Le Bois des Hommes, Fabrice Loi
03 octobre 2011
Décidément, je touche du bois en cette rentrée, c'est le cas de le dire, avec encore un autre très bon livre. Rarement rentrée littéraire ne m'aura donnée autant de bonnes surprises. Ce livre c'est "Le Bois des Hommes" de Fabrice Loi qui parait aux Editions Yago. Après Lyon et Alexis Jenni, direction Marseille. Un premier roman d'un auteur marseillais de 31 ans, photographe et saxophoniste (s'il excelle dans l'un et l'autre de la même manière, cela promet) avec comme thème l'errance, l'itinéraire d'un homme, ouvrier au travail aujourd'hui dans une société libérale qui ne cherche qu'à l'exploiter, le broyer.
Ivan, le héros et pour partie narrateur, désire comme beaucoup échapper à sa condition. Tour à tour prof, éducateur, veilleur de nuit, il choisit de devenir charpentier entre ciel et terre, pour mieux s'envoler, se désencager, lui semble t-il, retrouver aussi ce bois, matière des hommes depuis la nuit des temps. D'abord il intègre l’intérim et ses règles esclavagistes dans le Paris des chantiers soumis aux multinationales, en haut des échafaudages. Des conditions barbares, féroces qui exploitent de manière éhontée la misère humaine, des rencontres avec les sans-papiers, les exilés d'Europe de l'Est, du Portugal, d'Afrique, tous avec des destins quasi-identiques. Il s'enfuit vers d'autres destinations, Marseille, l'Espagne, Bamako, sans vraiment de but, sauf celui de se perdre un peu plus. Au Mali donc, il s’engage sur un chantier exploité par les Chinois, les nouveaux seigneurs/saigneurs de l’Afrique qui remplacent les anciens colonisateurs avec des méthodes qui n'ont pas du tout changées. La colonisation de l'ombre, hors des manuels d'histoire. Il retrouve partout les mêmes règles qui s'appliquent de part et d'autre de la planète, la pauvreté, la soumission imposée aux sans-grades. Avec des peurs journalières pour ne pas mourir, le danger toujours présent, pour ne pas subir l'amputation ou pire. Allers et retours constants dans le récit entre Paris, Afrique et la Galice où le héros se ressource avant de reprendre son périple. Les pages sur cette Galice au milieu du livre, avec notre héros en quête de son propre graal, avec la description des paysages océaniques et la sortie en mer à photographier des pêcheurs au travail, sont absolument magnifiques.
Un premier roman puissant, épris d'humanité, très bien construit avec un style excellent, une dimension politique, mais aussi la trajectoire personnelle d’un homme à la recherche d’amour et refusant l’injustice. Un homme en quête de sa propre liberté. Vraiment un livre qui plante son auteur dans le paysage littéraire, il faudra compter sur Fabrice Loi. Merci à mon ami Olivier de m'avoir alerter sur ce livre, en bon marseillais qu'il est!
A signaler particulièrement l'initiative des Editions Yago qui proposent ce livre dans sa version numérique sans DRM et avec une réduction de plus de 40% soit 10,99€. Pas commun! Voir par exemple chez ePagine. Bref, ne pas hésiter, dans toutes les bonnes bibliothèques!
Lu sur mon Nook dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques. La version ePub est très bien faite.