J’ai les nerfs trop à vif pour dormir. Mes bras et mes jambes sont parcourus de spasmes. Lorsque je sombre dans le coma à l’aube, ce que je vois dans mes rêves me met au supplice : l’oncle Henry enfermé dans une cellule capitonnée… il se tape la tête contre les murs… hurle à la lune entre les barreaux de la fenêtre… Les aides-soignants lui font de force une piqûre suffisante pour calmer un cheval, quand ils en ont marre de ses cris d’angoisse.
Les premières nouvelles de la clinique ne sont pas encourageantes. Une fois toutes les solutions envisagées, il a été résolu d’administrer des électrochocs à Henry. Nous saurons rapidement comment il réagit. Et nous devons être conscients qu’une telle décision n’a pas été prise à la légère…
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L’appel au nom de Max Zajack arrive par courrier, alors que je m’apprête à partir au travail. Je parcours les lettres noires sans respirer jusqu’à ce que je repère la date, « 14 juillet », tamponnée en gras dans le cadre au milieu de la feuille.
Putain de bordel : le 14 juillet, c’est seulement dans quelques jours ! Je suis censé me présenter à l’Arsenal, dans le centre de Trenton, à dix heures, avec tous mes papiers. On me fera passer une visite médicale… un entretien… un test… puis on me dira quand et où je rejoindrai officiellement les rangs de l’armée des États-Unis.
Je laisse tomber la feuille. On me conseille de régler toutes mes affaires en suspens.
Je ramasse l’avis par terre et je le relis, lentement cette fois. Il faut regarder la réalité en face. D’ici quelques semaines, je pataugerai dans une rizière et je jouerai à cache-cache avec le Viêt-cong.
Heureusement que le paternel est en train de trimballer ses Maytag et ses Whirlpool, et que Bash est claquemurée dans sa chambre, car je ne suis pas d’humeur à bavarder. Dans un état second, je pars pour le magasin. Jamais je ne survivrai à une guerre dans la jungle à l’autre bout du monde. Et si mon rhume des foins ne les convainc pas, je ne vois pas comment y échapper.