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Elle ne tond pas la pelouse aujourd’hui. La porte du garage est fermée, et il n’y a personne en vue. Il est à la maison, donc, et elle aussi, sans doute.

Comment faire pour atteindre cet homme ? On ne peut pas s’approcher de cette maison sans se faire remarquer, c’est tout simplement impossible. C’est comme s’il était toujours chez les Marines ; il s’est choisi un lieu où il a l’avantage du terrain pour lui : la pente qui monte jusqu’à sa maison, la ligne de tir dégagée, l’accès impossible d’où que ce soit hormis par-devant.

Je tourne dans le quartier, et la fois suivante où je passe devant la maison, la porte du garage est ouverte, et le garage vide. Il est de nouveau parti, et je l’ai de nouveau raté.

Ça ne va pas, je n’arrive à rien. Je pars, en direction du sud, pour retourner au point de vue panoramique de lundi, et je reste assis à broyer du noir, en fixant sans le voir le fleuve qui défile interminablement, comme une troupe de soldats fatigués sous leurs lourds havresacs, des soldats gris-bleu en uniforme gris-bleu ployant sous le poids de havresacs gris-bleu, défilant en masses compactes vers l’aval.

Le C.V. Le C.V. lui-même : puis-je m’en servir ? J’ai passé mon annonce dans The Paperman, j’ai reçu mes réponses, j’ai fait mon tri, je me suis servi des adresses des C.V., mais c’est tout. Y a-t-il moyen d’utiliser l’annonce elle-même, le fait même de l’annonce ? Si je ne peux pas l’atteindre quand il est chez lui, ni le trouver, ni le suivre depuis chez lui, puis-je l’envoyer quelque part, et ensuite le suivre ?

Je commence à entrevoir comment ça pourrait se faire. Il faut que je rentre à la maison, que je regagne mon bureau, que je mette ça au point.

Mais d’abord, j’ai besoin d’un restaurant.