Chapitre 8

Pourtant, malgré les rigueurs de l’hiver, l’espoir continuait à germer dans le cœur de nos amis. C’est à cette époque que Marija connut la grande aventure de sa vie.

La victime en fut Tamoszius Kuszleika, le violoneux. Tout le monde se moquait du couple qu’il formait avec Marija. Il était si petit et si frêle que la Lituanienne aurait pu, sans effort, le soulever d’une main et l’emporter sous son bras. Mais peut-être était-ce précisément cette énergie phénoménale qui fascinait le musicien. À leur première rencontre, lors des noces de Jurgis et Ona, Tamoszius ne l’avait pas quittée des yeux ; par la suite, lorsqu’il s’aperçut qu’elle cachait au fond d’elle-même une âme d’enfant, il cessa de craindre sa voix tonitruante et ses explosions de colère. Il prit même l’habitude de lui rendre visite le dimanche après-midi.

Le seul endroit pour recevoir des visiteurs était la cuisine, en présence du reste de la famille. Tamoszius restait sur une chaise, son chapeau coincé entre les genoux, incapable de prononcer plus de trois mots d’affilée sans rougir. Son supplice ne prenait fin que lorsque Jurgis, en le gratifiant d’une bourrade amicale, l’interpellait : « Allez, frère, joue-nous un air. » Alors, le visage de Tamoszius s’éclairait. Il sortait son violon, le calait sous son menton et entamait un morceau. Très vite, son âme s’enflammait, devenait éloquente. C’en était presque indécent car, tout en agitant son archet, il posait sur Marija un regard tellement insistant qu’elle finissait par baisser les yeux, les joues en feu. Personne ne résistait à la musique de Tamoszius ; même les enfants, émerveillés, l’écoutaient respectueusement. Quant à Teta Elzbieta, ses joues ruisselaient de larmes. Quel privilège inouï de pénétrer ainsi l’âme d’un génie, de pouvoir partager les joies et les douleurs de son jardin secret !

Marija retirait de cette amitié d’autres bénéfices, matériels ceux-là. En certaines grandes occasions, on offrait à Tamoszius de coquettes sommes pour venir jouer du violon ; on le conviait également à des réceptions et des festivités diverses, en sachant très bien qu’il était trop obligeant pour venir sans son instrument et qu’on pourrait alors le persuader de faire danser l’assistance. Un soir, il s’enhardit à demander à Marija de l’accompagner. Heureuse surprise : elle accepta. Depuis, il l’emmenait partout où il allait et, si la fête était donnée par quelqu’un de ses amis, il invitait aussi le reste de la famille. Dans tous les cas, Marija revenait chargée de gâteaux et de sandwiches pour les enfants et détaillait par le menu ses propres agapes. Elle était en effet contrainte de passer ses soirées près du buffet, car Tamoszius, d’un tempérament irascible et d’une jalousie maladive, ne supportait de la voir danser qu’avec des femmes ou des vieillards. Qu’un célibataire s’aventurât à entourer la taille plantureuse de Marija, la musique déraillait.

La perspective d’un moment de détente aidait à supporter le dur labeur de la semaine jusqu’au samedi soir. La famille était trop pauvre et trop accablée de travail pour élargir son cercle d’amis. En règle générale, à Packingtown, on ne connaissait que ses proches voisins et ses camarades d’atelier. Aussi le quartier n’était-il en réalité qu’une mosaïque de petits villages. Mais, maintenant qu’un membre de la famille avait l’occasion d’explorer d’autres horizons, chaque semaine apportait de nouveaux sujets de conversation : comment une telle était habillée, à quel endroit elle travaillait, à combien se montait son salaire, de qui elle était amoureuse ; comment un tel avait laissé choir sa fiancée, comment celle-ci s’était alors disputée avec sa remplaçante, ce qui s’était ensuite passé entre elles. On évoquait comment tel mari battait sa femme, dépensait au café tout ce qu’elle gagnait et mettait en gage jusqu’aux vêtements qu’elle portait. Certains traiteront ces bavardages de vulgaires commérages, mais n’est-il pas normal de causer de ce que l’on connaît ?

Un samedi, au retour d’un mariage, Tamoszius posa son étui à violon sur le trottoir et, rassemblant tout son courage, épancha son cœur ; en guise de réponse, Marija le serra dans ses bras. Le lendemain, elle annonça la nouvelle à sa famille en pleurant de joie. Tamoszius était un homme adorable, expliqua-t-elle. À partir de ce moment, il ne fit plus sa cour avec son violon. Tous les deux restaient dans la cuisine pendant des heures, béatement enlacés ; par un accord tacite, le reste de la famille feignait de ne rien voir.

Tamoszius et Marija avaient l’intention de se marier au printemps et d’occuper la mansarde de la maison une fois qu’elle serait aménagée. Comme Tamoszius gagnait bien sa vie et que Jurgis et Ona remboursaient peu à peu leur dette à Marija, les deux amoureux auraient dû réunir assez vite de quoi se mettre en ménage. Mais Marija, avec sa générosité ridicule, s’obstinait à dépenser chaque semaine une bonne partie de son salaire pour acheter ce dont ses proches avaient besoin. C’était elle la vraie capitaliste de la maisonnée. Elle était devenue experte dans son domaine ; on lui versait quatorze cents pour cent dix boîtes de conserve et elle en peignait plus de deux à la minute. Elle croyait tenir la fortune et tout le voisinage retentissait de son allégresse.

Ses amis, eux, se montraient plus prudents et lui recommandaient de modérer son enthousiasme. Sa chance ne durerait peut-être pas indéfiniment, elle n’était pas à l’abri d’un accident. Mais Marija restait sourde à ces avertissements et continuait à faire des projets, à rêver de tous les trésors qu’elle entasserait dans sa maison. Lorsque la catastrophe la frappa, sa douleur n’en fut que plus navrante à voir.

La fabrique qui l’employait ferma brusquement ses portes. Le soleil eût-il disparu que Marija n’eût pas été aussi effarée. Elle avait toujours pensé que le gigantesque établissement où elle travaillait était éternel, au même titre que le mouvement des planètes et le cycle des saisons. Pourtant, il avait fermé ! On ne lui avait fourni aucune explication, pas même donné une journée de préavis ; le samedi matin, une simple note sur un mur avait informé les ouvrières qu’on leur solderait leur compte l’après-midi même et que l’usine ne réembaucherait personne avant au moins un mois ! Voilà, c’était tout. Son travail s’était envolé !

Les collègues de Marija lui expliquèrent qu’après les fêtes, il y avait toujours une morte-saison. Parfois, l’activité reprenait et les ouvrières étaient réembauchées à mi-temps, mais rien n’était sûr. Une fois, l’usine n’avait pas rouvert avant le milieu de l’été. Les perspectives étaient sombres. Les entrepôts étaient pleins à craquer, d’après les wagonniers qui y travaillaient ; il ne restait même plus la place d’y stocker une semaine de production. De plus mauvais augure encore, les patrons avaient débauché les trois quarts de ces hommes, ce qui signifiait que les carnets de commande étaient vides. Les ouvrières employées à la peinture des conserves, quant à elles, se plaignaient d’être escroquées : au début, elles étaient folles de joie à l’idée de toucher douze ou quatorze dollars par semaine, dont elles pouvaient mettre la moitié de côté ; mais ensuite, toutes ces économies s’évaporaient pendant les périodes de chômage. Elles ne gagnaient donc que la moitié du salaire escompté !

 

Marija rentra chez elle. D’un tempérament trop volcanique pour rester inactive, elle se lança dans un grand nettoyage de printemps. Puis, en attendant la reprise, elle partit dans Packingtown, en quête d’un emploi. Mais toutes les conserveries avaient fermé leurs portes et l’ensemble des ouvrières étaient dans la même situation qu’elle. On comprendra donc aisément pourquoi ses recherches n’aboutirent pas. Elle tenta sa chance dans les magasins et les bars. Ayant échoué, elle s’aventura dans une zone beaucoup plus éloignée, près du lac, où les nantis habitent de véritables palais. Là, elle supplia qu’on lui donnât une tâche dont elle pût s’acquitter bien qu’elle ne parlât pas anglais. En vain.

Aux chaînes d’abattage, les effets du marasme qui avait mis Marija sur le pavé se faisaient aussi sentir, mais différemment. Jurgis comprit enfin l’amertume de ses camarades. Certes, les grandes usines ne fermèrent pas, mais, au lieu de renvoyer du personnel, les patrons diminuèrent le nombre d’heures de travail effectif. Ils avaient toujours exigé de leurs hommes qu’ils soient en poste dès sept heures le matin, bien qu’il n’y eût rien à faire avant le début des transactions et l’arrivée des bêtes. Il était alors dix ou onze heures. Cette oisiveté forcée était déjà pénible, mais, en cette période de morte-saison, elle se prolongeait parfois jusqu’en fin d’après-midi. Les malheureux traînaient donc dans la salle par une température pouvant atteindre moins trente degrés ! On les voyait s’agiter ou chahuter pour tenter de se réchauffer ; mais, avant la fin de la journée, ils étaient tellement transis et épuisés, que, lorsque les bêtes étaient enfin là, le moindre geste était pour eux un supplice. C’est alors que tout se mettait en branle : « l’accélération » impitoyable démarrait !

Pendant plusieurs semaines d’affilée, Jurgis ne travailla pas plus de deux heures par jour, c’est-à-dire qu’il rentrait chez lui le soir avec environ trente-cinq cents en poche. Plus d’une fois, il ne fut occupé qu’une demi-heure ; il lui arriva même de ne rien faire du tout. En moyenne, il faisait des journées de six heures, qui débutaient à une heure, parfois à trois ou quatre heures de l’après-midi, pour un salaire hebdomadaire de six dollars. Pour peu qu’il y eût un afflux de bétail en fin de journée, ce qui n’avait rien d’exceptionnel, les ouvriers devaient dépecer les bêtes avant de partir. Ils opéraient à la lumière électrique, jusqu’à neuf ou dix heures, ou même minuit ou une heure, sans avoir le temps d’avaler un morceau. Ils étaient à la merci des animaux.

Ils dépendaient aussi des acheteurs qui, souvent, retardaient le plus possible le moment de conclure un marché, dans l’espoir d’obtenir ainsi de meilleurs prix : s’ils parvenaient à affoler les expéditeurs en leur faisant croire qu’ils n’achèteraient rien ce jour-là, ils pouvaient alors fixer leurs conditions. Pour des raisons mystérieuses, le fourrage, à l’intérieur des abattoirs, était nettement au-dessus du cours ordinaire ; or, il était interdit aux éleveurs d’en apporter de l’extérieur ! Très souvent aussi, des trains, ralentis par la neige, n’arrivaient qu’en fin de journée ; dans ce cas, les patrons achetaient la cargaison immédiatement, à des tarifs avantageux, et, en vertu d’une règle incontournable qu’ils avaient établie, les bêtes devaient toutes être abattues le jour même. Il était inutile de discutailler ; des délégations étaient allées à maintes reprises protester auprès de la direction, pour s’entendre dire que c’était le règlement et qu’il n’y avait pas la moindre chance qu’il soit un jour modifié. Ainsi, le 24 décembre, Jurgis travailla jusqu’à près d’une heure du matin. Le lendemain, jour de Noël, il était à son poste à sept heures.

Tout cela était difficilement supportable, mais il y avait plus révoltant encore. En effet, les ouvriers n’étaient pas rémunérés pour la totalité de leur travail. Jurgis avait fait partie de ceux qui trouvaient ridicule l’idée que des entreprises aussi colossales puissent tricher. Il fut donc d’autant plus à même d’apprécier l’amère ironie de la situation : c’était justement leur taille qui leur permettait de frauder en toute impunité. Elles déduisaient systématiquement une heure de salaire pour tout retard, fût-il d’une minute. Le système était d’autant plus rentable que les retardataires devaient malgré tout travailler les cinquante-neuf minutes restantes. Il était hors de question d’attendre en se tournant les pouces. Par contre, ceux qui arrivaient en avance ne recevaient aucune compensation, alors que les contremaîtres attelaient fréquemment l’équipe à la tâche dix ou quinze minutes avant la sirène. C’était ainsi tout au long de la journée. Aucune heure incomplète, « interrompue » comme on disait, n’était rétribuée. Par exemple, si un ouvrier travaillait cinquante minutes pleines et n’avait plus rien à faire le reste de l’heure, il ne touchait pas un sou. C’était une lutte perpétuelle, qui tournait presque à une guerre ouverte entre les contremaîtres d’un côté, qui essayaient de hâter le travail, et les ouvriers de l’autre, qui s’efforçaient de le faire durer autant qu’ils le pouvaient. Jurgis en voulait à ses chefs. Mais, en vérité, ceux-ci n’étaient pas toujours responsables, car ils vivaient dans la terreur de perdre leur place. Lorsque l’un d’entre eux craignait de ne pas pouvoir respecter les chiffres de production imposés par les patrons, quoi de plus facile, pour combler le retard, que de faire travailler l’équipe « pour l’église » ? C’était là une plaisanterie féroce que Jurgis dut se faire expliquer. Le vieux Jones avait ses missions et ses œuvres, envers lesquelles il se montrait fort généreux. Aussi, quand on assignait aux ouvriers une tâche particulièrement abjecte, ceux-ci disaient-ils, en se lançant des clins d’œil : « Allez ! On travaille pour l’église ! »

Une des conséquences de ces pratiques fut que Jurgis ne s’étonnait plus d’entendre ses camarades parler de se battre pour leurs droits ; il y était lui-même tout disposé. Quand le délégué irlandais du Syndicat des Garçons Bouchers revint le voir, Jurgis l’accueillit dans un état d’esprit très différent de celui de leur première rencontre. Cette idée de se regrouper pour résister aux patrons et leur damer le pion lui paraissait admirable ! Il se demandait qui avait été le premier à y penser ; quand il apprit que cela se faisait couramment en Amérique, il entrevit pour la première fois ce que voulait dire un « pays libre ». Le délégué lui expliqua que plus les ouvriers étaient nombreux à adhérer au syndicat et à le soutenir, plus il était efficace. Jurgis se déclara prêt à apporter sa contribution. À peine un mois plus tard, tous les membres de sa famille ayant un emploi étaient en possession de leur carte et arboraient fièrement leur insigne. Pendant une semaine entière, ils vécurent dans un état de pure allégresse. Ils pensaient que cette adhésion suffirait à mettre un terme à leurs ennuis.

Leurs espérances furent profondément ébranlées quand, dix jours seulement après que Marija eut pris sa carte, son usine ferma. Ils n’arrivaient pas à comprendre pourquoi le syndicat n’était pas intervenu pour empêcher cette décision. La première fois où Marija assista à une réunion, elle se leva et fit une déclaration à ce sujet. L’ordre du jour concernait des problèmes d’organisation interne et toutes les discussions avaient lieu en anglais, mais Marija n’en avait cure. Elle vida ce qu’elle avait sur le cœur. Ni les coups de marteau frénétiques du président, ni les vociférations de l’assemblée ne la firent lâcher prise. Indépendamment de ses propres soucis, elle était révoltée par l’injustice de cette mesure ; elle dit ce qu’elle pensait des patrons et d’un monde où de tels agissements étaient possibles. Puis, tandis que la salle résonnait encore des éclats de sa voix formidable, elle se rassit et se mit à s’éventer. Les gens reprirent leurs esprits et le débat sur l’élection d’un secrétaire aux archives se déroula comme prévu.

Quant à Jurgis, la mésaventure qui lui arriva lors de sa première participation à une réunion syndicale ne fut pas de son fait. Il était venu avec l’intention de rester discrètement dans un coin, en observateur. Mais son silence attentif et ses yeux écarquillés en firent une victime toute désignée pour Tommy Finnegan. C’était un petit Irlandais, au regard fixe et à l’air exalté, qui n’avait pas toute sa tête. Il était « hisseur » de son métier. Bien des années auparavant, Tommy Finnegan avait vécu on ne sait quelle étrange expérience dont il se s’était jamais remis. Depuis, son seul but dans la vie était de faire comprendre au reste du monde ce qui lui était arrivé. Au moment où il commença à parler, il saisit Jurgis par une boutonnière en approchant son visage du sien : une bien rude épreuve, car ses dents étaient toutes gâtées ! Mais Jurgis était trop effrayé pour prêter attention à ce détail. Tommy Finnegan se lança dans un discours sur le mode de fonctionnement des intelligences supérieures. Il se disait curieux de savoir si Jurgis avait jamais considéré la question suivante : peut-être que les ressemblances que l’on perçoit entre les choses devenaient absolument inintelligibles si l’on se plaçait sur un plan plus élevé. Ce développement transcendantal des phénomènes recelait décidément bien des mystères. Puis, sur un ton confidentiel et avec un fort accent irlandais, M. Finnegan se mit en devoir d’exposer certaines de ses découvertes personnelles : « Ça vous est-il déjà arrivé d’avoir affaire aux esprits ? » demanda-t-il en lançant un regard inquisiteur à sa proie qui ne cessait de secouer la tête. « Ça n’fait rien, ça n’fait rien, continua l’homme. Mais p’têt bien que vous subissez leur influence sans l’savoir ; aussi vrai que j’suis devant vous, ce sont ceux qui sont les plus proches de vous qui ont l’plus de pouvoir. Dans ma jeunesse, il m’a été donné d’entrer en communication avec les esprits... » Et Tommy Finnegan développa alors tout un système philosophique, pendant que Jurgis transpirait à grosses gouttes, tant étaient grands son trouble et son embarras. Finalement, voyant sa détresse, un des participants vint à son secours. Mais un certain temps s’écoula avant que Jurgis n’obtînt des explications sur ce qu’il venait d’entendre. En attendant, et de peur d’être de nouveau harponné par ce petit Irlandais bizarre, il passa la soirée à essayer de l’éviter.

Malgré tout, Jurgis ne manqua jamais aucune réunion. Grâce aux quelques mots d’anglais qu’il avait appris et à l’aide de ses camarades, il réussit petit à petit à suivre le fil des débats. Les assemblées étaient en général très agitées. Souvent, une demi-douzaine d’orateurs prenaient la parole en même temps, chacun dans un anglais bien à lui ; mais leur passion à tous était aussi sincère que celle de Jurgis, qui comprenait que le combat dans lequel ils étaient engagés était également le sien. Depuis qu’il avait perdu ses illusions, il s’était juré de ne faire confiance à personne, sinon aux membres de sa famille ; or, il découvrait qu’il avait là des compagnons de détresse et des alliés. Leur seule chance de survie était de s’unir. La lutte devenait une véritable croisade. Jurgis avait toujours fréquenté régulièrement l’église, plus par tradition que par conviction cependant, car il considérait que la foi était une affaire de femmes. Le syndicat lui apportait la révélation d’une nouvelle religion, qui le remuait jusqu’au plus profond de lui-même. Brûlant du zèle des nouveaux convertis, il se fit lui-même missionnaire. Il se livra à un prosélytisme acharné auprès des nombreux Lituaniens qui n’étaient pas syndiqués. Il voulait leur montrer la voie à suivre. Mais certains s’entêtaient à ne pas la voir et, hélas, Jurgis n’était pas toujours patient ! Il oubliait combien lui-même, il n’y a pas si longtemps, avait été aveugle. Il en va ainsi de tous les croisés, et cela depuis les premières guerres saintes où l’on partait répandre la bonne parole de la Fraternité les armes à la main.