Format numérique : quelle chronologie du média ?
Les chiffres de l’édition 2021-2022

Une autre stratégie éditoriale: le poche et le numérique d'abord

BlackwaterIntéressant contre-exemple de celui que j'avais développé en début de semaine autour de la publication des livres de H.P. Lovecraft chez Mnémos. En ce début d'été, les Éditions Monsieur Toussaint-Louverture ont choisi une toute autre approche éditoriale pour la publication de la série BlackWater de Michael McDowell. La similitude est assez frappante: littérature étrangère de titres anciens avec des traductions inédites, littérature populaire avec un lectorat relativement proche, même nombre de volumes. C'est aussi deux éditeurs indépendants qui publient déjà eux-mêmes des collections de poche sans recours aux éditeurs de poche traditionnels. Au contraire de Mnémos qui démarrait par la collection de prestige en souscription, Monsieur Toussaint-Louverture a choisi une stratégie à rebours, à savoir de commencer par la publication de la série au format de poche, avec les versions numériques (8,40€ pour les poches imprimés, 7,99€ pour les versions numériques sans DRM). Une stratégie risquée vu l'avalanche traditionnelle d'éditions de poche proposées en cette période avec le marketing rodé de la part des acteurs leaders du marché, bien difficile de se faire une place en librairies. "Dominique Bordes a fait un premier tirage audacieux à 100.000 exemplaires (avec un point d’équilibre à 48.000 exemplaires vendus, et ce fut un succès. Un bouche-à-oreille exponentiel, des premiers tomes rapidement en rupture de stock, beaucoup de relais sur les réseaux sociaux… Mi-juin, l’éditeur annonçait une réimpression de 160 000 exemplaires supplémentaires. À ce jour, 330.175 volumes ont été fabriqués." (voir Télérama).

Ce n'est assurément pas un hasard si l'éditeur a choisi cette stratégie, la calquant sur un format d'abonnement à la Netflix, comme une série, 250 pages par titre, 7/8€ tous les 15 jours; plutôt que de publier un énième pavé de l'été en grand format à 25€. Versant numérique, rappeler le clin d'œil habituel de l'éditeur en direction du piratage, qui figure en tête des volumes: "Monsieur Toussaint Louverture vous précise que ce livre est dépourvu de DRM. Vous l’avez peut-être acheté, peut-être pas. Toujours est-il que maintenant, vous n’avez plus qu’à le lire. Et s’il vous a plu une fois votre lecture achevée, prêtez-le à vos proches, à vos amis si vous en avez envie, partagez-le si vous pensez que c’est nécessaire, mais parlez-en."

Monsieur Toussaint-Louverture se réserve certainement ensuite la possibilité de faire paraître une édition collector de grande qualité en grand format (pourquoi pas avec des illustrations), on peut lui faire confiance sur ce point, il sait faire. Toujours cette chronologie du média en réflexion, intéressant de voir que ce sont les petits éditeurs indépendants qui s'en empare avec créativité, loin des machines bien huilées des grands groupes. Succès au rendez-vous pour les deux, avec des chemins différents; de quoi bousculer le ronronnement habituel des sempiternels best-sellers habituels.

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