Los Angeles

 

 

 

 

C'est le printemps mais le soleil disparaît dans le smog : un jaune gris qui pique les yeux et fait tousser. Ninon et moi, nous descendons au Chancelor : deux jours de repos pour oublier le décalage horaire et pour nous présenter chez le Sage de Big Sur en parfaite condition. Le soir, l'angoisse m'envahit doucement. J'ai peur d'être déçu par notre rencontre, je redoute par-dessus tout que lui ne soit consterné et qu'il ne regrette son invitation. En guise de calmants, je relis entre les lignes les Tropiques, Nexus... Le deuxième soir, nous rencontrons un cinéaste belge installé à Hollywood depuis fort longtemps. Il ne me rassure pas : « Miller, vous recevoir ? Ça m'étonnerait. Il est complètement malade. Aveugle. Gâteux... Et entouré d'une cour de femmes : personne ne parvient à franchir le cercle de ces panthères ! » Le repas vietnamien qu'il nous offre me reste sur l'estomac.

« Ne faites pas cette tête-là : je vous présenterai Mel Brooks, un gars formidable », me dit-il pour me remonter.

Troquer Miller contre Brooks, une idée de cinéaste ! On rentre à l'hôtel, un peu perdus le long de ces avenues gigantesques de Los Angeles. Les promeneurs qui se risqueraient à faire quelques pas seraient aussitôt « contrôlés » par la police. On ne marche pas ici, on roule. Ce soir de déprime, je ne vois plus le regard des gens mais des phares de voitures.