C'est juste maintenant que nous sommes au bord du précipice que nous pouvons réaliser que "tout ce que nous avons appris est faux". Cette déclaration destructrice se vérifie chaque jour : sur les champs de bataille, dans les laboratoires, à l'usine, dans la presse, à l'école, à l'église. Nous vivons entièrement dans le passé... Et c'est le passé qui nous engloutit, pas l'avenir. L'avenir est et sera toujours au poète.

Jusqu'à la disparition totale du vieux monde, l'individu "anormal" tendra de plus en plus à devenir commun. L'homme nouveau ne surgira que pour autant qu'il n'y aura plus de lutte entre la collectivité et l'individu. Alors nous contemplerons le type humain dans sa plénitude et sa splendeur.

Quand le poète se tient au nadir, le monde, en vérité, doit être bouleversé. Si le poète ne peut plus s'exprimer au nom de la société, mais seulement en son propre nom, alors nous sommes à toute extrémité.

Il était né pour être le poète qui allait électriser notre époque, le symbole des forces explosives qui sont en train de se manifester.

Un jour nous ouvrirons les yeux sur un spectacle qui dépassera tout entendement. Les poètes et les voyants ont depuis des siècles annoncé ce monde nouveau, mais nous n'avons pas voulu les croire.

Le poète moderne semble tourner le dos à son public, comme s'il le méprisait. Pour sa défense, il se compare souvent au mathématicien ou au physicien... Il paraît oublier que sa fonction est totalement différente de celle de ces hommes qui ont affaire avec le monde physique ou celui de l'abstraction. C'est l'esprit qui l'inspire, et sa relation avec l'humanité est d'ordre vital. Son langage n'est pas réservé au laboratoire mais aux recoins cachés du cœur. S'il renonce au don qu'il a de nous émouvoir, alors nous n'avons plus besoin de son intermédiaire.

C'est "le temps des assassins", ne nous y trompons pas. La politique est devenue l'affaire des gangsters. Les nations s'avancent dans le ciel mais elles n'entonnent pas des chants d'allégresse ; les bas-fonds se dirigent vers les soupes populaires. C'est "l'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes"...