La Nuit a dévoré le monde - n°67
11 novembre 2012
Notre ami Thierry fidèle au poste avec une nouvelle chronique:
"La Nuit a dévoré le monde" de Pit Agarmen, aux Editions Robert Laffont, 13,99€, epub sans DRM (à saluer de la part de l'éditeur).
"Ce fut un été humide et rigoureux,
se rappelle Mary Shelley en 1831, et la pluie incessante nous
confinait des jours entiers à l'intérieur de la maison". Là,
elle va écrire "Frankenstein ou le Prométhée moderne".
Lendemain de cuite difficile. Sacrée
gueule de bois. Antoine Verney est un écrivain de
romans à l'eau de rose, romans de gare, genre collection
Arlequin. Il a écrit: "Rougir de plaisir",
"L'Amour commotion", "Il n'y aura plus d'hiver dans les saisons
de ma passion" ou bien "La théorie des amoureux solubles".
Après une soirée trop arrosée et huit
heures de sommeil plus tard, notre héros se réveille. Des zombies ont pris le contrôle de
la planète. C'est une pandémie mondiale. Ils sont des millions,
des dizaines de millions. Ils sont la foule. Infinie et sans
âme. "Leur nombre est leur intelligence." Il n'y a plus de gouvernements, plus
de police, plus d'armée. Les dernières poches de résistance
sont tombées. Plus de télé, plus de tous ces
appareils électroniques qui nous rendent esclaves, plus de
disques durs... Restent les livres... Et des zombies. "Dents immondes, une langue grise qui
s'agite, des lèvres retournées... corps à moitié dénudés, doigts
tendus." Ils sont là pour signifier notre
mortalité, "la mort dans notre vie, et la vie dans la mort." Antoine Verney serait (j'ai bien
écrit "serait") le seul survivant. Constat: "J'étais heureux et je ne
le savais pas."
Le lecteur tourne, tourne les pages
avec une seule idée en tête: comment va t-il s'en sortir? Notre héros, car il s'agit bien d'un
héros, occupe son temps: faire le ménage, lire (Dostoïevski,
Stendhal, Jane Austen), écrire, se ravitailler en nourriture,
cultiver un jardin, récolter l'eau de pluie, entretenir des
plantes vertes, souligner le nom du saint sur un calendrier des
pompiers et tuer un zombie de temps en temps. En pleine tête, seul moyen de les
achever. Parfois les zombies disparaissent
et... ils nous manquent...
Puis l'habitude des zombies:
l'habitude abrutit. Enfin, ces zombies adorent écouter
notre héros lire à haute voix (de loin, distance de sécurité
oblige) ses romans sentimentaux qui parlent de jeunes
infirmières amoureuses de vieux chirurgiens ou de femmes battues
qui se vengent... Il a (enfin) trouvé son public. "Si je ne suis pas désiré, je ne suis
plus rien." Bien sûr les êtres aimés lui
manquent. Les autres... aussi!
Plus tard, c'est la rencontre avec un
autre survivant: une femme. L'unique femme? "Ses cheveux bougent quand elle
marche..." Ah, l'amour, toujours l'amour...
Roman de série B. Littérature
populaire. Que sais-je?
"Et j'étais libre, car personne ne se
soucie de littérature populaire. Elle n'est pas surveillée."
nous dit le héros ou bien est-ce l'auteur?
Bon, j'avoue (pourquoi devrais-je
avoir honte de lire des histoires de zombies?), j'ai aimé lire
ce livre. Je l'ai lu avec un plaisir non dissimulé que je vous
exhibe ici-même. Je me suis beaucoup amusé.
Et ne comptez pas sur moi pour vous
dévoiler la fin.
Avertissement à la population: les
zombies sont des morts-vivants partiellement décomposés,
dépourvus de langage, de raison et souvent de conscience, qui
survivent en se nourrissant de la chair humaine des vivants. Aurions-nous besoin d'ennemis pour
(sur)vivre?
Lu dans le cadre du club des Lecteurs Numériques