NEUVIÈME PARTIE

78.

L’arrivée de mon dernier bulletin scolaire de l’année, quelques jours plus tard, a définitivement anéanti mes maigres espoirs d’un sursaut de la onzième heure. Tous les mois de travail sous la houlette de Doc Feigenberg n’avaient servi à rien. Bash a reçu un courrier qui stipulait que si Max Zajack était autorisé à retourner à Notre-Dame, ce ne serait pas dans la classe des meilleurs. J’obtenais péniblement la moyenne en histoire et en anglais, mais j’avais des notes catastrophiques en algèbre depuis le début de l’année, et ce F scellait mon destin. Puisque je n’envisageais pas de m’inscrire à Trenton Central, je savais ce que cela signifiait. Le lendemain matin, je me suis levé pour me mettre en quête d’un emploi…

J’ai essayé toutes les boîtes du voisinage : l’atelier de réparation de téléviseurs de Pennsylvania Avenue… L’abattoir avicole de Myrtle Avenue… Toutes les fabriques de céramique… Personne n’embauchait. Puis j’ai fait la tournée des bars du quartier. Les gars au comptoir faisaient un bond quand je me pointais.

— Barre-toi, petit ! Tu veux que je perde ma licence ?

Du Bozak’s Taproom sur Mulberry au Top Rhoad Bar and Grill de Brunswick, en passant par le Polonaise Lounge de Princeton Avenue, partout on m’a montré la porte.

Qu’ils aillent se faire foutre. J’ai pris la direction des faubourgs. J’ai réservé ma première halte au Circle Bowling Lanes.

— Je ferai tout ce que vous voulez, ai-je promis au gérant, après être parvenu à me faufiler dans son bureau. Installer les queues de billard, ranger les boules… donner les chaussures de bowling… balayer… ce que vous voulez.

Je connaissais ce type de vue – il s’appelait Grzdek. Un vrai connard. Son vieux était un poivrot grande gueule, qui se traînait de bar en bar pour faire des paris clandestins.

— J’ai une liste de demandes longue de quinze kilomètres, a-t-il bâillé, tandis qu’il baladait un cure-dents mâchonné dans sa bouche remplie de chicots tordus et décolorés. Pourquoi je t’embaucherais plutôt qu’un autre ?

Son bureau au décor ringard, derrière le comptoir de location de chaussures, était couvert d’affiches de femmes nues. Le chant harmonieux de Dion and the Belmonts grésillait dans son transistor Zenith. Merde, pensais-je. J’aurais donné ma couille gauche pour bosser dans cette boîte.

Grzdek était le roi du pétrole, ici. Il avait même une secrétaire. Quand elle traversait la pièce, ça tintinnabulait et ça rebondissait sous sa robe moulante. Ma bite s’est aussitôt mise au garde-à-vous. Putain, vivement que j’aie l’âge pour que ça devienne mon ordinaire ! Rien qu’au regard qu’elle lançait à Grzdek chaque fois qu’il ouvrait la bouche, j’en ai déduit qu’il la bourriquait comme il faut.

— Je t’appellerai si j’ai kekchose, a-t-il reniflé.

Comme il ne me demandait pas de remplir le moindre formulaire, j’ai compris que je pouvais me brosser. La moitié de North Trenton voulait travailler à Circle Lanes.

Dehors, je me suis assis sur les marches et j’ai pris une Marlboro dans le paquet acheté au distributeur à côté de l’entrée. C’était bon pour aujourd’hui. J’avais eu ma dose d’échecs. Mais cette fin d’après-midi printanière était sublime. Je regardais deux corbeaux aux plumes brillantes qui déchiquetaient la carcasse aplatie d’un écureuil mort, à quelques mètres sur le goudron. Le boulevard était congestionné de voitures, de camions et de bus qui allaient Dieu sait où. J’ai songé qu’un jour, moi aussi, je devrais me tirer de cette ville. Où, je l’ignorais, mais ce serait très loin. Il n’y avait rien pour moi ici, et mon instinct me soufflait que ça ne changerait jamais.

Je me suis levé et j’ai traversé les quatre voies en zigzaguant pour rejoindre le champ voisin du supermarché. Je me suis enfoncé dans l’épais tapis de trèfle nouveau, sous une affiche qui vantait les dernières Buick. Mes pieds me lançaient comme des plaies ouvertes à force de battre le pavé.

Je ne parvenais pas à me sortir de la tête la secrétaire de Grzdek. J’ai baissé la braguette de mon pantalon de coutil, j’ai pris ma queue qui était encore dure et je l’ai caressée. À présent, cette pute était nue et j’étais sur elle. Elle gémissait et grognait de plaisir. Non ! non… s’il te plaît, non ! Oui… oui… oui… OUI ! OUI ! ! ! Mes fantasmes demeuraient assez vagues, car j’avais toujours une connaissance approximative de l’anatomie féminine ; mon seul indice, c’était la fois où j’avais batifolé avec cette fille, dans le taudis de Bayer, et, à vrai dire, je n’avais pas vu grand-chose ce jour-là…

Mon poing pompait comme un piston surchauffé. J’étais tellement bien que j’ai ri tout haut. Quand c’est arrivé, j’ai arqué le dos pour ne pas m’en mettre partout. Alors que je pensais avoir terminé, ça continuait de sortir…

Ma bite est restée raide un bon moment. Ce n’était pas grave : on ne m’attendait nulle part.