73 notes dans la catégorie "Club des lecteurs numériques"

Le Club des lecteurs numériques change de look!

BlogNotre Club des Lecteurs Numériques change de look en ce début d'année. Un peu plus d'un an d'existence déjà. Le cercle s'agrandit un peu plus aussi avec deux nouveaux membres, Charly et son blog Chroniques de livres, Catherine et son blog Vosdansletexte, l'un avec son Kindle, l'une avec son Cybook. Nous sommes désormais plus d'une quarantaine avec une bonne moitié d'actifs. J'espère que ce petit espace vous donnera des idées de lectures, vos retours si vous êtes "nouveaux lecteurs" nous intéressent aussi, n'hésitez pas à commenter et nous faire part de vos pratiques numériques.

Merci à tous les chroniqueurs et tout particulièrement à Delphine qui fait le lien entre nous tous, "more and more"...


La Nuit a dévoré le monde - n°67

Lecture1Notre ami Thierry fidèle au poste avec une nouvelle chronique:

"La Nuit a dévoré le monde" de Pit Agarmen, aux Editions Robert Laffont, 13,99€, epub sans DRM (à saluer de la part de l'éditeur).

"Ce fut un été humide et rigoureux, se rappelle Mary Shelley en 1831, et la pluie incessante nous confinait des jours entiers à l'intérieur de la maison". Là, elle va écrire "Frankenstein ou le Prométhée moderne".

Lendemain de cuite difficile. Sacrée gueule de bois. AgarmenAntoine Verney est un écrivain de romans à l'eau de rose, romans de gare, genre collection Arlequin. Il a écrit: "Rougir de plaisir", "L'Amour commotion", "Il n'y aura plus d'hiver dans les saisons de ma passion" ou bien "La théorie des amoureux solubles".

Après une soirée trop arrosée et huit heures de sommeil plus tard, notre héros se réveille. Des zombies ont pris le contrôle de la planète. C'est une pandémie mondiale. Ils sont des millions, des dizaines de millions. Ils sont la foule. Infinie et sans âme. "Leur nombre est leur intelligence." Il n'y a plus de gouvernements, plus de police, plus d'armée. Les dernières poches de résistance sont tombées. Plus de télé, plus de tous ces appareils électroniques qui nous rendent esclaves, plus de disques durs... Restent les livres... Et des zombies. "Dents immondes, une langue grise qui s'agite, des lèvres retournées... corps à moitié dénudés, doigts tendus." Ils sont là pour signifier notre mortalité, "la mort dans notre vie, et la vie dans la mort." Antoine Verney serait (j'ai bien écrit "serait") le seul survivant. Constat: "J'étais heureux et je ne le savais pas."

Le lecteur tourne, tourne les pages avec une seule idée en tête: comment va t-il s'en sortir? Notre héros, car il s'agit bien d'un héros, occupe son temps: faire le ménage, lire (Dostoïevski, Stendhal, Jane Austen), écrire, se ravitailler en nourriture, cultiver un jardin, récolter l'eau de pluie, entretenir des plantes vertes, souligner le nom du saint sur un calendrier des pompiers et tuer un zombie de temps en temps. En pleine tête, seul moyen de les achever. Parfois les zombies disparaissent et... ils nous manquent...
Puis l'habitude des zombies: l'habitude abrutit. Enfin, ces zombies adorent écouter notre héros lire à haute voix (de loin, distance de sécurité oblige) ses romans sentimentaux qui parlent de jeunes infirmières amoureuses de vieux chirurgiens ou de femmes battues qui se vengent... Il a (enfin) trouvé son public. "Si je ne suis pas désiré, je ne suis plus rien." Bien sûr les êtres aimés lui manquent. Les autres... aussi!

Plus tard, c'est la rencontre avec un autre survivant: une femme. L'unique femme? "Ses cheveux bougent quand elle marche..." Ah, l'amour, toujours l'amour... 

Roman de série B. Littérature populaire. Que sais-je?
"Et j'étais libre, car personne ne se soucie de littérature populaire. Elle n'est pas surveillée." nous dit le héros ou bien est-ce l'auteur?
Bon, j'avoue (pourquoi devrais-je avoir honte de lire des histoires de zombies?), j'ai aimé lire ce livre. Je l'ai lu avec un plaisir non dissimulé que je vous exhibe ici-même. Je me suis beaucoup amusé.

Et ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler la fin.

Avertissement à la population: les zombies sont des morts-vivants partiellement décomposés, dépourvus de langage, de raison et souvent de conscience, qui survivent en se nourrissant de la chair humaine des vivants. Aurions-nous besoin d'ennemis pour (sur)vivre?

Lu dans le cadre du club des Lecteurs Numériques

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"Le Dernier Lapon" de Olivier Truc - n°66

Lecture1Chronique de notre ami Thierry ce week-end à propos du livre "Le Dernier Lapon" de Olivier Truc aux Editions Métailié, vendu sans DRM.

Bienvenue chez les Samis.

"C'était la journée la plus extraordinaire de l'année, celle qui portait tous les espoirs de l'humanité. Demain, le soleil allait renaître."

Après un séjour (très, très mouvementé) en Patagonie chez les nomades Mapuches de Caryl Férey, nous voici dans le Grand Nord chez les Samis. Le peuple Sami est un peuple nomade, éleveur de rennes en Laponie. La religion samie pratique le culte des ours et le chamanisme. Le chant Joik traditionnel se chante a cappella, sorte de plainte, de cri de douleur ou de colère. Chant improvisé. Les premiers missionnaires le qualifie de chant du Diable. Ce chant est accompagné par un tambour magique fabriqué à partir d'une peau de renne. Les Samis peuvent alors entrer en transe pour rejoindre leurs dieux ou leurs ancêtres. Les Samis vivent dans une sorte de tipi nommé "gumpi". Voilà, ça c'est fait, c'était la minute nécessaire du Professeur d'ethnologie.

9782864248378_1_75Passons au vif du sujet comme dirait Roger Frison-Roche, notre célèbre explorateur français (tiens du coup, je me revois enfant dévorant "Premier de cordée" avant d'aller me jeter dans les pattes de "Michel Strogoff" de Jules Verne... quand tu aimes, il faut partir écrivait Blaise Cendrars...). Klemet Nango est policier à la Brigade des rennes, patrouille P9. Klemet est sami. Il est le seul sami policier. Pas très loin de la retraite. Il travaille en doublette avec Nina, jeune diplômée de l'école de police d'Oslo. Boursière, elle n'a pas eu le choix de son affectation. Elle ignore tout de ces contrées dépeuplées et semi-désertiques du Nord mais... elle a de grands yeux bleus. La police des rennes gère les conflits entre éleveurs: vols de rennes, partage de territoires de transhumance, constats de rennes accidentés. La routine quoi. C'est encore la longue, longue nuit polaire... Quand, quand...

Quand un précieux tambour magique sumi vient d'être volé dans le musée du centre culturel de Juhl. Quand Mattis un éleveur de rennes vient d'être sauvagement tué: poignardé, les deux oreilles découpées. "Tous les rennes sont marqués aux oreilles. Aux deux oreilles. Et tu as besoin des marques des deux oreilles pour identifier le propriétaire. Les voleurs coupent les oreilles des rennes. Pour qu'on ne puisse pas identifier à qui appartient le renne. Pas de propriétaire, pas de plainte." Par moins trente degrés, à cheval sur leurs scooters des neiges, Klemet et Nina vont enquêter... et nous faire visiter la Laponie. Extraordinaire Laponie! Et au fil de la lecture le temps d'ensoleillement va augmenter pour finir par éclairer le dénouement. 4H15 mn d'ensoleillement... 4H38 mn d'ensoleillement...

Les suspects ne manquent pas. Une histoire sordide de vendetta entre éleveurs? Qui est vraiment ce Mattis, fils de chamane, fabricant de tambours samis? Et que dire de cet Aslak qui vit retiré du monde dans la toundra, dans une tente de branchages, de terre et de mousse avec ses rennes et sa femme. Cet Aslak qui se déplace encore en skis, combat les loups à mains nues et castre ses rennes avec les dents.

"Tu vois, ces montagnes, elles se respectent les unes les autres. Aucune n'essaye de monter plus haut que l'autre pour lui faire de l'ombre ou pour la cacher ou pour lui dire qu'elle est plus belle... Les hommes devraient faire comme les montagnes."

Et que vient fouiller ce géologue français? Vient-il réveiller une vieille légende sami qui prétend l'existence d'une mine d'or secrète? Secrète mais... maudite! Et que manigance ce nouveau parti d'extrême droite qui monte en puissance dans le pays? Le soi-disant Parti du progrès. Et que penser de ce Rolf Brattsen, policier raciste qui déteste les Samis. Une histoire politique? De gros sous? De pétrole? Et que dire de cet Olaf Renson, jeune enragé autonomiste sami qui lutte pour la survie de son peuple? Et que protège ces laestadiens, cette secte luthérienne, et leur pasteur fanatique? Et pourquoi Karl Olsen, ce riche paysan, cache t-il cette précieuse carte relatant une expédition dans le Grand Nord de Roger Frison-Roche en 1939? Et que...

Oui, cher lecteur, vous le saurez en lisant ce superbe "thriller-boréal". Klemet et Nina sont deux personnages très attachants. Vraiment. On se sent bien près d'eux. Les paysages lapons sont magnifiques. Les moeurs de ces Samis, éleveurs de rennes sont remarquablement décrits. La construction de l'histoire est parfaitement maîtrisée.

Un excellent moment de lecture. Dépaysant! Superbe!

Olivier Truc est journaliste: Libération, Le Point, le Monde. Spécialiste des pays nordiques et baltes, il vit à Stockholm. C'est son premier roman. "Il savait ce qu'il devait faire. Et ce que, après lui, son fils devrait faire. Et le fils de son fils." (à noter la très belle couverture)

Lu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques

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Delphine et son Kobo

KoboPresqu'un an de vie commune avec son Kobo. Grande lectrice, Delphine qui tient le blog Delphine's books et anime le Club des Lecteurs Numériques, revient sur son expérience personnelle. 10% de ses lectures seulement, malgré des petits soucis techniques un aveu: "C’est là où je réalise que je suis devenue accro à cette petite machine!".


"Certaines n'avaient jamais vu la mer" de Julie Otsuka - n°65

ChroChronique proposée par Thierry aujourd'hui, "Certaines n'avaient jamais vu la mer" de Julie Otsuka aux Editions Phébus, 10,99€, sans DRM, chez ePagine

Ce livre est à l'image de son titre: magnifique! Certaines n'avaient jamais vu la mer... (le titre original est "The Buddha in the Attic")

C'est le deuxième livre de Julie Otsuka. Il vient d'obtenir le Pen/Faulkner Award for Fiction 2012. Julie Otsuka, née en 1962 en Californie, est diplômée en art et décide d'abandonner une carrière de peintre pour se consacrer à l'écriture.

CertainsJ'avais adoré son premier livre: "Quand l'empereur était un dieu" paru chez Phébus également. Il racontait l'après Pearl Harbor, quand les citoyens américains d'origine japonaise sont internés, parqués dans des camps en attendant la fin du conflit. Celui-là raconte l'avant Pearl Harbor.

"Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n'étions pas grandes..."

Début du XXe siècle, des agents marient par correspondance des Nippones à des Américains. Elles quittent leur Japon natal pour fuir la misère. Les parents restés au Japon récupéreront l'argent de la dot... peut-être...

"Toutefois, même les plus réticentes admettaient qu'il valait mieux épouser un inconnu en Amérique que de vieillir auprès d'un fermier du village."

Leurs maris qu'elles n'ont pas choisis les attendent au port de San Francisco. Après tout, ici, en Amérique, les hommes tiennent la porte aux femmes et soulèvent leurs chapeaux en disant: "Les dames d'abord." ou bien "Après vous." C'est l'histoire tragique d'une émigration.

Alors Julie Otsuka va nous raconter ces femmes, toutes ces femmes... Ces femmes invisibles... en choeur. La traversée tragique en bateau, la première nuit avec ce mari inconnu, le premier enfant né, le racisme des blancs, enfin la déclaration de guerre au Japon et nous voilà revenus à son premier livre "Quand l'empereur était un dieu".

Cette nouvelle main d'oeuvre féminine est très rentable (gratuite même parfois) pour les "bons" patrons blancs. Après tout un Japonais peut vivre avec une cuillerée de riz par jour, dit-on. Les "bons" patrons blancs leur apprennent même quelques mots d'anglais comme: "Un seau", "Une serpillière", "Un balai". Quand elles vont au cinéma elles ont leurs places réservées, tout en haut, au deuxième balcon, les plus mauvaises places de la salle... au "paradis des nègres". Quand elles vont au restaurant, elles savent qu'elles doivent toujours commencer par téléphoner: "Vous servez les Japonais?" Il peut arriver que le "bon" patron blanc se nomme Charlie Chaplin...

Ce roman s'inspire de témoignages d'immigrants japonais et se sert de nombreuses sources historiques pour s'écrire en mots légers, presque insouciants, mots retenus, presque poétiques, mots lancinants, mots prêts à vous envoûter pour mieux vous bouleverser. Magnifique vous dis-je! Une auteure à découvrir d'urgence sous peine de... sous peine de... sais pas moi, sous peine de passer à côté d'un bout de chemin de la littérature. Sortez des sentiers battus et rebattus par les grands roulements de tambours médiatiques. Cher lecteur, ne vous égarez pas, n'allez pas vous perdre et perdre votre temps dans les obscurs et prétentieux nombrils des écrivains nés une cuillère d'argent dans la bouche (faute d'une belle plume dans le...) qui accordent chaque automne leurs violons d'une torpeur uniforme. Mais qu'ont-ils à se vanter, chaque année, les artistes? Achetez, empruntez ou volez ce livre!

Parfois, elles reçoivent des lettres de leurs mères: "Je vois encore l'empreinte de tes pas dans la boue de la rivière." Une phrase, rien qu'une phrase...

Lu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.

Club


Home de Toni Morrison - n°64

Lecture1En ce dimanche, Thierry nous propose sa petite chronique sur le dernier roman de Tony Morrison, "Home", chez Christian Bourgois.

Ici se dresse la littérature. «Home» chante-hante le blues. Comme le «Strange Fruit» de Billie Holiday.

"Southern trees bear a strange fruit

Blood on the leaves and blood at the root

Black body swinging in the Southern breeze

Strange fruit hanging from the poplar trees."

(Les arbres du Sud portent un étrange fruit, Du sang sur les feuilles et du sang aux racines, Un corps noir qui se balance dans la brise du Sud, Étrange fruit suspendu aux peupliers). Comme ce vieil homme battu à mort, puis «ligoté au plus vieux magnolia du comté».

9782267023855_1_75C’est le dixième roman de Toni Morrison. Incisif. Percutant. Une Amérique des années 50 à la dérive. Habitée de lynchages et de cagoules blanches. Un be-bop complexe et silencieux qui nous poursuit. Comme ce batteur infatigable viré de scène par le trompettiste et le pianiste. Un cauchemar au tempo endiablé. «Puisque vous tenez absolument à raconter mon histoire, quoi que vous pensiez et quoi que vous écriviez, sachez ceci: je l’ai vraiment oublié, l’enterrement. Je ne me souvenais que des chevaux. Ils étaient tellement beaux. Tellement brutaux. Et ils se sont dressés comme des hommes.

Ecriture puissante qui prend à partie le lecteur. Frank Money (nom d’esclave donné par le «bon» maître blanc) revient de nulle part. De la guerre de Corée. De l’enfer. «Un autre enfant ayant seulement la moitié inférieure du visage intacte, et dont la bouche criait maman». De quoi se perdre dans l’alcool. De quoi se perdre... Sa petite soeur Cee, née dans le ruisseau, élevée «à la main"(comme dirait Dickens) qui n’en finit pas de mourir à petits feux. Lui c’est Hansel. Elle sera Gretel. A la recherche de l’Amérique. Toni Morrison, 81 ans, Prix Nobel de littérature 1993, signe un chorus entêtant. Un écho féroce, presque militant. Un appel retentissant à lever le poing!

«Ici se dresse un homme.»

Lu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.

Lecture2


Le Club des lecteurs numériques : c'est la rentrée!

Lecture2L'activité de notre Club des lecteurs numériques reprend en cette rentrée avec beaucoup de chroniques de lectures mises en ligne. Merci à Delphine. Tous nos blogueurs/ blogueuses très motivés pour vous faire découvrir leurs coups de coeur. Plusieurs d'entre nous faisaient part de leurs pratiques du livre numérique sur France-Culture dans l'émission de vendredi dernier, Maïa, Christian, Sabine, Tilly et votre serviteur.


La Nuit tombée d'Antoine Choplin - n°63

Lecture1C'est la rentrée pour notre ami Thierry, toujours fidèle au poste pour ses chroniques. Je l'en remercie. Aujourd'hui "La Nuit tombée" d'Antoine Choplin, paru à La Fosse aux Ours. 9,99€ en epub sans DRM sur ePagine par exemple.

Il y a eu la vie à Tchernobyl.

«Après les derniers faubourgs de Kiev, Gouri s’est arrêté sur le bas-côté de la route pour vérifier l’attache de la remorque.»

Gouri part en moto vers la zone. La zone interdite de Tchernobyl. Gouri est un ancien «volontaire» pour nettoyer le réacteur N°4 de la centrale.

«C’était tôt le matin, deux camions militaires sont arrivés ici au village. Une huitaine de gars sont descendus et le chef a pris la parole pour dire qu’ils recrutaient des hommes pour nettoyer la zone. Que s’engager pour ce travail, c’était ni plus ni moins faire son devoir de citoyen.» Ce seront les liquidateurs.

Ecrivain public à Kiev, il revient sur les lieux deux ans plus tard. Il veut récupérer la porte de la chambre de sa fille.

«Il y a pas mal d’inscriptions dessus. Des choses que nous avions écrites ou dessinées, Ksenia et moi. Un peu de poésie, des mots comme ça.». Et les marques de la taille de Ksenia, à douze ans, à treize et demi, quatorze.

9782357070370_1_75Gouri, sa femme et sa fille habitaient à Priapiat, près du square Pouchkine, pas loin de la centrale. Aujourd’hui c’est une ville fantôme où dans les jardins brillent des taches violacées de césium, une sorte de jus qui suinte de partout et sombrent des oiseaux aveugles. Sur son chemin il va rencontrer des survivants. Ils vont raconter, se raconter la catastrophe. Ils vont chanter, au son de l’accordéon, ivres de vodka et de souvenirs le temps... d’avant l’événement. Véra, Piotr, Pavel, Ivan, Leonti, Kousma, Vassili, Svetlana et les autres. Et Iakov qui se meurt.

«Le visage est méconnaissable. Il a perdu ses cheveux et la peau du crâne est diaphane. Laissant voir en plusieurs endroits l’épaisse saillie des veines. L’un de ses yeux est presque fermé, comme celui d’un boxeur après un combat. Les joues sont creuses, les lèvres curieusement retroussées, les mâchoires crispées.»

Son précédent livre «Le Héron de Guernica» m’avait enchanté.

L’histoire de Basilio, un jeune peintre autodidacte qui peint les hérons cendrés des marais de Guernica. La guerre d’Espagne, Picasso...

Toujours tout en retenue, écrivain économe, pudique, presque magique mais tellement généreux avec le lecteur. Cette nuit tombée m'a séduit. L'écriture de Choplin, teintée d’atticisme, jette comme un sort sur le lecteur. Il nous charme avec ses mots légers, ses courtes phrases lestées d'adjectifs trop qualificatifs. L'ombre des mots, discrète, à peine visible, invisible presque, déborde d'émotions, nous arrache des larmes, nous prend aux tripes. L'ombre du drame nous tient le fil à la page. Merci Monsieur Choplin.

«Sans bon sentiment, l’on ne fait que mauvaise littérature.» écrivait Gide.

«Je suis allé plusieurs fois sur le toit avec lui. Il voulait toujours mettre un ou deux coups de pelle de plus que les autres. Il dépassait les quarante secondes à chaque coup.»

Tchernobyl, 25 ans après: de 25 000 à 125 000 morts et plus de 200 000 invalides, et pour les populations exposées à la contamination un bilan qui sera selon les estimations de 14 000 à plus de 985 000 morts à travers le monde.

Mais ce livre vous en dira beaucoup plus que ces chiffres... C’est le pouvoir de la littérature.

Lu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.

Lecture2


5 romans pour l'été

Merci à notre ami Thierry qui nous propose aujourd'hui en lieu et place de sa petite chronique dominicale une sélection de 5 livres pour l'été:

KingSkinheads, de Jonh King, aux Editions du Diable Vaubert - Mai 2012.

 À travers plusieurs générations de skins londoniens, John King explore sans concession les racines d'une authentique culture prolétaire, loin des clichés qui lui collent à la peau. Un magnifique roman naturaliste social.


GarciaEn l'absence de classement final, de Tristan Gardia, aux Editions Gallimard - Avril 2012.

Voici des gymnastes roumaines, des cyclistes espagnols, desvolleyeuses cubaines ou des pongistes chinois qui sacrifient leur vie, l'épuisent dans l'effort, espérant une victoire dont le sens demeure énigmatique. Chacune des trente nouvelles de ce recueil porte sur une discipline sportive différente, bien connue ou inattendue, du football au kourach ouzbek, du tennis de table au biathlon. Souvent brefs, ces textes drôles et tragiques recueillent la souffrance et la joie du corps, la chance des perdants et le prix payé par les gagnants. Arrivés les premiers ou les derniers, sportifs et sportives sont les pièces d'un puzzle qui ne représente rien, sinon la carte approximative (lu monde actuel: une compétition chaotique, dont personne ne parvient à déterminer les règles ni le classement final.


MisfitMisfit, de Adam Braver, aux Editions Autrement - Mai 2012.

 "Lorsqu'elle entre, sa présence transforme la salle, à un point incroyable. Comme un gigantesque souffle. Vêtue de noir, elle force l'attention de la Villa Nova, tandis qu'elle avance avec une lenteur étudiée jusqu'à la table. On dirait que la salle s'est éclairée, que les flammes des chandelles sont plus hautes." C'est une apparition: rayonnante, évidente, animale. Elle est au firmament, et pourtant rien ne la sauvera. Ni son mariage avec DiMaggio. Ni Sinatra, ni Arthur Miller, ni ses amis. Sa vie ? Une suite de scènes indélébiles. Pour en écrire le film, Adam Braver multiplie les angles et ménage la tension dramatique avec un extraordinaire sens du détail. Son approche libre, sensible, invite à redessiner soi-même, au fil de la lecture, l'identité d'une Marilyn vulnérable, qui fuit et se cache dans son propre mystère.


GardeCe qu'il advint du sauvage blanc, de François Garde, aux Editions Gallimard - Janvier 2012.

 Au milieu du XIXe siècle, Narcisse Pelletier, un jeune matelot français, est abandonné sur une plage d Australie. Dix-sept ans plus tard, un navire anglais le retrouve par hasard: il vit nu, tatoué, sait chasser et pêcher à la manière de la tribu qui l'a recueilli. Il a perdu! usage de la langue française et oublié son nom. Que s'est-il passé pendant ces dix-sept années? C'est l'énigme à laquelle se heurte Octave de Vallombrun, l'homme providentiel qui recueille à Sydney celui qu'on surnomme désormais le «sauvage blanc».


SamouraiLa Tristesse du Samouraï, de Victor Der Arbol, aux Editions Actes Sud - Janvier 2012.

 Comme souvent au début des histoires il y a une femme sur un quai de gare au petit matin. Mise élégante, talons hauts, gants de cuir, elle dénote parmi des passagers apeurés qui n’osent croire que la guerre est finie. Isabel fait partie du clan des vainqueurs et n’a rien à redouter de ces phalangistes arrogants qui arpentent la gare de Mérida en ce rude hiver 1941. Elle presse la main de son plus jeune fils et écrit à l’aîné, qu’elle s’apprête à abandonner, les raisons de sa fuite. Le train de 4 heures en direction de Lisbonne partira sans elle. L’enfant rentrera seul chez son père, appâté par le sabre de samouraï de ses rêves qu’un homme vient de lui promettre. Isabel disparaît pour toujours. Quarante ans plus tard une autre femme a commis un meurtre et doit comparaître devant la justice des hommes mais pour cette brillante avocate, cela n’a guère d’importance. Elle est atteinte d’une tumeur cérébrale et c’est à sa mémoire qu’elle doit des comptes. Au cours d’un procès mémorable, quelque temps auparavant, elle a réussi à faire condamner un policier véreux, ouvrant sans le savoir la boîte de Pandore. Elle a été manipulée en raison d’une tragédie ancienne dont elle ignore tout. Les rejetons d’une famille maudite cherchent à lui faire payer quatre décennies de vengeance et de haine. Des premières années de l’après-guerre à la tentative de coup d’état de février 1981, après un détour par les steppes de Stalingrad, la saga familiale est lourde de complots, d’enlèvements, de trahisons. Sous un léger vernis de démocrates, les ex-phalangistes continuent de tirer les ficelles. Les personnages et les situations se répondent, marquant trois générations au fer rouge. Les carences affectives ont transformé les enfants en psychopathes, les victimes en bourreaux, le code d’honneur des samouraïs en un effroyable massacre. Et quelqu’un doit laver le péché originel. La Tristesse du samouraï est un étonnant roman policier qui se joue à merveille de l’opacité d’un contexte historique et un intense thriller psychologique qui mène les personnages aux limites de leurs forces pour sauver l’honneur de la lignée. Enorme succès en Espagne, il est en cours de traduction dans plusieurs langues.

N'hésitez pas nous faires partager les vôtres en commentaires. Bonnes vacances et bonnes lectures!


Onze ans avec Lou - n°62

Lecture1La chronique dominicale de Thierry avec aujourd'hui "Onze ans avec Lou" de Bernard Chapuis aux Editions Stock:

«Jour après jour, Dulac s'était accoutumé à tout ce que Paris faisait de gris. Les chaussées, les immeubles, les toits, les gouttières, les pigeons, les fidèles nuages, les surprenantes éclaircies gris clair, sans omettre toutes ces nuances de gris qu'aimait porter la population élégante.»

Nous sommes en 1953 à Paris. L’église Sainte-Jeanne-de-Chantal est encore en travaux: victime d’une bombe alliée en 1944. La guerre c’était juste hier... Le p’tit Dulac a 8 ans. Il aura 23 ans en mai 68. La famille Dulac vient de s’installer dans le quartier Saint-Cloud. Manou la maman, Lou le papa, Flossie la soeur, Sony le basset et le p’tit Dulac.

StockC’est la guerre froide.
«Tu sais ce que c’est la guerre froide? Non? Eh bien, si une guerre atomique se déclenche, tout le monde sera effacé de la carte. Les vainqueurs seront les vaincus, les vaincus seront les vainqueurs. Ca, c’est la guerre atomique. La guerre froide, c’est l’art d’éviter la guerre atomique, tout en conservant les moyens.» explique le père à son fils.

Paris n’est pas encore Paris.
«Terrain vague, dont les creux et les bosses avaient donné accueil à toutes les plantes, buissons et arbustes d’espèces nomades qui prenaient racine dans les zones que la ville n’avait pas encore domestiquées.»

La famille Dulac rentre de Singapour où Lou, le père, était attaché naval depuis trois ans. 22 jours de traversée à bord du «Félix Roussel» des Messageries Maritimes. Pour le p’tit Dulac Paris est un nouveau monde. A l’école on le surnomme «l’Angliche» ou «Racho» comme rachitique.

Ce roman joliment écrit raconte, avec élégance et sensibilité, les tribulations du nouveau p’tit parisien entrecoupées de souvenirs de la maison blanche de Bukit Timah à Singapour. A Paris c’est le temps des places de cinéma à cinq cents francs, des films de Jean Renoir avant la Nouvelle Vague. A Singapour c’est le souvenir des fakirs et des charmeurs de serpent, de l’air moite, des bananiers et des lourds parfums.

C’est un livre très émouvant, triste et amusant, qui sait parler de l’enfance et faire parler les enfants. Un exercice souvent périlleux. Ici parfaitement réussi. C’est aussi un livre de notre Histoire de France. Celle de la France des années cinquante. La France des années du président Coty et des 4CV. Le p’tit Dulac aura vécu onze ans avec son père. Onze ans avec Lou. Un beau voyage dans le temps, mélancolique juste comme il faut, assez pour verser une larme à la fin.

Ce livre a obtenu le Prix Jean-Freustié 2012.

Lu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.

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L'île des chasseurs d'oiseaux - n°61

Lecture1Chronique sur un livre formidable que j'avais aussi lu dans sa version imprimée l'année dernière. Même coup de coeur que Thierry!

"L'Ile des chasseurs d'oiseaux" de Peter May aux Editions du Rouergue, par exemple chez Epagine

Vous n’allez pas regretter vos 10,99€!
Retenez bien ce proverbe gaélique: «Trois choses qui arrivent sans qu'on demande, la peur, l'amour et la jalousie.»

Vous aimez la brume, la pluie, le froid, le vent, la mer déchaînée?
Oui? Alors c’est parti... ça va vous rafraîchir votre été en proie aux longs ennuis.
Bienvenue en enfer... euh non pardon, bienvenue en Ecosse!

9782812603297_1_75Lewis, la plus grande île de l'archipel des Hébrides extérieures, en Écosse est de tradition presbytérienne. Encore aujourd'hui les habitants de cette île du bout du monde observent le sabbat chrétien, parlent la langue gaélique. Ils vivent de l'exploitation de la tourbe, de la pêche, du tourisme, de la fabrication du tweed et d'un peu d'agriculture.
C’est vrai, j’y suis allé...
Depuis la nuit des temps, ils ont une coutume unique au monde, réservée uniquement à quelques initiés mâles, natifs de l'île: la chasse aux fous de Bassan. Pendant deux semaines, ces hommes et quelques jeunes garçons, sont emmenés à bord d'un chalutier sur An Sgeir, qu'il neige, qu'il vente ou qu'il tempête!
Une sorte d'épreuve... du feu! An Sgeir est un rocher émergeant de la mer, à cent kilomètres de Lewis, où nichent et se reproduisent des milliers d'oiseaux. Chaque année, deux mille oisillons sont tués, préparés sur place et ramenés sur l'île Lewis.

"De magnifiques oiseaux blancs, avec des ailes aux extrémités bleu-nuit, des têtes jaunes, et une envergure de près de deux mètres. Des fous de Bassan. Des milliers, emplissant le ciel, virant dans la lumière, glissant sur les turbulences des courants d’air. Il s’agissait de l’une des plus importantes colonies de fous de Bassan existant encore dans le monde."

En 1954, le Wild Birds Protection Act accepte une dispense spécifique qui autorise la poursuite de ce massacre annuel. Amis des animaux et militants de la SPA, vous allez grincer des dents! Mais non, n’ayez pas peur, ne fuyez pas, vous n’avez pas dans les mains un soporifique traité de sociologie, pas plus qu’un hautain essai d’histoire des civilisations ou un pédagogique récit de notre cher et regretté Théodore Monod... ouf! Avant d'être une tradition ce fut une ressource vitale pour se nourrir. Tout ce qui est fait, vu ou dit sur ce rocher doit demeurer secret. Un passage obligé pour devenir un homme de l'île. Un homme de Lewis.

"Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant; lorsque je suis devenu un homme, j'ai laissé là ce qui était de l'enfant." écrivait Paul aux Corinthiens.

Voilà, nous y sommes, le décor est planté. Il pleut toujours et un vent glacial souffle sans arrêt. Dans ce superbe roman, les descriptions des paysages sont magnifiques! L'auteur sait imposer (avec notre consentement) une atmosphère: là-bas, j'ai eu faim, j’ai eu froid, j’ai eu peur, j'ai ri et j’ai pleuré. J'ai senti et j’ai touché... Un livre sensé pour cinq sens.

Les Boileau-Narcejac, habiles écrivains de romans policiers avaient l'habitude de dire qu'un bon polar doit être «une machine à lire». Celui là on ne le lâche pas...la machine à lire est parfaitement huilée. Le lecteur se fait embarquer, se laisse entraîner dans les intimes engrenages de l’histoire. Impossible d’y échapper!

Mais est-ce vraiment un polar? N'est-ce pas aussi un livre d'anthropologie? Un livre d'Histoire? Un livre de géographie? Pourtant je vous avais prévenu que... Tout simplement le livre d'une histoire. Une histoire sur l'enfance. Une histoire sur le passage à l'âge adulte comme un passsage à l'acte. L'inspecteur Fin Macleod, natif de cette maudite île qu'il a quitté il y a maintenant plus de dix-huit ans revient (malgré lui) sur les lieux de son enfance pour élucider un meurtre particulièrement sordide.

«Il reconnaissait maintenant les vieux hangars qui bordaient la piste de l’aéroport et aperçut au loin le terminus du ferry, flambant neuf. Fin fut saisi par l’émotion. Cela faisait si longtemps. Il ne s’était pas préparé aux flots de souvenirs qui soudain le submergèrent.»

Ce retour tant redouté va provoquer le réveil des fantômes de son enfance. Il va retrouver Artair Macinnes le fils du professeur qui lui donnait des cours particuliers, Donald Murray le fils du pasteur, Calum Macdonald le souffre-douleur d' Ange, Ange le persécuteur des cours de récréation, Marsaili son premier amour de banc d'école, sa tante «adoptive» (malgré elle), celle qui a fait Woodstock et... bien d'autres cauchemars en souffrance. Retenez bien ces noms, vous n'êtes pas prêt de les oublier! Sur l’île de Lewis tout le monde se connaît. Ou plutôt tout le monde croit se connaître.

«Soudain, sa conscience était inondée de souvenirs, comme les scènes d'un cauchemar qui reviennent au réveil. Il sentait la bile monter en lui, tandis que les images défilaient sur sa rétine, comme un vieux film de famille.»

Ce retour va faire remonter à la surface des amours déçues, des jalousies, des secrets de familles, des carcans religieux longtemps, trop longtemps consentis, des vengeances ensommeillées, noyées par le mauvais temps et la culture ancestrale du secret.
Peter May excelle pour pénétrer au plus profond d’un personnage comme l’inspecteur Fin, pour faire dialoguer des enfants, pour nous égarer dans des mots à tiroirs, pour nous plonger dans des paysages violents et inquiétants. L’histoire d’amour entre Marsaili et Fin est superbe... à pleurer! J’insiste, j'ai adoré ce livre. Vraiment. J'ai eu beaucoup de mal à quitter cette île sauvage du nord de l'Ecosse.
A lire d'urgence et sans modération! Pour trouver la vérité, perdu dans le brouillard et les fausses pistes, j'ai dévoré les quatre cent pages en deux nuits! Le lendemain même j’ai voulu correspondre avec l’auteur. Nous avons échangé quelques mails. Sympathique ce Peter May. J'ai déjà envie de le relire, tiens.
"La vérité ne quitterait jamais le rocher. Elle resterait là, parmi les amas de rochers et les oiseaux, chuchotée par le vent. Elle mourrait dans les cœurs et les esprits des hommes qui étaient là ce fameux jour lorsque viendrait leur tour..."

A lire aussi, si vous voulez, la suite «L’homme de Lewis». Je l’ai lu. Toujours avec l’inspecteur Fin. Un ton au-dessous, à mon humble avis mais tout de même efficace aussi. Un troisième et dernier opus est attendu. Je l’attends...

Né le 20 décembre 1951 à Glasgow, Peter May est un écrivain écossais, aujourd’hui installé dans le Lot, dans le sud-ouest de la France. Journaliste et scénariste pour la télévision écossaise, il décide de se consacrer à l’écriture de romans. Il est l’auteur d’une série policière de six livres qui se passe en Chine durant la cruelle révolution culturelle avec Li Yan, inspecteur en chef de la police de Pékin et Margaret Campbell, médecin légiste.

PS: alors il disait quoi le proverbe gaélique? Allez, pour les inattentifs, je répète: «Trois choses qui arrivent sans qu'on demande, la peur, l'amour et la jalousie.»

Lu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques

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La Nuit de Géronimo - n°60

Lecture1Ce soir chronique de Thierry à propos du polar "La nuit de Géronimo" de Dominique Sylvain aux Editions Viviane Hamy.

"Un médecin légiste ne fréquente pas que des morts. Il constate aussi les dégâts infligés aux vivants."

Prenez un stylo et notez bien, ça pourrait vous être très, très utile.

Allez, à vos notes, prêts partez!
Dans la famille Domeniac (non, pas la famille démoniaque... quoique...), je demande:
Jean-Pascal le grand-père, psychiatre taciturne reclus dans sa bibliothèque.
Caroline la grand-mère qui a perdu la boule.
Thierry le père, suicidé à trente-trois ans, brillant chercheur en biotechnologies et membre du Comité national consultatif d'éthique.
Paola, colombienne, la femme de Thierry morte dans un accident de voiture peu de temps après la disparition de son mari.
Hadrien le frère de Thierry, PDG du Groupe Domeniac Entreprises et ses fils Edouard l'avocat et Stan le patron du journal "France Globe".
Et Philippine la fille de Thierry et de Paola, médecin légiste.
Ouf! Vous y êtes?

GeronimoAllons-y!
Les Domeniac reçoivent le même email: "Geronimo n'a tué personne mais qui a tué Géronimo?"
Dominique Sylvain sait alpaguer son lecteur. D'entrée de lecture.
Géronimo? C'était le surnom de Thierry.
Vingt-quatre ans après son suicide inattendu.
La tribu Domeniac engage la détective privée Louise Morvan de Morvan Investigations.
Et c'est parti pour une folle saga familiale plus que torturée où se mêlent la jalousie, les maris trompés et le passé trouble d'un clan.
Un polar bien ficelé qui se lit jusqu'au bout du suspens, riche en rebondissements.
J'ai hâte de retrouver Louise Morvan dans une nouvelle enquête accompagné de son nouvel associé rencontré ici: Mister Funky. 
Mais chut... ce sera une autre histoire...

"Il suffit d'admettre que le bonheur pouvait se couper en tranches."

Lu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques et dans le cadre du Prix Polar des Lecteurs de Points

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Mapuche - n°59

Lecture1Une nouvelle chronique de Thierry sur un superbe thriller, "Mapuche" de Caryl Férey dans la Série Noire chez Gallimard. A retrouver ici.
Impressionnant!
"Les Mexicains descendent des Aztèques, les Péruviens des Incas, les Colombiens des Mayas, les Argentins descendent du bateau."
Caryl Férey, pour notre plus grand plaisir, a pris la bonne habitude de nous emmener dans des contrées lointaines.
Après la Nouvelle-Zélande avec "Haka" et "Utu", l'Afrique du Sud avec "Zulu", nous voici en Argentine avec "Mapuche".
Un Mapuche est un indien d'Amérique du Sud. Mapuche signifie "peuple de la Terre". Les indiens mapuches habitent le sud de la région andine entre le Chili et l'Argentine. Jana est mapuche, "fille d'un peuple sur lequel on avait tiré à vue dans la pampa". "Ecrasés militairement lors de la Grande Battue à travers la pampa comme des lapins à coups de Remington, livrés aux écoles religieuses ou comme esclaves."
FereyElle est sculptrice dans un squat d'une ancienne gare. Jana sculpte des bouts de ferraille. De la récup'. En boucle, elle écoute Jesus Lizard, groupe mythique de "noise rock". De bon goût, ma foi. Elle a 28 ans et un look de guerrière. Elle garde près d'elle le couteau mapuche que lui a légué son arrière grand-mère. Ruben est détective privé. La quarantaine coquette. Son père, poète célèbre et sa petite soeur sont torturés.
Ils vont mourir... presque devant ses yeux. Atroce!
En pleine Coupe du monde de football. En 1978. Deux ans après le coup d'Etat de Videla. L'Argentine sera sacrée championne du monde.
C'est Videla, chef de la junte militaire, qui remet la coupe au capitaine argentin. Les insouciants hourras des supporters couvrent les horribles cris des suppliciés à deux pas du stade. Nous sommes à présent dans la nouvelle Argentine, celle d'après la dictature, celle d'après la crise. "Les banques et des multinationales avaient fait les poches du cadavre politique du pays..." Un cadavre encore chaud, brûlant.
Les tortures, les meurtres des opposants et les disparitions d'enfants volés du Général Videla et de sa complice église catholique argentine. C'était il y a plus de 30 ans et pourtant... Jana et Ruben, ces deux blessés à vif, au passé ensanglanté, vont se retrouver mêlés à une sordide histoire. Normal nous sommes dans un thriller, brrrrr...
"Ancêtres ou disparus, ils couraient tous les deux après la même chose: des fantômes."
L'Histoire de l'Argentine. Toute l'Histoire de l'Argentine et ça va nous économiser au moins des tonnes et des tomes de livres d'Histoire assoupissants et prétentieux. (V'là déjà une bonne nouvelle!)
Celle des conquistadors "qui avaient recherché en vain ces fabuleuses mines d'argent dont parlait la légende, et qui avaient donné le nom de cet eldorado dépressif: l'Argentine."
Celle des Mères de la Place de Mai et des Abuelas. Celle des militaires sanguinaires. Celle des Vols nocturnes de la Mort où les "subversifs" endormis au Penthotal sont jetés d'avion en pleine mer. "Un mort, c'est un chagrin. Un million, une information."
Celle d'une traite église. "Iglesia! Bassura! Vos sos la dictatura!" (je vous laisse traduire)
Férey excelle à nous raconter des histoires dans l'Histoire.
L'écriture maîtrisée et efficace de Férey (trois années d'écriture non-stop) reste toujours émouvante et poignante.
Certes certains passages du livre sont difficilement supportables.
Mais cette littérature là sait nous montrer les hommes tels qu'ils sont... parfois, trop souvent: cruels et bêtes, sadiques et pervers, aveuglés et soumis!
"Le soleil grimpait dans le ciel bleu roi quand Jana quitta l'escalier, ses sacs à l'épaule. La Ford attendait devant la grille. Elle referma la porte coulissante sans écouter les supplices du prêtre. La Mapuche huma l'air du jardin des sculptures. Une odeur de gibier flottait quelque part, entre plaines et hautes herbes: c'était l'heure de la chasse..."
Jana la mapuche est une guerrière sur la piste de la vengeance. Suivez-la bien...
Terrible! Remarquable! Impressionnant!
"Comme dans "Haka" et "Utu", une deuxième partie se profile (qui n'est pas une suite): elle se déroulera au Chili, plus spécifiquement autour des Mapuches et des lois anti-terroristes dont ils font l'objet. Mais c'est une autre histoire..." annonce Caryl Férey.
Caryl Férey devient, au fil de ses livres, un véritable écrivain qui compte aujourd'hui... comme on dit d'un auteur de talent!

Lu dans le cadre du Club des lecteurs numériques.

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Le convoi de l'eau - n°58

Lecture1Chronique de lecture de Thierry en ce dimanche:

Un très beau roman pas cher, à télécharger sur ePagine

"Le convoi de l'eau" de Yoshimura aux Editions Actes Sud

Ce roman du japonais Akira Yoshimura est une pure merveille de lecture. L'histoire?

Un barrage hydroélectrique va être construit dans une vallée où coule la rivière K.
"Le tumulte s'était calmé à notre insu, et un profond silence dominait. Il n'était certainement pas dû à la fatigue de cinq jours de marche forcée avec la peur des éboulements, mais à l'émotion que nous avions éprouvée lors de la découverte de la vallée; la réalité de notre objectif nous avait tous rendus muets."

9782330003753_1_75Au fond de la vallée, un mystérieux hameau aux toits pentus recouverts de mousse verdoyante.
Un homme étrange fait partie du chantier. Il porte en permanence dans un sac cinq morceaux d'os des doigts de pied de sa femme.
Etrange, étrange, vous avez dit étrange?
Il raconte.
Le hameau devra être enseveli sous l'eau. Ses habitants devront être expulsés et dédommagés.
Mais vont-ils accepter de quitter leur village ancestral?
Devant nous vont se dévoiler deux destins: celui de cet énigmatique narrateur et celui de ce village inconnu. De ce personnage nous savons qu'il a fait quatre ans de prison et que le spectacle de ce village en sursis ressucite en lui la vie en cellule.
"Je ne savais pas si l'endroit me sauverait ou non."
Nous allons vivre le combat à distance entre ceux qui arrivent en terrain conquis et ceux qui vont partir... peut-être...
"Nous étions entre nous, les habitants du hameau entre eux, chacun vivant de son côté sans se cotoyer."
Sur leurs gardes, ces deux mondes vont s'épier jusqu'à... suspens, suspens quand tu nous tiens...
Ce livre mêle de la violence, de la poésie et de l'intime.
Hypersensible! Magnifique!

"Pour eux qui n'avaient aucun contact avec la société en général, les chasser de la vallée équivalait à les condamner à mort."

Lu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques

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Hommage à Panaït Istrati ! - n°57

Lecture1La chronique de Thierry ce week-end consacrée à l'écrivain roumain Panaït Istrati:

"Qu'est-ce que ça veut dire haïdouc?
- Tu ne sais pas? Eh bien! C'est l'homme qui ne supporte pas ni l'oppression ni les domestiques, vit dans la forêt, tue les gospodars cruels et protège le pauvre."

Panaït Istrati est de la famille. J'ai, de lui, de précieux livres dédicacés à mon nom, à Yvonne plus exactement, membre de ma famille et du Comité des Amis de Panaït Istrati.

Parmi les membres de ce Comité: Joseph Kessel, Edgar Morin, Marcel Mermoz, bien d'autres femmes et hommes de bonne volonté et... ma chère Yvonne.

Arton293Panaït Istrati?
On l'a surnommé le "Gorki des Balkans".
Un écrivain roumain autodidacte décédé en 1935.
Fils d'un contrebandier grec et d'une paysanne roumaine, il sera un vagabond du monde au service de la classe ouvrière, de la veuve et de l'orphelin.
Son père est tué par les garde-côtes alors qu'il est encore bébé.
Pas d'école entre quatre murs, pas de tableau noir, l'école de la vie, l'école de la route, l'école des chemins... de fer.
Fichu tableau de bord!

Il fait tous les métiers ou... presque!
Comme Blaise Cendrars, comme Jack London, comme Joseph Kessel, comme Joseph Conrad... Ces gars-là m'ont donné des ailes de géant m'empêchant de marcher... droit. Merci à eux!

Enfant, le soir, pour m'endormir (m'évader) je ne comptais pas les moutons de Saint-Exupéry mais les wagons du Transsibérien de la petite Jehanne de France. Encore merci Blaise!
Petit-fils et fils de cheminot, moi-même cheminot, un temps (soit peu), j'ai gagné mon pain dans les salles des pas perdus.
Des gares, des livres (mes livres de gare, livres de garde) je n'en ai pas perdu une miette.

Panaït erre au gré de la misérable marée humaine et regarde.
Il sait regarder.
Puis il va noter, apprendre à écrire comme on apprend à raconter.
Sur les conseils et les encouragements de Romain Rolland, il va se lancer dans l'écriture comme on largue les amarres.
"Il est conteur-né, un conteur d'Orient, qui s'enchante et s'émeut de ses propres récits, et s'y bien s'y laisse prendre qu'une fois l'histoire commencée, nul ne sait, ni lui même, si elle durera une heure, ou bien mille et une nuits." écrivait Romain Rolland. 

Panaït écrira en français, sa langue d'adoption.

D'abord communiste, il va vite déchanter après un voyage dans la nouvelle U.R.S.S. en 1927. De ce voyage "initiatique" il écrira "Vers l'autre flamme". Témoignage polémique, à contre-courant qui lui vaut de nombreuses attaques et autres calomnies de ses frères "camarades". Sept ans avant le "Retour d'URSS" d'André Gide!

Istrati meurt d'une tuberculose, trop jeune, trop pauvre mais libre jusqu'au bout des doigts d'écrivain, refusant tout aveugle endoctrinement.

"Il a voyagé, erré, cheminé, traîné, dormi sous le soleil et les étoiles, sur les routes et à fond de cale, la faim au ventre mais le rire aux yeux, parce que son besoin de découvertes, d'imprévu, d'aventures, d'échanges nouveaux était plus pressant, plus puissant que celui du pain." disait de lui Joseph Kessel.

Ses romans racontent les opprimés, les bandits. Ce sont des romans d'aventures... humaines. De cape et d'espoir.

Les haïdoucs sont des bandits roumains de grands chemins. Des durs à cuire aux cœurs tendres. Ils volent les riches pour donner aux pauvres. Tiens, tiens!
Quand j'étais petit j'ai eu les panoplies de Robin des Bois et de Thierry la Fronde pour Noël.

Ces mystérieux justiciés qui vivent dans les forêts vont vous transporter dans le monde féérique d'Istrati.

Vous allez chevaucher avec la belle et sauvage Florea Codrilor "l'amante de la forêt, l'amie de l'homme libre, justicière de l'injustice."

Ou alors allez longer les méandres du Danube aux bras de Kyra Kyralina.
"Etourdie et narquoise, avec son petit nez un peu rabattu, son menton saillant, les deux fossettes où le dieu de l'Amour avait planté deux grains de beauté presque symétriques, Kyra mécontentait ses amoureux et moi avec ses espiègleries, ses railleries, ses plaisanteries. Les premiers voulaient obtenir davantage et moi je jugeais qu'elle leur donnait trop."

Waouh, ça fait rêver non?

Ecoutez, Istrati vous raconte sa vie.
Ouvrez les yeux, Istrati vous montre la vie.

Fermez les yeux, laissez vous aller, laissez vous lire et regardez.
Voilà, c'est ça, vous y êtes.

Au pays des gendarmes et des voleurs, des cowboys et des indiens, des gentils et des méchants. Le pays de l'enfance...
Istrati vous promet monts et merveilles et tout ça pour pas un rond, ou presque?

"C'est cela que je suis: solitude et solidarité."


Istrati, Panaït: Kyra Kyralina - Les Récits d'Adrien Zograffi - Vol.I
Istrati, Panaït: Oncle Anghel - Les Récits d'Adrien Zograffi - Vol.II
Istrati, Panaït: Présentation des Haïdoucs - Les Récits d'Adrien Zograffi - Vol.III

L'ensemble à découvrir sur le site EbooksGratuits ici, merci à eux.

Lu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.

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Dans la peau d'un collabo - n°56

Lecture1La chronique de cette semaine par notre ami Thierry:

Paul-Jean Husson, académicien, officier de la Légion d'honneur, croix du combattant 1914-1918, médaillé militaire, mutilé de guerre, groupe collaboration: carte n°50-144 H, membre des Amis du Maréchal; c'est un collabo. Il écrit une longue lettre à Herr Sturmbannführer H. Schöllenhammer. Nous sommes en 1942, dans une sous-préfecture de Normandie. C'est sa lettre à M. le Commandant.

Ce livre de Romain Slocombe "Monsieur le Commandant" est publié dans la collection "Les Affranchis" chez NIL. Le principe de cette collection: "Ecrivez la lettre que vous n'avez jamais écrite".
Dans cette lettre, Paul-Jean Husson va demander un service au Commandant allemand. Lequel? Nous le saurons à la toute fin du livre.
Je vous préviens d'entrée: ce livre est un coup de coeur soutenu... ou plutôt un insoutenable coup de poing!
Husson cite les Evangiles ("Malheur à ceux qui regardent en arrière."), Flaubert et fréquente le (beau?) monde littéraire de l'occupation.
C'est un homme cultivé.
Monsieur-le-commandant-romain-slocombe-9782841115648Mais Husson est aussi un collabo. Il hait les juifs, les protestants, les météques et les francs-maçons. Il l'écrit haut et fort dans ses articles qui paraissent dans la presse qui collabore à pleins poumons avec l'occupant nazi. Tout comme Céline, Maurras ou Jouhandeau. Entre de nombreux autres!
Son fils se marie avec la belle Ilse et part rejoindre de Gaulle en Angleterre. Il va renier son fils. 
Notre salaud de Husson va tomber fou amoureux de sa belle-fille Ilse.
Plus tard, il apprendra qu'elle est juive. Je ne vais pas vous en dire davantage. Tout d'abord parce que ce livre se lit comme un polar.
Et puis parce que, je l'avoue, j'ai encore du mal à parler de ce livre.
Il est magnifiquement écrit. Il dérange, trouble. Nous sommes les témoins voyeurs (complices?) d'un personnage odieux mais éperdument amoureux! Terrifiant! Bouleversant!
Alors démuni, encore abasourdi, cher lecteur, je suis désolé de vous dire que ce livre est un grand, grand livre, qu'il faut lire absolument!
Je fais court mais ce livre en dit long, très long, sur la nature humaine... Tiens ça ne tiendrait qu'à moi, je vous obligerais à le lire!

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Découvrir les livres de Chris Simon

Le-baiserChris Simon, l'une des blogueuses de notre club, est l'auteur de plusieurs livres dont "Le Baiser de la mouche" paru aux Editions Kirographaires. A lire le billet que lui a consacré récemment le Pandémonium Littéraire. Elle était également l'invitée de La Vignette sur France-Culture en octobre dernier.

Plusieurs de ses livres sont disponibles sur le Kindle d'Amazon et d'autres plateformes.


Dublin la grise - n°55

Lecture1Merci à Thierry qui nous revient pour une chronique pour notre club. A signaler qu'il est entré il y a quelques semaines dans le jury Polar Points/Seuil. Félicitations!

«Au cours d’une vie, seuls quelques instants sont décisifs.
La plupart d’entre nous les oublient aussitôt, jusqu’à ce qu’ils ressurgissent sans crier gare bien des années plus tard et, avec le recul, prennent tout leurs sens...» "Les Lieux infidèles" de Tana French, chez Calmann-Lévy.

Dublin. Faithful Place. Quartier des Liberties. Années 80.
La misère, l’alcoolisme, le chômage.
Derrière les ombres de l’usine Guinness la violence déborde, saborde la vie du peuple des bas-fonds.

FrenchFrank Mackey est flic à la Garda irlandaise, brigade des opérations secrètes.
«Si l’on aime chasser comme un chien haletant qui bondit sur la piste à peine libéré de sa laisse, on entre dans la Criminelle.
Si l’on opte pour les infiltrés, ce qui avait toujours été mon choix, on apprend à chasser comme les chats: se mettre en embuscade, s’aplatir et se rapprocher très lentement, sans se faire repérer.»
Divorcé d’Olivia et attendrissant papa poule d’Holly, neuf ans (les dialogues entre père et fille sont remarquables et très émouvants).
Elevé «à la main» (comme dirait Dickens) comme ses soeurs Carmel et Jackie, ses frères Shay et Kevin: père alcoolique et mère braillarde.
Ici ça crie et ça tape fort!
«Toilettes au fond du jardin. On se lavait au milieu de la cuisine, dans une bassine.»
Voilà le décor est bien planté, enfoncé, délabré.
Dublin, la grise héroïne de cette histoire sordide.

«Nous, les Mackey, nous avons le cheveu épais; nous sommes taciturnes, durs à cuire, faits pour trimer sous le ciel changeant de Dublin.»

Un coup de téléphone de sa soeur Jackie va réveiller le passé de Frank et le faire revenir dans ses quartiers qu’il a fuis.

Après quoi?
C’était il y a dix-neuf ans. Il avait donné rendez-vous à Rosie Daly.
«En ce temps-là, Dublin était grise. Rosie, elle, nous offrait toutes les couleurs de l’été...»
L’amour, un ticket pour Londres, fuir cette minable vie mais...
Rosie n’est jamais venue.
A t-elle trahi? Eu peur? Ou bien...
Un secret bien gardé dans les entrailles du quartier maudit des Liberties.
Et bien, cher lecteur, je vais m’arrêter là, vous laisser en rade de Dublin, je ne vais pas vous en dire plus. Qu’est-ce que vous croyez? Que j’allais vous dévoiler le happy, unhappy end? Désolé!
Je vous envie déjà de vous voir ouvrir ce polar à la première page, la première phrase: «Au cours d’une vie, seuls quelques instants sont décisifs...»

Ce polar est remarquable! Mais ce n’est pas qu’un polar.
C’est (surtout?) un livre bien trempé dans le Dublin miséreux.
Vous allez plonger, tête première, plein pieds, plein coeur dans la vie de Frank Mackey et, suffocant, bouche ouverte, supplier le dénouement.

Un conseil d’ami: lisez ce livre et vous m’en donnerez des nouvelles!

«Tout le monde se déchire. Parents, amants, frères et soeurs... Plus on est proche de quelqu’un, plus on lui fait du mal...»

Thierry Cousteix, juré du Prix du Meilleur Polar 2012 des lecteurs de Points.
Pour le Club des lecteurs Numériques.

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Le Problème Spinoza, Irvin Yalom

YALOM-Spinoza-72dpiJe n'avais encore jamais lu de livres de Irvin Yalom, j'avais échappé au phénomène Yalom jusqu'ici, et bien il n'est jamais trop tard, bien heureusement. Aujourd'hui, je voudrais vous parler du dernier titre de cet auteur américain "Le Problème Spinoza" qui vient de sortir aux Editions Galaade en version numérique en même temps que le livre imprimé. Un gros livre de plus de 600 pages que vous ne pourrez pas lacher tant il est très bien construit. Ce problème Spinoza, quel rapport entre le célèbre philosophe néerlandais du XVIIème siècle, "Prince des Philosophes" et Albert Rosenberg, théoricien du parti nazi? Deux personnages que l'on suit à tour de rôle tout au long du roman comme un jeu de piste, dévoilant leurs conditions d'hommes dans leurs temps au prise avec leur destin personnel et la progression de leurs idées, leurs projets littéraires respectifs, tous les deux voués à une grande oeuvre qui les dépasse largement. L’œuvre du philosophe juif remettrait-elle en péril, près de trois siècles après, les convictions antisémites de l'idéologue allemand, pourrait-elle détruire comme un chateau de cartes le projet de toute une vie au service du Reich?

Un livre épais de plus sur la guerre penserez-vous, peut-être avec méfiance tant ils sont légions. Pas du tout, allez-y en confiance, hormis une trentaine de pages un peu difficiles dans le deuxième quart du livre, le reste est absolument lumineux d'intelligence dans le récit, dans la progression de la narration. Tout à fait accessible et passionnant de bout en bout. C'est construit comme une enquête policière qui tient en haleine, même si l'on connait par avance le destin final de Rosenberg. Yalom a rigoureusement suivi la trame historique en inventant simplement quelques personnages emblématiques qui aident à faire accoucher leurs idées, leurs propres interrogations; des psychanalyses inventées qui nous plongent dans les chemins de la pensée des deux personnages. Ce livre est une très grande réussite littéraire, déjà salué comme il se doit aux Etats-Unis, nul doute qu'il va rencontrer le succès qu'il mérite en France. La traduction est magnifique. Pour moi un grand moment de lecture de cette année, tant j'enchainais depuis plusieurs semaines des livres décevants dont je préfère taire les titres. Je vais rapidement reprendre les autres ouvrages de Irvin Yalom que j'avais raté. En version numérique, je continue bien sûr. Merci à mon ami Olivier pour cette belle découverte!

Lu pour le Club des Lecteurs Numériques, à signaler la qualité de la version ePub, bien des éditeurs devraient en prendre de la graine! Et c'est sans DRM!
A lire la note de lecture de Tilly pour le club.

Lecture2


Le Vieil Homme et la Mer, bis repetita

Lecture2Notre ami Thierry en congé, c'est Françoise que j'accueille aujourd'hui pour une petite chronique destinée au club:

Tout le monde connaît cette œuvre courte "Le Vieil homme et la mer" d’Ernest Hemingway, et les initiés connaissent la traduction récente faite par François Bon. Une traduction polémique, dont il était question aussi ici! Je ne reviendrai pas sur ce sujet qui a incontestablement donné à ma lecture une dimension qu’elle n’aurait pas eu si cette controverse ne l’avait pas précédée. La noblesse d’une traduction respectueuse (pour ne pas dire amoureuse) attaquée par des requins d’une espèce inconnue en mer, et dont je ne ferai pas la publicité… Une mise en abîme du livre?

J’ai éprouvé un très grand plaisir à la re-lecture de ce texte. Comme beaucoup de pré-ados, je l’ai étudié en classe; et probablement comme beaucoup de pré-ados je n’en avais, alors, pas apprécié la véritable dimension. Je ne vous ferai pas l’affront de vous résumer l’histoire. Le hasard faisant souvent bien les choses, et comme chez La Souris Qui Raconte, l’image est aussi importante que le texte, mon résumé sera celui de Hagen Reiling dont je vous laisse apprécier toute la maîtrise du tracé.

Un vieil homme, un enfant, un poisson «frère», des requins… tels sont les protagonistes de cette œuvre qui prônent des valeurs d’amitié et de solidarité, de force et de combativité, de stratégie bienveillante aussi (si, si, c’est possible)! J’ai aimé sans retenu ce vieil homme, noble, grand, beau… J’ai aimé la valeur du combat équitable, entre Santiago et l’espadon qu’il appelle son frère; chacun dans le respect de la force de l’autre, mais l’un plus malin que l’autre! J’ai aimé l’amour de l’enfant, Manolin, qui a tellement de choses à apprendre de Santiago, et dont il n’a jamais douté. J’ai soutenu Santiago dans son combat contre l’espadon, j’ai essayé de comprendre sa tactique de pêche, et comment, au bout de trois jours et deux nuits, il l’arrime à son embarcation. J’ai été soulagée de le voir épuisé mais vainqueur!

Le récit n’aurait certainement pas eu la même portée philosophique si le vieil homme était simplement rentré au port, après une pêche miraculeuse qu’il n’espérait plus. Hemingway lui impose un combat supplémentaire. Bien plus vil, bien plus lâche, disputé par des requins avides. «Le vieux» comme Santiago s’appelle lui-même, est épuisé. Il n’a presque rien mangé depuis des jours. Ni dormi. Ses mains et son dos le font terriblement souffrir. Et pourtant, il doit combattre encore, comme pour se justifier! Dès lors que le premier requin entame la chair de l’espadon, les suivants se succèdent sans laisser de répit au vieil homme, dans une bataille dévastatrice et injuste.

Ce combat c’est le combat de sa vie. Pour sa survie. Pour la mémoire de son frère. Il doit vaincre… malgré tout.

Cette œuvre, remarquablement contemporaine, m’a profondément émue, vous l’aurez compris! Elle renvoie à beaucoup de fondamentaux, que j’essaie tant bien que mal de défendre dans mes propres publications. Le respect de soi et des autres, même si l’autre est, ici, un espadon. Ce poisson gigantesque sorti du ventre nourricier de Dame Nature. Il est le «Bon» de la Nature, quand le requin est le «Mal»! Il est bien sûr question de bravoure et de courage, et le choix d’un vieil homme est essentiel. Car ce qui le rend fort n’est-ce pas sa sagesse plutôt que ces muscles fatigués?  Enfin l’enfant. L’innocence. Il aime ce vieil homme et n’a jamais cessé de croire en lui, même vieux, même sur la fin de sa vie, parce que justement, il a tant à lui apprendre!

Alors, le moins que le vieil homme puisse faire, au nom de son frère, au nom de Manolin, par respect pour lui-même aussi, est de ne pas s’avouer vaincu, jamais. De ne pas bouder la chance qui a mis sur sa route ce poisson qui, à lui seul, aurait pu nourrir un homme tout un hiver, et le rapporter, coûte que coûte.

Une leçon d’humilité remarquable que je vous invite vivement à partager! Merci Monsieur Hemingway et merci Monsieur Bon!


Samedi 14, Jean-Bernard Pouy

Samedi14Vendredi 13 oblige, lu ce week-end le premier titre d'une série de polars démarrée en octobre dernier sous ce titre de collection aux Editions La Branche. 13 titres prévus au programme bien entendu. Le premier d'entre eux, c'est "Samedi 14" de Jean-Bernard Pouy. Tout le monde connaît Pouy, illustre initiateur devant l'éternel du divin Poulpe. Ce nouveau roman dans la lignée des meilleurs. Ne pas réveiller la bête qui sommeille. Un vieil anarchiste rangé avec son RSA et ses légumes dans une bicoque du fin fond de la Creuse, se voit un matin réveillé par une troupe de CRS diligentés pour protéger ses voisins, parents du nouveau ministre de l'Intérieur. Toutes ressemblances. Bouclage, évasion, cavale. Le pouvoir en place va trembler sur son siège à coup de scandales à répétitions dans tous les canards nationaux, de tous bords d'ailleurs pour ratisser bien large, le bougre devenant l'homme le plus recherché de France. Attrapera, attrapera pas. On ne s'ennuie pas un seul instant au rythme de la centaine de pages qui nous entraine dans toute la France et sur les pentes du Stromboli. Raymond Queneau nous accompagne tout le long du road movie, les pages choisies dans les deux pléiades qui complètent le bagage du bonhomme. On s'amuse beaucoup, c'est drôle et décapant en diable. On attendra tous l'éruption finale, pas déçu du voyage. Une série qui démarre au quart de tour, les autres vite. La version numérique à petit prix et sans DRM, de quoi passer aux amis pour s'en faire offrir d'autres. Elle pousse La Branche!

Lu pour le Club des Lecteurs Numériques.

Lecture2


20 000 lieues sous l'écriture - n°54

Lecture1Notre poisson Thierry est là aussi aujourd'hui:

Lire Jean-Philippe Toussaint, ça passe ou ça casse.
Ecrivain fétiche des fameuses Editions de Minuit au style minimaliste.
J’avais beaucoup aimé lire ses romans «La Salle de bain» (1985), «La Télévision» (1997, Prix Victor Rossel) et «Fuir» (2005, Prix Médicis).

Ici, dans «L’Urgence et la Patience» aux Editions de Minuit, il nous plonge 20 000 lieues sous l’écriture. Ecrivain comme si vous l’étiez! Immersion totale!
Le livre devient le «rêve de pierre» (Baudelaire).
Le rêve de liberté, de l’inconnu, de l’audace, du risque et du fantasme.
La pierre solide et ferme du travail inlassable.
L’urgence de l’impulsion, de la fougue, de la vitesse et de la fragilité. Rimbaud et Dostoïevski.
UrgenceLa patience de la lenteur, la constance et l’effort. Flaubert.
«L’urgence est un état d’écriture qui ne s’obtient qu’au terme d’une infinie patience.»
Descente en scaphandrier dans les fonds de l’écriture.
«Il faut plonger, très profond, prendre de l’air et descendre, abandonner le monde quotidien derrière soi et descendre dans le livre en cours, comme au fond de l’océan.»
Secret d’écrivain: «Il faut éteindre beaucoup de vie réelle pour obtenir le concentré d’une seule page de fiction.»
C’est un livre sur la lecture aussi.
Lire les fabuleux 8 000. Où comment le lecteur téméraire devient un alpiniste accompli.
Lire «Ulysse» de Joyce, «Au-dessous du volcan» de Malcolm Lowry, «L’Homme sans qualités» de Musil ou «Le quatuor d’Alexandrie» de Durrell. Bon courage pour certains que ne citerai pas!
Des conseils: lire Proust en commençant par la deuxième partie de «Du côté de chez Swann» en sautant «Combray» et en allant directement à «Un amour de Swann». J’approuve!
Lire Dostoïevski.
Des citations.
«Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous.» Kafka.
«J’ai l’amour du mot, les mots ont été mes seuls amours, quelques uns.» Beckett.
Des hommages. Beckett. Jérôme Lindon le directeur emblématique des Editions de Minuit, décédé en 2001.
Un livre qui donne envie de lire et... d'écrire... Un livre qui donne envie est toujours un bon livre!
Pour moi, ça passe...
Lire c’est «Fermer les yeux en les gardant ouverts.»

Lu dans cadre du club des lecteurs numériques.

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