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Paul Otchakovsky-Laurens: un éditeur qui avait préssenti le livre numérique

PolPaul Otchakovsky-Laurens, fondateur des Editions P.O.L. est décédé avant-hier dans un accident de voiture. Il laisse un vide très important. Je ne reviendrais pas sur le grand éditeur et le nombre d'écrivains dont il a permis la découverte en presque 35 ans. Je veux rappeler qu'il a été l'un des premiers professionnels à s'intéresser à la lecture numérique, dès 2007, au travers de son activité d'éditeur et la lecture des manuscrits qu'il recevait. Ils étaient bien peu à l'époque à comprendre les enjeux. Nous avions échangé au travers de quelques mails sur ses propres pratiques de lecteur et d'éditeur. Avant même l'apparition du format ePub, il proposait certains titres dans des formats PDF à la mise en page réduite, adaptés pour les premières liseuses 6 pouces. Revoir le témoignage qu'il donnait au Monde il y a presque 10 ans (je le reproduis dans son intégralité):

Patron de la maison d'édition P.O.L. (acronyme de ses initiales), Paul Otchakovsky-Laurens se reconnaît une faiblesse dans la vie: il est "techno-victime". A chaque fois que sort un nouvel appareil électronique, il n'a qu'une seule envie: l'acheter. Rien d'anormal, partant de là, à ce qu'il ait craqué pour un Reader de Sony lors d'un voyage aux Etats-Unis. L'appareil a beau avoir une utilité uniquement professionnelle chez lui, puisqu'il ne s'en sert que pour lire les manuscrits des auteurs qu'il publie, Paul Otchakovsky-Laurens est plutôt séduit par la chose: "L'écran est non seulement moins agressif que l'écran rétro-éclairé d'un ordinateur mais il est également moins éblouissant qu'un manuscrit imprimé sur du papier blanc A4. Certes, il n'y a plus de contact physique avec le texte, mais ce que l'on perd en matière, on le gagne en confort de lecture."

Aussi technophile soit-il, Paul Otchakovsky-Laurens n'a pas pour autant engagé sa maison d'édition sur la voie du tout-numérique. Seulement une vingtaine d'ouvrages de chez P.O.L. (Marie Darrieussecq, Martin Winckler, Camille Laurens…) sont actuellement disponibles en version numérique.

"Personne n'a envie de scier la branche sur laquelle il est assis, explique l'éditeur. En ce qui me concerne, je sais ce que je dois aux libraires puisque ceux-ci représentent pratiquement 100% de mon chiffre d'affaires en vente de livres et que le livre numérique y est tout à fait marginal. Je ne veux pas être l'apprenti sorcier qui va détruire un système qui me donne satisfaction. D'autant plus que le numérique ne sera jamais dominant. Les deux modèles vont devoir cohabiter dans un futur proche, et le monde du livre imprimé va très certainement souffrir. Mais il ne sera pas détrôné. Pas plus que le numérique n'imposera sa suprématie. Ni l'un ni l'autre ne triompheront."

Des propos frappés du bon sens à la relecture dix après, imprimé et numérique ensemble pour le meilleur. Aujourd'hui, P.O.L. compte plus d'un millier de titres au format numérique à son catalogue et les livres imprimés sont toujours aussi soigneusement réalisés. Un seul regret, qu'il ne se soit pas opposé aux DRM, lui qui était tant attaché aux libraires indépendants.

Paul Otchakovsky-Laurens avait réalisé un documentaire en novembre dernier, Éditeur, dans lequel il expliquait sa vocation et cette passion de l'édition. Voir l'article et l'interview de Pierre Lefait sur FranceInfo.

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