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130 notes en septembre 2011

Chroniques de lecture - 27

Chronique Merci à Thierry pour cette chronique sur "Le Doigt de l'historienne" de Ray Parnac aux Editions Emue.

Ray Parnac, documentaliste d’origine berrichonne établie à Londres, publie chez Emue un recueil de dix nouvelles (Emue est une toute nouvelle maison d’édition numérique).
«La nouvelle a sur le roman à vastes proportions cet immense avantage que sa brièveté ajoute à l’intensité de l’effet.» écrivait Baudelaire. Une nouvelle doit donc faire effet. Effet immédiat. Pour l’auteur comme pour le lecteur, le temps presse.
Et là, Ray Parnac sait astucieusement appâter, amorcer le lecteur. On mord tout de suite, dès la première phrase lancée.
Rapidement, le lecteur sait où il est, où il en est et avec qui. Certaines nouvelles nous gardent plaisamment (parfois complaisamment) dans une efficace épuisette de phrases impeccablement maillées quand d’autres nous font décrocher lentement pour aller voir la suivante.
L’entreprise reste inégale, certaines historiettes (pour la rime en «-ette» allez voir la belle Fantômette en couverture du livre) pêchent dans le vide.
D'autres, heureusement nombreuses, fonctionnent à merveille car Ray Parnac possède une écriture qui tient ferme le lecteur.
Emue L’unité du recueil tourne autour de Londres, de Leeds, ou Hull, de la campagne anglaise, esquisse des portraits de personnages en perdition, plus ou moins loufoques, détraqués, évoque des couples usés, suggère une société bloquée qui débloque . L’humour féroce (humour à la british oblige!) nous fait grincer des dents et l’observation méticuleuse et peu complaisante de nos travers n’est pas pour nous complaire.
J’ai apprécié particulièrement le très émouvant deuil d'une mère intitulé «La grosse bouche».
«Elle se souvint de sa vie d’avant, un fragment seulement, comme un galet trouvé sur les bords d’un ruisseau, une pierre douce, ordinaire et extraordinaire à la fois, et qu’elle polissait et repolissait dans sa mémoire depuis les événements.»
Ainsi que «La fin de Lawrence Sibbey» et son personnage atteint de «trichotillomanie» (trouble caractérisé par l’arrachage compulsif de ses propres poils, cheveux ou cils).
«Aux portes du théâtre» décrit l’immobile monde apocalyptique des SDF et l’inhumanité de ceux qui passent.
«Détraqué» qui inaugure le recueil ne manque pas de cruauté cachée sous un tapis d’humour cruel (ou d’amour... cruel aussi).
Même si les histoires de Ray Parnac sont beaucoup, beaucoup, hum, comment dire, très, très désenchantées, j’ai lu ce livre avec un vrai plaisir.

Un auteur à suivre de près donc comme on dit. A suivre de très près!

T.C.

Livre lu au format epub sur un Opus de Booken dans le cadre du Club des lectures numériques.

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Chroniques de lecture - 26

Chronique Merci à Thierry qui nous revient en cette rentrée avec la reprise de ses chroniques de lecture:

«Après le livre», François Bon, Publie.net
(paru en septembre 2011)

François Bon, auteur rock’n’roll des «Rolling Stones, une biographie», «Bob Dylan, une biographie» et «Rock'n roll, un portrait de Led Zeppelin», mais aussi des romans «Sortie d’usine» (publié en 1982 aux Editions de Minuit qui vient d’être réédité en numérique) et autre «Tumulte», auteur de pièces de théâtre et de nombreux essais, François Bon, dis-je, est aussi éditeur de textes numériques, fondateur du désormais célèbre et incontournable site Publie.net, une sorte de «coopérative d'auteurs» consacrée à l'édition et à la diffusion numériques de littérature contemporaine. Ouf!
Je précise que les livres publiés sur Publie.net sont tous sans DRM et que les droits reversés aux auteurs sont de 50%.
Mais, ce n’est pas fini, François Bon est, avant tout, un amoureux de la littérature. Il écrit et il lit.
Son livre, oui,  j’ai bien dit son «livre» car après tout un livre en epub est un livre aussi, un livre comme les autres qui se lit comme les autres aurait pu s’intituler «Le livre, une biographie» ou bien «Nouvelles technologies, un portrait de lecteur». Et là je trouve que le débat «pour ou contre le livre numérique» me semble, déjà, dépassé et inutile.
Dans son essai «Après le livre», François Bon revient sur les mutations des formes de lecture, des types de supports, des habitudes d’écriture. Ah le beau passage sur le carnet de notes toujours glissé dans la poche avec le stylo qui va avec.
François Bon n’est pas un inconditionnel aveuglé du tout numérique.
Il sait encore «vénérer» le livre papier.
Au même titre que Roger Chartier avec son «Histoire de la lecture dans le monde occidental», il nous propose, déjà, une histoire du livre numérique, une histoire des nouveaux lecteurs et écrivains du tout numérique. Les nouvelles technologies transforment, nous transforment... à nous de refuser toute déformation. Il nous suffit de rester quelque peu vigilant, intelligent.
Après-le-livre C’est un livre instructif, érudit, jamais partisan. Ce «doux fanatique» de Baudelaire et de Balzac nourrit son livre d’anecdotes, d’exemples, d’expériences toujours plaisants. Eveilleur, veilleur de curiosités, il sait nous offrir des réflexions sur hier, aujourd’hui... jusqu’à demain. Nous avons lu, nous lisons et nous lirons. Peu importe le contenant, l’important c’est le contenu.
Il est vrai que l’édition électronique a encore beaucoup de sueurs chaudes devant elle. Les fautes d’orthographe (fautes de copie?), erreurs de ponctuation abondent, la typographie mérite mieux à mon goût tout comme la justification des lignes , bref il y a encore du pain sur la planche (la planche à billets?) pour arriver à un confort de lecture digne d’un livre papier.
Mais là où je rejoins volontiers François Bon, c’est sur les promesses d’une nouvelle écriture numérique contemporaine liées aux inimaginables interactivités que suggère la numérisation.
Il faudra donc rester attentifs et curieux de nouvelles écritures, de nouveaux textes, de nouveaux auteurs.
Nous le ferons dans le cadre de ce «Club des lectures numériques» tout en gardant sous le coude et sans honte aucune un bon vieux Balzac ou Kessel sur un chiffonné papier jauni.
«Qu’importe le flacon... pourvu qu’on ait l’ivresse!» (Alfred de Musset)

T.C.

Livre lu au format epub sur un Opus de Booken dans le cadre du "Club des lecteurs numériques".

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SonyReader : une appli android propriétaire

Sonyapp Une nouvelle application de lecture SonyReader sur l'AndroidMarket. Malheureusement, elle ne fonctionne que sur les tablettes de la marque. Parce que la lecture n'est surtout pas à tout le monde. Moi qui me rejouissais de tester sur l'Asus, à oublier. Quand on voit cela, on a tendance à dire vive Google... (via TheDigitalReader).


L'Art français de la guerre, Alexis Jenni

Jenni Quel formidable livre! Je l'avais repéré par hasard dans la revue Pages chez mon libraire Coiffard, une double-pages d'entretien, la simplicité du bonhomme "il n'y a rien de marquant dans ma vie, par contre j'ai un goût ancien et profond pour la littérature, mais qui est de l'ordre de l'intime", ma libraire qui me glisse, vous verrez, c'est du bon. C'était dernière semaine d'août, avant toutes les critiques positives qui ont suivies dans la presse. "L'Art français de la guerre" chez Gallimard, un premier roman d'un dénommé Alexis Jenni. Et bien, je dois dire que ce petit éloge glâné, c'était pas du tout surfait. Et nombre de libraires l'avaient aussi repéré pendant l'été. Un gros livre (632 pages) dans lequel on plonge sans jamais rester par moment en surface à patauger. On va jusqu'au bout d'une traite, on en sort lavé, épaté. Un énième livre sur la guerre? Entre les vainqueurs et les victimes? Que nenni. Bien autre chose, un prétexte, un vrai défi, comprendre les vingt ans de guerre française, 1942-1962, dans laquelle on est resté tous avec eux embourbés, englués, ce qui se cache derrière notre malaise par rapport à toute cette période taboue, ces militaires kakis dehors (caca dedans), rasés, un peu vite taxés de "fachos", qui ils sont vraiment, leurs itinéraires dans ces vingts années passées à toute allure, comment nous avons assimilé socialement, depuis, dans notre pays cette idée de la guerre à la "française". Avec les inévitables résonnances sur notre époque contemporaine. Des allers-retours constants entre les différents conflits (maquis de la résistance, Indochine, Algérie) en compagnie d'un para-dessinateur Victorien Salagnon et les conversations entre ce même Salagnon, dans son petit pavillon désuet, et le narrateur qui se rencontrent dans cette banlieue de Lyon d'aujourd'hui, avec ses violences urbaines en toile de fond. Un style épatant, vraiment pour un premier roman, une maitrise de la langue incroyable, tout en fluidité. Sur l'ensemble, vraiment pas grand chose sur lequel on se lasse. Bon, le prix de la version numérique n'est pas donné, mais 632 pages de cette qualité, on ne le regrette pas. Je vais le passer autour de moi. Bien entendu, je me suis empressé de racheter la version imprimée pour ma bibliothèque (21 euros, le meilleur rapport qualité/prix de cette rentrée comme le dit Pierre Assouline, et il a bien raison), parce que ce livre je vais le garder en vue et le relire dans quelques temps, c'est clair. Franchement, je souhaite que cet Alexis Jenni soit au rendez-vous des jurys, quelqu'ils soient début novembre, qu'il aie une visibilité maximale auprès d'un large public. Il le mérite fichtrement le bonhomme et qu'il se remette vite à l'ouvrage, on prend date pour le suivant.

"Lu avec un NookTouch dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques", que je suis ravi d'inaugurer avec ce livre! Rien de particulier sur cette version numérique sinon la DRM et le prix, je l'ai évoqué".

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iRiver Story HD en test

Test du dernier iRiver Story HD avec la librairie Google sur Cnet. Un bon lecteur avec une résolution supérieure, mais pas de tactile malheureusement; je pense que c'est un handicap majeur auprès du grand public, un modèle qui arrive un métro de retard par rapport à la concurrence, surtout le mois prochain avec l'arrivée du nouveau Kindle. Ce modèle est déjà en vente en Allemagne, en France sans doute bientôt. Merci à ActueBooks d'avoir repéré ce test.


Musique : l'abonnement cartonne

Notes-de-musique-copie-1 Des tendances de consommation à scruter tout particulièrement, c'est le bilan du premier semestre du marché de la musique en France qui a été donné hier. La montée en puissance très forte de l'abonnement (+103%) prend un relief tout particulier. Abonnement et streaming représentent désormais plus de 30% des revenus numériques. Le dossier de presse ici et le power-point. Tout cela si bien entendu les éditeurs de livres s'intéressent à anticiper la situation de la musique numérique, on peut parfois en douter!


Waterstone's : six mois pour contrer Amazon

Water Waterstone's en Angleterre, dans la même situation que la Fnac en France. L'enseigne anglaise se donne six mois pour sortir un lecteur qui tienne la route. Il va falloir faire aussi bien (si ce n'est mieux) qu'Amazon, chacun sur son marché. Faire aussi bien que Barnes aux Etats-Unis. L'enjeu est rude, la question que je me pose c'est s'il reste des dalles en réserve chez eInk, pas sûr! (via TheGuardian).


Abonnement Kindle : 14,99€? 19,99€?

Kindlegift Combien seriez-vous prêt à payer pour un abonnement mensuel (limité/illimité) sur le Kindle? C'est le petit sondage auquel se livre actuellement le Journal du Kindle ici. Alors, 14,99€, 19,99€? 29,99€ et l'on vous donne un Kindle avec? A lire également le billet d'ActudesEbooks qui revient sur les différents modèles économiques qui s'esquissent.


Billy the Ki'dl?

Ikeabookcase Tout le monde ne parle plus que de cela depuis le début de la semaine, de la fameuse bibliothèque Billy, succès planétaire chez Ikea, avec une modification de la profondeur des rayonnages, sous entendu plus la peine de se pencher sur des livres bas de gamme qui vont quitter rapidement les étagères. Démenti formel de la part d'Ikea, cela n'a bien entendu aucun rapport avec les livres. Billy reste Billy et n'aura pas pour l'instant la peau du livre imprimé! (via Elbakin, lire aussi LaTribune).


Amazon : moitié du marché des livres électroniques

Amazon-kindle-3_large Quelques chiffres intéressants, le Kindle d'Amazon représenterait 51% des ventes de livres électroniques aux Etats-Unis (c'était bien plus l'année dernière) et le Nook de Barnes and Noble un solide 21%. Sur l'ensemble du marché, on observe une hausse de 167% par rapport au même trimestre de l'année dernière avec 5,4 millions de modèles vendus (via EbookNewser).


Google : les mots en question

Google Très intéressant billet de Frédéric Kaplan qui revient sur Google et le cash "linguistique" qu'il génère. Cette importance des mots-clés pour les éditeurs est évidente, vendre des livres demain (ou peut-être faire des bénéfices) en passera sans doute par là avec des effets induits, et cette conclusion:

"Nous entrons globalement dans le régime du capitalisme linguistique, pour le meilleur et pour le pire. Interrogeons-nous pour finir sur la manière d’interpréter les avancées de Google dans le monde de l’édition dans cette perspective. Dans le nouveau régime du capitalisme linguistique, ne sera-t-il pas plus avantageux pour un éditeur de proposer ses livres gratuitement en échange d’une part des revenus publicitaires que Google pourra générer avec le contenu de son fond? Dans cette perspective, le potentiel commercial d’un auteur se mesurera essentiellement au regard des effets de spéculations linguistiques qui seront associés aux contenus qu’il propose. Nul doute que cela aura des effets assez immédiats sur son style d’écriture…"


Cléo : Deuxième Université d'été

Logo_cleo Deuxième édition de l'Université d'été de d'édition électronique ouverte organisée par le Cléo à Marseille, avec Marin Dacos et Pierre Mounier qui en assurent l'organisation. L'ensemble du programme de la semaine est ici. Arrivé hier soir, j'ai assisté à une matinée très intéressante ce matin avec deux intervenants de référence: Jean Michel Salaün qui est revenu sur les trois dimensions du document (vu/anthropologique, lu/intellectuelle et su/sociale) et Françoise Benhamou sur les nouveaux modèles économiques du numérique qui s'esquissent. Je ferais demain matin une présentation sur les tablettes de lecture électronique, toutes les tablettes! L'occasion de revenir sur une année riche en enseignement dans le domaine et de susciter le débat sur les usages de lecture. Je remercie Marin et Pierre pour leur invitation à ces journées très attendues. L'ensemble des interventions seront mises en ligne comme il y a deux ans.

PS: voir le compte-rendu de LaFeuille sur l'exposé de Jean-Michel Salaün; vous pouvez aussi revoir la vidéo qui a été mise en ligne au début de l'été.


Amazon : un accès illimité par abonnement?

Amazon-kindle-tablette Amazon, conjointement à la sortie de ses nouvelles tablettes, serait en train de plancher (justement) sur des modèles d'abonnements mensuels type Netflix/Spotify adaptés aux livres numériques. Une offre d'accès illimité moyennant un abonnement à prix fixe. C'est ce que révèle le WallStreetJournal aujourd'hui. Les discussions sont engagées avec les éditeurs américains. 3, puis 5, 10, puis tous, Amazon connait bien la stratégie (via Journal du Geek).


11 éditeurs avec Harmonia Mundi en offre numérique

Harmonia_mundi Je vous l'annonçais au printemps dernier, plusieurs éditeurs diffusés/distribués par Harmonia Mundi leur font confiance en rejoignant une offre numérique, et cela sans DRM! Des éditeurs de plus dans l'escarcelle! C'est 11 éditeurs d'un seul coup qui ouvrent leur catalogue: Allia, L'Aube, Bleu Autour, Champ Vallon, La Fosse aux Ours, Les Impressions Nouvelles, Thierry Marchaisse, Le Mot et le Reste, Passage du Nord-Ouest, Phlippe Picquier et Zoé. 15 premiers titres pour démarrer cette rentrée numérique sont proposés aujourd'hui chez l'ensemble des libraires au travers d'EdenLivres. En plus de l'absence de verrous, des remises de prix entre 25 et près de 70% selon les éditeurs. Les plus volontaristes d'entre eux: Le Mot et le Reste (67%), Les Editions Allia qui pratiquent déjà des prix très modiques sur leurs livres (moins de 10€) et qui proposent 50% de remise pour les versions numériques. Dans la continuité de leur combat pour des livres moins chers. Bravo! A signaler particulièrement l'ouvrage de Dimitri Bortnikov, Repas de morts, dont j'aurais l'occasion de vous reparler bientôt.

L'offre sera présente également sur iBooks d'Apple dans les jours qui viennent. Merci à Olivier pour m'avoir fait bénéficié de l'annonce en avant-première!


1mn pour convaincre sur un livre

770534 Un format intéressant je trouve, 1mn pour convaincre, trop chrono, c'est ce que propose Lire/L'Express. Un format simple, un face à face facile à mettre en place qui s'affranchit des longs discours, efficace. Voilà qui devrait inspirer particulièrement les libraires. Deux premiers titres, c'est "Limonov" d'Emmanuel Carrère chez POL, et "Une femme fuyant l'annonce" de David Grossman au Seuil. J'ai mis les liens, les publicités malheureusement insupportables.


Scoop.it sur le livre numérique

Logo-scoop-it Petit choix de revues de presse Scoop.it sur la lecture, avec certaines plus particulièrement en mode numérique, que j'ai repéré; si vous en connaissez d'autres de qualité, faites-moi signe!


Next Kindle pour le 18 octobre?

Kindle-touch-screen-215x250 La confidence faite par Arnaud Nourry (PDG d'Hachette Livre) sur la sortie imminente d'une nouvelle version du Kindle n'est pas passé inaperçue Outre-Atlantique. Notre ami du blog TheDigitalReader pense lui-aussi qu'une telle version est dans les starting-blocks, la date serait plutôt le 18 octobre prochain, un mardi comme d'habitude chez Amazon. On prend date, faites vos jeux!


En hommage à Michael Hart

Hart A signaler le beau papier que vient de faire Hervé Le Crosnier en hommage à Michael Hart, le fondateur du Projet Gutenberg, décédé en début de semaine. Un texte diffusé en Créative Commons, une belle façon d'apporter la pierre de la francophonie reconnaissante. Je le reproduis ci-dessous:

"Le projet Gutenberg est orphelin: décès de Michael Hart

Michael Hart est décédé le 6 septembre, à l'âge de 64 ans. Il restera dans l'histoire de la culture numérique comme le fondateur du «projet Gutenberg», un projet coopératif majeur datant des débuts de l'internet et ayant réussi à créer un gigantesque fonds de livres numérisés offerts en partage.

Il y a quarante ans, en juillet 1971, le jeune Michael Hart reçoit son sésame pour utiliser, en temps partagé, l'ordinateur Xerox de l'Université d'Illinois à Urbana-Champain. Peu versé sur le calcul, il se demande ce qu'il pourrait bien faire d'utile à la société à partir d'un tel outil, limité, n'utilisant qu'un jeu de caractères en capitales, et très lent en regard des ordinateurs d'aujourd'hui. Il utilisera son temps pour recopier la «Déclaration d'Indépendance» des États-Unis, en songeant aux idées de bibliothèques universelles lancées par les «pères fondateurs» de l'informatique, notamment Vannevar Bush, Joseph Licklider ou Ted Nelson. Le fichier pesait seulement 5 kilo-octets, mais il du renoncer à sa première idée d'envoyer le texte à la centaine d'usagers ayant une adresse sur Arpanet, car cela aurait bloqué tout le réseau. Il le mit donc en dépôt sur un serveur pour un libre téléchargement (sans lien hypertexte, une notion qui n'existait pas il y a quarante ans). Même s'ils ne furent que six à profiter de l'offre, on considère que le premier «livre électronique» du réseau informatique avait vu le jour. Ce fut d'ailleurs le livre numérique le plus cher de l'histoire, Michael Hart ayant un jour calculé une valeur approximative de son accès à l’ordinateur et l'évaluant à 1 million de dollars.

Michael Hart a continué sur sa lancée pour rendre disponible la plus grande quantité de livres possible. Même si les premiers textes étaient difficilement lisibles, sans typographie, en lettres capitales, sans mise en page,... il n'a jamais dévié de sa volonté de rendre les œuvres disponibles à tous. Pour cela, il s'appuyait sur une caractéristique essentielle du document numérique: la reproduction et la diffusion via le réseau ne coûte presque rien, et même de moins en moins quand les machines et les tuyaux deviennent plus performants. Comme il l'écrivait encore en juillet dernier, «à part l'air que nous respirons, les livres numériques sont la seule chose dont nous pouvons disposer à volonté». Et il anticipait sur les usages à venir au delà de la lecture, comme l'analyse du texte, la comparaison de mots, la recherche par le contenu, l'établissement de correspondances ou les études linguistiques ou stylistiques assistées par l'ordinateur.

Longtemps son credo fut celui du «plain vanilla ascii», c'est à dire de refuser toute mise en page afin que les textes soient accessibles à toutes les machines, par tous les utilisateurs. Ceci conduisait les volontaires du projet Gutenberg à un codage particulier des accents, placés à côté de la lettre concernée. Mais sa méfiance devant HTML a disparu quand le web est devenu le principal outil de diffusion des écrits numériques: l'universalité passait dorénavant par le balisage, et l'utilisation de UTF-8, la norme de caractères qui permet d'écrire dans la plus grande partie des langues du monde.

Comme son projet, disons même sa vision, était généreuse et mobilisatrice; comme il possédait un grand sens de la conviction et de l'organisation et proposait un discours radical, il a su regrouper des millions de volontaires pour l'accompagner dans sa tentative de numériser le savoir des livres. Des volontaires qui ont commencé par dactylographier les textes, puis utiliser scanner et reconnaissance de caractères, mais toujours incités à une relecture minutieuse. On est souvent de nos jours  ébahi devant les projets industriels de numérisation. Nous devrions plutôt réfléchir à la capacité offerte par la mobilisation coordonnée de millions de volontaires. Construire des communs ouverts au partage pour tous répond aux désirs de nombreuses personnes, qui peuvent participer, chacune à leur niveau, à la construction d'un ensemble qui les dépasse. Dans le magazine Searcher en 2002, Michael Hart considérait cette situation comme un véritable changement de paradigme: «il est dorénavant possible à une personne isolée dans son appartement de rendre disponible son livre favori à des millions d'autres. C'était tout simplement inimaginable auparavant».

La volonté de Michael Hart lui a permis de poursuivre son grand œuvre tout au long de sa vie. S'il fallut attendre 1994 pour que le centième texte soit disponible (les Œuvres complètes de Shakespeare), trois ans plus tard la Divine Comédie de Dante fut le millième. Le projet Gutenberg, avec ses 37000 livres en 60 langues, est aujourd'hui une des sources principales de livres numériques gratuits diffusés sous les formats actuels (epub, mobi,...) pour les liseuses, les tablettes, les ordiphones, et bien évidemment le web. Les textes rassemblés et relus sont mis à disposition librement pour tout usage. La gratuité n'est alors qu'un des aspects de l'accès aux livres du projet Gutenberg: ils peuvent aussi être transmis, ré-édités, reformatés pour de nouveaux outils, utilisés dans l'enseignement ou en activités diverses... Le «domaine public» prend alors tout son sens: il ne s'agit pas de simplement garantir «l'accès», mais plus largement la ré-utilisation. Ce qui est aussi la meilleure façon de protéger l'accès «gratuit»: parmi les ré-utilisations, même si certaines sont commerciales parce qu'elles apportent une valeur ajoutée supplémentaire, il y en aura toujours au moins une qui visera à la simple diffusion. Une leçon à méditer pour toutes les institutions qui sont aujourd'hui en charge de rendre disponible auprès du public les œuvres du domaine public. La numérisation ne doit pas ajouter des barrières supplémentaires sur le texte pour tous les usages, y compris commerciaux... qui souvent offrent une meilleur «réhabilitation» d’œuvres classiques ou oubliées. Au moment où la British Library vient de signer un accord avec Google limitant certains usages des fichiers ainsi obtenus, où la Bibliothèque nationale de France ajoute une mention de «propriété» sur les œuvres numérisées à partir du domaine public et diffusées par Gallica... un tel rappel, qui fut la ligne de conduite permanente de Michael Hart, reste d'actualité.

Le caractère bien trempé de Michael Hart, sa puissance de travail et sa capacité à mobiliser des volontaires autour de lui restera dans notre souvenir. Les journaux qui ont annoncé son décès parlent à juste titre de «créateur du premier livre électronique». C'est cependant réducteur. Il est surtout celui qui a remis le livre au cœur du modèle de partage du réseau internet. C'est la pleine conscience qu'il fallait protéger le domaine public de la création des nouvelles enclosures par la technique ou par les contrats commerciaux qui a animé la création du Projet Gutenberg. Michael Hart n'a cessé de défendre une vision du livre comme organisateur des échanges de savoirs et des émotions entre des individus, mobilisant pour cela des volontaires, le réseau de tout ceux qui aiment lire ou faire partager la lecture."

Caen, le 10 septembre 2011
Hervé Le Crosnier

Texte diffusé sous licence Creative commons


Etude sur la lecture à 15 ans

Lecture Intéressant article dans le Figaro qui présente une enquête réalisée par l'OCDE sur les pratiques de lectures chez les jeunes de 15 ans dans le monde entier. En France une chute de plus de 10% en 10 ans. Comme il est mentionné en fin d'article cette étude est cantonnée au seul "papier"

Difficile de dire en dépit de cette étude si les élèves lisent moins. «Les jeunes lisent mais pas comme avant», expliquait le sociologue Bernard Lahire dans un récent article du CNRS, consacré à cette question. La «lecture scolaire» a en effet varié dans sa définition au cours de l'histoire. Aujourd'hui, il n'est plus possible d'apprendre seulement à «déchiffrer». Car il faut désormais comprendre ce qu'on lit, ce qui signifie savoir répondre, le plus souvent par écrit, à toutes sortes de questions sur les textes lus. Les exigences en matière de «savoir lire» sont donc variables selon les époques, affirmait-il. «Nul doute qu'à l'avenir, les nouvelles formes d'écrit sur écran produiront de nouvelles modalités du lire et de nouvelles définitions du “bien lire” ou de l'habileté à la lecture.» Il pointe aussi le fait que les enquêtes sur la lecture ne portent pas toujours sur la lecture sur Internet, grandissante chez les jeunes."


Allemagne : la tablette Apple sinon rien

Samsung-galaxy-tab-10 Coup dur pour Samsung qui se voit confirmer l'interdiction de commercialiser sa tablette GalaxyTab 10.1 en Allemagne. Dans le bras de fer juridique qui oppose Samsung à Apple, le juge vient de confirmer que le produit présente un "aspect général similaire". A en croire celui-ci, seul Apple aurait le droit de vendre des tablettes fines avec des angles arrondis. A moins de proposer des briques, je ne vois pas bien ce que les fabricants vont pouvoir vendre en Allemagne. Est-ce que cette décision va s'étendre ailleurs? Double stratégie d'Apple, faire main basse sur les contenus autant que sur les contenants. C'est tout le marché des tablettes qui est bien évidemment concerné, Amazon n'a qu'à bien se tenir.