Une plate-forme gratuite avec les "incontournables" de la culture ?
ALCA : études sur la chaîne du livre

Roger Vinciguerra : un grand professionnel nous a quitté

VinciguerraHommage à Roger Vinciguerra décédé quelques jours avant Noël dernier. Un grand professionnel de l'édition nous a quitté. Nous nous étions parlé au téléphone début décembre, il était rentré chez lui après de nombreux séjours hospitalisés. Sa voix était claire, il semblait aller mieux. Nous avions évoqué de nous voir en fin ou en début d'année, partager un repas dans le petit vietnamien à deux pas de chez lui, puis j'ai été souffrant à répétitions, reportant à plusieurs reprises ce déplacement sur Paris.

Nous nous étions rencontré avec Roger chez Bordas à l'époque de la rue Rémy-Dumoncel, notre chef de fabrication, apportant tous les soins que nous pouvions sur les livres illustrés de la maison. Durant près de trois années, il nous a fait partager au sein de notre petite équipe resserrée tout son savoir-faire professionnel. Roger avait connu l'époque du plomb dans les ateliers de Deberny-Peignot, dans laquelle il avait fait ses premiers pas après l'Ecole Estienne. C'est dire le soin qu'il consacrait à la typographie, le plomb puis le passage à la photo-composition qu'il avait suivi de très près dans les maisons d'édition de littérature. Mais c'était aussi un homme de couleurs, tant sa passion le tournait naturellement vers les beaux-livres. Son passage dans beaucoup d'entreprises, du groupe Hachette notamment, a laissé une marque durable pour tout ceux avec qui il a travaillé, collaborateurs comme professionnels en France comme en Europe, compositeurs, photograveurs, imprimeurs, façonniers. Un grand grand professionnel mais aussi un homme de partages, de convictions, d'amour de son métier qu'il partageait sans modération autour de lui. La droiture aussi, qu'il chérissait par-dessus tout.

Combien d'entreprises j'ai pu découvrir, de bons à tirer j'ai pu faire avec les précieux conseils de Roger. Les photo-compositeurs dans le Nord comme du côté d'Angoulème (ils se reconnaîtront), les imprimeries Jean Mussot, Mame, Aubin, Hérissey, les photograveurs André Fossard, Bussière, les relieurs Brun, SIRC, d'autres encore. Et puis les imprimeurs italiens vers lesquels son origine et son amour de l'art le tournait naturellement bien sûr, Pizzi, Milano Stampa, Canale... Avoir la confiance de Roger valait tous les sésames...

Les heures que nous passions à parler typographie, à corriger la photogravure, à rechercher des solutions techniques pour optimiser des collections de livres à venir et les maintenir en France, restent gravés dans ma mémoire. C'étaient aussi les innovations technologiques qui arrivaient, l'avancée de la PAO, la fin des bromures à coller sur les maquettes, les paquets de films à envoyer remplacés par disquettes et autres syquests, les montages chez les imprimeurs, les ozalids qui sentaient l'ammoniaque pour les bons à tirer. Je me rappelle précisément du premier livre que nous avons entièrement réalisé sans morceaux de films, de l'écran aux grands films imposés chez l'imprimeur, un modeste Modelages en pâte durcissante chez Dessain et Tolra. Le CTF comme nous l'appelions à l'époque, avant les CTP et DI. Nous tremblions un peu au moment de recevoir les bonnes feuilles. Roger n'était jamais passéiste, allait toujours de l'avant, avec son œil pétillant, c'est la qualité et l'exigence qui primaient.

Je pense que beaucoup d'entre nous dans l'édition sommes tristes aujourd'hui à l'annonce de sa disparition. Toutes mes pensées vont à sa famille. Nous gardons les traces durables de son amitié et des livres que nous avons partagés, façonnés ensemble avec passion. Elles et ils restent gravées à jamais...

Commentaires