Avril

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Le 5 : L’Intransigeant se fait l’écho d’un intéressant article paru dans l’hebdomadaire Aux Écoutes.

Qui était ce premier éditeur qui avait proposé un compte d’auteur à Céline pour publier son roman ? On sait que Léon-Pierre Quint eut le manuscrit en lecture aux Éditions du Sagittaire, où il fut refusé. Aucune autre proposition ne paraît avoir été faite à l’auteur.

Céline était passé tout d’abord chez Eugène Figuière qui, apparemment, l’avait perdu de vue, avant de lui faire une proposition tardive, le 28 juin 1933. On s’est beaucoup moqué de ce vieil éditeur qui, près d’un an après la sortie d’un roman qui a obtenu le prix Renaudot, relançait son auteur pour lui proposer de l’éditer.

Mais si on relit le deuxième alinéa de la lettre qu’il envoie à Céline, on s’aperçoit qu’il a écrit : « je remarque dans les meilleurs livres que m’a signalés mon comité de lecture, votre ouvrage " Voyage au bout de la nuit ", pour lequel je vous ai fait une proposition d’édition. »

Sa lettre du 28 juin 1933, dans laquelle il demande à l’écrivain de participer aux frais d’édition à hauteur de sept mille francs, étant postérieure aux articles de Aux Écoutes et de L’Intransigeant, il doit donc s’agir d’une première proposition, qui n’est pas connue, où l’éditeur lui réclamait douze mille francs pour l’éditer.

Ainsi s’expliquerait la note de Céline qui figure au bas de la lettre de Figuière, qu’il transmet à Robert Denoël, le 24 juillet : « Une rigolade à laquelle vous répondrez peut-être sèchement pour qu’il ne puisse se vanter de ceci ou de cela. » De quoi aurait pu se vanter l’éditeur du boulevard Montparnasse ? D’avoir été le premier éditeur sollicité par Louis-Ferdinand Céline.

Le 16, L’Intransigeant se fait l’écho d’anecdotes céliniennes publiées par La Grive à Mézières, qui a révélé que le docteur Louis Destouches avait séjourné à Revin en juillet et août 1923, pour y remplacer un confrère, le docteur Boucher, et, contrairement aux affirmations de certains critiques, son Voyage au bout de la nuit n’est nullement une autobiographie : « Les Revinois qui ont connu le docteur Destouches ont gardé le souvenir non pas d’un Bardamu, mais d’un garçon très sympathique et très distingué, n’ayant de commun avec son héros que l’amour du paradoxe. Le peuple ardennais a discerné en lui un type : un type original, qui osait traverser la rue Victor-Hugo en purette... »

Le 26, Eugène Dabit note dans son « Journal » : « Lorsque je rentre à Paris, au quai de Jemappes, je trouve Céline et son amie [Elizabeth Craig]. Céline, celui que je pensais, oui, l’homme du Voyage au bout de la nuit, Bardamu. Mais plus jeune d’aspect, plus vif ; pas misérable du tout, l’œil clair, la voix vive, les gestes nets. Un homme. Un camarade. Un voyageur solitaire. Déjeuner. Propos à bâtons rompus. Céline parle comme ceux du Voyage, un argot... Je me sens près de lui, très. Il aime mes livres, me dit-il. »

Sa compagne, Béatrice Appia, n’a pas la même appréciation. Dans ses « Souvenirs », elle écrit : « Durant les repas, il s’attaquait à n’importe quoi, la politique, les partis, les événements. Par une suite de petits faits cités, il démontait toute chose pour n’en laisser que des ruines fumantes ou des salissures. À la fin du repas, on n’en pouvait plus, il ne restait plus rien de viable, de propre. Alors Dabit s’exclamait : " Mais vous ne laissez rien, il ne reste rien ! Heureusement qu’il reste la peinture... »