Marché américain: le poche en question
28 juillet 2011
On connait maintenant chiffres à l'appui aux Etats-Unis l'érosion importante que connait le secteur du poche (paperbacks) qui suit en général les versions cartonnées (hardbacks) de six mois à un an selon les cas. Le New York Times revient sur le sujet. Le problème est maintenant pour les éditeurs d'anticiper les sorties poche, concurrentes des livres numériques en terme de prix, en évitant au maximum d'engendrer de la frustration pour les lecteurs qui attendent le poche et qui se trouvent défavorisés par rapport à ceux qui optent pour la version numérique qui accompagne la sortie nouveauté en cartonné. Sans bien entendu concurrencer ces mêmes "hardcovers"! Vous me suivez? Bref un vrai casse-tête pour les éditeurs, le grand gagnant étant le livre numérique qui mord bien maintenant sur tous les secteurs.
«Les éditeurs disent qu'ils ont un nouveau sentiment d'urgence avec le livre de poche, puisque l'effort sur la sortie simultanée cartonné/numérique recueille maintenant l'essentiel de l'attention que le livre est susceptible de recevoir, en laissant le poche relativement loin derrière. Ils peuvent également prendre leurs repères d'Hollywood, où les studios de cinéma ont imposer une constante réduction de l'écart entre la sortie des films en salles et de leur arrivée en DVD.
«Je cherche à en faire de plus en plus tôt», commente Jane von Mehren, éditrice de livres de poche chez Random House, «Nous pensons à cet acheteur de poche et nous voulons faire en sorte de le servir de notre mieux. L'idée que quelqu'un puisse attendre un an est une hypothèse que nous ne devrions plus faire. Nous cherchons donc à raccourcir la fenêtre.»
L'avenir du poche a été un sujet souvent débattu parmi les éditeurs qui ont longtemps considéré la sortie de la version poche comme un moment de réinvention, dans lequel ils peuvent prendre un livre qui était déjà sorti du marché, repenser sa mise en forme pour un public plus vaste.
«Nous pensons que notre travail d'éditeur de poche est de trouver la seconde vie pour le livre, pour apporter une dimension supplémentaire à l'audience pour le livre de poche», a déclaré Anne Messitte, l'éditeur du Vintage/ Anchor, un secteur de Random House. «Nous regardons chaque livre très attentivement afin de déterminer le meilleur moment pour sa publication en poche.»
Le cycle de vie complet d'édition s'est accéléré ces dernières années. Les "hardcovers" ont moins de temps pour faire leur preuve dans les librairies, car les détaillants ont tendance à les déplacer hors des étagères plus rapidement qu'auparavant. Les livres numériques ont en général des ventes plus fortes dans la période de sortie qu'après la date de publication mais ne connaissent pas de pic à nouveau quand le livre de poche sort, a déclaré Terry Adams, éditeur numérique/poche pour Little, Brown & Company.
M. Adams a publié le livre de poche de «Room», le roman d'Emma Donoghue, huit mois après la version cartonnée parce que les ventes avaient ralenti mais pas arrêté complètement. «L'élan était là et nous voulions capturer l'élan pour le poche», a t-il dit. «Pour les livres qui s'élèvent à un certain niveau de visibilité, vous voulez vraiment surfer sur la vague.»
Les livres numériques ont fait du prix un problème pour les éditeurs qui reconsidèrent le timing d'un livre de poche. Alors qu'il y a souvent un énorme fossé entre le coût d'une couverture cartonnée (disons, 25$) et sa version ebook (13$), les livres de poche et les livres numériques ont tendance à être assez près en terme de prix, laissant de nombreux éditeurs se demander si les acheteurs des versions numériques sont plus soucieux du coût réduit, que de la possibilité de lire immédiatement sans attendre la version poche.
«Je crois vraiment que les livres numériques font partie de la raison de cette tendance de se dépêcher pour faire le poche», a déclaré Carrie Kania, éditrice chez Harper Perennial. «Vous n'avez pas à attendre une version à bas prix de ce livre maintenant. Je pense que nous devons aller plus vite en général.»
Mais il y a encore beaucoup d'exceptions à l'avancement du poche. Plusieurs éditeurs déclarent que la fenêtre d'un an était encore la règle pour la plupart des livres. Et aussi longtemps qu'un livre se vend allègrement en cartonné, les éditeurs ont tendance à tenir au loin l'dition de poche. Le troisième livre de Stieg Larsson dans la série Millenium n'a pas encore été publié en livre de poche aux États-Unis, plus d'un an après sa sortie en cartonné. Il a été vendu à 2,5 millions d'exemplaires en cartonné et à 1,1 million en version numérique.
Leslie Gelbman, la présidente du secteur mass-market pour les livres de poche chez Penguin Group USA, a déclaré que l'édition cartonné de «The Help», un roman qui traîne sur la liste des best-sellers depuis 103 semaines, se vendait si bien que Penguin a attendu plus de deux ans avant de produire le livre de poche. «Quel est l'intérêt de sortir un livre de poche lorsque les ventes cartonnées sont si importantes?» dit-elle.
Les librairies eux-aussi soutiennent que les lecteurs aiment le poche.
«C'est certainement faire un consommateur heureux d'avoir le livre de poche disponible plus tôt», a déclaré Peter Aaron, le propriétaire de l'Elliott Bay Book Company, à Seattle, un magasin indépendant. «S'il y a une forme de livre imprimé qui va survivre, s'il n'y en avait qu'un seul, ce serait le trade paperback(poche)».