueusement imprimés, livres de toutes les variétés imaginables, chèques, faire-part de mariage et de décès (pourquoi pas des avis de divorce aussi ?), photos de nouveau-nés (la progéniture de mes admirateurs), thèses (par douzaines), programmes de conférences, extraits de livres, coupures de presse, critiques en une douzaine de langues, demandes de photos ou d'autographes, projets pour un monde meilleur, demandes de fonds, pétitions pour réclamer la grâce de tel ou tel, brochures et monographies sur les sujets les plus divers allant de la diététique à La Vérité sur le Zoroastrisme.

Car il va de soi, dans l'esprit de mes correspondants, que je porte un intérêt vital à tous ces sujets, projets et propositions. Ce qui m'intéresse le plus, naturellement, ce sont les chèques. Si je repère une enveloppe qui m'a l'air d'en contenir un, je m'empresse de l'ouvrir en premier. Ensuite, j'ouvre celles qui portent des timbres de contrées exotiques. Celles que je mets de côté pour lire les jours de pluie sont les enveloppes épaisses dont je sais déjà qu'elles contiennent des histoires avortées, des essais ou des poèmes, dont on me dit généralement que je peux les jeter au panier si je veux, l'expéditeur n'ayant pas eu le courage de faire ça lui-même ! Par contre, une grosse enveloppe provenant de quelqu'un que j'adore, je la garde pour l'emporter aux bains sulfureux, où je pourrai la lire dans la paix et la tranquillité. Mais que celles-ci sont rares en comparaison des torrents d'insignifiance qui se déversent sur moi jour après jour !

Parfois, c'est une lettre très brève, d'une écriture exquise ou exécrable, qui « m'assoit ». Le plus souvent, c'est d'un étranger qui est aussi écrivain. Un écrivain dont je n'avais jamais entendu parler. Les lettres brèves qui m'exaspèrent sont celles qui viennent d'esprits extra-lucides à qui j'ai proposé un problème épineux, complexe — généralement un point de droit ou de morale — et qui ont l'art de trancher les difficultés en trois ou quatre phrases sèches comme des coups de trique qui me laissent Gros-Jean comme devant. C'est au type juridique que je fais allusion ici. Plus l'avocat est compétent, plus le juge est considéré, plus la réponse est brève et déroutante.

Disons tout d'abord, que ceux qui m'écrivent les lettres les plus insipides sont les Anglais. Jusqu'à leur écriture qui révèle une indigence d'esprit flagrante. D'un point de vue calligraphique, ils ont l'air d'être accroupis derrière leur ombre, tapis comme des lapins. Ils sont congénitalement incapables d'en venir au fait, quelle que soit la raison qui les ait poussés à m'écrire. (Le plus souvent, je m'aperçois qu'ils n'ont voulu me parler que d'eux-mêmes, de leur pauvreté spirituelle, de la monotonie de leur existence, de leur horizon bouché.) Il y a des exceptions, bien sûr. De splendides, de remarquables exceptions. Comme virtuose épistolaire, il n'y en a pas qui arrive à la cheville de Lawrence Durrell, le poète, ou de John Cowper Powys, ce fils prodigue du pays de Galles. Les lettres de Durrell éveillent en moi le même ravissement que les miniatures persanes ou les gravures japonaises. Ce n'est pas tant l'aspect physique de ses lettres, encore qu'il n'y soit pas étranger, que la langue elle-même. Voici un maître maniant la prose avec un rare bonheur, au style pur et limpide, dont les phrases chantent, scintillent, pétillent, que ce soit dans une lettre ou un gros traité. D'où qu'il écrive, ses lettres sont chargées de tous les parfums et de tous les signes éternels du paysage, à quoi s'ajoute l'épice du mythe et de la fable, de la légende et du folklore, des coutumes, des rites, de l'architecture. Il m'a écrit, ce Lawrence Durrell, d'endroits tels que Cos, Patmos, Cnossos, Syracuse, Rhodes, Sparte, Delphes, Le Caire, Damas, Jérusalem, Chypre. Rien que les noms de ces villes me font venir l'eau à la bouche. Et il les a tous mis dans ses livres et ses poèmes...

Quant au « Frère Jean », comme Powys s'intitule parfois, la vue même de ses lettres me ravit. Il écrit probablement sur ses genoux, sur un bloc de papier monté sur roulement à billes. Ses lignes forment un labyrinthe qu'on peut lire la tête en bas, en se balançant au lustre ou en grimpant à un mur. Il est toujours exalté. Toujours. La moindre bagatelle prend des proportions monumentales. Et ceci en dépit du fait qu'il a perdu l'usage d'un œil, qu'il n'a plus de dents pour mâcher et que jusque dans ces derniers temps — il a maintenant plus de quatre-vingts ans — il a constamment souffert d'ulcères à l'estomac et au duodénum. Le plus âgé de mes correspondants (à part Al Jennings), il est aussi le plus jeune et le plus gai, le plus libéral, le plus tolérant, le plus enthousiaste de tous. Comme William Blake, je suis persuadé qu'il mourra en chantant et en battant des mains.

On peut les compter, ceux qui sont capables d'écrire librement et sans effort sur tout et sur rien — comme Chesterton et Belloc. Le nom de l'expéditeur me renseigne généralement sur la nature du contenu de la lettre. L'un me parle perpétuellement de ses maux, un autre de ses difficultés financières, un autre de ses problèmes domestiques, un autre de ses démêlés avec ses éditeurs ou ses marchands de tableaux. Il y a le type qui est obsédé de pornographie et d'obscénité et qui ne peut jamais sortir de son sujet ; il y a celui qui n'a que Rimbaud, ou William Blake à la bouche : il y a le maniaque des Esséniens, il y a le type qui a découvert les complexités stratosphériques de la métaphysique indienne, il y a celui qui ne jure que par Rudolf Steiner ou par les « maîtres » de l'Himalaya et tous ceux qui ne savent parler que du Zen, ou de Jésus, de Bouddha, de Socrate ou de Pythagore. Vous pourriez croire que ces derniers, au moins, sont des esprits stimulants. Au contraire, ce sont les plus ternes, les plus vides, les plus secs de tous. De véritables « vertébrés à l'état gazeux ». Ils sont à peine moins creux que ces gais lurons, toujours prêts à vous raconter la dernière plaisanterie entendue au bureau ou dans une pissotière publique.

Les lettres qui m'exaltent vraiment, pendant quelques jours, sont les « isotopes » qui m'arrivent par pigeons voyageurs, de maniaques, d'excentriques, de timbrés ou de lunatiques. Ce serait un splendide aperçu de la vie d'un auteur si l'on pouvait réunir et publier de telles lettres. Dès qu'un auteur célèbre meurt, c'est une ruée pour exhumer la correspondance qu'il a échangée avec d'autres célébrités. Parfois, c'est intéressant à lire, mais pas toujours. En tant que fidèle lecteur des périodiques littéraires français, il m'arrive souvent de tomber sur des extraits de la correspondance entre Valéry et Gide par exemple, et je me demande tout le temps pourquoi j'ai tellement envie de dormir.

Certains de ceux que je classe en gros parmi les « timbrés » ne sont pas du tout dérangés, mais des excentriques, des esbrouffeurs, des pervers et comme ce sont tous d'authentiques solipsistes, ils sont tous en désaccord avec le monde. C'est quand ils pleurnichent sur la cruauté du destin que je les trouve le plus drôle. Cela peut paraître malveillant, mais c'est un fait qu'il n'y a rien de plus désopilant que de lire le récit des malheurs d'une personne à qui, « d'une manière ou d'une autre », il n'arrive toujours que des malheurs. Là où ce type d'individu voit des montagnes, nous ne voyons que des taupinières. Un homme qui vous fait une tragédie d'un ongle cassé, capable de vous raconter la chose tout au long pendant cinq ou six pages, est un comédien tombé du ciel. De même, celui qui vous démonte votre œuvre à coups de marteau et de tenailles, déclare que l'appareil ne marche pas et vous rend le tout en pièces détachées dans un vieux bidet qu'il utilise d'habitude pour servir les spaghetti.

Il y avait aussi le petit mariol qui m'écrivait tout droit de l'asile, un gars à qui, dans un moment de faiblesse, j'avais envoyé une photo, et qui ensuite pendant des semaines me bombarda de lettres de dix, vingt, trente pages, écrites au crayon, au fusain ou au pied de céleri — toujours à propos du prétendu mauvais fonctionnement de mes reins. Il avait remarqué mes poches sous les yeux (un héritage de Franz Josef du côté paternel) et il en avait conclu que je n'en avais plus pour longtemps. À moins que je ne suivisse ses conseils pour guérir ma vessie, ce qui nécessitait un traitement en plusieurs temps. Cela commençait par des exercices physiques d'un caractère hautement inorthodoxe, à pratiquer sans fléchir six fois par jour, dont une au milieu de la nuit. Le moindre de ces exercices aurait transformé le gymnaste le plus accompli en un véritable nœud marin. Cette physiothérapie devait s'accompagner d'un régime alimentaire qui n'avait pu être conçu que par un fou. Par exemple...

« Ne manger que la tige des épinards, mais les broyer d'abord avec un pilon, puis les mélanger avec du mourron, du persil, du pissenlit monté en graine, de la noix muscade et la queue de n'importe quel rongeur non domestiqué.

« S'abstenir de toute viande à l'exception de la chair du cochon d'Inde, du sanglier, du kangourou (que l'on trouve maintenant en boîtes de conserves), de l'onagre d'Asie — mais pas la variété européenne ! — du rat musqué et du serpent à sonnettes. Tous les petits oiseaux sont bons pour la vessie, à l'exception toutefois du pinson, du martin-pêcheur et de l'oiseau-mineur. »

Il déconseillait fortement de me tenir sur la tête, posture qu'il considérait comme une coutume atavique d'origine surnaturelle. Il recommandait au contraire de marcher à quatre pattes, et tout particulièrement en terrain accidenté. Et il conseillait, c'était même indispensable, de grignoter, entre les repas surtout, des petites graines de tournesol, de pastèque, voire même de sucer des cailloux. Je ne devais pas prendre trop d'eau, ni de thé, café, chocolat et tisanes, par contre je pouvais boire autant de whisky, vodka ou gin que possible — mais jamais plus d'une cuillerée à café à la fois. Toutes les liqueurs étaient à proscrire, et le sherry, de quelque origine qu'il fût, devait être tenu pour un breuvage de sorcière. Il expliquait en note qu'il était formel sur ce point car, après des années de recherches (dans un laboratoire, j'imagine...) il avait découvert que le sherry, d'où qu'il vînt, contenait des traces d'arnica, d'hépatique trilobée et de jusquiame, trois poisons pour l'organisme humain, encore que rarement nuisibles lorsqu'ils sont administrés à des condamnés à mort ou aux micro-organismes utilisés selon les formules appropriées à la préparation des antibiotiques. Même si j'étais à l'article de la mort, je devrais refuser d'avoir recours à tous les sulfamides, pénicillines et autres drogues-miracles tirées de la boue, de l'urine ou du champignon.

À part la fuite incroyablement rapide du temps, il y a un autre aspect de la vie ici, à Big Sur, qui me stupéfie, toujours : la quantité de cochonneries qui peuvent s'accumuler en un jour. Mes correspondants en sont pour une bonne part responsables. Car en plus des photographies, thèses, manuscrits, etc., qui accompagnent les lettres, il y a encore des vêtements, de la papeterie, des talismans et des amulettes, des disques, des pièces rares, des calques d'inscriptions « frottages2 », des médaillons, des plateaux décorés, des lanternes japonaises et toute la pacotille japonaise, du matériel artistique, des catalogues, des almanachs, des statuettes, des graines de fleurs exotiques, d'exquises boîtes de cigarettes, en fer-blanc, et des cravates en veux-tu en voilà, et des phonographes à manivelle, des pantoufles en tapisserie de Yougoslavie, des babouches en cuir de l'Inde, des couteaux de poche à accessoires multiples, des briquets (pas un qui marche !), des magazines, des suppléments financiers, des tableaux (dont certains immenses, d'où perte de temps et d'argent pour les renvoyer), des pâtisseries turques ou grecques, des bonbons d'importation, des rosaires, des stylos, des vins et liqueurs, de temps en temps une bouteille de Pernod, des pipes que je ne fume pas (mais jamais des cigares !), des livres bien entendu, parfois sous forme d'Œuvres complètes, et de la nourriture : salami, concombres, poisson fumé, fromages, jarres d'olives, conserves, confitures, pickles doux ou acides, pain de mais (celui que consomment les Juifs), et de temps à autre un morceau de gingembre. Tout ce dont je peux avoir besoin, ou presque, mes correspondants me le fournissent. Souvent, quand je suis à court d'argent, ils m'envoient des timbres-poste — fauchés dans le tiroir-caisse, sûrement. Les enfants aussi reçoivent leur part de cadeaux. Cela va des jouets à toutes sortes de délicieux bonbons et aux vêtements les plus ravissants. Chaque fois que je me fais un nouvel ami dans quelque partie lointaine du globe, je lui recommande invariablement d'envoyer aux enfants quelque chose d'« exotique ». À ce titre, un étudiant libanais m'expédia un jour le Coran en arabe ; un volume de format réduit, imprimé très fin, en m'adjurant de l'enseigner aux gosses quand ils auraient l'âge.

On comprend maintenant pourquoi nous ne manquons jamais de matériaux pour faire du feu. Et pourquoi nous avons toujours sous la main assez de papier, de carton et de copeaux pour emballer livres et colis. Au début, quand il fallait que je descende et que je regrimpe la côte, le problème des cadeaux était un véritable cauchemar. Maintenant, grâce à la Jeep station-wagon, je peux en transporter un plein tombereau à la fois.

Certains individus qui m'écrivent régulièrement ne manquent jamais de me seriner ce refrain : « Surtout, surtout dites-moi bien de quoi vous avez besoin. Si je ne l'ai pas sous la main, ou si je ne peux pas me le procurer, je connais quelqu'un qui vous le trouvera. N'hésitez pas à me demander... n'importe quoi ! » (Ce sont toujours les Américains qui m'écrivent ça. Les Européens sont plus conservateurs, si je puis dire. Quant aux Russes — les Russes exilés — ils vous offriraient le paradis et tous ses saints par-dessus le marché.) Parmi ceux-ci, certains de mes correspondants sont exceptionnels et battent tous les records de la catégorie. L'un d'eux est radio navigant sur une ligne aérienne, un autre est biochimiste et dirige un laboratoire à Los Angeles, un autre est un étudiant, de parents grecs, un autre écrivain de cinéma à Beverly Hills. Lorsqu'il m'arrive un paquet de V., le radio, je peux m'attendre à trouver n'importe quoi, à part un éléphant. L'objet principal contenu dans le colis est toujours soigneusement enveloppé dans des masses de journaux (indiens, japonais, israéliens, égyptiens, suivant l'endroit où il se trouve à cette époque-là) et des magazines français, allemands, italiens. Dans les magazines français, je peux être sûr de trouver au moins un article sur un sujet qui m'intéresse à ce moment-là. Comme s'il avait deviné mes désirs ! Et pour boucher les trous autour de l'objet précieux qu'il m'envoie, toutes les délices de l'Orient, des dattes fraîches, des sardines du Portugal, des huîtres fumées du Japon, et autres petites chatteries auxquelles il a pensé à la dernière minute... F., le biochimiste, lorsqu'il m'expédie du papier-machine, des carbones ou des rubans, ne manque jamais d'y ajouter le stylo ou le crayon à pointe le plus récent, un flacon de vitamines extra-ultra, un bocal de concombres, un énorme salami et deux pains de maïs complet, le seul, le vrai pain, à mon avis, et qui est en train de devenir aussi rare — et presque aussi cher que l'esturgeon. Il m'enverrait du beurre doux, si celui-ci supportait le voyage. K. et M., les deux autres, se proposent toujours pour me taper des manuscrits à la machine ou pour me faire imprimer des trucs. Si je leur demande un ou deux tubes de gouache, ils m'en envoient une provision pour toute l'année, sans compter des blocs d'excellent papier à aquarelles. K. mobilise sa grand-mère pour me tricoter des chaussettes et des pull-overs à longueur d'année et à faire du loukoum pour les enfants.

D'autres, comme Dante Z., me rendent service en effectuant des recherches pour moi. Le Dante en question est capable d'ingurgiter les tomes les plus énormes et de m'en donner un résumé ou d'y dénicher un passage bien caché qu'il me paraît utile de ficher dans mes dossiers à ce moment-là, ou de me traduire un passage difficile dans des ouvrages obscurs, ou encore de découvrir si tel ou tel auteur a écrit tel ou tel livre et pourquoi. Ou bien, il me déniche dans de vieux traités médicaux certaines données que je n'utiliserai peut-être jamais, mais que j'aime avoir sous la main pour le cas où je me trouverais engagé dans une polémique avec quelque crétin cultivé.

Ou bien, il se trouve quelque grande âme comme le docteur Léon Bernstein qui, si je le lui demande, n'hésite pas à prendre l'avion pour aller soigner un pauvre diable dans la dèche. Et non seulement, il fait (gratis) le nécessaire, mais encore il s'arrange pour que le pauvre bougre n'ait aucun souci matériel pendant toute la durée de sa longue convalescence.

Faut-il s'étonner que John Cowper Powys ne cesse de porter aux nues les Juifs et les Noirs ? Sans ces derniers, je l'ai souvent remarqué, l'Amérique ne serait qu'un musée sans joie, immaculé, surabondant en monotones spécimens portant l'étiquette « Race blanche ». Sans les Juifs, la charité commencerait par soi-même et n'irait pas plus loin. Il n'existe certainement pas d'artiste, en Amérique tout au moins, qui n'ait eu l'occasion de contracter maintes dettes auprès de ses amis juifs. Et je ne parle pas seulement de dettes matérielles. Souvenez-vous, « chers confrères3 », qui fut le premier de tous vos amis à vous encourager, à lire vos écrits, à regarder vos tableaux, à les montrer autour de lui, à les acheter (par mensualités au besoin). À les acheter, dis-je, au lieu de se dérober derrière cette mauvaise excuse : « Ah, si seulement j'en avais les moyens ! » Qui vous a prêté de l'argent, même s'il en avait tout juste assez pour lui ? Qui, sinon un Juif, est capable de vous dire : « Ne vous en faites pas, je sais à qui je pourrai en emprunter pour vous ? » Qui pense à vous envoyer de la nourriture, des vêtements et autres objets de première nécessité ? Non, aucun artiste — en Amérique du moins — ne peut éviter d'entrer en contact un jour ou l'autre avec un Juif, de devenir son ami, de l'imiter, de s'imbiber de la patience, du courage, de la tolérance, de l'opiniâtreté et de la ténacité que ce peuple a dans le sang, car être un artiste signifie mener une vie de chien, et c'est comme ça que la plupart des Juifs débutent dans la vie. Ils ne sont pas les seuls, certes, mais les autres semblent l'oublier dès qu'ils s'élèvent. Le Juif oublie rarement. Comment le pourrait-il, lui qui vit au sein d'un drame qui se répète sans cesse ?

Et maintenant, je songe aux lettres qui m'arrivent régulièrement de Palestine, de Lilik Schatz, fils de Boris, qui est devenu mon beau-frère. Lilik a vécu plusieurs années à Krenkel Corners, un vallon encaissé à mi-chemin entre Partington Ridge et Anderson Creek. Alors qu'il habitait Berkeley, il vint me voir un jour à Big Sur, à seule fin de me convaincre de faire avec lui un livre sur un écran de soie, ce que nous fîmes après bien du travail et des difficultés, le tout à partir de rien4. Ce livre, Into the Night Life, sa conception, son exécution et sa vente (qui demeure toujours égale à zéro) ont été le commencement d'une grande amitié. Ce n'est que lorsqu'il fut rentré chez lui à Jérusalem, que je rencontrai la sœur de sa femme, Ève, et que je l'épousai. Si je n'avais pas rencontré Ève, je serais à l'heure qu'il est, un type lessivé.

Mais les lettres... Tout d'abord, oyez bien tous que Lilik, fils de Boris, lui-même fils de Bezalel comme celui qui construisit l'Arche, possède le don extraordinaire de parler n'importe quelle langue. Non qu'il soit linguiste, encore qu'il connaisse assez bien une demi-douzaine de langues, y compris son hébreu maternel. Mais il n'a pas besoin d'avoir appris une langue pour communiquer avec son semblable, fût-il Turc, Arabe, Cingalais, Péruvien des Andes, Pygmée ou mandarin chinois. La méthode de Lilik consiste à se mettre tout de suite à parler... avec sa langue, ses mains, ses pieds, ses oreilles... s'expliquant tout au long, et mimétiquement, par grognements, piaillements, pas de danse, signes indiens, morse, et ainsi de suite. Le tout soutenu et porté par un courant débordant de sympathie, d'empathie, d'identification, appelez ça comme vous voudrez pour caractériser cette bonne volonté fondamentale, cette bonne nature, cette fraternité, cette maternité, cette bienveillance divine, cette compréhension qui sont le lot spécifique qu'il a reçu en héritage. Oui, Lilik peut parler à un mur de pierre et en recevoir une réponse. Certaines de ces pierres tombales vivantes avec lesquelles je l'ai vu discuter, alors qu'il avait désespérément besoin de vendre un tableau ou un objet d'art de la collection de son père, étaient certes plus sourdes, plus impénétrables que n'importe quel mur. Il y a des êtres humains, nous en avons tous rencontrés, qui se congèlent dès que l'on parle de vendre une peinture. Il y en a qui se pétrifient dès que les effleure le risque de se voir séparés ne serait-ce que d'une malheureuse croûte de pain.

Si Lilik en a vu de dures à Big Sur, il en voit également de dures chez lui, à Jérusalem. Mais ses lettres n'en laissent rien paraître. (C'est Louise, sa femme, qui nous raconte le côté moche de la situation.) Non, Lilik débute invariablement en se décrivant assis à la terrasse d'un café bruyant, un pauvre bougre lui proposant de lui cirer ses chaussures ou de lui vendre un tapis dont il n'a pas besoin. (Il y a des variantes... quelquefois c'est un ongle d'orteil desséché, provenant d'un saint, qu'on lui offre.) Même s'il pleut, le soleil brille toujours (dans son cœur) et lui, le professeur, « cher maître, cher ami5 » est particulièrement frais et dispos soit parce qu'il s'apprête à attaquer une nouvelle série de peintures à l'huile, soit parce qu'il vient juste de terminer un bon boulot. Ses lettres commencent par le lieu, l'instant, la pensée du moment, son état d'esprit et de santé — souffle court, constipation ou plaisir de boire sa bière tiède. En quelques lignes, il réussit à évoquer l'atmosphère de la foule, de la place du marché, le cimetière à quelque distance, les garçons qui courent à droite et à gauche, les colporteurs et les mendigots cajoleurs et geignards, les poulets plumés (par de vieilles taupes édentées), les saltimbanques en train de présenter leurs numéros acrobatiques, les odeurs de nourriture, de poussière, de sueur, de boisson, de clou de girofle qu'il vient de croquer par mégarde, l'ail délicieux de la veille (autrefois nous lui envoyions une gousse d'ail dans chaque lettre par avion), les couleurs juteuses qu'il écrasera sur sa palette dès qu'il sera rentré chez lui. Und so weiter.

Tous les deux mots il y a une faute d'orthographe, que ce soit en anglais, en français, en allemand ou en russe. Il faudrait être un véritable acrobate mental pour déformer exprès, pour transmogripher les mots comme le fait Lilik sans y penser. Seul un mot domestique comme « péter » émerge, intact, si je puis dire. Et on pète énormément dans ses épîtres jubilantes... que ce soit lui ou ses voisins. Apparemment, les Israéliens ne rougissent ni ne se hâtent de s'excuser lorsqu'ils « lâchent un vent » comme on dit en termes polis.

« En ce moment, écrit-il, nous avons à nouveau des ennuis avec les Arabes, ou les Arabes avec nous. » En rentrant chez lui, il peut être obligé de se réfugier, plusieurs fois, dans des portes cochères pour se garer d'une balle perdue. Chaque fois qu'il sort, sa femme se demande si elle le reverra mort ou vif. Mais Lilik, d'après tous les témoignages, ne prête pas grande attention à ce qui se passe. Cela fait partie du train-train quotidien. Ce qui l'intéresse, ce qui le fait glousser d'aise, ce sont les nouvelles du monde extérieur. Peut-être le fait de les lire en hébreu les rend-il encore plus compliquées qu'à nous. De ce café ensoleillé (même s'il pleut) où il se prélasse tranquillement en sirotant sa bière tiède, en grignotant un bout de fromage rance, le monde extérieur lui apparaît exactement comme il est : absolument farfelu. Certes, dit-il, nous avons peut-être nos ennuis avec les Arabes — il ne dit jamais : « avec ces salauds d'Arabes » — mais, et Formose ? Et la Chine, l'Indonésie, la Russie, le Japon, l'Afrique du Nord, l'Afrique du Sud, l'Allemagne orientale et occidentale ? Voulant dire par là, en long et en large, autour et alentour, l'atroce gril sur lequel les nations « civilisées » du monde font assaut d'astuce, attisent les foyers, se tarabustent les unes les autres, se bousculent, s'arrachent, se montent dessus, se mentent, s'insultent, se menacent ou se narguent, rafistolant des alliances par-ci, rompant des accords par-là, désarmant certaines nations pour en armer d'autres jusqu'aux dents, parlant de paix et de progrès et préparant « l'holocauste en masse6 », promettant à tel groupe de chiens hurlants les plus récents modèles de destruction totale, tout en limitant prudemment les autres à des flottes périmées, à des tanks, des bombardiers, des fusils, des mitrailleuses, des grenades à main et des lance-flammes qui furent jadis efficaces pour « sauver la civilisation » mais qui, aujourd'hui, ont un pouvoir de destruction à peine plus grand que des pétards de 14 juillet, pétards qui d'ailleurs seront peut-être interdits, même pendant les fêtes du 14 juillet, comme dangereux pour les enfants, tandis que les bombes atomiques, proprement entassées en piles bien nettes, ne feraient pas de mal à une mouche. Comme il le dit finement, citant le professeur Slivovitz, « les analectes de la logistique, nourries par les machines I. B. M. ne valent, au total, guère mieux que des matzoth balls ». Ce que veut dire Lilik, par la bouche de son professeur imaginaire, c'est que la voix de la folie couvre l'appel vespéral à la prière. Ce dont nous avons besoin, comme dirait le professeur, ce n'est ni d'amplificateurs plus puissants ou plus nombreux, mais de réducteurs, de filtres, d'écrans qui nous permettent de distinguer les divagations larmoyantes d'un homme d'État des roucoulements de la tourterelle... Mais laissons-le, ce cher Lilik, dans la paix et la sérénité des quatre heures de l'après-midi, heure à laquelle les toreros trouvent la mort et les diplomates nous poignardent dans le dos au cours de leurs cocktails à la bombe atomique.

(Alors, comme ça il vous est poussé un pénis, madame Feitelbaum ? Et quoi de neuf à part ça ?)

Autres voix, autres chambres ; autres soucis, autres microbes. Je ne sais pourquoi, mais parler d'Israël, du manque d'ail et des bombardiers à réaction me fait penser à une pitoyable fille juive, que je découvris par une fin d'après-midi d'hiver, debout sur la route, en face de notre maison, ses misérables chaussures trop minces pleines d'eau, les mains gourdes de froid, trop timide pour frapper à la porte mais déterminée à me voir, même si elle devait, pour cela, rester debout toute la nuit sous la pluie.

Quelle mission urgente avait-elle donc ? Elle voulait savoir si je connaissais la philosophie de « paix et désarmement » de Nietzsche, qu'il expose dans le second volume de Considérations inactuelles. La pauvre fille, ce dont elle avait besoin c'était d'un bon repas et non de « paix et désarmement ». Je la fis entrer, asseoir près du feu, sécher sa robe et ses bas et ma femme lui fit manger quelque chose. Puis, après l'avoir écoutée et en avoir eu ma claque pour la soirée, je la conduisis en voiture chez Emil White que je suppliai de la loger pour la nuit et de lui trouver une occasion de voiture le lendemain matin. (Elle allait à Los Angeles. Pas d'argent, pas de voiture. On dirait que tous les cinglés et les mabouls vont à Los Angeles et voyagent sans bagages, comme les oiseaux du ciel.)

Trouvant l'atmosphère sympathique à Anderson Creek — c'est toujours la même histoire ! — elle s'attarda une semaine avant de se remettre en route. Elle proposa à Emil de coucher avec lui avant de partir, en témoignage de reconnaissance, mais la proposition ne le tenta pas. Trop de « paix et désarmement ».

Trois ou quatre semaines plus tard, je reçus une lettre d'elle — elle se trouvait alors en Arizona ou au Nouveau-Mexique — dans laquelle elle me donnait un compte rendu détaillé des embêtements qu'une certaine tribu d'Indiens avait avec le gouvernement fédéral et me transmettait un message tout ce qu'il y a de plus sérieux du chef de la tribu me priant d'accourir immédiatement pour qu'il me donne des renseignements de première main sur la complexité de la situation. Elle ajoutait que les chefs de la tribu tenteraient de me persuader d'intercéder pour eux auprès de Washington D. C... Bien entendu, je louai sur-le-champ un avion privé et, volant en rase-mottes au-dessus de Duck Creek, je réquisitionnai pour mon service une secrétaire, un interprète et une sténotypiste qualifiée.

Ne parvenant pas à m'endormir, ce soir-là, je songeai à un épisode amusant qui eut lieu dans ce pays des chimères de Washington D. C., peu de temps après mon retour d'Europe. Quelqu'un, appartenant aux hautes sphères et dont j'avais fait par hasard la connaissance dans une autre partie du monde, m'avait invité à déjeuner dans un club select, au cœur de notre capitale immaculée. Je comptais déjeuner en compagnie de quelques amis intimes, les habituels amateurs de littérature « tropicale ». Tandis que les hôtes, l'un après l'autre, émergeaient du tambour de la porte pivotante, je remarquai qu'ils avaient sous le bras des paquets qui se ressemblaient étrangement. J'eus aussi l'impression que ces hommes étaient tous, sans exception, des gens d'importance. Et ils l'étaient en vérité, comme je ne devais pas tarder à l'apprendre. Tous étaient de hauts fonctionnaires de ce ministère dont la tâche est de dépister et de châtier les gens coupables de littérature pornographique. Comme à cette époque je faisais figure de coupable n°1, aux yeux du gouvernement, ces représentants de la vérité et de la lumière me rendaient un insigne hommage en m'apportant à dédicacer ces ouvrages scandaleux. Je dois dire qu'ils me firent tous l'effet de bons gars bien ouverts et qu'aucun ne me parut ravagé ni dérangé ni détérioré par la lecture de mes livres « orduriers ». Après s'être excusés de se livrer à un tel travail — excuses données sincèrement et acceptées de même — ils insistèrent, chacun à leur tour, pour que je trouve quelque chose d'original à écrire au-dessus de ma signature.

Je croyais en avoir fini lorsqu'un personnage, d'aspect plus imposant que les autres, ouvrit son paquet et déversa sur la table quelques exemplaires de cette même littérature « tropicale ». Puis il me chuchota : « Celui-ci, si cela ne vous ennuie pas, pour le ministre Untel. » Je m'exécutai docilement et il murmura d'une voix encore plus basse : « Celui-là est pour le président Untel. » Et, le voyant prendre un troisième volume, je me dis : « Je parie que ça va être pour Sa Sainteté le pape de Rome ! » Mais je me trompais, il était destiné à un personnage occulte du Cabinet. Le dernier qu'il me demanda de dédicacer, « si vous voulez bien avoir la bonté », était pour l'ambassadeur de Russie soviétique. Et j'appris, par la suite, que cet émissaire avait chargé sa femme, en visite à Washington, de lui ramener l'ouvrage le plus obscène de moi qu'elle pourrait dénicher. Elle avait eu mission de le ramener personnellement et de ne pas le confier à la valise diplomatique. Là alors, j'eus un haut-le-cœur. Je m'excusai et allai aux toilettes pour vomir. Mais je ne réussis qu'à rendre un peu de bile...

Pas un mot de tout cela n'est vrai, comme de juste. Une simple divagation d'un « gars de Brooklyn ».

Toujours à propos de cette littérature « tropicale », je dois dire encore un mot des exemplaires dégoûtants, tout tachés et cornés, que m'envoient de temps en temps des « fans » qui, à l'occasion, vont faire un tour dans les bordels et autres « abattoirs de l'amour », très probablement dans le but de se laver de leurs péchés. Depuis que je vis à Big Sur, j'ai dû recevoir une bonne douzaine de ces livres bannis, que mes nonchalants chapardeurs avaient fauchés dans les bibliothèques privées qu'on trouve, tout naturellement, dans ces retraites non orthodoxes. Et on se demande, quels furent leurs lecteurs : la sous-maîtresse, les filles ou les clients ? Mais quel qu'ait été le lecteur, les exemplaires qu'on me renvoyait prouvaient qu'on les avaient lus attentivement, assidûment et souvent avec un œil critique. Il y en avait qui corrigeaient mon orthographe, ou amélioraient ma ponctuation ; d'autres, qui avaient ajouté des phrases, dont l'invention aurait émerveillé un James Joyce ou un Rabelais. D'autres, vraisemblablement sous l'empire de la boisson, avaient criblé les marges d'épithètes comme je n'en ai jamais vues ailleurs, même pas dans nos urinoirs publics ni même dans les journaux français où, pourtant, l'invention et la paillardise s'en donnent à cœur joie.

De toutes les friandises qui m'arrivent par le courrier, celles qui m'exaltent le plus et me font le plus rêver sont les cartes postales illustrées, surgies des profondeurs anales de la Création. Imaginez que vous recevez une carte d'un type attaché à je ne sais quelle expédition archéologique, perdu dans les mornes solitudes d'Asie Mineure, qui vous raconte qu'il vient de tomber sur un exemplaire de Sexus, dans Dieu sait quel village ! Ou un message énigmatique, d'un artiste célèbre que vous avez adoré toute votre vie mais auquel vous n'avez jamais osé écrire, sinon en imagination, des lettres longues comme ça et qu'il vous écrive « Sommes en train de déjeuner ici (sur les rives du Nil, du Gange ou du Brahmapoutre) avec quelques-uns de vos dévoués admirateurs » ; et, au-dessous, les signatures des membres les plus brillants de la constellation des Pléiades. Ou, de quelque atoll du fin fond du Pacifique, un message gribouillé à l'aide d'un manche à balai, déclarant que le colonel ou le général de brigade « vient de me faucher mon unique exemplaire du Capricorne, je vous en prie, envoyez-m'en un autre ! » ajoutant, et pas seulement pour faire un effet... « avant que je sois liquidé ». Ou bien une lettre écrite dans une langue que vous ignorez, vous informant que l'expéditeur vient de tomber sur un merveilleux passage — un passage à propos du Capricorne — dans un manuscrit écrit par un homme, mort dans la plus totale solitude, sur un récif de corail. Ou un gentleman d'un certain âge, ancien critique littéraire, qui fut un des premiers à vous acclamer, vous écrit sur du papier à lettres armorié, de son château des Hébrides, pour savoir si vous êtes toujours vivant et ce que vous avez écrit depuis, ajoutant (tristement) : « Voyez-vous, j'ai été fait chevalier depuis ! » Depuis quoi ? De toute évidence, depuis qu'il a écrit cet article qui lui a valu d'être flanqué à la porte.

Tous ces messages, ces questions, ces vœux affectueux et ces marques d'amitié et de fidélité dans le souvenir, créent un état de bonheur qui peut durer pendant des jours, non parce qu'on se hausse du col, mais exactement comme lorsqu'on est très jeune et très amoureux d'un feu follet et qu'une gitane dépenaillée, vous lisant les lignes de la main, fait monter votre température en vous disant des choses que vous saviez déjà, alors que vous ne désirez entendre qu'une chose, ces trois mots magiques : « Elle vous aime ! »

Lorsque ce devin arménien, à Athènes, me prédisait les voyages variés et divers que j'entreprendrais, alors qu'il m'indiquait la direction générale de ces voyages, l'un sans aucun doute vers l'Orient, un autre sans erreur possible vers le Pacifique Sud et ainsi de suite, la question qui me tapait dans le crâne était : « Soyez plus précis ! Dites-moi si j'irai un jour à Lhassa, à La Mecque, à Tombouctou ! » Aujourd'hui, je me rends compte que si je n'y vais pas en personne, un de mes « émissaires » ira, et qu'un de ces jours je saurai tout ce que je meurs d'envie de connaître, non pas dans la vie à venir, mais dans cette vie, ici, sur la terre.

 

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1. En français dans le texte.

2. En français dans le texte.

3. En français dans le texte.

4. Voir son compte rendu de ce travail dans la brochure illustrée qui a trait à l'exécution de ce livre.

5. En français dans le texte.

6. En français dans le texte.