Royall. Ce n’est pas toi, hein.
Pas moi quoi ?
Je sais bien sûr que ce n’est pas toi. Tu n’as pas pu.
Pu quoi, Chandler ?
Je ne te demande rien. Ce n’est pas une question. Je n’ai aucun droit de te poser une question pareille. Et aucune raison.
Est-ce que tu poses une question ?
Non, pas du tout.
Mais si c’était le cas, quelle est la question ?
Cette conversation énigmatique, Chandler ne l’a jamais eue avec Royall. Il ne veut pas l’avoir. Après avoir lu dans les journaux la nouvelle choquante de la disparition, cet été-là, du président de cour d’appel Stroughton Howell. Ancien habitant de Niagara Falls, récemment installé dans la région d’Albany, Howell, ainsi que le signala son épouse, s’était « volatilisé » quelque part entre le parking privé réservé aux juges du Capitole de l’État de New York, et son domicile d’Averill Park ; on avait trouvé sa voiture abandonnée, clé sur le contact, sur une voie de service de la New York State Thruway. Le 21 septembre, le juge Howell avait disparu depuis sept semaines.
Sans avoir à le demander à Royall, Chandler sait ceci : Royall ne travaille plus pour l’agence de recouvrement Empire. Il est étudiant à temps plein à l’université du Niagara, et il y a trouvé un emploi d’assistant à temps partiel dans le département de géologie. Pendant l’été, Royall n’a pas travaillé pour la Compagnie du Trou du Diable mais pour l’université ; il compte se spécialiser en géologie. Il ne porte plus d’arme. Il n’a plus besoin de porter une arme. Depuis cette fameuse soirée dans son appartement de la 4e Rue, où les deux frères se sont parlé avec franchise, Royall n’a plus jamais fait allusion à une arme, et Chandler ne l’a plus jamais interrogé sur le sujet. Chandler pourrait presque se dire Y a-t-il jamais eu un revolver ? Était-il réel ? Il avait bu ce soir-là, et ses souvenirs étaient confus.