Le piratage du Houellebecq: la manipulation est certaine
23 décembre 2021
Décidément l'excitation est vive sur le piratage du prochain Houellebecq Anéantir. La presse relaye largement ce matin via l'AFP, je suis cité d'ailleurs, Sud-Ouest, BFM, Capital, le Figaro, Ouest-France..
Un détail qui m'avait échappé dans mon précédent billet hier et qui évacue complètement les suspicions sur les journalistes qui ont reçu le livre imprimé vendredi dernier : l'ISBN est incomplet au début du fichier et le dépôt légal de novembre 2021 (alors que la mention dans l'imprimé définitif sera de janvier 2022) à la fin, prouvent bien qu'il s'agit assurément d'une version intermédiaire qui a fuité, sans doute en octobre, peut-être même avant. Fichier PDF ou sortie imprimante, peu important, la fuite est bien de longue date. Cette divulgation quelques jours après le service de presse est là pour noyer le poisson, plus grave elle discrédite les journalistes eux-mêmes. On revient à un scénario proche de celui de Soumission en 2014, sur des bonnes feuilles. Il y a sans doute encore des coquilles dans cette version, elle ne correspond sans doute pas au bon à tirer définitif du livre.
La communication du texte d'un tel livre-événement est extrêmement encadrée dans la chaine éditoriale, je connais parfaitement les rouages, l'ayant moi-même pratiqué à l'époque. Le compositeur a transmis le fichier au service de fabrication, via un serveur sécurisé. Aucune version imprimée sans doute à ce stade. Puis ce PDF a circulé de manière très sélective (pas de mail, sans doute un accès sur un serveur sécurisé en interne avec des authentifications restreintes), l'éditeur, la direction générale, le directeur juridique, le service de presse (et encore, pas sûr, la presse ayant été débranchée depuis le début), l'agent de Houellebecq et Houellebecq lui-même pour les corrections et le bon à tirer final. Les sorties imprimantes sont extrêmement contrôlées elles-aussi, à ce stade, vous le pensez bien, des versions non imprimables du fichier sans doute réalisées de manière sélective. Flammarion, à cette heure, sait parfaitement quelle version a réellement fuité et les personnes concernées. Il y a de toute façon une manipulation quelque part. J'espère que Flammarion publiera rapidement un communiqué pour lever le doute sur les journalistes qui ont reçu le livre vendredi dernier.
Il est très étonnant que l'on retombe une nouvelle fois comme par hasard sur Michel Houellebecq sept ans après et non pas sur Ken Fowlett, Marc Lévy, Guillaume Musso ou d'autres, Christine Angot chez le même éditeur Flammarion d'ailleurs. Impensable de penser à une stratégie quelconque chez Madrigal évidemment. En tout cas un joli buzz pour pas cher à quelques semaines de la parution. De quoi alimenter les conversations devant la buche des réveillons. Cette affaire n'est pas sans me rappeler la stratégie de Paulo Coelho à l'époque, sans doute au grand dam de son éditrice Anne Carrère. Vous relirez mes billets fin 2009 et 2012, une éternité... Alors, Michel Houellebecq l'égal de Paulo Coelho? On peut au moins se poser la question, surtout quand on connait l'art de la manipulation chez Houellebecq...
PS: Comment détecter une telle fuite? Assez simple finalement. Il aurait suffit à Flammarion de préparer 5 ou 6 fichiers différents chez le compositeur, avec une coquille soigneusement différente dans chaque version divulguée, parfaitement indétectable. Puis dépôt sur le serveur aux personnes concernées. Cela aurait-été un jeu d'enfant de repérer ensuite quelle version était en cause...
Une question aussi. Pourquoi le fichier est apparu trois jours après le service de presse du vendredi 17 décembre et non pas bien avant? Comment le "pirate" était-il au courant de ce service de presse? Un timing bien étrange...