73 notes dans la catégorie "Club des lecteurs numériques"

Chroniques de lecture - 36

ChroniqueThierry nous revient ce soir avec une nouvelle chronique un peu particulière. Merci à lui.

Comment le plaisir vaporeux fuira vers l’horizon numérique... (hum, hum!)

Dans le cadre d’un partenariat Bookeen - NumérikLivres, en m’inscrivant sur une honnête proposition (si, si ça existe!) parue sur le web, j’ai profité du prêt d’une liseuse pendant 2 semaines: l’Orizon de Bookeen.
Avant tout, je tiens à remercier Bookeen et Numériklivres pour cette opportune possibilité d’essayer et de tester cette machine.
Bien sûr, si vous lisez régulièrement votre blog préféré Aldus, ce dont je suis sûr, vous avez évidemment remarqué que l’Orizon n’est pas tout nouveau. En technologie, aujourd’hui, on est déjà vieux (mort né?) dès la naissance. La vie numérique est brève comme une éphémère... à peine 1 jour. Celle d’un livre vaut bien celle d’une tortue... 150 ans et beaucoup plus...
Bookeen-orizonBref, depuis le temps de l’eau a coulé sur le web: l’Odyssey (de Bookeen justement), le Kobo de FNAC, le Kindle et autre NookTouch accostent à l’horizon de vos insatiables envies high tech (quelle belle tournure de phrase!).
Depuis Noël dernier (déjà?) je possède le petit (petit pour la taille mais grand pour le talent) Opus de Bookeen.
Actuellement, l’Opus est à 112€ et l’Orizon à 132€. Soit seulement 20€ de différence.
L’Opus a un écran E-Ink de 5 pouces. Cette jolie petite machine est faite pour lire. Point barre. Une machine à lire quoi. Et ça j’apprécie.
On a envie de lire, on appuie sur un ou deux boutons, et c’est parti, ça s’affiche vite, on tourne les pages avec un bouton et le texte défile sur un écran impeccable. Que demander de mieux? Comme un vrai livre papier quoi! J’ouvre le livre et je lis. Quand je lis, je lis. Je ne joue pas avec tous les boutons, je n’écoute pas de MP3, je ne surfe pas sur le web. Bref comme dirait le sage Montaigne «Quand je danse, je danse.»
L’Orizon a un écran tactile multi-touch SiPix de 6 pouces.
Là, oui, je vois la différence: la grandeur de l’écran est idéale pour lire comparée à celle plus petite de l’Opus. Un très bon point pour l’Orizon! Mais, mais, cet écran grande taille est moins lisible que celui de l’Opus: différence de technologie entre un écran E-Ink et un écran  SiPix oblige! Donc, un petit conseil, prenez un écran E-Ink en 6 pouces. L’écran de l’Orizon est tactile, celui de l’Opus non. Bon, alors le MultiTouch, parlons-en: c’est vrai, c’est pratique... quand ça marche du premier coup, ce qui n’est pas toujours le cas avec l’Orizon.
Donc, un petit conseil, prenez un écran E-Ink, 6 pouces, tactile qui... marche.
L’Orizon possède une connexion sans fil WiFi 802.11 b/g/n qui marche très bien (j’ai testé, ça va vite et ça marche tout de suite), et le Bluetooth 2.1. Bon alors là je ne vois pas, mais cela ne regarde que moi, je ne suis pas un geek, je ne vois pas l’utilité de cette fonction internet. A part transformer un lecteur en un consommateur compulsif de livres directement alimenté (sous perfusion?) sur une plateforme de vente, je vois pas, même si l’abus de lectures est fortement recommandé.
L’Orizon propose l’annotation, la prise de notes et le surlignage.
Je trouve ces fonctions indispensables. Quand je lis, je prends toujours des notes sur un petit carnet avec un stylo. J’attendais beaucoup de ces fonctions qui n’existent pas sur mon merveilleux Opus. C’est mon grand regret! Et là encore j’ai été déçu: pas pratique ce petit clavier virtuel et pourtant je n’ai pas de gros doigts (enfin je ne pense pas, peut-être que je me trompe mais c’est ce que tout le monde me dit ou alors c’est pour me faire plaisir, j’ai des doigts fins de guitariste, d’ailleurs, je suis guitariste!). Donc j’ai vite arrêté de tenter de prendre des notes vu le temps infini que cela me prenait.
Il est fourni avec un superbe étui de protection en néoprène noir. Indispensable et bien pensé!
Par rapport à l’Opus, l’Orizon serait un produit «au-dessus» dans la gamme, j’ai bien dit «serait»! Vous avez bien noté les guillemets. Ben moi je garde mon Opus adoré, ma petite machine à lire.
En fait et pour conclure j’ai dessiné le portrait-robot de ma liseuse idéale qui, j’insiste, doit servir à lire, servir la lecture, être au service du lecteur, donc se faire oublier au profit et uniquement au profit d’un texte à lire!  Je résume: un écran 6 pouces E-Ink tactile, sans accès internet, avec prise de notes et surlignage au stylet et un dictionnaire de français joignable rapidement.
Alors, vous avez trouvé de qui je parle?
J’attends vos réponses en attendant que le Père Noël vous apporte la bonne machine à lire...
Venons-en à... l’essentiel?
La lecture. Je devais lire un livre installé dans l’Orizon publié chez NumérikLivres. C’était le deal en échange du prêt. J’ai sauté de joie quand j’ai vu le livre sur le groupe de rock Téléphone car quand j’étais petit j’adorais ce groupe!
«Téléphone, au cœur d’une vie» de Daniel Ichbiah. J’avais déjà repéré ce livre sur la toile.
Oui, mais voilà, pas de chance: impossible d’ouvrir ce livre. Dès que je clique sur le livre ça plante l’Orizon... direction touche reset! («Je rêvais d’un autre monde»... qu’ils chantaient...)
Pourtant le livre existe je l’ai vu de mes propres yeux sur Adobe Digital Editions quand j’ai relié la liseuse à mon ordinateur. Bizarre, bizarre, vous avez dit bizarre?
Tant pis. Du coup je choisis un livre au hasard des auteurs inconnus au bataillon des célébrités publiés chez NumérikLivres.
MemainAlors j’ai choisi «Chienne de vie» de Marie Mémain.
Fallait bien se lancer... l’aventure c’est l’aventure. Y’a pas que Balzac et Jack London dans la vie. Faut savoir prendre des risques. Et là je n’ai pas été déçu.
La narratrice est une chienne nommée Noiraude (parce qu’elle est noire bien sûr!) qui raconte sa vie auprès de sa maîtresse. La chienne (non, pas la maîtresse, vous suivez pas ou quoi?) en profite pour relater les rencontres amoureuses de sa maîtresse. Et comme la chienne (oui, Noiraude!) voit la vie du bon côté d’un chien (c’est à dire à quatre pattes et un peu plus près du sol que nous les humains), notre narratrice, Noiraude donc, intitule chaque chapitre à vue de nez des chaussettes de ces messieurs.
«Chaussettes sales», «Chaussettes de sport», «Chaussettes chics», etc. se promènent allégrement tout au long du livre. Je vous laisse imaginer toutes les dénominations de chaussettes possibles et inimaginables! Voilà. C’est tout? Ben oui, c’est tout pour aujourd’hui! Dans le domaine des livres électroniques, comme pour des chaussettes sales, y’a décidément de la lessive à faire...
Finalement, je vais vite retourner voir Balzac et London...
J’ai aussi heureusement lu des poèmes de Baudelaire et un Maupassant sur ce grand écran: parfait!
Ah, j’oubliais de préciser. La liseuse électronique doit être une machine à lire qui se fait oublier au profit d’un... bon livre!
Je vais quand même faire une bonne pub à Bookeen pour les remercier.
Achetez un Opus ou le nouvel Odyssey (pas testé) et remplissez-le de bons livres... si, si ça existe je vous dis... j’en ai déjà lus...

Lu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.

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Steve Jobs, Walter Isaacson

100_9372Le hasard a fait que l'on m'a offert la version imprimée et que j'avais déjà la version numérique. Je me suis donc pris au jeu de lire les 660 pages de ce "Steve Jobs" sur différents supports à la fois, chez moi et en déplacement. Je me suis fait violence pour lire les cinq chapitres sur la tablette le deuxième soir avant d'aller dormir, 60 pages d'affilée il était temps que ça s'arrête, croyez-moi. Ne parlons pas du chapitre 35 sur l'iPhone, sur un smartphone décidément pas du tout ma tasse de thé. Bilan du livre, papier chez soi, reader assimilé à une version poche que l'on embarque en déplacement, tout simplement, comme si vous aviez en même temps le grand format et le poche. Bien agréable de garder la brique chez soi, le volume est bien épais. Très intéressante lecture, je dois dire. J'avais réellement peur que l'on ne tombe dans l'hommage au grand homme, moitié Einstein, moitié Gandhi. A l'arrivée, l'aventure d'un entrepreneur de génie tout simplement, mais à quel prix. Walter Isaacson a su construire un livre à charge et à décharge très bien fait, en ne cachant rien des ambiguités du personnage, par exemple sa "répartition binaire de l'humanité" à savoir les "éclairés/génie à l'état pur" et les "demeurés/merde en barre" (on le voit, tout un programme en mode binaire). En filigrane, plus de trente années qui ont façonné notre rapport aux ordinateurs, à l'information, au numérique au sens large.

    La partie la plus intéressante, la première moitié du livre avec la création d'Apple, l'aventure avec Wozniak, puis les choix fondamentaux, le verrouillage des machines, le concept tout intégré matériel/logiciel, la recherche du design absolu qui le hantera toute sa vie de manière quasi-schizophrénique, les machines chères pour une certaine élite, des centaines de témoignages différents qui se recoupent pour aller au plus près. Puis cette capacité à repérer l'innovation, à rebondir, à tout remettre à plat si ce n'est pas parfait. Une obsession de la perfection en toute chose. Humainement par contre, le bilan est lourd, énormément de dégâts, de frustrations, d'humiliations. Même si pour beaucoup, la fierté de participer à l'aventure est réelle, c'est cher payé. J'espère que l'on n'en fera pas un modèle dans les écoles de management. Tantôt ce type nous révulse, tantôt il nous épate, tantôt il nous touche. Il y a une part d'humanité réelle dans le personnage, un côté grand enfant avec ses jouets, un côté idéaliste qui a justement évolué peu à peu à l'encontre de beaucoup de ses rêves d'universalité. Le volume défile, passionnant de bout en bout.

    A lire absolument si vous vous intéressez de près ou de loin à l'informatique, dans le cas contraire je ne pense pas que vous trouviez votre bonheur dans un tel livre. Côté livre numérique, on apprend que Jobs avait déjà prévu l'iPad avant l'iPhone. Les tractations avec les éditeurs et les groupes de presse très intéressantes à suivre, l'intransigeance toujours à ne pas céder sur les comptes utilisateurs, le culte de la domination. Pour la suite à écrire, on verra sans Steve Jobs. A signaler que je regrette le manque d'un index, dans un livre comme celui-ci inexcusable de la part de l'éditeur.

Chapitres 1 à 10 : livre imprimé (2h30)
Chapitres 11 à 15 : tablette Asus (1h30)
Chapitres 16 à 30 : Nook (2x 2h)
Chapitres 31 à 34 : livre imprimé (1h30)
Chapitre 35 : smartphone (20mn)
Chapitres 36 à 41 : Nook (1h30)

Lu dans le cadre du club des lecteurs numériques.

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Betty, Arnaldur Indridason

BettyJ'avais lu plusieurs polars d'Arnadur Indridason cet été avec beaucoup de plaisir, j'attendais avec impatience ce nouveau "Betty" qui est sorti fin octobre. Très différent des autres, il ne met pas en scène l'inspecteur Sveinsson, habituel personnage bien campé, puisque ce roman a été écrit en 2003 avant la série qui a rendu célèbre Indridason. Une atmosphère pesante et envoutante qui se déroule toujours en Islande avec des huis clos, un narrateur qui nous raconte depuis sa prison comment il a été peu à peu emporté malgré lui dans un complot d'assassinat avec une belle et envoutante Betty, une intrigue qui bascule complètement de manière surprenante au milieu du livre, je ne vous en dit pas plus. On ne décroche pas jusqu'à la fin, un très bon livre que je vous conseille, d'autant plus qu'il est sans DRM aux Editions Métaillié, vous pourrez le conseiller et le prêter à vos proches.

Lu dans le cadre du club des lecteurs numériques.

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Chroniques de lecture - 35

ChroniqueSoir du Renaudot justement, Thierry nous envoie sa chronique.

"Limonov" de Emmanuel Carrère (Editions P.O.L.)

Limonov héros de Jack London? De Knut Hamsun? De Blaise Cendrars? Pourquoi pas? Mais, non, Limonov héros de Carrère! "Ce mélange de mépris et d'envie ne rend pas mon héros très sympathique, j'en ai conscience." écrit Carrère. Ce livre, pavé étourdissant, roman fleuve intranquille hallucine le lecteur. L'écriture de Carrère est fascinante: oui, c'est bien ça, elle fascine! Ce "diable" de Limonov est un sacré personnage de roman. De son vrai nom, Edouard Savenko qui choisit comme nom de poète de l'underground soviétique Limonov: "hommage à son humeur acide et belliqueuse, car limon signifie citron et limonka grenade, celle qui se dégoupille." Limonov, c'est le "Johnny Rotten de la littérature russe", celui qui a "l'air à la fois d'un marin en bordée et d'une rock-star", un barbare, un voyou qui rêve d'insurrection violente, un écrivain hooligan, un buveur inoxydable qui pouvait descendre un litre de vodka à l'heure. L'homme qui valait mille vies!

Limonov-carrèreCarrère le suit pas à pas à la manière d'un agent du KGB, de près, de très très près, de loin, de Moscou à New-York, de Paris à Vukovar. En chemin, Carrère se dévoile. "Je vis dans un pays tranquille et déclinant... je suis devenu un bobo... Limonov, lui, a été un voyou..." Carrère raconte et raconte et raconte, à perdre haleine (quitte à se perdre, quitte à nous perdre?) cette histoire, "notre histoire à tous depuis la fin de la seconde Guerre mondiale. Quelque chose, oui, mais quoi? Je commence ce livre pour l'apprendre." Carrère nous raconte quelque chose: de lui, de nous. Quelque chose de grand... Non le héros de ce livre ce n'est pas Limonov. Le héros c'est l'écriture. Alors, cher lecteur, commence ce livre pour l'apprendre...

T.C.

Version epub chez DialogueS. Lu dans le cadre du club des lecteurs numériques.

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Chroniques de lecture - 34

ChroniqueNotre ami Thierry sur le pont aujourd'hui, c'est le cas de le dire.

"Le Talon de fer" de Jack London chez Ebooks Libres et Gratuits.
Nous sommes ici loin du Jack London de «L’appel de la forêt» ou de «Croc-blanc». Ames sensibles, passez votre chemin.
«Le Talon de fer», paru en 1908 (notez bien cette date!), décrit une révolution socialiste qui serait arrivée entre 1914 et 1918 aux Etats-Unis.
Trotski considérait «Le Talon de fer» (1908) comme le seul roman politique réussi de la littérature.
LondonAvis Everhard, jeune fille intellectuelle issue de la bourgeoisie tombe amoureuse d’Ernest un socialiste révolutionnaire. Sur cette douce et tendre toile amoureuse London peint (au vitriol! à la dynamite! que dis-je, à boulets... rouges!) le soulèvement de la classe ouvrière américaine. Une lutte des classes impitoyable qui finira dans le sang. D’un coup de talon de fer les capitalistes écraseront le peuple. C’est un véritable roman d’anticipation, de science-fiction que nous a laissé London... toujours de chaude actualité (on y parle déjà de désastreux subprimes et d’outranciers dividendes). De plus ce récit respire la vie à plein poumons: dialogues et descriptions sont précis, alertes, réalistes. En supplément London nous gratifie d’un humour grinçant, corrosif, motivant à lire. Bien sûr on pourra reprocher à London, trop démonstratif, une certaine naïveté teintée de beaucoup de machiavélisme et d’angélisme (le fameux, le légendaire, l’idyllique prolétariat n’est pas toujours ce que l’on «croit», celui qu’on croit, l’histoire l’a maintes fois démontré) mais tant pis, tant mieux, on se laisse aller dans cette Amérique qui ressemble étrangement à notre Europe de l’époque. (London proclame la Commune à Chicago le 27 octobre 1917! 1917? Tiens, tiens!)
Une écriture engagée et engageante qui n’engage que l’auteur!
Etonnant de lucidité! Un Jack London visionnaire!
Un petit passage sur la presse: «La presse des Etats-Unis? C’est une excroissance parasite qui pousse et s’engraisse sur la classe capitaliste. sa fonction est de servir l’état de choses en modelant l’opinion publique et elle s’en acquitte à merveille.»
Pas tendre avec les journalistes le Jack!
Une pessimiste et réaliste leçon d’uchronie!
Né à San Francisco en 1876, Jack London est issu d’un milieu misérable et marginal. Il parvient au succès après des années de pauvreté, de vagabondage et d’aventures en écrivant «L’Appel de la forêt».
Il ne faudrait surtout pas oublier Jack London!
Un écrivain hors pair et hors-salon!

Livre lu dans le cadre du Club des lecteurs numériques.
(A noter et à féliciter l’impeccable et irréprochable version epub de l’équipe de «Ebooks libres et gratuits»)

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Le Banquier anarchiste, Fernando Pessoa

PessoaBon, j'avais laissé retomber ma déception de voir les Editions Christian Bourgois nous coller des fichues DRM sur leurs livres, elles qui devraient être absolument en première ligne avec Minuit, Métaillié, Libella, Harmonia Mundi et d'autres sur le sujet. Je crois que Christian Bourgois comme Jérôme Lindon auraient été de ce combat-là, des personnages comme eux nous manquent cruellement. Encore un catalogue bien maigre avec une quarantaine de titres, mais la bonne surprise de voir un titre de Fernando Pessoa que j'avais l'intention de lire depuis longtemps, "Le Banquier anarchiste". Un petit ouvrage écrit en 1922 qui règle son compte à la fois au capitalisme ultra-libéral et au communisme naissant. L'histoire est simple. A la fin d'un repas, un banquier qui démontre par A plus B à ses convives que ses convictions et ses actions en matière d’anarchisme n’ont rien à envier à celles des poseurs de bombes. Avec une logique implacable, Pessoa déroule peu à peu une démonstration par l'absurde et nous prouve par là-même l'échec à venir des deux systèmes. On reste sidéré que ce livre soit postérieur de quelques années seulement au début de la révolution russe et qu'il fasse preuve d'une telle acuité. Un livre à lire absolument et qui donne envie d'aborder de manière plus complète l'oeuvre de Pessoa. Un vrai brulot, un livre que l'on devrait assurément faire circuler dans les bibliothèques des comités d'entreprises des banques françaises. En plus, il est équitable vous l'aurez compris, au prix de 4,99€, il laisse bien entendu sur place pas mal de livres à ce genre de prix. Choisissez le livre-application Pessoa!

Lu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.

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Chroniques de lecture - 33

ChroniqueC'est dimanche, la chronique de notre ami Thierry.

"La Lanterne d'Aristote" de Thierry Laget aux Editions Gallimard. LibrairieDialogues
Lu en partenariat avec la Librairie Dialogues dans le cadre de lectures croisées et pour le club des lecteurs numériques.

Azélie, une comtesse en jean rentré dans ses bottes et à chemise à carreaux, fumant des cigarillos charge un homme (inconnu?) de cataloguer l'immense et insondable bibliothèque de son château. La bibliothèque date du XVème siècle et compte vingt mille volumes, des manuscrits, des incunables, de belles reliures inestimables. "Si nous nous entendons, si la solitude ne vous effraie pas, vous y demeurerez tant qu'il vous plaira, on vous dérangera aussi peu que possible et je vous présenterai de vieux sages qui vous tiendront silencieusement compagnie. Les soirs où vous aurez envie de vraie société, je serai là et nous bavarderons. Réfléchissez. Mais, si vous vous décidez, ne venez pas avant le printemps." propose la comtesse. L'homme c'est le narrateur dont on sait peu de choses. Il est cultivé, grand lecteur, riche et a fait plusieurs fois le tour du monde. C'est à peu près tout. Ni un rat des villes, ni un rat des champs, un rat des livres. Le château fait aussi fonction de chambres d'hôtes. Une jeune étudiante le fait visiter aux touristes. Il y a également un homme à tout faire (un factoton qui effectivement sait tout faire sauf lire!), une cuisinière et des gens de passage, parfois curieux ou intrigants. Notre énigmatique narrateur va "hanter" le château jours et nuits, "traverser les apparences". Un bien étrange visiteur.

000978666Je ne devrais pas vous en dire plus... ce roman est une surprise. Ce livre est un enchantement à lire. Le style de Thierry Laget ravive Walter Scott et Giraudoux, Conan Doyle et Aristote. C'est parfois drôle, souvent érudit sans jamais être pédant, exigeant mais jamais facile. C'est encore un bel hommage à la littérature, cette "immense vibration du monde." Celui que vous appelez le Lecteur lit pour que nous continuions d'exister; s'il referme le livre, nous ne sommes plus." Je conseille vivement ce roman que j'ai eu du mal à lâcher...

T.C.

Lu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.

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Chroniques de lecture - 32

ChroniqueNouvelle chronique de notre ami Thierry qui s'intéresse aujourd'hui aux histoires de la littérature:

De la "numérique" histoire de la littérature française...

Qui ne rêve pas d’avoir dans sa «chère» liseuse une histoire de la littérature française?
J’ai cherché un peu partout sur la toile ce qui se faisait de mieux en epub et PDF. Rien que pour vous cher lecteur numérique.

OrmessonPour 36€, en epub, vous avez droit, en 2 tomes, à «Une autre histoire de la littérature française» de Jean d’Ormesson.
Bon, tout le monde connaît ce "cabotin" érudit de Jean d'Ormesson. Télégénique, beau parleur, charmeur. Et ben voilà: je suis tombé sous le charme de son autre histoire de la littérature française. Jean d'Ormesson aime les livres, les écrivains et les lecteurs. Ce livre est né de notes prises par l'auteur pour préparer une série d'émissions de télévision. Il s'agit d'entretiens autour d'écrivains français en compagnie d'Olivier Barrot. Six DVD de ces émissions sont édités aux Editions Montparnasse. Jean d'Ormesson ne prend aucun risque: il choisit les écrivains "qui ont subi l'épreuve du feu." Ses livres (tome 1 et tome 2) ne parlent que de chefs d'oeuvre. "Le grand, peut-être le seul, inconvénient des livres nouveaux, c'est qu'ils empêchent, par leur nombre, de lire les livres anciens -dont on est sûr qu'ils sont bons, puisque les mauvais sont tombés dans la trappe de l'oubli." Vous appécierez. J'apprécie. Entre autres, mes préférés: Dumas, Nerval, Lautréamont, Maupassant, Baudelaire, Apollinaire, Montaigne, Balzac... et tous les autres. Bien sûr, vous allez chercher, compter les absents: Cendrars, Giraudoux... et tous les autres. Chacun ses goûts! La méthode de cette anthologie? "Présenter en quelques mots l'écrivain et son oeuvre; les situer dans leur temps; tâcher de leur rendre, sous la rouille, leur jeunesse et leur nouveauté; montrer ce qui fait leur importance et leur charme; donner quelques exemples de leur manière et de leur génie." Avec, en plus de l'humour et de la connivence pour plaire au lecteur! Deux petits poches à glisser dans votre liseuse adorée...

HaedensPour 9,99€, vous avez droit, en epub, à «Une histoire de la littérature française" de Kléber Haedens. C’est une très subjective référence incontournable. D’ailleurs d’Ormesson lui rend régulièrement hommage dans sa propre histoire de la littérature. Le partial Haedens «chouchoute» amoureusement Villon, Nerval, Proust et Cendrars.
L’écriture de l’auteur est remarquable. J’apprécie aussi.

Pour 16€, en epub, vous aurez droit à «La litterature française" de Nicole Masson, sous titrée "tout simplement". Ce livre est excellent, très pédagogique (presque scolaire) et remet bien les idées en place. L’auteur est prof de littérature à l’université. Frises chronologiques, fiches, influences, résumés, extraits, citations: le panorama est complet.
A mettre entre toutes les liseuses!

9782708137172Pour 18€, en epub, vous avez droit à «La littérature française pour les nuls» de Jean-Joseph Julaud.
Là aussi, c’est complet, bien écrit, agrémenté d’anecdotes.

Enfin pour 2,30€, en PDF très lisible, vous avez droit au «Petit livre des grands écrivains» de Jean-Joseph Julaud. C’est moins cher, plus succinct. Une fiche-résumé pour chaque écrivain, des origines à nos jours. On en a pour son argent...

Voilà, à vous de voir!
Personnellement, je consulte souvent le livre de Nicole Masson sur mon Opus de Booken. La navigation dans le livre est facile et vite je peux chercher, vérifier ce que je demande. Je le conseille donc.

T.C.

Ouvrages sélectionnés dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.

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Chroniques de lecture - 31

ChroniqueAmusante coincidence ce matin de trouver dans ma boite mail la chronique de Thierry sur le livre que j'ai chroniqué hier. Nous ne nous étions pas passé le mot!

"Mémoires d'un vieux con", Roland Topor, Editions Wombat.

Comment? Vous ne le saviez pas?
Oui c’est Topor qui a inventé le dadaïsme, le surréalisme et le cubisme. Le ponctualisme et le glissisme? C’est lui aussi. Entre autres «isme»!
Comment? Vous n’avez jamais su?
Oui c’est Topor qui a trouvé le titre d’un roman d’Ernest Hemingway, «Pour qui sonne le glas.».
Comment? Vous n’avez jamais entendu parler de ça?
Oui c’est bien Topor qui a écrit le célèbre et sulfureux roman «Histoire d’O» et pas Pauline Réage.
Comment? Vous étiez persuadé que c’était Breton qui avait écrit le Manifeste du Surréalisme?
Memoires-vieux-con-Topor-200x300Ben non figurez-vous, c’est Topor.
Comment? Vous n’étiez pas au courant?
Le fameux train de Trotski était exclusivement réservé à Topor pour qu’il voyage dans la nouvelle Union Soviétique.
On ne vous dit pas tout!
Vous ne me croyez pas?
Pas la peine d’aller vous précipiter sur votre encyclopédie Universalis ou sur votre Wikipédia adoré. Ils vous mentent!
Lisez les mémoires de Roland Topor, vous allez vous en frotter les yeux d’émerveillement. La vie de Topor c’est la piste aux étoiles.
C’est un hymne à la vie. C’est une franche rigolade, camarade. C’est toute une histoire de l’art «décontenue».
Topor n’est pas un vieux con. Il a de la mémoire lui! Il a tout vu, tout connu. Pourtant Topor reste encore aujourd’hui ni vu ni connu alors si ça vous dit de vivre à la Topor, n’hésitez pas un seul instant, lisez ses mémoires du XXème siècle. De Freud à Trotski, de Picasso à Malraux, de Braque à Giraudoux, de Chagall à Cocteau, de Sartre à Camus, il les a tous connus!
"Je les ai connus, tous! Et ceux que je n'ai pas rencontrés en chair et en os, je les ai vus à la télévision. C'est moi qui leur ai donné leurs meilleures idées..." dit-il.
Vous verrez, ce Topor là sera vraiment, très, très généreux avec vous... pour ma part il ne le sera jamais trop!
Topor reviens... ils sont tous devenus fous les artistes!!!!

T.C.

Lu dans le cadre du Club des Livres Numériques.

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Mémoires d'un vieux con, Roland Topor

Memoires-vieux-con-Topor-200x300Belle initiative des Editions Wombat qui ont la bonne idée en cette rentrée de rééditer Roland Topor et notamment ses "Mémoires d'un vieux con", petite perle d'humour noir paru en 1975. La pseudo autobiographie d'un artiste qui a traversé tout le XXème siècle, qui a tout vu, tout connu, tout inventé. Au début, on ne sait pas trop si c'est du lard ou du cochon, on recherche de quel artiste il peut bien s'agir, Topor lui-même? Roland Topor, ce touche à tout génial, illustrateur, peintre, écrivain, poète, metteur en scène et j'en passe. Et puis au bout de quelques dizaines de pages, on est entraîné dans une pure folie burlesque. Tout défile, toute l'avant-garde artistique des années 1900/1920 dans le Paris bohème y passe, que le "jeune con" partage au quotidien, conseille, met sur la voie, puis est finalement pompé complètement, point d'orgue le maître Picasso qui plagit ses toiles à tour de bras:

"Picasso tint à m’accompagner. Il voulait tout connaître de moi et de mon passé. Savoir comment je travaillais, quelles influences j’avais subies, ainsi qu’une foule d’autres choses. Le Catalan était armé d’un revolver, don de Jarry, et, par jeu, il le pointait sur ma nuque. Comme nous étions arrivés devant ma porte, je lui proposai de monter prendre un dernier verre. Il accepta. Je lui montrai "Les Demoiselles d’Orange" que j’avais renoncé à emporter en raison de leur taille. Il parut bouleversé. Je ressentis un petit pincement au cœur, quelques jours plus tard, en découvrant dans son atelier Les Demoiselles d’Avignon. Il eut beau m’assurer que son tableau n’avait aucun rapport avec la Provence et que le titre faisait simplement allusion à une maison close de Barcelone, je ne fus pas dupe. Pour être tout à fait franc, je dus me mettre au lit pour une quinzaine."

Topor1Et ça continue, Proust qui a une révélation subite lorsqu’il l’entend évoquer "les meilleures madeleine de Paris qui se trouvent dans une patisserie Place de la Madeleine", Charlie Chaplin qui lui doit l'idée de la Ruée vers l'Or, Lénine qui lui propose de rester en URSS pour prendre la main des Beaux-Arts. L'évocation hilarante de sa rencontre avec le pétomane Staline et l'anecdote suivante:

"Staline adorait le haricot d’astrakan mais sa femme refusait de lui en préparer, car ce plat lourd à digérer le faisait péter. Pourtant, un jour, sur la place Rouge, Staline rencontre Malenkov et ils vont déjeuner au restaurant. Il y a du haricot d’astrakan. Staline en prend. Bien entendu, il pète toute la journée et le soir rentre chez lui assez inquiet. Sur le seuil, sa femme l’attend. «Chéri, dit-elle, je t’ai préparé une surprise.» Elle lui bande les yeux et le conduit à sa place devant la table dans la salle à manger. Puis elle court à la cuisine. Profitant de sa solitude provisoire, Staline évacue ses gaz, défait son pantalon, fait circuler l’air vicié qui l’environne, puis, au bruit de sa femme qui revient, se reculotte rapidement. Elle lui retire alors le bandeau des yeux en disant: «Regarde chéri, j’ai invité tous tes amis du Soviet suprême pour ton anniversaire!» –Et c’était vrai! ajoutait Youri, cramoisi. Ils étaient tous là, muets comme des carpes! Staline ne savait plus où se mettre!"

Il petit-déjeune avec Kafka, croise Freud dans sa clinique, est invité par Al Capone qui lui propose 10.000 dollars pour réaliser une fresque à sa gloire et qu'il envoie aux fraises:

"–Vous avez de la chance que je sois italien, fit-il enfin d’une voix sourde. En Italie, on a le culte de la beauté. J’épargne l’artiste que vous êtes, mais je ne veux plus vous retrouver sur mon chemin! Adieu."

Dadaisme, surréalisme, cubisme, tous les "ismes", tous les mouvements artistiques, il a tout finalement inventé, jusqu'au musiciens de jazz qui lui doivent la découverte des bienfaits de la drogue:

"Outre Marcel Duchamp avec lequel je jouais aux échecs, je m’étais fait de nombreux amis parmi les musiciens de jazz, car je n’étais pas conformiste. Je fus, d’ailleurs bien involontairement, à l’origine d’une funeste habitude qui se propagea rapidement dans les milieux du jazz. Jacques Vaché m’avait envoyé un paquet de tabac gris pour mon anniversaire, et j’avais cru qu’il s’agissait d’une citation tirée de ma période cubiste. Comme beaucoup de musiciens roulaient eux-mêmes leurs cigarettes, je fis cadeau du tabac à un joueur de clarinette. J’ignorais que ce farceur de Vaché avait mélangé de l’opium au gris. Mon joueur de clarinette découvrit les bienfaits de la drogue. Il prétendit que l’effet du stupéfiant avait été bénéfique à son art; dès lors, ses camarades ne tardèrent pas à faire régulièrement usage de marijuana. Je déplore le rôle que me fit jouer, à mon corps défendant, Jacques Vaché, mais je ne puis lui en vouloir."

Tout le XXème siècle est convoqué dans les pages, on citerait à l'avenant d'autres passages complets. On finit par avoir un certain vertige. Sa rencontre avec Hitler est un pur petit chef-d'oeuvre d'humour noir que je vous laisse le soin de découvrir.

Ce livre, publié en 1975, deux années seulement après la mort de Picasso qui traverse le livre au propre comme au figuré. On imagine le pavé dans la mare dans le concert ambiant de l'époque.

Bref, je me suis bien marré, un livre décapant qui fait un bien fou. C'est clair, qu'après cela, vous ne lirez plus une autobiographie de la même façon! Il nous manque ce Topor!

La version numérique est à 9,99€ dans les bonnes librairies, à ce prix-là c'est cadeau, et sans DRM, s'il vous plait! Sans rire, vous voyez Topor avec des DRM!!

Lu sur un PocketBook 603 dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.

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Chroniques de lecture - 30

ChroniquePetite chronique ce dimanche de notre ami Thierry, la trentième de la série:

Les autos tamponneuses de Stéphane Hoffman, Editions Albin Michel.
lu en partenariat avec la Librairie Dialogues dans le cadre de lectures croisées et pour le club des lecteurs numériques.

Stéphane Hoffmann est un écrivain français né le 6 mars 1958 à Saint-Nazaire. Il obtient le prix Nimier en 1991 pour son roman «Château Bougon».

Stephane hoffmannPourtant tout avait bien commencé. D’entrée l’auteur frappait fort. Avec une sentence bien ficelée. Le mariage comparé à un tour d’autos tamponneuses. «C’est inconfortable, on prend des coups, on en donne, on tourne en rond, on ne va nulle part mais, au moins, on n’est pas seul.» D’où le titre du roman. Plus imagé... y’a pas! Bien entendu, on n’est pas obligé d’être d’accord mais force est de reconnaître que c’est bien tourné.
Alors voilà. C’est l’histoire de Pierre, marié donc, avec Hélène. Ca se passe en Bretagne, dans le golfe du Morbihan pour être exact. Pierre veut prendre sa retraite mais Hélène, sa femme donc, qui aime son homme quand il est absent, ne veut pas d’un mari qui traîne dans ses pattes à ne rien faire. Ils ne peuvent pas se supporter, ils sont riches, «arrivés» comme on dit et ne fréquentent que leurs semblables: ceux qui sont riches, arrivés et qui ne peuvent pas se supporter. L’auteur surfe sur la petite vague facile du cynisme à la mode de chez nous aujourd’hui: sa plume se veut acerbe, impitoyable, corrosive, désenchantée... que sais-je et que dira-t-on partout dans la presse qui «chouchoute" ce livre. Pas de quoi faire une tempête!
Ces vies ennuyeuses de bourgeois de province à la Chabrol finissent par ennuyer le «pôvre" lecteur!
Surtout quand il tombe sur des phrases de cet acabit: «Jolie femme, certes, appétissante pour qui aime le colossal, mais il semble qu’elle ait de la merde à la place du cerveau: quand elle a parlé, on dirait qu’elle a pété." Hum... hum!
Allons, pour les études de mœurs, retournons, en calèche, voir ce cher Balzac!

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Auto-édition

Auto_édition ebookPetit relais d'une chronique réalisée par l'un des membres Lordius de notre Club des Lecteurs Numériques:

"Auto-Edition: tremplin ou impasse?" de Paul Leroy-Beaulieu, chez NumerikLivres.
"Paul Leroy-Beaulieu est un professionnel de l’édition numérique, fondateur du site Edicool.
À mi-chemin entre l’ouvrage pratique et l’essai, l’auteur examine les nouvelles opportunités d’édition qui s’offrent aux auteurs grâce à internet et à l’émergence du livre numérique. Il définit la notion d’auteur dans «le nouveau monde numérique», propose une réflexion sur l’ebook, critique vertement l’immobilisme des éditeurs classiques et surtout, brosse le panorama des diverses solutions actuelles en matière d’auto-édition.
Il analyse avec finesse les divers motifs qui poussent un auteur à s’auto-publier. La difficulté de trouver un éditeur classique n’est qu’une des raisons possibles.
Ses positions sont tranchées sans être toujours justifiées. Il prédit par exemple la mort du livre papier…

Venons-en au cœur de l’ouvrage. Voici les 4 pistes principales de l’auto-édition:

1. L’édition à compte d’auteur à l’ancienne. L’auteur paie tout: la conception du livre mais aussi la production des stocks. Il doit assurer tout seul la promotion. C’est la solution la plus risquée, mais aussi la plus payante en cas de succès: l’auteur récupère 100% des bénéfices.
2. L’impression à la demande. L’auteur soumet son manuscrit à un site comme lulu.com ou Édilivre. Dans le cas de ce dernier, les services de base sont gratuits. L’auteur ne paie que les livres qu’il commande, avec une ristourne de 20%, charge à lui de les revendre. Les éditeurs de ce secteur ne sont pas distribués en librairie, quoi qu’ils prétendent. C’est à l’auteur de faire sa promotion. Bon courage. Généralement, il ne vend qu’au cercle des proches.
3. Le crowdfunding ou édition participative. Prenons le cas du leader, MMC Books. L’auteur soumet son manuscrit à l’éditeur. Après un premier filtre, des extraits sont proposés aux lecteurs. Ils votent pour le meilleur manuscrit et investissent sur leur poulain. Lorsque 20 000 € (quand même!) sont réunis, soit 2000 investissements de 10€, un contrat est proposé à l’auteur avec un vrai éditeur réputé, XO Éditions. XO ne prend pas de risque et les 2 000 investisseurs se partagent 25% du produit des ventes.
4. L’auto-édition sur une grande plateforme de référence: l’iBooks d’Apple ou le Kindle Direct Publising d’Amazon. Dans ce dernier cas, l’avantage considérable pour l’auteur est d’être référencé chez l’e-libraire le plus réputé de la planète. Un pas important est accompli quant à la promotion, le talon d’achille de l’auto-édition. C’est d’ailleurs la seule solution actuelle pour vendre massivement des ebooks sans être épaulé par un éditeur, en tout cas aux US. Et qui sait, demain en France aussi?"
Lordius

E-lu sur Kindle 3 par Lordius dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.


Le Bois des Hommes, Fabrice Loi

Loi-bois-hommes Décidément, je touche du bois en cette rentrée, c'est le cas de le dire, avec encore un autre très bon livre. Rarement rentrée littéraire ne m'aura donnée autant de bonnes surprises. Ce livre c'est "Le Bois des Hommes" de Fabrice Loi qui parait aux Editions Yago. Après Lyon et Alexis Jenni, direction Marseille. Un premier roman d'un auteur marseillais de 31 ans, photographe et saxophoniste (s'il excelle dans l'un et l'autre de la même manière, cela promet) avec comme thème l'errance, l'itinéraire d'un homme, ouvrier au travail aujourd'hui dans une société libérale qui ne cherche qu'à l'exploiter, le broyer.

Ivan, le héros et pour partie narrateur, désire comme beaucoup échapper à sa condition. Tour à tour prof, éducateur, veilleur de nuit, il choisit de devenir charpentier entre ciel et terre, pour mieux s'envoler, se désencager, lui semble t-il, retrouver aussi ce bois, matière des hommes depuis la nuit des temps. D'abord il intègre l’intérim et ses règles esclavagistes dans le Paris des chantiers soumis aux multinationales, en haut des échafaudages. Des conditions barbares, féroces qui exploitent de manière éhontée la misère humaine, des rencontres avec les sans-papiers, les exilés d'Europe de l'Est, du Portugal, d'Afrique, tous avec des destins quasi-identiques. Il s'enfuit vers d'autres destinations, Marseille, l'Espagne, Bamako, sans vraiment de but, sauf celui de se perdre un peu plus. Au Mali donc, il s’engage sur un chantier exploité par les Chinois, les nouveaux seigneurs/saigneurs de l’Afrique qui remplacent les anciens colonisateurs avec des méthodes qui n'ont pas du tout changées. La colonisation de l'ombre, hors des manuels d'histoire. Il retrouve partout les mêmes règles qui s'appliquent de part et d'autre de la planète, la pauvreté, la soumission imposée aux sans-grades. Avec des peurs journalières pour ne pas mourir, le danger toujours présent, pour ne pas subir l'amputation ou pire. Allers et retours constants dans le récit entre Paris, Afrique et la Galice où le héros se ressource avant de reprendre son périple. Les pages sur cette Galice au milieu du livre, avec notre héros en quête de son propre graal, avec la description des paysages océaniques et la sortie en mer à photographier des pêcheurs au travail, sont absolument magnifiques.

Un premier roman puissant, épris d'humanité, très bien construit avec un style excellent, une dimension politique, mais aussi la trajectoire personnelle d’un homme à la recherche d’amour et refusant l’injustice. Un homme en quête de sa propre liberté. Vraiment un livre qui plante son auteur dans le paysage littéraire, il faudra compter sur Fabrice Loi. Merci à mon ami Olivier de m'avoir alerter sur ce livre, en bon marseillais qu'il est!

A signaler particulièrement l'initiative des Editions Yago qui proposent ce livre dans sa version numérique sans DRM et avec une réduction de plus de 40% soit 10,99€. Pas commun! Voir par exemple chez ePagine. Bref, ne pas hésiter, dans toutes les bonnes bibliothèques!

Lu sur mon Nook dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques. La version ePub est très bien faite.

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Le Club des lecteurs numériques : 15 blogs, 25 chroniqueurs

Logo CLN Saluer l'entrée ce soir dans notre Club des Lecteurs Numériques de 5 blogs supplémentaires, 15 au total, et 10 chroniqueurs que nous hébergeons avec plaisir tant leur enthousiasme à échanger sur les livres et leurs pratiques "numériques" est communicatif! J'ai ajouté dans ma colonne de gauche sous Wikio le lien vers le club, une certaine fierté d'en être!

Je vous invite à nous visiter fréquemment!

PS: le compte twitter est maintenant actif!


Chroniques de lecture - 29

Chronique Nouvelle chronique de Thierry ce soir qui vient également alimenter notre club.

"L'Homme à la carabine" de Patrick Pécherot, édition epub aux Editions Gallimard.

«Ceci est mon testament. Moi, Soudy, condamné à mort par les représentants de la vindicte sociale dénommée justice..."

André Soudy, 21 ans, sera guillotiné le 21 avril 1913. Sur la planche à bascule, le cou dans la lunette, ses derniers mots seront: "Il fait froid, au revoir." Dans son testament, il va léguer ses pinces-monseigneur au ministre de la Guerre, ses hémisphères cérébraux à la faculté de médecine, son crâne en exhibition au profit des soupes communistes et son autographe à l'anarchie.
André Soudy? Ce nom ne vous dit rien?
Rien de plus normal après tout. André Soudy, c'est juste un petit, tout petit petit second rôle dans la célèbre et légendaire Bande à Bonnot.


Carabine Presqu'un figurant. C'est le plus jeune, le tuberculeux. Pas même un second couteau. Il n'a jamais tué personne! C'est l'enfance piétinée, mal élevée, comme une mauvaise herbe qui pousse entre les pavés des banlieues de Paris, un voleur de boîtes de sardines.
Condamné à 20 ans pour vol de bicyclette, c'est le "J'suis un pas de chance" qui écope tout le temps... à raison et très souvent à tort! C'est le sentimental aux yeux doux qui tombe aussitôt amoureux de la première chanteuse de rue qui passe.
C'est "l'homme à la carabine" qui pose, forcément, devant le photographe des services de la Préfecture de Police comme sur la couverture en noir et blanc du livre de Patrick Pécherot. Les livres de Pécherot sentent-chantent fort Arsène Lupin, les Brigades du Tigre, Nestor Burma, les tranchées du chemin des Dames ("Tranchecaille" polar primé en 2008), les années folles ("Les brouillards de la Butte" polar également récompensé en 2002), le Paris occupé et collabo ("Boulevard des Branques"), la guerre d'Espagne ("Belleville-Barcelone").
Cette époque là, qui couvre une quarantaine d'années, de 1910 à 1950, Pécherot nous y transporte littéralement comme par enchantement, avec enchantement! Ici, dans son dernier livre "L'homme à la carabine" paru en janvier 2011, le voyage dans le temps fonctionne à merveille. Le lecteur est aspiré-inspiré dans le Paris des anarchistes illégalistes. Les "en-dehors", les "hors des lois. Dans le pavillon fleuri de Romainville, la "crème" et la mauvaise graine des libertaires (du chien-dent comme disait De Gaulle de Dany le Rouge) en tout genre est en transit, sur terre... pas au ciel. Ici, René Valet le poète, Raymond Caillemin dit Raymond la science, Victor Serge (l'auteur des "Mémoires d'un révolutionnaire") et sa compagne Rirette, Jules Bonnot et... le tendre camarade André Soudy. Ici, ça jardine, ça cuisine, ça écrit, ça discute, ça trafique la fausse monnaie, ça refait le monde, ça fuit la police,ça fomente pour que "crève le vieux monde". Tous ont à peine vingt ans.
"Ils ont tout ramassé des beignes et des pavés. Ils ont gueulé si fort qu'ils peuvent gueuler encore. Ils ont le cœur devant et leurs rêves au mitan. Et puis l'âme toute rongée par des foutues idées." chante Léo Ferré.
Leurs devises... et encore quand ils en ont une? "Nous ne voulons être ni exploiteurs, ni exploités!", "La propriété, c'est le vol!" (bon là c'est du Proudhon) ou bien "Reprenons ce que la société nous vole !"
Ca passe et ça casse. Souvent ça casse! Tous se savent voués à la guillotine. Beaucoup finiront au bagne. Perpét'. D'autres réussiront à s'évader comme l’intrépide Barbe, une fille "pieds nickelés" de la bande. Imaginez la cocasse scène: «Pour sa comparution devant le juge, ils l'ont confiée à un vieux sergent de ville, rhumatisant et à moitié sourd. Tout juste assez vivant pour garder une idiote. Barbe n'était pas assise depuis cinq minutes sur le banc du couloir qu'elle se lève d'un bond, retrousse ses jupes et prend ses jambes à son coup. Le flic n'a rien pu faire que se tenir les reins, son sifflet à la bouche? Avant qu'il souffle dedans, Barbe avait filé."
Il faudra 500 hommes armés, rien que ça, pour venir à bout de Bonnot. Le "tout Paris" se précipite pour assister au spectacle de l'assaut final. Imaginez le tableau: "On déboule de Paris. Taxi pour les beaux messieurs et les élégantes, décolletés pigeonnants, froufrous et crinolines, blazers sportsman, poils de chameau. A Vincennes, les tacots vendent la balade deux francs cinquante. Du champ de courses au champ d'honneur. On embarque le whippet et le chihuahua. On accourt, en bande, en trombe, aux premières loges."
Victor Serge sera condamné à 5 ans de prison avant de rejoindre la Russie en révolution et côtoyer Lénine et Trosky. Il sera le premier à désapprouver les abus de la dictature du prolétariat. Pécherot, par un savant collage littéraire d'extraits de lettres, d'articles de journaux, de rapports de Police, de dialogues romancés, de photos nous prend en mains et nous promène dans ce Paris d' Eugène Sue, ce Paris de Léo Malet. Avec courts chapitres et nombreux flash-back, Pécherot esquisse, crayonne le portrait d'un enfant perdu dans la tourmente des idées révolutionnaires... perdu d'avance. "Je suis comme un papier tue-mouches où le malheur viendrait se coller." écrit Soudy.
Avec générosité, poésie, l'auteur, né en 1953 à Courbevoie (comme Arletty!) journaliste et scénariste de BD sait émouvoir son lecteur avec des décors et le langage de l'époque bien plantés, bien parlés.

"Je suis de ceux qui goûtent fort les bandits, non que j'aime à les rencontrer sur mon chemin; mais malgré moi, l'énergie de ces hommes en lutte contre la société tout entière m'arrache une admiration dont j'ai honte."» (Prosper Mérimée)
Longtemps, longtemps, après que vous ayez fermé ce livre, vous chanterez encore l'histoire des bandits tragiques...fils de Mandrin! "Compagnons de misère Allez dire à ma mère Qu'elle ne m'reverra plus J'suis un enfant, vous m'entendez, Qu'elle ne m'reverra plus J'suis un enfant perdu."
C'est la triste complainte de Soudy...

T.C.

Lu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques sur un Cybook Opus de chez Bookeen.

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Le Club des lecteurs numériques : déjà une dizaine de critiques

Logo CLN Le Club des lecteurs numériques vous fait part de son activité de septembre! Notre amie Delphine rentrée d'Inde, elle vient de mettre en ligne déjà une dizaine de critiques de livres sur le blog. Un beau panorama, des livres connus, d'autres plus confidentiels, d'autres en versions numériques exclusivement. De quoi vous donnez envie de découvrir des livres à notre suite! Merci à tous les membres et bonnes lectures... numériques!

PS: petit clin d'oeil au Souffle Numérique qui a brossé avec humour un petit tableau du club!


Chroniques de lecture - 28

Chronique Notre ami Thierry, décidément prolixe en cette rentrée!


«Ballast» de Jean-Jacques Bonvin

(Editions Allia, Edition epub, 2,99€, sans DRM, Septembre 2011)

Petite précision ferroviaire: «le ballast est le lit de pierres ou de graviers sur lequel repose une voie de chemin de fer».
Instructive et poétique définition du dictionnaire d’où émergent joliment des mots qui en disent long: «lit de pierres» et «repose».

Où repose-t-elle à présent la bande des quatre bohémiens?
Les cheminots Jack Kerouac, Allen Ginsberg, William S. Burroughs et Neal Cassady.
Sur un lit de pierres? De poussière? Le long d’une voie de chemin de fer? D’une voie lactée?
La Beat Generation, le road-movie, l’écriture spontanée, la drogue, l’alcool, les grands espaces américains, le jazz, la révolte contre l’argent et la violence... La vie à outrance, à toute allure, pied au plancher de la machine à écrire. L’outrance du trop: trop vite, trop fort, trop d’expédients... tous finiront mal... trop tôt!


Book_541_image_cover Avec une ardeur communicative, Jean-Jacques Bonvin, ressucite, évoque, invoque ces écrivains des années cinquante qui couvent dans leurs mots et sous leurs pas les hippies, Woodstock et le psychédélisme.
L’auteur s’attache à Neal Cassady. Neal Cassady c’est le Dean Moriarty du livre de Kerouac, «Sur la route», la «bible» de tous les routards.
Neal Cassady élevé par un père alcoolique dans une sorte de cabane tordue à la Van Gogh va vite devenir un enfant terrible: vols de voitures, maisons de correction, prisons.
«Né sur la route dans une bagnole alors que ses parents traversaient Salt Lake City en 1926 pour gagner Los Angeles » écrit Kerouac.
A sa sortie de prison, il épouse LuAnne et veut apprendre la philosophie auprès de Ginsberg. C’est là qu’il va rencontrer Kerouac.
Cassady est un dur, une teigne. Collectionneur de voitures volées et de maîtresses, les deux intellectuels sont sous le charme.
Ensemble ils vont tailler la route...
Cassady, plus loin, épouse Carolyn Robinson et semble «rangé des voitures». Puis re-route, re-mariage, re-route, etc.
La vie brûlée par les deux bouts.
Pas de la petite chandelle vacillante... mais de l’explosif!
Avant de mourir de froid le long d’une voie ferrée, il fait connaissance avec un certain Bukowski! Comme les Etats-Unis sont petits!
Ce récit «hallucinant», au tempo emportant de Bonvin rend un hommage amoureux à ce diable de Cassady aux fourmis dans les jambes. L’entraînante écriture de Bonvin sur une version epub impeccable devrait combler les lecteurs.
Encore une belle découverte!
A lire à la belle étoile... en écoutant du bop!

PS: pour la nuit à la belle étoile sans pleine lune se munir de la petite lampe spécialement conçue pour les liseuses électroniques... cela va de soi!

«... les hommes en imperméable au petit matin, ceux du fisc un peu comptables, un peu flics, trop de femmes, trop peu de temps, les voitures qui versent et ce qu’il ne dit pas et qui le tuera, la benzédrine qui le conduira le long du ballast dans le petit matin mexicain.» écrit Bonvin.

T.C.

Livre lu au format epub sur un Opus de Booken dans le cadre du Club des lectures numériques.

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Repas de morts, Dimitri Bortnikov

Book_540_image_cover Je vous avais parlé l'année dernière de Dimitri Bortnikov, un auteur d'origine russe vivant en France, avec un très bon livre "Le Syndrôme de Fritz", dans une excellente traduction. La bonne surprise de cette rentrée littéraire, c'est qu'il nous revient avec un nouveau livre "Repas de morts" aux Editions Allia; mais cette fois-ci, ce n'est plus une traduction, puisque ce livre a été écrit directement dans notre langue. J'étais très impatient de le retrouver. C'est fait, une véritable réussite, encore une fois au rendez-vous. Une lecture qui vous empoigne de la première à la dernière phrase. Dim (l'auteur?), un émigré russe, passe en revue ses souvenirs et les personnages qui les hantent (père, mère, grands-parents, voisins, etc.), la mort rôde dans un constant aller et retour entre Russie et France. Les démons, plus que les fantômes, sont à fleur de peau et hantent le personnage, nous sommes presque à basculer tout à coup avec lui dans la folie. Sombre, c'est sûr, une atmosphère et des décors qui pourront rebuter certains, mais à chaque fois, une lueur d'espoir qui nous fait reprendre notre souffle, espérer à nouveau à un salut, une rédemption.

"Elle retape mon "Bal des revenants". Clara... Il y a des nuits, elle n'en peut plus... "Mais Dim. Pourquoi tout ça. Dis-moi. Ce noir, ces chagrins. tes pages sont noires. C'est noir. Tous ces morts. Comment vivre tout ça. Et toi-même. Comment. Vivre avec toi. Ta pauvre femme..."

Oui Clara... Oui. Suis lourd comme cent bidets, mes extases sont jalouses, lourdes, suis un bidet bouché en extase. Être léger. Quand on peut plus... Quand on peut plus vraiment -on devient soi-même. Clara. Me prends pas pour un des chevaux de l'Apocalypse. Ne suis qu'un âne, l'âne lourd lourd qui n'a pas chié des siècles. Suis vivant. Je sens que je deviens une ombre... A petit pas. Moi, toi, toute cette armée de gens... A petite cuillerée... On devient des ombres. Sentir ça Clara, chaque respiration, chaque feu d'orgasme même quand l'oeil du vivant se ferme et on jouit jouit...

Je dicte. Elle me regarde... Puis se lance les yeux vides. Clara est pudique. Elle entrebâille son coeur puis - le ferme claquant." (page 121)

Un style direct, franc, court, qui sonne à chaque fois tout à fait juste, les phrases frappants comme des coups de masse. Je trouve sidérant comment l'auteur a pu s'approprier notre langue de la sorte, en réinventant sa propre écriture, passant d'une langue à l'autre avec la même facilité, la même réussite. Cela interpelle longtemps après la lecture. Un ouvrage qui a été remarqué par plusieurs critiques, Fluctuat, Télérama, Lire, et d'autres encore. Vraiment, un très bon livre de cette rentrée que je vous conseille. Après le livre de Jenni, je touche du bois! A signaler une version numérique de grande qualité conforme à la présentation du livre, un effort à saluer particulièrement en ces temps de "vol organisé" sur le numérique français. Vous pourrez la retrouver dans l'ensemble des bonnes librairies numériques. Prix à 50% de la version imprimée (soit 4,50€) sans DRM, Allia est décidément dans le juste, avec en plus des livres imprimés de qualité à prix très doux. Franchement à ces prix-là, découvrir Dimitri Bortnikov, vite!

Livre lu sur un NookTouch dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques. Excellente version numérique. Je remercie particulièrement Harmonia Mundi et les Editions Allia de nous témoigner de leur confiance.

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Chroniques de lecture - 27

Chronique Merci à Thierry pour cette chronique sur "Le Doigt de l'historienne" de Ray Parnac aux Editions Emue.

Ray Parnac, documentaliste d’origine berrichonne établie à Londres, publie chez Emue un recueil de dix nouvelles (Emue est une toute nouvelle maison d’édition numérique).
«La nouvelle a sur le roman à vastes proportions cet immense avantage que sa brièveté ajoute à l’intensité de l’effet.» écrivait Baudelaire. Une nouvelle doit donc faire effet. Effet immédiat. Pour l’auteur comme pour le lecteur, le temps presse.
Et là, Ray Parnac sait astucieusement appâter, amorcer le lecteur. On mord tout de suite, dès la première phrase lancée.
Rapidement, le lecteur sait où il est, où il en est et avec qui. Certaines nouvelles nous gardent plaisamment (parfois complaisamment) dans une efficace épuisette de phrases impeccablement maillées quand d’autres nous font décrocher lentement pour aller voir la suivante.
L’entreprise reste inégale, certaines historiettes (pour la rime en «-ette» allez voir la belle Fantômette en couverture du livre) pêchent dans le vide.
D'autres, heureusement nombreuses, fonctionnent à merveille car Ray Parnac possède une écriture qui tient ferme le lecteur.
Emue L’unité du recueil tourne autour de Londres, de Leeds, ou Hull, de la campagne anglaise, esquisse des portraits de personnages en perdition, plus ou moins loufoques, détraqués, évoque des couples usés, suggère une société bloquée qui débloque . L’humour féroce (humour à la british oblige!) nous fait grincer des dents et l’observation méticuleuse et peu complaisante de nos travers n’est pas pour nous complaire.
J’ai apprécié particulièrement le très émouvant deuil d'une mère intitulé «La grosse bouche».
«Elle se souvint de sa vie d’avant, un fragment seulement, comme un galet trouvé sur les bords d’un ruisseau, une pierre douce, ordinaire et extraordinaire à la fois, et qu’elle polissait et repolissait dans sa mémoire depuis les événements.»
Ainsi que «La fin de Lawrence Sibbey» et son personnage atteint de «trichotillomanie» (trouble caractérisé par l’arrachage compulsif de ses propres poils, cheveux ou cils).
«Aux portes du théâtre» décrit l’immobile monde apocalyptique des SDF et l’inhumanité de ceux qui passent.
«Détraqué» qui inaugure le recueil ne manque pas de cruauté cachée sous un tapis d’humour cruel (ou d’amour... cruel aussi).
Même si les histoires de Ray Parnac sont beaucoup, beaucoup, hum, comment dire, très, très désenchantées, j’ai lu ce livre avec un vrai plaisir.

Un auteur à suivre de près donc comme on dit. A suivre de très près!

T.C.

Livre lu au format epub sur un Opus de Booken dans le cadre du Club des lectures numériques.

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Chroniques de lecture - 26

Chronique Merci à Thierry qui nous revient en cette rentrée avec la reprise de ses chroniques de lecture:

«Après le livre», François Bon, Publie.net
(paru en septembre 2011)

François Bon, auteur rock’n’roll des «Rolling Stones, une biographie», «Bob Dylan, une biographie» et «Rock'n roll, un portrait de Led Zeppelin», mais aussi des romans «Sortie d’usine» (publié en 1982 aux Editions de Minuit qui vient d’être réédité en numérique) et autre «Tumulte», auteur de pièces de théâtre et de nombreux essais, François Bon, dis-je, est aussi éditeur de textes numériques, fondateur du désormais célèbre et incontournable site Publie.net, une sorte de «coopérative d'auteurs» consacrée à l'édition et à la diffusion numériques de littérature contemporaine. Ouf!
Je précise que les livres publiés sur Publie.net sont tous sans DRM et que les droits reversés aux auteurs sont de 50%.
Mais, ce n’est pas fini, François Bon est, avant tout, un amoureux de la littérature. Il écrit et il lit.
Son livre, oui,  j’ai bien dit son «livre» car après tout un livre en epub est un livre aussi, un livre comme les autres qui se lit comme les autres aurait pu s’intituler «Le livre, une biographie» ou bien «Nouvelles technologies, un portrait de lecteur». Et là je trouve que le débat «pour ou contre le livre numérique» me semble, déjà, dépassé et inutile.
Dans son essai «Après le livre», François Bon revient sur les mutations des formes de lecture, des types de supports, des habitudes d’écriture. Ah le beau passage sur le carnet de notes toujours glissé dans la poche avec le stylo qui va avec.
François Bon n’est pas un inconditionnel aveuglé du tout numérique.
Il sait encore «vénérer» le livre papier.
Au même titre que Roger Chartier avec son «Histoire de la lecture dans le monde occidental», il nous propose, déjà, une histoire du livre numérique, une histoire des nouveaux lecteurs et écrivains du tout numérique. Les nouvelles technologies transforment, nous transforment... à nous de refuser toute déformation. Il nous suffit de rester quelque peu vigilant, intelligent.
Après-le-livre C’est un livre instructif, érudit, jamais partisan. Ce «doux fanatique» de Baudelaire et de Balzac nourrit son livre d’anecdotes, d’exemples, d’expériences toujours plaisants. Eveilleur, veilleur de curiosités, il sait nous offrir des réflexions sur hier, aujourd’hui... jusqu’à demain. Nous avons lu, nous lisons et nous lirons. Peu importe le contenant, l’important c’est le contenu.
Il est vrai que l’édition électronique a encore beaucoup de sueurs chaudes devant elle. Les fautes d’orthographe (fautes de copie?), erreurs de ponctuation abondent, la typographie mérite mieux à mon goût tout comme la justification des lignes , bref il y a encore du pain sur la planche (la planche à billets?) pour arriver à un confort de lecture digne d’un livre papier.
Mais là où je rejoins volontiers François Bon, c’est sur les promesses d’une nouvelle écriture numérique contemporaine liées aux inimaginables interactivités que suggère la numérisation.
Il faudra donc rester attentifs et curieux de nouvelles écritures, de nouveaux textes, de nouveaux auteurs.
Nous le ferons dans le cadre de ce «Club des lectures numériques» tout en gardant sous le coude et sans honte aucune un bon vieux Balzac ou Kessel sur un chiffonné papier jauni.
«Qu’importe le flacon... pourvu qu’on ait l’ivresse!» (Alfred de Musset)

T.C.

Livre lu au format epub sur un Opus de Booken dans le cadre du "Club des lecteurs numériques".

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L'Art français de la guerre, Alexis Jenni

Jenni Quel formidable livre! Je l'avais repéré par hasard dans la revue Pages chez mon libraire Coiffard, une double-pages d'entretien, la simplicité du bonhomme "il n'y a rien de marquant dans ma vie, par contre j'ai un goût ancien et profond pour la littérature, mais qui est de l'ordre de l'intime", ma libraire qui me glisse, vous verrez, c'est du bon. C'était dernière semaine d'août, avant toutes les critiques positives qui ont suivies dans la presse. "L'Art français de la guerre" chez Gallimard, un premier roman d'un dénommé Alexis Jenni. Et bien, je dois dire que ce petit éloge glâné, c'était pas du tout surfait. Et nombre de libraires l'avaient aussi repéré pendant l'été. Un gros livre (632 pages) dans lequel on plonge sans jamais rester par moment en surface à patauger. On va jusqu'au bout d'une traite, on en sort lavé, épaté. Un énième livre sur la guerre? Entre les vainqueurs et les victimes? Que nenni. Bien autre chose, un prétexte, un vrai défi, comprendre les vingt ans de guerre française, 1942-1962, dans laquelle on est resté tous avec eux embourbés, englués, ce qui se cache derrière notre malaise par rapport à toute cette période taboue, ces militaires kakis dehors (caca dedans), rasés, un peu vite taxés de "fachos", qui ils sont vraiment, leurs itinéraires dans ces vingts années passées à toute allure, comment nous avons assimilé socialement, depuis, dans notre pays cette idée de la guerre à la "française". Avec les inévitables résonnances sur notre époque contemporaine. Des allers-retours constants entre les différents conflits (maquis de la résistance, Indochine, Algérie) en compagnie d'un para-dessinateur Victorien Salagnon et les conversations entre ce même Salagnon, dans son petit pavillon désuet, et le narrateur qui se rencontrent dans cette banlieue de Lyon d'aujourd'hui, avec ses violences urbaines en toile de fond. Un style épatant, vraiment pour un premier roman, une maitrise de la langue incroyable, tout en fluidité. Sur l'ensemble, vraiment pas grand chose sur lequel on se lasse. Bon, le prix de la version numérique n'est pas donné, mais 632 pages de cette qualité, on ne le regrette pas. Je vais le passer autour de moi. Bien entendu, je me suis empressé de racheter la version imprimée pour ma bibliothèque (21 euros, le meilleur rapport qualité/prix de cette rentrée comme le dit Pierre Assouline, et il a bien raison), parce que ce livre je vais le garder en vue et le relire dans quelques temps, c'est clair. Franchement, je souhaite que cet Alexis Jenni soit au rendez-vous des jurys, quelqu'ils soient début novembre, qu'il aie une visibilité maximale auprès d'un large public. Il le mérite fichtrement le bonhomme et qu'il se remette vite à l'ouvrage, on prend date pour le suivant.

"Lu avec un NookTouch dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques", que je suis ravi d'inaugurer avec ce livre! Rien de particulier sur cette version numérique sinon la DRM et le prix, je l'ai évoqué".

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