« Non. Je t’en supplie, mon Dieu. Pas ça. »
La douleur. L’humiliation. La honte inexprimable. Pas de chagrin, pas encore. Le choc était trop immédiat.
Lorsqu’elle découvrit le mot énigmatique que son mari lui avait laissé, appuyé contre un miroir de la chambre à coucher de leur suite nuptiale du Rainbow Grand Hotel, à Niagara Falls, État de New York, Ariah était mariée depuis vingt et une heures. Lorsque le même jour, en début d’après-midi, elle apprit de la police de Niagara Falls qu’un homme ressemblant à son époux, Gilbert Erskine, s’était jeté dans les Horseshoe Falls, tôt ce matin-là, et avait été emporté – « disparu sans laisser de traces, jusqu’à présent » – au-delà des rapides du Trou du Diable, ainsi qu’était appelée cette attraction naturelle en aval des Chutes, elle était mariée depuis un peu moins de vingt-huit heures.
Tels étaient les faits bruts, cruels.
« Je suis une mariée devenue veuve en l’espace d’un jour. »
Ariah parlait tout haut, avec étonnement. Elle était la fille d’un ministre presbytérien très révéré, ce qui aurait sûrement dû compter pour quelque chose aux yeux de Dieu, autant qu’à ceux des autorités séculières ?
Ariah se frappa soudain le visage de ses deux poings. Elle avait envie de marteler, meurtrir ces yeux qui en avaient trop vu.
« Aide-moi, mon Dieu ! Tu ne peux pas être cruel à ce point… Si ? »
Si. Bien sûr que si, femme imbécile. Qui es-tu, pour que Ma justice te soit épargnée ?
Avec quelle rapidité était venue la réponse ! Un sarcasme qui résonna si distinctement dans le crâne d’Ariah qu’elle crut presque que les inconnus apitoyés qui l’entouraient l’entendaient.
Restait une consolation : jusqu’à ce que le cadavre de Gilbert Erskine soit retrouvé et identifié, sa mort était théorique et non officielle.
Ariah n’était pas encore une veuve, mais toujours une jeune mariée.