82.

Je n’arrêtais pas de penser à Sandy. Je brûlais d’impatience de pouvoir la tripoter de nouveau.

Mais il y avait un problème. Sammy m’avait prévenu : il n’était pas question que je la voie sans lui. Il ne pouvait pas courir le risque que je le grille.

Sauf qu’il semblait avoir perdu mon numéro. Je n’avais plus de nouvelles. Dans la mesure où il ne passait plus non plus à l’YMCA, je me suis résolu à l’appeler chez lui, à West Trenton.

Un bébé braillait dans le fond. La voix de sa femme était glaciale. Elle n’avait certainement pas envie qu’un blanc-bec vienne distraire son mari de ses responsabilités familiales.

— Il n’est pas là.

Elle mentait, c’était évident.

— Quand est-ce qu’il rentre ?

— Aucune idée, a-t-elle répondu avant de raccrocher.

Cette conversation m’a laissé l’impression que Sammy n’était pas près de me proposer un double de sitôt.

J’ai attendu jusqu’à ce que je n’y tienne plus. Alors je me suis engouffré dans la cabine téléphonique du Harbourt’s Drugstore et j’ai composé le numéro de Barbara. C’est Sandy qui a décroché.

— Max… Quelle surprise ! Tu ne travailles pas ?

Je lui ai expliqué que j’avais un peu de temps libre et que je voulais la voir. J’étais tellement obsédé par son cul que j’avais oublié l’interdiction de Sammy.

Le jeudi après le boulot, j’ai sauté dans un bus, direction Princeton. Sandy m’a ouvert. Elle portait du rouge à lèvres rose et une robe vaporeuse qui s’arrêtait à mi-cuisses.

Pourquoi avais-je tant attendu ? Je n’avais qu’une envie : reprendre là où on s’était interrompus la dernière fois. Mais la cousine Babs rôdait dans la cuisine, une cigarette à la main. Elle était à cran, ça se sentait.

Quelque chose clochait.

— Alors, Max… Comment est-ce que tu as pu t’esquiver du bureau, aujourd’hui ? m’a-t-elle demandé quand elle nous a rejoints au salon. Et cette mission, comment ça se passe ? Vous avez coincé des dealers récemment ?

— Euh ben, euh…

— C’était quand la dernière fois que tu as parlé à Sammy ? Peut-être qu’on devrait l’appeler… Tu as son numéro, non ? On n’a qu’à lui faire une surprise, qu’en dis-tu ?

— Euh ben…

Merde. Quel ballot je faisais ! Je m’efforçais d’être évasif, mais je n’arrêtais pas de me prendre les pieds dans le tapis. Je tergiversais. Puis je me suis lancé dans un récit abracadabrant au sujet de surveillances et d’échanges de coups de feu.

Mais Barbara n’était pas aussi crédule que la dernière fois. Elle s’était transformée en une interrogatrice habile qui relevait chaque approximation. Il avait dû se passer un truc entre Sammy et elle qui l’avait alertée. Je voyais bien qu’elle ne me laisserait pas m’envoyer Sandy, en tout cas pas tant qu’elle ne m’aurait pas tiré les vers du nez.

— On n’appelle pas comme ça une division du FBI, affirmai-je, décidé à lui tenir tête. J. Edgar Hoover en personne a écrit une note de service à ce sujet : notre vie privée ne doit pas empiéter sur notre travail.

J’inventais au fur et à mesure, mais est-ce que j’avais le choix ?

— Ah oui, vraiment ? Et comment une femme contacte son mari en cas d’urgence ?

J’en avais pas la moindre putain d’idée. Mais c’était une bonne question.

Il fallait l’admettre : j’étais dépassé par les événements. Totalement dépassé. Tout ça parce que j’avais écouté ma bite au lieu de mon cerveau.

C’était cuit. Je me suis dirigé vers la porte. Je me rappelais soudain un rendez-vous urgent. J’ai couru sans ralentir jusqu’à l’arrêt de bus.