Le Vieil Homme et la Mer : traductions comparées
19 février 2012
Premières phrases du "Vieil Homme et la Mer" d'Ernest Hemingway, dans la version anglaise suivie de la traduction "officielle" chez l'éditeur et de la traduction proposée par François Bon, qui a subie le sort que l'on sait. Chacun jugera. L'avis de Claro qui a une petite légitimité en matière de traduction anglaise. On rappellera qu'il faudra attendre 2032 pour "libérer" Ernest Hemingway en France...
He was an old man who fished alone in a skiff in the Gulf Stream and he had gone eighty-four days now without taking a fish. In the first forty days a boy had been with him. But after forty days without a fish the boy's parents had told him that the old man was now definitely and finally salao, which is the worst form of unlucky, and the boy had gone at their orders in another boat which caught three good fish the first week. It made the boy sad to see the old man come in each day with his skiff empty and he always went down to help him carry either the coiled lines or the gaff and harpoon and the sail that was furled around the mast. The sail was patched with flour sacks and, furled, it looked like the flag of permanent defeat.
TRADUCTION JEAN DUTOURD - 1952
Il était une fois un vieil homme, tout seul dans son bateau qui pêchait au milieu du Gulf Stream. En quatre-vingt-quatre jours, il n’avait pas pris un poisson. Les quarante premiers jours, un jeune garçon l’accompagna; mais au bout de ce temps, les parents du jeune garçon déclarèrent que le vieux était décidément et sans remède salao ce qui veut dire aussi guignard qu’on peut l’être. On embarqua donc le gamin sur un autre bateau, lequel, en une semaine, ramena trois poissons superbes.
Chaque soir le gamin avait la tristesse de voir le vieux rentrer avec sa barque vide. Il ne manquait pas d’aller à sa rencontre et l’aidait à porter les lignes serrées en spirale, la gaffe, le harpon, ou la voile roulée autour du mât. La voile était rapiécée avec de vieux sacs de farine; ainsi repliée, elle figurait le drapeau en berne de la défaite.
TRADUCTION FRANCOIS BON - 2012
Le vieil homme pêchait seul dans le Gulf Stream sur son canot depuis quatre-vingt-quatre jours sans avoir pris un poisson. Les quarante premiers jours, le garçon était venu avec lui. Mais après ces quarante jours, les parents du garçon lui avaient dit que le vieil homme était finalement et définitivement salao, ce qui est la pire forme pour dire pas de chance, et selon leurs ordres, le garçon était parti sur un autre bateau, lequel avait pris trois gros poissons la première semaine. Cela le rendait triste, le garçon, de voir le vieil homme revenir chaque soir le canot vide, et toujours il le rejoignait pour l’aider à porter les lignes enroulées, la gaffe, le harpon et la voile ferlée autour du mât. Une voile rapiécée avec des sacs de farine qui pendait ainsi comme le drapeau d’une permanente défaite.
Lire également les remarques sur la traduction chez La Bibliomancienne.