Tralala avait 15 ans la première fois qu’elle s/ était fait baiser. Sans passion. Seulement pour la distraction. Elle traînait chez le Grec avec les autres mômes du quartier. Rien à glander. Assise à bavarder. Écouter le jukebox. Boire du café. Taper des sèches. Tout ça chiant. Elle avait dit oui. Dans le parc. 3 ou 4 couples cherchant chacun son arbre, et de lherbe. D/ ailleurs elle avait pas dit oui. Elle avait dit que dalle. Tony ou Vinnie ou va savoir quel autre avait persévéré, voilà tout. Ils s/ étaient tous retrouvés après à la sortie. Ils s/ étaient souri. Les mecs se sentaient plus. Les nanas marchaient devant pour en parler. Avec des gloussements et des allusions. Tralala haussait les épaules. Se faire baiser c/ était se faire baiser. Pas de quoi en chier une pendule. Elle se mit à aller au parc souvent. Elle choisissait qui elle voulait, toujours. Les autres nanas demandaient pas mieux, mais elles jouaient à des petits jeux. Elles aimaient allumer. Avec des gloussements. Tralala y allait pas par quatre chemins. Personne aime les allumeuses. T/ as la marchandise ou pas. C/ est tout. Et elle avait de gros nichons. Elle était faite comme une femme. Pas comme une môme. Ils la préféraient. Et le premier été était même pas fini qu’elle s/ était mise à jouer à des jeux elle aussi. Mais pas les mêmes. Elle n/ allumait pas les garçons. Ça rimait à rien. Pas de fric non plus. Quelques-unes des nanas la faisaient chier et elle leur cassait leur coup. Quand une nana trouvait un mec à son goût ou essayait de se le faire pour quelque raison que ce soit Tralala intervenait. Pour se marrer. Les nanas la détestaient. Et puis après. Rien à cirer. C/ étaient les mecs qui l/ intéressaient. En particulier quand ils avaient dépouillé un pochetron. Ou fait un casse. Y l/ emmenaient au cinoche. Acheter des sèches. Dans une PIZZÉRIA bouffer une pizza. C/ étaient pas les pochetrons qui manquaient. Tout le monde avait du fric pendant la guerre. Les quais étaient pleins de matafs bourrés. Et bien sûr la base pleine de biffins. Et ils avaient toujours quelques billets sur eux au moins. Plus, des fois. Et Tralala avait toujours sa part. C/ étaient pas des passes. Tout était très simple. Les mecs s/ envoyaient en l’air et elle palpait quelques billets. Quand y avait pas de chambre disponible y restait toujours la cave du Wolffe Building. Des kilomètres et des kilomètres de cave. Un qui baisait et les autres qui faisaient le pet. Des fois pendant des heures. Mais elle avait ce qu/ elle voulait. On lui demandait que d/ ouvrir les cuisses. Et elle prenait son pied aussi. Des fois. Des fois pas, et alors ? Qu/ est-ce que ça changeait ? Mets-toi sur le dos. Ou penche-toi en avant appuyée à une poubelle. Toujours mieux que le boulot. Et c/ est le pied. Pendant un moment en tout cas. Mais le temps finit toujours par passer. Ils vieillissaient. Ne se satisfaisaient plus des quelques billets qu/ ils soutiraient à des pochetrons. Pourquoi attendre qu/ un type tombe ivre mort. Après avoir claqué le plus clair de son pognon. Suffit de les assommer au passage quand ils retournent à la base. Tous les soirs par dizaines y sortaient de Chez Willie, le bar quétait en face du Grec dans la rue. Ils les chopaient sur le chemin du retour vers la base ou les docks. D/ ordinaire y s/ en prenaient pas aux biffins qu/ avaient pas grand-chose. Alors que les marins étaient pleins aux as d/ habitude. Quand ils étaient trop baraqués ou avaient pas assez bu, ils leur flanquaient un coup de brique sur le crâne. S/ il avait lair fastoche y en avait un qui le tenait pendant qu/ un ou plusieurs autres l/ assommaient. Quatre ou cinq fois ils en avaient entraîné un sur le terrain vague de la 57e rue. Là c/ était un régal. Y faisait vraiment noir derrière la palissade. Ils le cognaient jusqu/ à ce que les bras leur fassent mal. Le pied. Et puis une pizza et une bière. Et Tralala. Elle était toujours là. À mesure que le temps passait, ils accumulaient une précieuse expérience. Ils apprenaient à choisir. Devenaient plus costauds. Ils n/ avaient plus besoin de brique. Ils faisaient la tournée des bars pour repérer un type qui avait une liasse. Quand il partait ils le plumaient. Des fois Tralala le piégeait. Elle l/ entraînait sous un porche. Ou des fois dans le terrain vague. Ça marchait au poil. Ils avaient tous des fringues neuves. Tralala s/ habillait bien. Elle mettait un chandail propre tous les 2 ou 3 jours. Ils avaient pas d/ emmerdes. Suffisait de s/ en tenir aux matelots. Ils vont et viennent et personne voit la différence. Tout le monde s/ en branle. Ils en ont plus qu/ il leur en faut de toute façon. Et c/ est pas pour 2 ou 3 gnons. Ils pourraient même se faire buter ça changerait rien. Y touchaient pas aux biffins. D/ habitude. Y la jouaient fine et personne les emmerdait. Mais Tralala voulait plus que la petite part qu/ on lui refilait. Il était grand temps de mettre sur pied un truc bien à elle. Si elle devait se faire baiser par 2 types pour quelques billets, elle jugea qu/ il serait plus malin de se faire baiser par un seul et de rafler la mise. Tous les pochetrons la mataient. Et lorgnaient ses nichons. Ce serait une promenade de santé. Seulement s/ assurer de choisir le bon. Pas un quelconque paumé avec 2 ou 3 dollars sur lui. Elle avait déjà donné. Elle se posta, seule, chez le Grec. Un biffin entra et commanda un café et un hamburger. Il lui demanda si elle prendrait quelque chose. Pourquoi pas. Il sourit. Il tira un billet d/ une liasse épaisse et le laissa tomber sur le comptoir. Elle pointa les seins. Il lui parla de ses barrettes. Et de ses médailles. Létoile de bronze. Et le Purpleheart avec 2 feuilles de chêne. Il avait passé 2 ans outre-mer. Rentrait dans ses foyers. Y causait d/ un ton pleurnichard et elle souriait. Elle espérait que sa liasse était pas seulement faite de biffetons d/ un dollar. Elle voulait se tirer avec lui avant que quelqu/ un s/ amène. Ils allèrent en taxi jusqu/ à un hôtel du centre. Il acheta une bouteille de whisky et ils s/ installèrent pour la boire pendant qu/ il causait. Elle arrêtait pas de lui remplir son verre. Il arrêtait pas de causer. De la guerre. De sa blessure. De chez lui. De ses projets. Des mois d/ hosto et de tous ses passages sur le billard. Elle arrêtait pas de verser mais rien à faire pour qu/ y tombe dans les vapes. Le salaud. Il dit qu/ il avait seulement envie d/ être près d/ elle un moment. D/ y causer en buvant quelques verres. Elle attendit. En les maudissant lui et sa foutue mère. Et qu/ est-ce qu/ on en a à foutre que t/ aies chopé une rafale dans la jambe. Ça faisait plus d/ une heure qu/ elle était là. S/ il l/ avait baisée elle aurait peut-être pu lui sortir son fric de la poche. Mais non y causait c/ est tout. Merde à la fin. Elle lui flanqua un grand coup de bouteille sur la tête. Elle lui fit les poches et se tira. Elle sortit le fric du portefeuille qu/ elle balança. Elle le compta dans le métro. 50 billets. Pas mal. Jamais encore elle en avait eu autant d/ un seul coup. Mais ça méritait mieux. Avoir écouté toutes ces conneries. Oui alors. Lenfoiré. J/ aurais dû le cogner beaucoup plus. Pour 50 misérables billets bavard comme une pie ou chaispas quoi. Elle en garda 10 et planqua le reste et se grouilla de retourner chez le Grec. Y avait Tony et Al qui lui demandèrent où elle était passée. Alex dit que tu t/ es tirée avec un biffin bourré y a une heure ou deux. Ouais. Un vrai taré. J/ ai cru qu/ il était plein aux as. T/ as palpé ? Oui. Combien ? 10 dollars. Il arrêtait pas de dire qu/ il en avait un paquet et tout ce qu/ il avait c/ était 10 dollars ce minable. Ah oui ? Fais voir. Elle leur montra largent. T/ es sûre quc/ est tout cque t/ as ? Vous voulez me fouiller ? Vous croyez que jme suis planqué un truc dans le cul ? On verra ça plus tard. Ben voyons. Et vous ? Zavez palpé ? Un peu. Mais t/ as pas à t/ en faire pour ça. T/ en as assez. Elle ne dit rien et haussa les épaules. Elle sourit et proposa de leur payer un café. Et ? Putain. Quelle bande de vampires. Dac. Eh Alex… Ils étaient encore assis au comptoir quand le biffin entra. Il tenait un mouchoir ensanglanté contre sa tête et du sang avait coagulé sur son poignet et sa joue. Il saisit Tralala par le poignet et la tira à bas de son tabouret. Donne-moi mon portefeuille sale pute. Elle lui cracha à la figure et lui dit d/ aller se faire foutre. Al et Tony le plaquèrent contre le mur en lui demandant pour qui y s/ prenait. Écoutez, je vous connais pas et vous me connaissez pas. J/ ai aucune raison de me battre avec vous les gars. Tout ce que je demande c/ est mon portefeuille. Y me faut ma carte d/ identité sinon je peux pas rentrer à la base. Tu peux le garder mon putain de fric. Je m/ en fiche. Tralala se mit à lui gueuler sous le nez qu/ il était un proparien d/ enculé de salopard de sa mère et lui flanqua des coups de pied, craignant qu/ il dise combien elle lui avait piqué. Espèce de héros à la con. T/ as qu/ à bazarder une ou deux médailles si t/ as tellement besoin de fric. Elle lui cracha à la figure de nouveau, plus parce qu/ elle avait peur de cqu/ y pouvait dire mais fumasse. Salement fumasse. Pour 50 misérables dollars il était en larmes. Et d/ ailleurs, il aurait dû avoir plus. Espèce de putain de taré dégueulasse. Elle lui donna un coup de pied dans les couilles. Il l/ agrippa de nouveau. Il chialait et se plia en deux cherchant à reprendre son souffle que la douleur du coup de pied avait coupé. Sans mon laissez-passer je peux pas rentrer à la base. Faut que j/ y retourne. On me rapatrie en avion demain. Ça fait presque 3 ans que chuis pas rentré chez moi. J’ai été gravement blessé. Steplaît, STEPLAÎT, rien qule portefeuille. C/ est tout ce que je demande. Rien que ma carte d’identité. STEPLAÎT QUOI !
Les larmes zébraient le sang coagulé et il s/ accrochait à Tony et à Al pendant que Tralala lui martelait la figure, crachant, jurant et balançant des coups de pied. Alex leur beugla d/ arrêter et de sortir. Je veux pas d/ histoire ici. Tony entoura du bras le cou du biffin et Al lui fourra le mouchoir ensanglanté dans la bouche et ils le traînèrent dehors jusqu/ à l/ obscurité d/ un porche. Il pleurait toujours en suppliant qu/ on lui rende sa carte d’identité et en essayant de leur expliquer qu/ il voulait rentrer chez lui quand Tony lui redressa la tête en le tirant par les cheveux et que Al lui décocha quelques coups de poing dans le bide et ensuite dans la figure, puis le saisit à son tour pendant que Tony lui flanquait une série de gnons ; mais ils s/ arrêtèrent assez vite, pas par crainte de larrivée éventuelle des flics mais parce qu/ ils savaient qu/ il avait plus un rond et qu/ ils étaient encore fatigués d/ avoir cogné le matelot qu/ ils avaient dépouillé plus tôt. Ils le lâchèrent donc et il tomba par terre sur le dos. Avant de partir Tralala lui piétina la figure jusqu/ à ce qu/ il saigne des deux yeux et qu/ il ait le nez cassé et fendu et puis elle lui balança encore quelques coups de pied dans les couilles. Spèce de sale fumier, puis ils s/ en allèrent et descendirent lentement la 4e avenue et prirent le métro pour Manhattan. Des fois que quelqu/ un s’aviserait de les dénoncer. D/ ici un jour ou deux on le réexpédierait chez lui et tout le monde y verrait que du feu. Un connard de biffin de plus ou de moins. D/ ailleurs il avait que cqu/ y méritait. Ils bouffèrent dans une cafétéria et allèrent dans un cinoche permanent toute la nuit. Le lendemain ils prirent deux chambres dans un hôtel de l/ East Side et restèrent à Manhattan jusqu/ au soir suivant. Quand ils retournèrent chez le Grec Alex leur dit que des MP et un inspecteur étaient venus poser des questions sur les types qui avaient dérouillé un militaire l/ avant-veille au soir. Ils avaient dit qu/ il était en piteux état. Il avait fallu l/ opérer et il risquait de perdre un œil. Si c/ est pas malheureux. Les MP avaient dit que s/ ils chopaient les types qui avaient fait ça ils les crèveraient. Et le flic quest-cqu/ il a dit. Que dalle. Vous savez. Ouais. Nous crever ! Les tarés. On devrait les descendre pour leur apprendre à vivre. Tralala éclata de rire. J/ aurais dû porter plainte pour viol. J/ aurai pas dix-huit ans avant une semaine. Y m/ a violée ce salopard de taré de fils de pute. Ils rirent et commandèrent des cafés arrosés. Quand ils les eurent avalés, Al et Tony s/ avisèrent qu/ il était temps de faire la tournée de quelques-uns des bars pour voir un peu lambiance. Dans un des bars, ils remarquèrent que le barman glissait une enveloppe dans une boîte en fer-blanc derrière le comptoir. Y avait apparemment un tas de biffetons au fond de la boîte. Ils allèrent inspecter la fenêtre des TOILETTES HOMMES et la ruelle sur laquelle elle donnait puis ils quittèrent le bar et retournèrent chez le Grec. Ils mirent Tralala au courant de cqu/ ils comptaient faire et allèrent dans une chambre meublée qu/ ils avaient louée au-dessus d/ un des bars de la 1re avenue. À lheure de la fermeture ils prirent un gros tournevis et allèrent au bar en question. Tralala fit le pet dans la rue pendant qu/ ils forçaient la fenêtre. Y n/ en eut que pour quelques minutes, après quoi ils sautèrent à lintérieur, se glissèrent jusqu/ au comptoir, saisirent la boîte, ressortirent par la fenêtre et sautèrent dans la ruelle. Là, ils ouvrirent la boîte et se mirent à compter. Ils étaient au bord de la panique quand le compte fut fini. Il y avait presque 2 mille dollars. Ils les regardèrent fixement pendant quelques instants avant de les fourrer dans leurs poches. Puis Tony en prit 2 ou 3 centaines qu/ il mit dans une autre poche en disant à Al qu/ il raconterait à Tralala quc/ était tout cqu/ ils avaient piqué. Ils sourirent, réprimèrent un fou rire puis se calmèrent avant de quitter la ruelle pour retrouver Tralala. Ils emportèrent la boîte qu/ ils jetèrent dans un égout et retournèrent à la chambre. Quand ils étaient sortis de la ruelle, Tralala avait couru à leur rencontre en leur demandant comment ils s/ en étaient tirés et combien ils avaient et Tony lui avait répondu de la fermer qu/ ils en avaient 2 ou 3 cents et de faire semblant de rien jusqu/ à cqu/ ils soient de retour dans la chambre. Une fois là Al entreprit de lui raconter quc/ avait été un jeu d’enfant d’entrer par la fenêtre et de prendre la boîte mais Tralala l/ ignora et continua à demander combien ils avaient. Tony sortit le fric de sa poche et ils le comptèrent. Pas mal hein Tral ? 250 tickets. Ouais ? Si vous m/ en refiliez 50 tout de suite. En quel honneur ? Tu vas nulle part là. Elle haussa les épaules et ils se pieutèrent. Le lendemain après-midi ils allèrent chez le Grec boire un café et 2 inspecteurs s/ amenèrent et leur enjoignirent de sortir. Ils les fouillèrent, prirent le fric qu/ ils avaient dans les poches et les firent monter sans ménagement dans leur bagnole. Les inspecteurs leur agitèrent les billets sous le nez en secouant la tête. Vous êtes assez cons pour casser le relais d/ un book ? Hein ? Hein, hein ! Vous vous croyez malins c/ est ça ? Les inspecteurs se marraient et furent d/ ailleurs ébahis en vrais pros qu/ ils étaient quand ils comprirent devant lexpression stupide d/ Al et de Tony que ces pauvres types ne savaient vraiment pas qui ils avaient volé. Tony émergea lentement de son espèce de coma et se mit à protester qu/ ils n/ avaient rien fait du tout. Un des deux flics lui flanqua une baffe en lui disant de la fermer. Ah putain de nomdedieu n/ essaye pas de nous faire avaler tes conneries. J/ imagine que vous venez de ramasser 2 000 dollars par terre dans un terrain vague c/ est ça ? Tralala se récria, combien ? Les flics lui lancèrent un bref regard avant de se retourner vers Tony et Al. Vous pouvez faire les poches d/ un mataf bourré de temps en temps et vous en tirer, mais quand tu commences à piquer mon propre fric dans ma poche à moi tu vas trop loin ptite tête. Vous faites vraiment une belle paire de corniauds tous les deux… bon la môme, tire-toi. À moins que tu veuilles profiter du voyage toi aussi ? Elle recula, s/ écartant machinalement de la voiture, sans cesser de regarder fixement Tony et Al. Les portières claquèrent et la bagnole partit. Tralala retourna chez le Grec et s/ assit au comptoir pestant contre Tony et Al et puis contre les bourres qui les avaient arrêtés avant qu/ elle puisse prendre sa part. Z/ en avaient pas dépensé le premier centime. Les foutus salopards. Les ordures, les fumiers de fils de pute. Salopards de voleurs à la con. Elle resta à picoler du café tout laprès-midi puis partit et traversa la rue pour aller Chez Willie. Elle alla au bout du comptoir et mit à causer avec Ruthy, la barmaid, lui racontant ce qui s/ était passé, s/ interrompant à tout bout de champ pour pester contre Tony, Al, les bourres et la poisse. Le bar se remplissait lentement et Ruthy la laissait toutes les 3 minutes pour aller servir un verre et quand elle revenait Tralala lui racontait lhistoire depuis le début, gueulant à propos des 2 mille dollars dont ils avaient même pas eu une chance de dépenser le premier sou. À force de répéter son histoire elle oublia Tony et Al et se contenta de maudire les bourres et sa poisse et d/ injurier le matelot ou le biffin qui passait de temps à autre et lui demandait si elle voulait un verre ou se contentait de la regarder. Ruthy n/ arrêtait pas de remplir le verre de Tralala dès qu/ elle l/ avait vidé en lui disant de plus y penser. Pas de quoi se taper la tête contre les murs. C/ est pas les occases qui manquent. Enfin, y en a pt/ ête pas tant que ça, mais ça suffit bien. Tralala renâcla, finit son verre et dit à Ruthy de le remplir. Ayant ravalé sa colère elle se calma et quand un jeune matelot vint jusqu/ à elle en titubant elle lui jeta un regard et dit oui. Ruthy leur apporta deux verres et sourit. Tralala le regarda sortir largent de sa poche et supputa que ça pouvait valoir le coup. Elle lui dit qu/ y avait de meilleurs endroits pour boire que ce troquet minable. Ben d/ accord allons-y poupée. Il avala son verre d/ un trait et Tralala laissa le sien sur le bar et ils sortirent. Ils montèrent dans un taxi et le marin lui demanda où on va et elle dit que ça lui était égal, n/ importe où. OK. Emmenez-nous à Times Square. Il lui offrit une cigarette et se mit à vider son sac. Il s/ appelait Harry. Il était de l/ Idaho. Il venait de rentrer d/ Italie. Il allait… Elle ne prenait même pas la peine de sourire mais l/ observait, essayant de supputer à quel moment il tomberait ivre mort. Des fois y tiennent toute la nuit. C/ est difficile à dire. Elle se détendit et réfléchit. Pas possible de l/ estourbir ici. Obligée d/ attendre qu/ il tombe dans les vapes à moins que je lui demande du fric tout simplement. Faut voir comment qu/ ils le claquent. Faut que je m/ arrange pour me retrouver seule dans une piaule avec lui. S/ il tombe pas dans les vapes jle frapperai avec cque j/ aurai sous la main – et l/ aurait fallu que tu voies ce qu/ on a fait à ce petit sal… Il continuait à parler et Tralala fumait et les réverbères défilaient et le compteur cliquetait. Il se tut quand le taxi s/ arrêta devant le Crossroads. Ils descendirent pour essayer d/ entrer au Crossroads mais le barman regarda le marin ivre et fit non de la tête. Ils traversèrent donc la rue pour entrer dans un autre bar. C/ était bondé, mais ils trouvèrent une petite table au fond de la salle et s/ assirent. Ils commandèrent à boire et Tralala but quelques gorgées puis poussa son verre en travers de la table vers le marin quand il eut fini le sien. Il se remit à parler mais léclairage et la musique produisant peu à peu leur effet sur lui le sujet changea et il se mit à dire à Tralala combien elle était jolie et qu/ elle allait pas s/ ennuyer avec lui ; et elle lui dit qu/ elle lui ferait passer un moment inoubliable sans prendre la peine de dissimuler un bâillement. Radieux il se mit à boire plus vite et Tralala lui demanda s/ il pouvait lui passer un peu de fric. Elle était fauchée et devait en trouver sous peine d/ être virée de sa piaule. Il lui dit de pas s/ en faire pour ça qu/ il se chargeait de lui trouver un endroit pour passer la nuit et il cligna de lœil et Tralala eut envie de lui balancer sa cigarette à la gueule, à ce radin, mais songea que mieux valait attendre de lui avoir pris son fric avant de faire quoi que ce soit. Il lui tripota la main et elle fit des yeux le tour de la salle et avisa un officier qui la regardait fixement. Il avait un paquet de décorations comme le dernier biffin qu/ elle avait dépouillé et elle se dit qu/ il devait avoir plus de fric que Harry. D/ ordinaire les gradés sont pleins aux as. Elle se leva disant à Harry qu/ elle allait aux toilettes. Lofficier vacilla légèrement quand elle marcha droit sur lui avec un sourire. Il lui prit le bras et lui demanda où elle allait. Nulle part. Oh mais on ne peut pas laisser une jolie fille comme vous aller nulle part. J/ ai une chambre qui est vide et des litres de whisky. Alors… elle lui dit d/ attendre et retourna à sa table. Harry dormait presque et elle essaya de lui sortir le fric de la poche et il se mit à remuer. Quand ses yeux s/ ouvrirent elle se mit à le secouer, sortant la main de sa poche, et à lui dire de se réveiller. Tu disais quj/ allais pas m/ ennuyer avec toi. Je veux. Il hocha du chef et sa tête descendit lentement vers la table. Eh Harry, réveille-toi. Le garçon veut être sûr qut/ as du fric. Fais-y-leur voir ton fric sans quoi je vais devoir payer. Je veux. Il sortit lentement une poignée de billets froissés de sa poche et Tralala les lui prit de la main en disant, je vous le disais bien qu/ il a dl/ argent. Elle prit les cigarettes sur la table, mit le fric dans son sac et retourna au comptoir. Mon ami s/ est endormi alors je crois pas que ça l/ embêterait mais il me semble qu/ on ferait mieux d/ y aller. Ils sortirent du bar et marchèrent jusqu/ à l/ hôtel de lofficier. Tralala espérait qu/ elle ne s/ était pas trompée. Harry avait peut-être plus de fric caché autre part. Lofficier devait en avoir plus. Et de toute manière elle avait probablement pris tout ce que Harry avait sur lui et elle en prendrait encore à c/ connard s/ il en avait. Elle le regarda en tentant de déterminer combien il pouvait avoir mais tous les officiers ont la même allure. C/ est l/ ennui avec ces foutus uniformes. Et puis elle se demanda combien elle avait piqué à Harry et combien de temps il lui faudrait attendre avant de compter son butin. Quand ils furent dans la chambre de lofficier elle alla droit à la salle de bains, défroissa un peu les billets et les compta. 45. Merde. Chierie. Elle plia le fric, sortit de la salle de bains et le fourra dans une poche. Il versa 2 petits verres et ils s/ assirent pour bavarder pendant quelques minutes puis il éteignit la lumière. Tralala se dit que ça ne rimerait à rien de tenter quoi que ce soit aussitôt, elle se laissa donc aller décidée à prendre un peu de bon temps. Ils étaient en train d/ en griller une en buvant un nouveau verre quand il se tourna pour l/ embrasser et lui dit qu/ elle avait la plus jolie paire de nichons qu/ il ait jamais vue. Il continua de parler pendant quelques minutes mais elle ne l/ écoutait plus. Elle pensait à ses nichons et à ce qu/ il avait dit et qu/ elle pouvait avoir qui elle voulait grâce à eux et envoyer balader les bars comme Chez Willie et tous ces pauv/ types, qu/ elle allait rester dans le coin un moment et qu/ elle s/ en tirerait bien. Ils éteignirent leur cigarette et pendant tout le reste de la nuit elle ne se demanda plus combien de fric il avait. Au petit déjeuner du lendemain matin il essaya de se rappeler tout ce qui s/ était passé dans le bar, mais Harry n/ était plus qu’un vague souvenir et il n/ avait pas envie de la questionner. 2 ou 3 fois il essaya de parler mais dès qu/ il la regardait il se sentait un peu coupable. Quand ils eurent fini de manger il lui alluma une cigarette, sourit, et lui demanda s/ il pouvait lui payer quelque chose. Une robe ou un truc dans ce goût-là. C/ est-à-dire, enfin tu sais, j/ aimerais te faire un petit cadeau. Il s/ efforçait de ne pas avoir l/ air sentimental ou penaud, mais il avait du mal à exprimer ce qu/ il éprouvait, là, le matin, avec une légère gueule de bois, et il la trouvait jolie et même un peu innocente. Avant tout il ne voulait pas lui donner limpression qu/ il proposait de la payer ou qu/ il l/ insultait en insinuant quelle n/ était qu/ une prostituée comme une autre ; mais une bonne part de son sentiment de solitude avait disparu et il avait envie de l/ en remercier. Tu comprends, ma perm se termine dans quelques jours alors je pensais qu/ on pourrait peut-être… C/ est-à-dire je me disais qu/ on pourrait passer encore un peu de temps ensemble… il bafouillait comme s/ il avait à se faire pardonner espérant qu/ elle comprenait ce qu/ il tentait de dire mais les mots glissaient sur elle et quand elle se rendit compte qu/ il avait terminé elle dit pourquoi pas. J/ vais mgêner. C/ est vachement mieux que de se débattre avec un pochetron. Et puis elle se sentait bien ce matin, bien mieux que la veille (se rappelant brièvement les bourres et le fric qu/ ils lui avaient pris) et peut-être même qu/ il lui refilerait le sien avant de retourner outre-mer (qu/ est-ce qu/ il aurait pu en faire ?) et avec ses nichons elle s/ en tirerait toujours et enfin quoi merde, jamais encore elle avait si bien baisé… ils allèrent courir les magasins et elle acheta une robe, 2 chandails (2 tailles en dessous de la sienne), des chaussures, des bas, un sac à main et un baise-en-ville pour y mettre ses fringues. Elle protesta un peu quand il lui dit d/ acheter une trousse à maquillage (ne sachant pas ce que c/ était quand il la lui tendit, elle ne vit pas lintérêt de claquer du fric pour ça quand il n/ avait qu/ à le lui donner), et il apprécia cette pudeur avec laquelle elle voulait l/ empêcher de trop dépenser ; et il accueillait avec de petits rire la surexcitation enfantine qu/ elle manifestait à faire les boutiques, pour regarder et pour acheter. Ils emportèrent tous les paquets à lhôtel et Tralala mit sa robe et ses chaussures neuves et ils allèrent au restaurant puis au cinéma. Pendant les quelques jours qui suivirent ils allèrent au cinéma, dans des restaurants (Tralala cherchant à repérer ceux qui semblaient fréquentés par des officiers) et dans quelques autres boutiques avant de rentrer à lhôtel. À leur réveil le 4e jour il lui dit qu/ il devait repartir et lui demanda si elle voulait bien l/ accompagner à la gare. Elle accepta pensant qu/ il lui donnerait peut-être son fric et elle se tint gauchement sur le quai avec lui, leurs bagages autour d/ eux, attendant qu/ il monte dans le train et s/ en aille. Lheure du départ finit par arriver et il lui tendit une enveloppe et l/ embrassa avant de monter dans le train. Elle tâta lenveloppe tandis qu/ elle levait un peu la tête pour qu/ il puisse l/ embrasser. Elle était mince mais elle se dit que c/ était peut-être un chèque. Elle la mit dans son sac à main, saisit son baise-en-ville et alla dans la salle d’attente où elle s/ assit sur un banc et ouvrit lenveloppe. Elle déplia la feuille de papier et se mit à lire : Chère Tral : il y a tant de choses que je voudrais dire et que j/ aurais dû dire, mais… une lettre. Une saloperie de LETTRE. Elle déchira lenveloppe et tourna la lettre plusieurs fois. Pas un rond. J/ espère que tu comprends ce que je veux dire et suis incapable d/ exprimer – elle regardait les mots – si tes sentiments sont bien ceux que j/ espère je te mets mon adresse au bas de la page. Je ne sais pas si je survivrai à cette guerre mais… Merde. Sans véhémence un simple constat. Elle jeta la lettre et prit le métro pour Brooklyn. Elle alla Chez Willie pour montrer ses beaux atours. C/ était Ruthy qui tenait le bar et Annie Remorqueur était assise dans la salle avec un marin. Debout au comptoir elle se mit à bavarder avec Ruthy pendant quelques minutes répondant à ses questions sur les fringues et lui racontant qu/ elle vivait avec un micheton plein aux as qui lui refilait du fric et l/ emmenait dans des tas d/ endroits. Ruthy la laissait de temps en temps pour aller servir et quand elle revenait Tralala poursuivait son récit, mais Ruthy ne tarda pas à se fatiguer de ce ramassis de conneries et limagination plutôt courte de Tralala fut bientôt épuisée. Elle se tourna alors pour regarder Annie et lui demander quand elle était sortie de taule. Annie lui répondit d/ aller se faire foutre. Si tu trouves quelqu/ un qui veut bien, cqui m/ étonnerait. Annie se mit à rire et Tralala lui dit de fermer sa gueule de mange-merde. Le marin se leva et se dirigea en titubant vers Tralala. Faut pas causer comme ça à ma copine. Cette mocheté ? Tu devrais pouvoir faire mieuxa. Elle sourit et mit sa poitrine en valeur. Le marin éclata de rire s/ accouda au comptoir et lui demanda si elle voulait boire quelque chose. Pourquoi pas. Mais pas dans ce rade miteux. Allons quelque part où y aura pas toutes ces poufiasses. Le marin hurla de rire, retourna à sa table, vida son verre et partit avec Tralala. Annie leur gueula après et voulut lancer un verre sur Tralala mais quelqu/ un lui retint le bras. Tralala et Jack (Je m/ appelle Jack, chuis mécanicien de marine et je…) montèrent dans un taxi pour aller dans le centre. Tralala songea à le larguer aussitôt (elle avait seulement voulu faire chier Annie), mais se dit qu/ autant valait attendre un peu la tournure que prendraient les choses. Elle resta avec lui et ils allèrent à lhôtel et quand il tomba ivre mort prit ce qu/ il avait et repartit vers le haut de Manhattan. Elle entra dans un bar à Times Square et s/ assit au comptoir. C/ était plein d/ appelés et quelques marins ivres lui sourirent quand elle regarda autour d/ elle, mais elle les ignora comme les autres clients du bar l/ ignoraient. Elle voulait être sûre de harponner le bon numéro. Fini les matafs bourrés et les biffins à 2 balles pour elle, fini et bien fini. Non mais des fois. Avec les fringues quelle avait. Et les nichons ? Pour qui se prenaient-ils ces pauves nases. Je devrais aller leur cracher à la gueule à ces pue-du-bec. Merde ! Même pas bons à me baiser lcul. Elle écrasa sa cigarette et prit une petite gorgée de son verre. Elle attendit. Elle sourit à quelques officiers qui lui semblaient du genre à avoir du blé, mais ils étaient accompagnés. Elle maudit ces gonzesses entre ses dents, tira sur le haut de sa robe, regarda autour d/ elle et aspira une gorgée de son verre. Même à petites gorgées il fut bientôt vide et elle dut en commander un autre. Le barman le remplit et crut discerner qu/ elle était plutôt là en amateur. Il sourit et fut presque tenté de lui dire qu/ elle se trompait d/ établissement mais se retint. Il se contenta de la servir en songeant qu/ elle serait plus à sa place dans un des bars de la 8e avenue. Elle reprit une gorgée de son verre et alluma une nouvelle cigarette. Pourquoi était-elle encore seule ? C/ était quoi cette boîte à la con ? Tous les hommes qui avaient un peu de blé étaient avec une gonzesse. Bande de dégueulasses. Y en avait pas une avec des nichons à moitié aussi gros que les siens. Elle pouvait avoir tous les fils de pute qui entraient Chez Willie, tous les paumés qui s/ amenaient chez le Grec. Alors pourquoi pas les affreux d/ ici ? Y zauraient dû être tous autour d/ elle au lieu qu/ elle soit toute seule au bar. 2 heures qu/ elle était là déjà. Elle avait envie de se lever et dleur gueuler allez vous faire foutre tant que vous êtes. Vous êtes qu/ une bande de nases. Elle montrait les dents aux femmes qui passaient. Elle rajustait sa robe et rejetait les épaules en arrière. Du temps passa encore. Elle continuait d/ ignorer les ivrognes estimant qu/ un type plein aux as finirait par se montrer. Elle ne touchait pas à son 3e verre se contentant de regarder autour d/ elle, maudissant tous les fils de pute de c/ troquet tandis que sa rage et son désespoir ne cessaient d/ enfler. Elle ne tarda plus à se mettre à hurler dans sa tête, bordel de Dieu si seulement elle avait un shlasse comment qu/ elle leur couperait les couilles à tous. Un sous-officier de marine s/ amena et lui demanda si elle voulait un verre et elle faillit lui cracher à la gueule mais se contenta de marmonner en regardant la pendule et de dire merde. Ouais, c/ est ça, allons-y. Elle vida son verre d/ un trait et ils partirent. Sa tête était encore si pleine d/ une fureur de récriminations (et ce fils de pute qui me refile rien qu/ une saloperie de lettre) qu/ elle resta couchée sur le dos, les yeux fixés au plafond et ignora le marin pendant qu/ il la baisait et quand il roula enfin sur le côté pour la dernière fois et s/ endormit – elle continua à regarder fixement et à récriminer des heures durant avant de s/ endormir à son tour. Le lendemain après-midi elle lui demanda de largent et il se mit à rire. Elle essaya de le frapper mais il lui saisit le bras, lui flanqua une gifle et lui dit qu/ elle savait plus ce qu/ elle faisait. Il rit encore et lui dit de se calmer. Il avait quelques jours de perm et assez de fric pour eux deux. Ils pouvaient se payer du bon temps. Elle l/ injuria, cracha et il lui dit de prendre ses affaires et de se tirer. Elle s/ arrêta dans une cafétéria pour aller aux toilettes s/ asperger la figure avant de se payer une tasse de café et un petit pain. Elle sortit et retourna dans le même bar. Il n/ y avait pas grand-monde, surtout des appelés venus picoler pour se débarrasser de leur gueule de bois, alors elle s/ assit et sirota quelques verres en attendant que le bar se remplisse. Elle essaya de repérer un client juteux mais au bout d/ une heure, et de quelques verres, elle continua d/ ignorer tout le monde et d/ attendre. 2 marins lui demandèrent si elle voulait boire quelque chose et elle dit Oh et puis merde et partit avec eux. Ils dérivèrent pendant des heures en picolant et puis elle suivit les 2 dans une piaule et ils lui donnèrent quelques billets le lendemain matin ce qui fait qu/ elle resta avec eux pendant plusieurs jours, 2 ou 3, soûle la plupart du temps et retournant de temps en temps à la piaule avec eux et leurs potes. Et puis ils s/ en allèrent ou partirent on ne sait où, et elle retourna au bar pour en chercher un autre ou tout un équipage et puis merde. Pour cque ça change. Elle rajusta sa robe mais ne pensa pas à se laver. Elle n/ avait pas atteint le comptoir que quelqu/ un la saisit par le bras, l/ entraîna vers une porte latérale et lui dit de se barrer. Debout au coin de la 42e rue et de Broadway, elle les abreuva d/ insultes, exigeant de savoir pourquoi on laissait entrer toutes ces poufiasses vérolées mais qu/ on flanquait à la porte une jolie jeune fille, bande de connards. Tournant les talons elle traversa la rue, marmonnant toujours entre ses dents, et entra dans un autre bar. Il était bondé et elle se fraya un chemin jusqu/ au fond de la salle près du jukebox histoire de jeter un œil. Quand quelqu/ un s/ amenait pour mettre un morceau elle souriait, rejetait les épaules en arrière et s/ écartait les cheveux de la figure. Elle resta là à picoler et à sourire et finit par partir avec un troufion ivre. Ils baisèrent presque toute la nuit, dormirent un peu puis se réveillèrent et recommencèrent à boire et à baiser. Elle resta avec lui un jour ou deux, plus peut-être, elle était pas sûre et d/ ailleurs ça changeait rien, puis il disparut et elle se retrouva à laffût dans un bar.
Elle se mit à rebondir de bar en bar rajustant sans cesse sa robe moulante et s/ aspergeant à loccasion la figure d/ un peu d/ eau avant de quitter une chambre d/ hôtel, commandant à boire d/ une voix pâteuse et cessant bientôt de regarder mais se contentant de dire ouais, ouais, xapeufoute et poussant son verre vide vers le barman et ne voyant même pas des fois la figure du pochetron qui lui payait à boire et lui grimpait dessus avant d/ en redescendre et lui bavotait sur les nichons ; buvant, voilà, puis ôtant ses fringues et écartant les pattes et dérivant dans le sommeil ou dans une somnolence d/ ivrogne à la première secousse. Le temps passait – les mois, les années peut-être, qui sait, et il n/ y avait plus de robe mais seulement une jupe loqueteuse et un vieux chandail et les bars de Broadway étaient devenus les bars de la 8e avenue mais bientôt même ces rades avec leurs putes, leurs dealers, leurs macs, leurs folles et leurs demi-sel la flanquèrent à la porte et le linoléum se mua en planches lesquelles se couvrirent ensuite de sciure, la sciure d/ un quelconque bistrot des docks où elle faisait durer sa bière, aboyant des injures à tous les fils de pute qui la faisaient chier et suivant le premier venu qui lui jetait un regard ou qui avait un endroit où se pager. La lune de miel était finie et elle tirait encore sur le chandail moulant mais il n/ y avait plus personne pour la regarder. Quand elle se traînait hors du taudis où elle venait de crécher elle s/ affalait dans le bar le plus proche et y restait jusqu/ à cqu/ on lui propose un nouveau coin de paillasse. Mais chaque soir elle exhibait ses nichons et cherchait de lœil un bon client, refusant tout net les salopards qui se torchaient la gueule à la vinasse mais les clodos, eux, ne voyaient que leur bière et elle attendait le client qui aurait 50 cents qu/ il voulait bien claquer sur une bière en échange d/ un peu de cul et elle dérivait de rade en rade devenant de plus en plus craspec et pouilleuse. Elle était dans un bar de South street et un marin lui avait payé une bière mais ses potes qui dépendaient de lui pour picoler furent pris de panique à lidée qu/ il allait les laisser tomber et lui refiler à elle leur budget bibine alors quand il alla pisser sans lui laisser le temps de boire ils la jetèrent à la rue. Elle s/ assit au bord du trottoir à brailler jusqu/ à cqu/ un flic s/ amène et d/ un coup de tatane lui enjoigne de circuler. Elle se releva en vrac couvrant d/ injures tous ces fils de pute jusqu/ au dernier et leur dit que leur putain de bière y pouvaient sla foutre au cul. Elle avait pas besoin qu/ un fumier de crève-la-faim lui paye à boire. Elle pouvait avoir tout ce qu/ elle voulait Chez Willie. Elle prenait son pied. Elle allait retourner Chez Willie ou cqu/ elle disait comptait pas pour du beurre. Ça c/ était un bar, LE bar. Y avait toujours quelqu/ un là-bas qu/ avait du fric et pas de paumés comme ce tas de dégueulasses. Y croyaient-y qu/ elle allait sfaire mettre et tripoter les nichons par un paumé pour quelques malheureux dollars. Merde alors ! Elle pouvait se faire la solde annuelle d/ un mataf rien qu/ à rester assise Chez Willie. Les gens savaient qui elle était Chez Willie. Jaime mieux te ldire. Elle descendit en chancelant dans le métro qu/ elle prit pour aller à Brooklyn. Marmonnant et jurant entre ses dents, la sueur creusant des ruisseaux dans la crasse de sa figure. Elle gravit les 3 marches qui menaient à lentrée et fut brièvement déçue que la porte ne soit pas fermée ce qui lui aurait permis de l/ ouvrir à la volée. Elle s/ immobilisa à peine une seconde sur le seuil le temps d/ un regard circulaire puis alla jusqu/ au fond où Annie Remorqueur, Ruthy et un matelot étaient assis au bar. Elle se posta à côté du matelot, se pencha devant lui pour sourire à Annie et à Ruthy puis commanda à boire. Le barman la regarda et lui demanda si elle avait de largent. Elle lui répondit qu/ c/ était pas ses oignons. Mon ami là, va le payer. Pas vrai mon chou. Le marin se mit à rire et poussa un bifton devant lui alors elle eut son verre et rit au nez de ce pauvre con de fils de pute de loufiat. Cte pourriture de fumier. Annie la tira à part pour lui dire que si elle essayait de lui casser son coup elle la crèverait sur place et répandrait ses tripes par terre. Moi et Ruthy on se tire dès que le pote à Jack se pointera et si tu mets la merde je te jure que tu l/ regretteras pétasse. Tralala se dégagea d/ une secousse et retourna au bar et s/ appuya contre le marin lui frottant le bras avec ses nichons. Il éclata de rire et lui dit de vider son verre. Ruthy dit à Annie de pas faire attention à elle, Fred va arriver et on se tirera, et elle causait avec Jack et Tralala se penchait pour interrompre leur conversation et ricaner méchamment contre Annie souhaitant xa la brûle à en crever quand ce serait elle qui partirait avec Jack et Jack riait de tout et donnait des coups de poing sur le comptoir et payait des verres et Tralala souriait et picolait et le jukebox gueulait dla musique de p/ tit blanc avec un blues par-ci par-là, et le néon rouge et bleu autour du miroir derrière le bar crachotait et clignotait et les soldats les marins et les putes dans la salle ou accrochés au comptoir braillaient et riaient et Tralala levait son verre en disant cul sec et puis le reposait en le cognant sur le comptoir et elle frottait ses nichons contre le bras à Jack et il la regardait en se demandant combien de points noirs elle avait sur la figure et si le gros bouton blanc là sur sa joue allait pas exploser et suinter et il disait un truc à Annie et puis hurlait de rire et lui flanquait une claque sur la jambe et Annie souriait et décidait que Tralala existait pas et la caisse enregistreuse faisait son ramdam et la fumée flottait sur tout ça et Fred arriva et se joignit à la fête et Tralala réclama un autre verre en beuglant et demanda à Fred si ses nichons lui plaisaient et il y enfonça un doigt en disant j’ai l’impression quc/ est des vrais et Jack fila des coups de poing sur le comptoir et éclata de rire et Annie injuria Tralala et essaya de convaincre les autres de s/ en aller et ils dirent restons encore un peu, on smarre bien. Et Fred fit un clin d/ œil et quelqu/ un frappa la mesure sur une table en hurlant de rire et un verre tomba par terre et la fumée se dissipait en arrivant près de la porte et Tralala ouvrait la braguette à Jack et souriait et il la refermait 5 6 7 fois en riant et regardait fixement le gros bouton blanc et les néons clignotaient et la caisse enregistreuse psalmodiait son ramdam et Tralala disait à Jack qu/ elle avait des gros nichons et il tapait sur le comptoir en riant et Fred clignait de lœil et riait et Ruthy et Annie voulaient s/ en aller avant qu/ un truc arrive qui casserait leur coup et se demandaient combien de fric ils avaient et râlaient dles voir le claquer pour Tralala et Tralala vidait ses verres cul sec et gueulait pour en avoir d/ autres et Fred et Jack riaient et clignaient de lœil et flanquaient des coups de poing sur le comptoir et un autre verre tomba par terre et quelqu/ un se lamenta d/ avoir perdu sa bière et deux mains entreprenaient à grand-peine l’exploration d/ une jupe sous une table et elle leur soufflait sa fumée à la figure et la tête d/ un type ivre mort tomba sur la table et on agrippa une bière avant qu/ elle tombe et Tralala était rayonnante c/ était gagné et elle la mettait profond à Annie et à toutes les autres et elle avala encore un verre d/ un trait et il lui en dégoulina sur le menton et elle s/ accrocha au cou à Jack et lui frotta sa poitrine contre la joue et il leva les mains pour lui tourner les tétons comme les boutons d/ une TSF en hurlant de rire et Tralala souriait parce que Oh c/ était gagné maintenant et elle pissait à la raie de tous ces enfoirés et Jessie James volait aux riches pour donner aux pauvres et quelqu/ un tira le pochetron de sa banquette et le flanqua dehors par la porte de derrière et Tralala retroussa son chandail et fit rebondir ses nichons sur la paume de ses mains en souriant souriant souriant et Jack et Fred s/ étranglèrent de rire et le barman lui dit de planquer ça tout de suite et fous-moi le camp sur-le-champ et Ruthy et Annie échangèrent un clin d/ œil et Tralala se retourna lentement en les faisant sauter haut sur ses mains exhibant sa fierté à tout le bar et elle souriait en faisant rebondir la plus grosse et la plus belle paire de nichons du monde sur ses mains et quelqu/ un gueula c/ est des vrais et Tralala les lui fourra sous le nez et tout le monde rit et un autre verre tomba d/ une table et des types se levèrent pour regarder et les mains sortirent de sous la jupe et on renversa de la bière sur les nichons de Tralala et quelqu/ un gueula qu/ elle était baptisée et la bière lui dégoulinait sur le ventre et dégouttait de ses tétons et elle lui gifla la figure avec ses nichons et quelqu/ un gueula tu vas l/ étouffer il en crèvera – quelle belle mort – dis donc, ya quoi comme dessert – j/ ai dit de planquer ça tout de suite bordel bougre d/ hippopotame et Tralala lui dit qu/ elle avait les plus jolis nichons du monde et s/ affala contre le jukebox et laiguille dérapa en travers du disque avec le bruit d/ un rot interminable et quelqu/ un gueula toute en nichons mais pas de con et Tralala lui dit de venir voir un peu par lui-même et un troufion ivre se leva de sa banquette en disant vas-y et des verres tombèrent et Jack renversa son tabouret et tomba sur Fred et ils s/ agrippèrent au comptoir pas loin de la crise d/ hystérie et Ruthy espérait qu/ elle allait pas se faire virer parce que la place était bonne et Annie ferma les yeux en riant soulagée parce qu/ elles auraient pas à s/ en faire pour Tralala et qu/ ils avaient pas dépensé trop de fric et Tralala faisait encore sauter ses nichons sur la paume de ses mains les montrant à tout un chacun pendant que 2 ou 3 la traînaient par le bras et lui faisaient passer la porte et qu/ elle gueulait à Jack de s/ amener pour qu/ elle y montre cque baiser voulait dire pas comme cette mocheté avec qui il était et quelqu/ un gueula on arrive et on la traîna en travers des trois marches trébuchant sur les pieds d/ un autre et s/ égratignant les chevilles sur la pierre et poussant des cris mais la bande sans ralentir pour autant la traînait par un bras et Jack et Fred étaient toujours accrochés au comptoir à hurler de rire et Ruthy enleva son tablier s/ apprêtant à partir avant qu/ un truc quelconque vienne leur casser leur coup et les 10 ou 15 pochetrons traînèrent Tralala jusqu/ à une épave de bagnole sur le terrain vague au coin de la 57e rue et lui arrachèrent ses fringues et la poussèrent à lintérieur et quelques types se bagarrèrent pour voir çui qui passerait le premier et pour finir ils formèrent une espèce de file d/ attente dans laquelle tout le monde gueulait et se marrait et quelqu/ un gueula aux mecs qu/ étaient les derniers d/ aller chercher de la bière et ils partirent et revinrent avec des cannettes qu/ on se passa de main en main dans la file des baiseurs et les clients de chez le Grec s/ amenèrent et quelques-uns des autres jeunes du quartier s/ assemblèrent autour pour mater et Tralala gueulait et fourrait ses nichons dans la figure de ceux qui se présentaient devant elle et les bières circulaient et on lâchait ou balançait les cannettes vides et les mecs sortaient de lépave et retournaient au bout de la file et buvaient quelques bières en attendant que leur tour revienne et d/ autres mecs encore s/ amenaient de Chez Willie et un coup de fil à la base militaire attira encore des marins et des biffins et on apporta encore de la bière de Chez Willie et Tralala buvait de la bière pendant qu/ on la baisait et quelqu/ un demanda si on tenait le compte et un autre gueula que personne savait compter jusque-là et le dos de Tralala était strié de poussière et de sueur et ses chevilles la brûlaient de la sueur et de la poussière qui collaient aux égratignures que leur avaient faites les marches et la sueur et la bière dégoulinaient de la figure des autres sur la sienne mais elle continuait de gueuler qu/ elle avait les plus gros putain de nichons du monde à quoi quelqu/ un répliqua tu l/ as dit bouffi et il s/ en amena encore 40 peut-être 50 et ils la baisaient et reprenaient leur tour dans la file et se tapaient une bière et gueulaient et riaient et quelqu/ un gueula que la bagnole puait la cramouille alors on sortit Tralala et le siège de la bagnole et on les déposa à même le terrain vague et elle était là à poil sur le siège et leurs ombres cachaient ses points noirs et ses croûtes et ses boutons et elle picolait d/ une main secouant ses nichons de lautre et un type lui écrasa la cannette de bière contre la bouche et ils se marrèrent tous et Tralala avec un juron cracha un bout de dent et un autre lui enfonça encore la cannette dans la bouche et ils se marrèrent et poussèrent des gueulements et quand le suivant lui grimpa dessus ses lèvres étaient fendues pour de bon cette fois et le sang lui ruisselait sur le menton et un type lui épongea le front avec un mouchoir trempé de bière et on lui passa une autre cannette et elle but en gueulant encore qu/ elle avait des beaux nichons et on lui ébrécha une autre dent et la plaie de ses lèvres fendues s/ agrandit et tout le monde se marrait et elle se marrait et elle buvait et buvait et buvait encore et elle tarda pas à tomber dans les pommes et ils lui flanquèrent quelques baffes et elle marmonna et tourna la tête de-ci de-là mais ils n/ arrivèrent pas à la ranimer alors ils continuèrent à la baiser inconsciente sur le siège de bagnole dans le terrain vague et se fatiguèrent bientôt de cette proie inerte et la chaîne des baiseurs se rompit et ils retournèrent Chez Willie chez le Grec et à la base et les jeunes qui mataient en attendant de pouvoir s/ y mettre à leur tour se vengèrent de leur déception sur Tralala déchirèrent ses fringues en petits morceaux écrasèrent quelques cigarettes sur ses tétons lui pissèrent dessus se branlèrent sur elle lui enfoncèrent un manche à balais dans la cramouille et puis vaincus par lennui l/ abandonnèrent gisant parmi les tessons de bouteille les boîtes de conserve rouillées et les gravats du terrain vague et Jack et Fred et Ruthy et Annie montèrent en titubant dans un taxi riant toujours et ils se penchèrent vers la fenêtre quand ils passèrent devant le terrain vague et eurent tout le temps de bien voir Tralala gisant nue couverte de sang d/ urine et de sperme et le petit caillot que formait sur le siège entre ses jambes le sang qui lui coulait de la chatte et Ruthy et Annie étaient contentes et totalement détendues maintenant qu/ elles roulaient vers le centre-ville et qu/ on leur avait pas cassé leur coup et qu/ elles auraient plein de fric et Fred regardait par la lunette arrière et Jack se tapait la cuisse en hurlant de rire…