— Ouah ! Ouah ouah ! OUAH ! OUAH !
Aboiements dans la nuit. Jappe ! jappe ! Je pousse des cris, mais personne ne répond. Je hurle, mais pas le moindre écho.
« Que préfères-tu : l'Orient de Xerxès ou l'Orient du Christ ? »
Seul... et la cervelle qui me démange.
Enfin seul. Comme c'est merveilleux ! Seulement, ce n'est pas ce que j'attendais. Ah, si seulement je pouvais être seul avec Dieu !
— Ouah ! Ouah ouah !
Je ferme les yeux et j'invoque son image. La voici, flottant dans le noir, masque émergeant de la poussière d'embruns ; la bouche de Tilla Durieux, bandée comme un arc ; dents blanches, bien alignées ; yeux noircis au khôl, paupières luisantes d'une couche de bleu visqueux ; cheveux d'un noir d'ébène, dénoués, flottants. L'actrice des Carpathes et des toits de Vienne. Surgie telle Vénus du trottoir de Brooklyn.
— Ouah ! Ouah ouah ! OUAH ! OUAH !
Je m'égosille, mais cela ne donne rien de plus qu'un faible gargouillis.
Je m'appelle Isaac Poussière. Je suis dans le cinquième cercle du Paradis de Dante. Comme Strindberg dans son délire, je me répète : « Qu'est-ce que ça fout qu'on soit le seul, ou qu'on ait un rival ? Qu'est-ce que ça peut bien foutre ? »
Pourquoi ces noms bizarres me reviennent-ils brusquement en mémoire ? Tous les copains de la bonne vieille Alma Mater : Morton Schnadig, William Marvin, Israël Siegel, Bernard Pistner, Louis Schneider, Clarence Donohue, William Overend, John Kurtz, Pat McCaffrey, William Korb, Arthur Convissar, Sally Liebowitz, Frances Glanty... Jamais revu un seul. Rayés de la liste. Écorchés comme des vipères.
— Êtes-vous là, camarades ?
Pas de réponse.
— Est-ce toi, cher Auguste, qui dresses la tête dans les ténèbres ? Oui, c'est Strindberg, le front orné de deux belles cornes. Le cocu magnifique.
En des temps plus heureux — Quand ? Où ? Sur quelle planète ? — j'allais d'un mur à l'autre en abordant tel ou tel, tous de vieux amis : Léon Bakst, Whistler, Lovis Corinth, Breughel l'Ancien, Botticelli, Bosch, Giotto, Cimabue, Piero della Francesca, Grünewald, Holbein, Lucas Cranach, Van Gogh, Utrillo, Gauguin, Piranèse, Utamaro, Hokusaï, Hiroshige... et le Mur des Lamentations. Et Goya aussi, et Turner. Ils avaient tous quelque chose de précieux à communiquer. Mais surtout Tilla Durieux, avec ses lèvres éloquentes, sensuelles, sombres comme des pétales de rose.
Les murs sont nus maintenant. Même s'ils étaient truffés de chefs-d'œuvre, je ne reconnaîtrais rien. L'obscurité s'est refermée. Comme Balzac, je vis avec des tableaux imaginaires. Même les cadres sont imaginaires.
Isaac Poussière, né de la poussière et qui retourne à la poussière. De la poussière à la poussière. Ajoutez un codicille en faveur du bon vieux temps.
Anastasia, alias Hegoroboru, alias Bertha Filigree du lac Tahoe-Titicaca et de la Cour impériale des Tzars, se trouve momentanément en observation à l'hôpital psychiatrique. Elle y est entrée de son plein gré, pour voir si oui ou non elle avait tout son bon sens. Saül aboie dans son délire, et croit qu'il s'appelle Isaac Poussière. Nous sommes bloqués par la neige, dans une salle commune avec un lavabo et deux lits jumeaux. Des éclairs crépitent par intermittence. Le comte Bruga, cet amour de petit chien, est couché sur la commode au milieu des idoles javanaises et thibétaines. Il a le regard malin d'un dément qui lampe un bol de schnaps. Sa perruque, faite de ficelles rouges, est surmontée d'un chapeau miniature, à la bohème, en provenance des Galeries Dufayel. Il est appuyé contre une rangée de livres triés sur le volet que Stasia a déposés chez nous avant de partir pour l'asile. De gauche à droite, on peut lire...
L'Orgie impériale — Les Impostures du Vatican — Une Saison en Enfer — La Mort à Venise — Anathème — Un Héros de notre temps — Le Sens tragique de la vie — Le Dictionnaire du Diable — Branches d'automne — Au-delà du plaisir — Lysistrata — Marius l'Épicurien — L'Ane d'or — Jude l'Obscur – Le Mystérieux Étranger — Peter Whiffle — Les Fioretti — Virginibus Puerisque — La Reine Mab — Le Grand Dieu Pan – Les Voyages de Marco Polo — Les Chansons de Bilitis — La Vie secrète de Jésus — Tristram Shandy — La Cruche d'or – Le Sceau de la Vierge — La Racine et la fleur.
Une seule lacune : La Métaphysique du sexe, de Rozanov.
Sur un bout de papier brun, je trouve cette phrase, écrite de sa main, manifestement tirée d'un de ces bouquins : « Cet étrange penseur, N. Fedorov, Russe s'il en fut, bâtira sa forme personnelle d'anarchie, une anarchie hostile à l'État. »
Si je montrais ça à Kronski, il se précipiterait à l'asile et l'exhiberait comme une preuve. Une preuve de quoi ? Preuve que Stasia a tout son bon sens.
C'était bien hier ? Oui, hier, vers quatre heures du matin ; en allant rencontrer Mona au métro, qui est-ce que j'aperçois, flânochant sous la neige au bras de son ami Jim Driscoll, le lutteur ? Mona ! A les voir, on aurait dit qu'ils cherchaient des violettes dans une prairie toute dorée de soleil. Pas l'air de se soucier le moins du monde de la neige et de la glace, pas l'air de s'apercevoir qu'une bise aigrelette soufflait du fleuve, non, ils se baladaient tranquillement en bavardant, riant et fredonnant, insouciants comme des alouettes.
Écoutez, écoutez, l'alouette chante à la porte du ciel !
Je les suivis à distance, et je finis par me laisser contaminer, moi aussi, par leur allure nonchalante. Puis, brusquement, j'obliquai à gauche en direction de chez Osiecki. Sa « garçonnière ». Évidemment, il y avait de la lumière et le pianola jouait en sourdine des Morceaux choisis1, de Dohnanyi.
« Salut, aimables poux », dis-je en mon for intérieur, et je poursuivis ma route. Le brouillard se levait du côté de Gowanus Canal. Un glacier qui fondait, probablement.
En arrivant à la maison, je la trouvai en train de s'enduire le visage de crème.
— Où étais-tu donc passé, bon Dieu ? me demande-t-elle, d'un ton presque accusateur.
— Tu es rentrée depuis longtemps ? je riposte.
— Des heures.
— Bizarre. Je jurerais que je suis sorti d'ici il y a moins de vingt minutes. Je suis peut-être somnambule. C'est drôle, mais il m'a semblé t'apercevoir avec Jim Driscoll, bras dessus, bras dessous...
— Val, tu es malade !
— Non, juste un peu ivre. Je veux dire... halluciné.
Elle pose une main froide sur mon front, prend mon pouls. Tout est normal, apparemment. Elle ne comprend plus. Pourquoi est-ce que j'invente des histoires pareilles ? Pour la persécuter ? Est-ce qu'il n'y a pas assez d'embêtements comme ça, avec Stasia à l'asile et le loyer qu'on n'a pas encore payé ? Je devrais être un peu plus compréhensif.
Je m'approche du réveil et je tends le doigt vers les aiguilles. Six heures.
— Je sais, dit-elle.
— Donc, ce n'est pas toi que j'ai vue il y a quelques minutes ?
Elle me regarde comme si j'étais au bord de la démence.
— Bon, te frappe pas, ma chatte, je gazouille. J'ai bu du champagne toute la nuit. Maintenant, je suis sûr que ce n'est pas toi que j'ai vue... c'était ton corps astral. (Silence.) Pour Stasia, tout va bien. J'ai eu une longue conversation avec un des internes...
— Tu as...
— Oui, comme je n'avais rien de mieux à faire, je me suis dit que ce serait bien d'aller voir comment elle va. Je lui ai apporté des charlottes russes.
— Tu ferais mieux d'aller au lit, Val, tu n'en peux plus. (Silence.) Si tu veux savoir pourquoi je suis en retard, je vais te le dire. Je quitte Stasia à l'instant. Je l'ai fait sortir il y a à peu près trois heures. (Elle se met à glousser... est-ce un gloussement ou un ricanement ?) Je te raconterai tout demain. C'est une longue histoire.
A sa grande surprise, je réplique :
— Ne te fatigue pas, je suis au courant. On m'a déjà tout raconté il y a un moment.
Nous éteignons la lumière et nous nous fourrons au lit. Je l'entends rire sous cape.
En manière de bonsoir, histoire de l'échauffer un peu, je lui murmure à l'oreille :
— Bertha Filigrane du lac Titicaca.
Il arrive souvent qu'après une séance de Spengler ou d'Élie Faure, je me jette sur le lit tout habillé et qu'au lieu de méditer sur les cultures antiques, je sois en train de me débattre dans un univers labyrinthique d'inventions pures et de supercheries. Aucune d'elles ne semble capable de dire la vérité, même lorsqu'il s'agit d'une chose aussi simple que d'aller aux cabinets. Stasia, âme foncièrement véridique, en a pris l'habitude pour complaire à Mona. Même lorsqu'elle se prétend — pure fantaisie ! — une bâtarde des Romanoff, il y a un grain de vérité. Avec elle, ce ne sont jamais des mensonges inventés de toute pièce, comme avec Mona. Et surtout, si on lui met la vérité devant le nez, elle ne pique pas une crise de nerfs, elle ne s'en va pas d'un air pincé en claquant la porte. Non, elle fait simplement une large grimace qui se change petit à petit en un sourire angélique. Il y a des moments où j'ai l'impression que je pourrais m'entendre avec Stasia. Mais quand je sens que les choses sont bien à point, Mona s'amène, comme un animal qui défend son petit, et l'emporte sous son aile.
Un des trous les plus étranges dans nos conversations intimes — car nous nous livrons de temps en temps à une petite débauche de paroles prolongée et apparemment des plus sincères — un de ces étranges trous, donc, concerne leur enfance. A quoi elles jouaient, où, avec qui, voilà qui demeure un mystère total. De bébés, il semble qu'elles soient passées à l'état de femmes sans transition. Jamais elles ne font allusion à un ami d'enfance ou à une mésaventure qui leur serait arrivée ; jamais elles ne parlent d'une rue qu'elles auraient aimée ou d'un parc où elles auraient joué. Si je leur demandais à brûle-pourpoint si elles savaient faire du patin à roulettes, si elles avaient appris à nager, si elles n'avaient jamais joué aux billes... oui, elles savaient évidemment faire tout cela et bien d'autres choses. Pourquoi pas ? Mais jamais elles ne se retournaient vers le passé. Jamais, comme cela arrive dans les conversations animées, elles n'évoquaient brusquement quelque étrange et merveilleuse aventure de leur enfance. De temps en temps, l'une ou l'autre rappelle qu'elle s'est un jour cassé un bras ou foulé une cheville, mais où ? quand ? Je m'efforce inlassablement de les ramener en arrière, doucement, avec mille cajoleries, comme on ramène un cheval à l'écurie, mais en vain. Les détails les ennuient. Qu'est-ce que cela peut bien faire, disent-elles, où et quand c'est arrivé ? Très bien, alors, demi-tour ! J'aiguille la conversation sur la Russie ou la Roumanie, espérant faire jaillir quelque lueur de leurs souvenirs. Je procède avec astuce, en partant de la Tasmanie ou de la Patagonie pour me diriger petit à petit, par des voies détournées, vers la Russie, la Roumanie, Vienne et les bas-fonds de Brooklyn. Comme si elles ne soupçonnaient rien de mon manège, elles aussi se mettent brusquement à parler de ces lieux étranges, y compris la Russie et la Roumanie, mais comme si elles rapportaient les propos de gens qui eussent visité ces pays ou des faits lus dans des récits de voyage. Stasia, un peu plus futée, va même jusqu'à faire semblant de saisir la perche. Par exemple, elle peut se mettre en tête de relater quelque incident imaginaire soi-disant tiré de Dostoïevsky, comptant sur la faiblesse de ma mémoire, ou espérant tout au moins que je ne pourrais pas me rappeler les milliers d'anecdotes qui fourmillent dans les volumineux ouvrages de Dostoïevsky. Comment puis-je affirmer que ce n'est pas de l'authentique Dostoïevsky qu'elle me sert ? Parce que j'ai une excellente mémoire de l'aura des choses que j'ai lues. Il m'est impossible de ne pas reconnaître une fausse nuance dostoïevskienne. Mais, pour l'encourager à poursuivre, je feins de me rappeler l'incident auquel elle fait allusion ; j'approuve du chef, je ris, je bats des mains, tout ce qu'elle veut, mais je ne lui laisse jamais voir que je sais qu'elle invente. De temps en temps, toutefois, par pure badinerie, je lui rappelle un détail qu'elle a omis ou déformé ; je discute même longuement de ce point si elle prétend avoir fidèlement rapporté l'incident. Et durant tout ce temps, Mona nous écoute avec la plus grande attention, incapable de démêler le vrai du faux, mais heureuse comme une alouette parce que nous parlons de son idole, de son dieu : Dostoïevsky.
Rien de plus charmant, de plus merveilleux, que ce monde de mensonges et de falsifications, quand on n'a rien de mieux à faire, quand il n'y a rien de sérieux en jeu. On s'amuse comme des petits fous à ce jeu délicieux.
— Quel dommage que Dostoïevsky ne soit pas ici, avec nous ! s'écrie parfois Mona.
Comme s'il avait inventé tous ces détraqués, toutes ces scènes démentes qui grouillent dans ses romans. Je veux dire comme s'il les avait inventés pour son plaisir à elle, ou comme s'il était lui-même un piqué et un sacré menteur. Et jamais il ne leur est venu à l'esprit qu'elles étaient peut-être les personnages « détraqués » d'un livre que la vie écrit à l'encre sympathique.
Il n'est donc pas étonnant que presque tous ceux, mâles ou femelles, que Mona admirent soient des « détraqués », et que ceux qu'elles détestent soient des « piqués ». Mais quand elle veut me faire un compliment, c'est toujours le terme de « piqué » qu'elle me décerne.
— Ce que tu peux être piqué, Val chéri !
Par là, elle entend que je suis assez grand, assez compliqué, d'après elle tout au moins, pour appartenir au monde de Dostoïevsky. Dommage que je ne puisse pas m'offrir une crise d'épilepsie de temps en temps. Cela me donnerait encore plus de prestige, la marque de l'authenticité. Malheureusement, il se trouve, et c'est ce qui rompt le charme, que je dégénère beaucoup trop vite en « bourgeois ». En d'autres termes, je deviens trop curieux, trop mesquin, trop intolérant. Dostoïevsky, d'après Mona, n'a jamais manifesté le moindre intérêt pour les « faits ». (Voilà le genre de vérités que vous recevez parfois en pleine figure.) Non, à l'en croire, Dostoïevsky était toujours dans les nuages — ou alors au plus profond des gouffres. Il ne s'est jamais soucié de nager à la surface. Il n'avait pas la moindre idée de ce qu'étaient des gants, des moufles ou des manteaux. Et il n'allait pas fureter dans les sacs des femmes pour chercher des noms et des adresses. Il ne vivait qu'en imagination.
Stasia, elle aussi, avait son idée sur Dostoïevsky, sa façon de vivre, sa méthode de travail. Malgré ses lubies, elle était somme toute un peu plus près de la réalité. Elle savait que les marionnettes sont faites de bois et de carton-pâte, et pas seulement d'« imagination ». Et elle n'était pas si sûre que Dostoïevsky n'eût eu, lui aussi, son côté « bourgeois ». Ce qu'elle appréciait tout particulièrement chez Dostoïevsky, c'était son diabolisme. Elle croyait au Démon dur comme fer. Pour elle, le mal existait d'une manière tangible ; c'était une réalité, une évidence. Tandis que Mona, le problème du mal chez Dostoïevsky la laissait froide. Pour elle, ce n'était qu'un élément de plus de son « imagination ». Rien ne lui faisait peur dans les livres. D'ailleurs, presque rien ne lui faisait peur dans la vie non plus. Ce qui explique peut-être qu'elle pouvait traverser les flammes sans se brûler. Pour Stasia, les jours où elle avait ses lunes, le seul fait de se mettre à table pour déjeuner pouvait être une épreuve. Elle avait du flair pour le mal, elle était capable de déceler sa présence jusque dans une assiette de porridge froid. Pour elle, le Démon était un être omniprésent toujours à l'affût de ses victimes. Elle portait des amulettes contre les puissances maléfiques ; elle faisait certains signes quand elle pénétrait dans une maison inconnue, ou bien répétait des incantations dans des langues bizarres. Toutes manifestations qui faisaient invariablement naître sur les lèvres de Mona un sourire indulgent, et la remarque que Stasia était vraiment délirieuse avec toutes ses superstitions primitives. « C'est sa nature slave, concluait-elle ».
Maintenant que les autorités avaient remis Stasia aux mains de Mona, il nous incombait d'examiner la situation plus clairement et d'assurer à cette créature compliquée un mode de vie plus équilibré et plus paisible. Selon le récit, agrémenté de larmes, de Mona, c'est avec les plus grandes réticences que Stasia avait été rendue à la liberté. Ce qu'elle leur avait raconté sur son amie — aussi bien que sur elle-même — le Diable seul aurait pu le savoir. Durant plusieurs semaines, et en déployant des ruses de Sioux, je réussis à renverser l'échafaudage dont elle avait entouré sa conversation avec le médecin de service. Si je n'avais pas eu d'autres éléments d'information j'en aurais conclu qu'ils étaient bons tous les deux pour l'asile. Heureusement, j'avais reçu une autre version de l'entrevue, et cela d'une manière tout à fait inattendue, de Kronski en personne. Pourquoi s'était-il intéressé à son cas, je ne saurais le dire. Mona avait dû donner son nom aux autorités, en qualité de médecin de famille. Elle lui avait peut-être téléphoné en pleine nuit et, avec des sanglots dans la voix, l'avait sans doute supplié de faire quelque chose pour son amie bien-aimée. Ce qu'elle omit de me dire, en tout cas, c'est que ce fut grâce à Kronski que Stasia avait été relâchée, que Stasia n'était laissée à la garde de personne, et qu'un mot de lui (aux autorités) pouvait être désastreux. Cela était dénué de bon sens, et c'est également ainsi que je l'entendais. La vérité était probablement qu'ils avaient tant de cinglés qu'ils ne savaient plus où les fourrer. Trop heureux de s'en débarrasser. Je me dis que j'irais faire un tour à l'hôpital un de ces jours pour voir ce qui s'était passé exactement. (Dans un louable souci de vérité historique.) Rien ne pressait. Je sentais que la situation présente n'était qu'un prélude, ou un présage de ce qui allait suivre.
En attendant, je descendais parfois au Village quand l'envie m'en prenait. Je furetais à droite à gauche, comme un chien errant. Quand je rencontrais un réverbère, je levais une patte et je pissais dessus. Ouah ouah ! Ouah !
C'est ainsi que je me retrouvais souvent devant le « Chaudron de Fer » ; accoté à la balustrade qui protège une bande de gazon miteux présentement enfoui sous deux pieds de neige, j'observais leurs faits et gestes. Les deux tables près de la fenêtre étaient celles de Mona. Je la regardais aller et venir dans la douce lueur émise par les chandelles, apportant les plats, une cigarette toujours collée au coin des lèvres, accueillant ses clients d'un grand sourire et prenant leurs commandes. De temps à autre, Stasia s'installait à la table, la tête entre les mains, en tournant toujours le dos à la fenêtre. Elle restait généralement là longtemps après le départ des derniers clients. Mona venait alors la rejoindre et, à en juger par les expressions qui se jouaient sur son visage, leur conversation était toujours très animée. Elles riaient parfois de si bon cœur qu'elles en étaient pliées en deux. Dans ces cas-là, si l'un de leurs favoris tentait de se joindre à elles, il se voyait chassé comme une mouche importune.
Mais de quoi ces deux chères créatures pouvaient-elles bien discuter ? Qu'est-ce qui pouvait bien les absorber ainsi ? Qu'est-ce qui les faisait se tordre ? Qu'on me donne la réponse et je vous écrirai toute l'histoire de la Russie d'un seul jet.
Quand je voyais qu'elles s'apprêtaient à partir, je tournais les talons et m'en allais tristement, d'un pas lent et tortueux, puis je passais jeter un coup d'œil dans tous les bars et les gargotes jusqu'à Sheridan Square, au repaire de Minnie Douchebag, toujours illuminé à la manière d'un antique saloon, où je savais qu'elles finiraient par échouer toutes les deux. Tout ce que je voulais, c'était m'assurer qu'elles étaient installées. Je jetais alors un coup d'œil à la pendule et calculais que dans deux ou trois heures l'une des deux au moins serait de retour à la niche. Un dernier regard à mes mignonnes, et je me disais qu'il était réconfortant de voir qu'elles étaient déjà le centre d'attentions pleines de sollicitude. Réconfortant — quelle expression ! — de savoir qu'elles recevraient la protection des chères créatures qui les comprenaient si bien. C'était amusant aussi de songer, en descendant dans le métro, qu'avec une très légère modification vestimentaire même un expert en anthropométrie aurait du mal à dire qui était mâle et qui était femelle. Les mâles étaient toujours prêts à mourir pour les femelles — et vice versa. N'étaient-ils pas tous enfoncés dans le même pot de chambre infect où toute âme pure et décente se trouve consignée ? Tous si mignons, toute la bande. Des amours, vraiment. Et comme ils s'attifaient, ah, ma chère ! Tous, les gars en particulier, étaient des artistes-nés. Même ces petites créatures timides qui se cachaient dans un coin pour se ronger les ongles.
Était-ce l'influence de cette atmosphère où l'amour et la compréhension mutuelle était de règle ou bien était-ce l'effet des coups de marteau que je distribuais dans les moments de vérité et de franchise ? Toujours est-il que Stasia décida que cela ne marchait pas entre Mona et moi.
— Vous ne devriez pas accuser Mona de vous décevoir et de vous mentir, me dit-elle un soir.
Comment se faisait-il que nous fussions seuls ? Je n'arrive pas à l'imaginer. Elle s'attendait probablement à voir Mona apparaître d'un moment à l'autre.
— De quoi préféreriez-vous que je l'accuse ? répliquai-je, en attendant la suite avec curiosité.
— Mona n'est pas une menteuse, vous le savez bien. Elle invente, elle déforme, elle fabrique... parce que c'est plus intéressant. Elle pense que vous l'aimez mieux quand elle complique les choses. Elle vous respecte trop pour vous mentir vraiment.
Je ne pris pas la peine de répondre.
— Vous ne savez pas ça ? dit-elle en élevant la voix.
— Franchement, non ! dis-je.
— Vous n'allez pas me dire que vous avalez toutes les histoires abracadabrantes qu'elle vous débite ?
— Si vous voulez dire que je les considère toutes comme un petit jeu innocent, non.
— Mais pourquoi voulez-vous qu'elle cherche à vous tromper puisqu'elle vous aime tant ? Vous savez, vous êtes tout pour elle. Oui, tout.
— C'est pour ça que vous êtes jalouse de moi ?
— Jalouse ? Je suis outrée de voir comment vous la traitez. Comment pouvez-vous être si aveugle, si cruel, si...?
Je levai la main en signe de protestation.
— Voyons, qu'est-ce qui vous prend ? lui dis-je. A quoi jouez-vous ?
— A quoi je...?
Elle se redressa et prit l'air d'une tzarine indignée et profondément stupéfaite. Elle ne se rendait pas du tout compte que sa braguette était déboutonnée et qu'un pan de sa chemise dépassait.
— Asseyez-vous, dis-je. Tenez, prenez une autre cigarette.
Elle refusa de s'asseoir, et se mit à faire les cent pas dans la pièce.
— Bon, et maintenant que préférez-vous croire ? commençai-je. Que Mona m'aime tellement qu'elle ne peut s'empêcher de me mentir nuit et jour ? Ou qu'elle vous aime tellement qu'elle n'a pas le courage de me le dire ? Ou que vous l'aimez tellement que vous ne pouvez pas supporter de la voir malheureuse ? Ou bien, il faut que je vous demande d'abord ceci... savez-vous ce que c'est que l'amour ? Dites-moi, avez-vous jamais été amoureuse d'un homme ? Je sais que vous aviez un chien que vous aimiez, du moins c'est ce que vous m'avez dit, et je sais que vous avez fait l'amour avec des arbres. Je sais aussi que vous aimez plus que vous ne haïssez, mais... savez-vous ce qu'est l'amour ? Si vous rencontriez deux personnes follement éprises l'une de l'autre, votre amour pour l'une de ces deux personnes augmenterait-il cet amour ou le détruirait-il ? Mais je dirai cela d'une autre façon, pour que ce soit plus clair. Si vous ne vous considériez que comme un objet de pitié et si quelqu'un vous manifestait une véritable affection, un véritable amour, est-ce que cela changerait quelque chose pour vous que cette personne soit un homme ou une femme, soit mariée ou célibataire ? Je veux dire ceci : pourriez-vous vous contenter simplement d'accepter cet amour ? Ou bien le voudriez-vous exclusivement pour vous ?
Silence. Lourd silence.
— Et qu'est-ce qui vous fait croire, poursuivis-je, que vous êtes digne d'être aimée ? Ou même que vous êtes aimée ? Ou, si vous croyez être aimée, que vous êtes capable d'aimer en retour ? Dites, on pourrait avoir une conversation vraiment intéressante. Cela nous mènerait peut-être à quelque chose. On pourrait même arriver à la vérité. J'ai bien envie d'essayer.
Elle me lança un regard étrange, plein d'effroi.
— Vous dites que Mona pense que j'aime les êtres compliqués. Pour être franc, ce n'est pas vrai. Tenez, vous, maintenant, vous êtes un être d'une espèce simple... tout d'une pièce, pas vrai ? Intégrée, comme ils disent. Vous êtes si bien accordée avec vous-même et avec le vaste monde que, juste histoire de vous en assurer, vous allez vous faire examiner. Suis-je trop cruel ? Allez-y, ricanez si vous en avez envie. Les choses paraissent un peu bizarres quand on les met la tête en bas. D'ailleurs, vous n'êtes pas allée en salle d'observation de votre propre initiative, n'est-ce pas ? Encore une histoire de Mona ! Naturellement, j'ai avalé le poisson, avec l'hameçon, le flotteur, la ligne et tout — parce que je ne voulais pas détruire l'amitié que vous éprouvez l'une pour l'autre. Maintenant que vous êtes sortie, grâce à mes efforts, vous voulez me manifester votre gratitude. C'est bien cela ? Vous ne voulez pas me voir malheureux, surtout quand je vis avec quelqu'un qui vous est proche et qui vous est cher.
Elle commençait à pousser des petits rires nerveux bien qu'elle fût rouge de colère.
— Écoutez, si vous m'aviez demandé si j'étais jaloux de vous, bien qu'il me fût fort désagréable de l'admettre, je vous aurais répondu oui. Je n'ai pas honte d'avouer que je suis humilié à l'idée qu'une personne telle que vous puisse me rendre jaloux. Vous ne correspondez pas tout à fait à l'idée que je me faisais d'un rival. Je n'aime pas plus les hermaphrodites que je n'aime voir des gens aux pouces désarticulés. J'ai des préjugés, moi. Des préjugés bourgeois si vous voulez. Je n'ai jamais été amoureux d'un chien, mais je n'ai jamais éprouvé de haine particulière pour aucun chien non plus. J'ai connu des pédés qui étaient amusants, intelligents, pleins de talents, mais je dois dire que je n'aurais jamais eu l'idée de vivre avec eux. Je ne vous fais pas la morale, comprenez bien, je parle simplement de goûts et de couleurs. Et de dégoûts. Il y a des choses que je ne peux pas encaisser. Il est très regrettable, en un mot, que ma femme éprouve une aussi profonde inclination pour vous. Ça fait ridicule, hein ? Ça fait mauvaise littérature. C'est rudement moche, voilà ce que je veux dire, qu'elle n'ait pas pu choisir un homme, un vrai, si elle avait envie de me tromper, même si c'était un type méprisable à mes yeux. Mais vous... merde alors ! Ça me démonte. Qu'est-ce que je pourrais répondre si un copain me disait : « Eh ben, mon vieux, qu'est-ce qui va pas ? » Parce qu'il y a sûrement quelque chose qui ne va pas chez un homme — du moins c'est ainsi que raisonne le monde — dont la femme est violemment attirée par une autre femme. Je me suis trituré les méninges pour trouver ce qui ne va pas chez moi, pour savoir s'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, mais je n'ai pas pu mettre le doigt dessus. D'ailleurs si une femme est capable d'aimer une autre femme autant que l'homme avec qui elle est mariée, il n'y a pas de mal à ça, pas vrai ? On ne peut pas la blâmer d'être douée d'une capacité d'affection peu ordinaire, n'est-ce pas ? Mais supposons que le mari d'une créature extraordinaire de cette espèce ait des doutes quant à l'exceptionnelle faculté d'aimer de sa femme, hein ? Supposons que le mari ait de bonnes raisons de croire que cette extraordinaire aptitude à l'amour soit un mélange de réalité et de chiqué ? Qu'afin de préparer son mari, pour le conditionner en quelque sorte, elle s'efforce habilement et insidieusement d'empoisonner son esprit, elle invente les histoires les plus fantastiques, toutes innocentes naturellement, sur ses expériences avec des femmes antérieures à son mariage. N'avouant jamais ouvertement qu'elle ait fait l'amour avec elles, mais laissant entendre, insinuant, insinuant toujours, que cela aurait pu arriver. Et au moment où le mari... moi-même en d'autres termes... fait mine de s'alarmer, elle nie toute la chose avec la dernière énergie et accuse son imagination des pires fantaisies... Vous me suivez ? Ou est-ce que cela devient trop compliqué ?
Le visage grave tout à coup, elle s'assit sur le bord du lit et me regarda d'un œil fixe. Puis, brusquement, un sourire satanique illumina son visage, et elle s'écria :
— C'est donc ça, votre jeu ! Maintenant, vous voulez empoisonner mon esprit !
Et disant cela, elle fondit en larmes et tout son corps fut secoué de sanglots. Et naturellement, c'est ce moment précis que choisit Mona pour ouvrir la porte.
— Qu'est-ce que tu lui fais ? me lance-t-elle aussitôt, et elle se précipite vers la pauvre Stasia, la prend dans ses bras, lui caresse la tête et lui dit des petits mots tendres pour la consoler.
Touchante scène. Un peu trop vraie, cependant, pour que je me sente ému comme il conviendrait.
Résultat : il ne faut pas que Stasia essaie de rentrer chez elle dans cet état. Elle doit rester ici et prendre une bonne nuit de repos.
Stasia m'interroge du regard.
— Bien sûr ! Bien sûr ! dis-je. Je ne mettrais pas un chien dehors par une nuit pareille.
Le plus étrange, quand je repense à cette scène, c'est la vision de Stasia revêtue d'une chemise de nuit légère, transparente. Si seulement elle avait eu une pipe à la bouche, le tableau aurait été complet.
Pour en revenir à Fedor... Elles me cassaient franchement les pieds à débiter sans arrêt des idioties sur Dostoïevsky. Moi, je n'ai jamais prétendu comprendre Dostoïevsky. Pas tout Dostoïevsky, en tout cas. (Je le connais, comme on peut connaître une âme sœur.) Et même aujourd'hui, je n'ai pas tout lu de lui. J'ai toujours eu l'intention de me réserver les dernières bouchées pour quand je serai à l'article de la mort. Par exemple, je ne sais plus si j'ai lu son Rêve d'un homme ridicule ou si j'en ai seulement entendu parler. Je ne suis pas du tout sûr non plus de savoir qui était Marcion, ou ce qu'est le marcionisme. Il y a beaucoup de choses sur Dostoïevsky, de même que sur la vie elle-même, que je me contente de laisser dans l'ombre du mystère. Quand je pense à Dostoïevsky, je me plais à l'imaginer environné d'une impénétrable aura de mystère. Par exemple, je n'arrive jamais à le voir avec un chapeau sur la tête — comme les anges de Swedenborg. Et je suis toujours fasciné d'apprendre ce que les autres disent de lui, même lorsque leurs opinions me paraissent parfaitement dénuées de sens. L'autre jour encore, je suis tombé sur une note que j'avais jetée dans un carnet. Probablement une citation de Berdiaev : « Après Dostoïevsky, l'homme n'était plus le même qu'avant. » Réjouissante pensée pour une humanité souffrante.
Quant à ce qui suit, nul autre que Berdiaev ne pouvait l'avoir écrit : « Chez Dostoïevsky, il y a une attitude complexe envers le mal. Dans une large mesure, il donne l'impression d'avoir fait fausse route. D'une part, le mal est le mal, et il faut l'exposer au grand jour pour le brûler. D'autre part, le mal est pour l'homme une expérience spirituelle. Il fait partie de l'homme. L'homme peut être enrichi par l'expérience du mal, mais il est nécessaire de comprendre cela. Ce n'est pas le mal en soi qui l'enrichit ; il est enrichi par ce pouvoir spirituel qui se développe en lui dans sa lutte pour dominer le mal. L'homme qui déclare : « Je m'abandonne à toutes les puissances du mal « afin d'être enrichi », ne s'enrichira jamais, il périra. Mais c'est le mal qui met la liberté de l'homme à l'épreuve... »
Et encore une citation (toujours de Berdiaev) qui nous rapproche un peu du Paradis...
« L'Église n'est pas le Royaume de Dieu ; l'Église est apparue au cours de l'Histoire et elle a œuvré dans l'Histoire ; elle ne signifie pas la transfiguration du monde, l'apparition d'un nouveau paradis et d'une nouvelle terre. Le Royaume de Dieu est la transfiguration du monde, non seulement la transfiguration de l'homme individuel, mais aussi la transfiguration du social et du cosmique ; et c'est la fin de ce monde, du monde de l'erreur et de la laideur, et c'est le principe d'un nouveau monde, un monde d'ordre et de beauté. Lorsque Dostoïevsky dit « que « la beauté sauverait le monde », il songe à la transfiguration du monde et à l'avènement du Royaume de Dieu, et cela, c'est l'espérance eschatologique... »
Pour ma part, je dois dire que si j'ai jamais nourri des espérances, eschatologiques ou autres, c'est Dostoïevsky qui les a anéanties. Ou peut-être devrais-je modifier cela et dire qu'il a « rendu inefficaces » ces aspirations culturelles engendrées par mon éducation occidentale. Quant au côté asiatique de ma nature, le Mongol pour tout dire, il n'a pas été touché et restera intact. Ce côté mongol chez moi n'a rien à voir avec la culture ou la personnalité ; il représente ce rameau toujours vivace dans mon arbre généalogique. Dans ce réservoir insondable, tous les éléments chaotiques de ma propre nature ainsi que de l'héritage américain ont été engloutis comme les fleuves s'engloutissent dans l'océan. De sorte que, pour étrange que cela paraisse, étant né Américain, j'ai compris Dostoïevsky, ou plutôt ses personnages et les problèmes qui les tourmentent, mieux que si j'avais été Européen. La langue anglaise, me semble-t-il, est plus apte à rendre Dostoïevsky (si l'on est obligé de le lire en traduction) que le français, l'allemand, l'italien ou toute autre langue non slave. La vie américaine, du milieu des gangsters à celui des intellectuels, a énormément d'affinités avec l'existence quotidienne russe aux multiples facettes telle qu'on la trouve chez Dostoïevsky. Quelle meilleure preuve en donner que la ville de New York, sur l'asphalte de laquelle toutes les idées lascives, ignobles ou démentes poussent comme du chiendent ? Songez seulement à ce que c'est que l'hiver là-bas, à ce que cela signifie d'avoir faim, d'être seul et désespéré dans ce labyrinthe de rues monotones bordées de foyers monotones où vivent des êtres monotones ressassant de monotones pensées ! Monotone, et en même temps illimitée !
Bien que des millions de gens parmi nous n'aient jamais lu une ligne de Dostoïevsky, n'aient même jamais entendu prononcer ce nom, ils ont cependant tous l'air de sortir de Dostoïevsky, ils mènent ici en Amérique la même existence étrange, extravagante, que les créatures de Dostoïevsky dans la Russie de son imagination. Si on pouvait, hier encore, leur accorder un semblant d'existence humaine, demain leur univers paraîtra aussi fantastiquement diabolique que les créations les plus exorbitantes de Bosch. Aujourd'hui, nous les côtoyons vingt-quatre heures par jour et personne apparemment ne s'étonne de leur aspect antédiluvien. Il y en a qui continuent à exercer leur métier — à prêcher l'Évangile, à habiller les cadavres, à soigner les fous — comme si de rien n'était. Ils ne se doutent pas le moins du monde que « l'homme n'est plus ce qu'il était avant ».
1 En français dans le texte.