87.

Le lendemain soir, tout était terminé. Le paternel est rentré au 810 vers minuit. Il n’avait pas dormi depuis plus de quarante-huit heures.

— Tant qu’on s’est pas fait tirer dessus, on peut pas imaginer ce que c’est, a-t-il déclaré entre deux gorgées de Blue Ribbon. Et le chef McCurt, il a pas trouvé mieux que de nous envoyer au front tandis que les flics nous couvraient, bien à l’abri derrière leurs véhicules ! Alors, on s’est mis à cavaler avec nos tuyaux, le dos offert aux balles, parce qu’un ordre, c’est un ordre, pas vrai ?

— Oui, a admis Bash.

— Eh bien, le pauvre Esterhausz, il y est resté. Il était au sommet de l’échelle quand il s’en est pris une entre les épaules. Il a plongé la tête la première sur le trottoir, trois étages plus bas. Meldrick aussi, dans la colonne vertébrale. Il va s’en sortir, mais il sera infirme jusqu’à la fin de ses jours… Deux autres gars du département ont été blessés, mais pas un seul flic. Les veinards ! Ah, ils ont la planque, j’suis sérieux…

Bash et moi, on ne disait rien. On se contentait de hocher la tête.

— Et les renforts ? Des bénévoles ! Des crétins de banlieusards ! Ces branleurs, ils savent rien de rien de la lutte anti-incendie ! Ils nous causent plus d’emmerdements qu’autre chose ! Ils sont toujours dans nos pattes !

*

Les émeutes raciales ont eu de lourdes conséquences. Une vague de mauvaise conscience a submergé le pays. Il y avait des émissions spéciales à la télé… des colloques… des photos à sensation en couverture de Time, Newsweek et Life. Nos dirigeants ont promis solennellement d’entreprendre une réhabilitation urbaine et de changer ce système corrompu qui favorisait l’homme blanc.

Pendant quelques jours, ils ont été dans la bonne direction…