Le dossier sur les possibles accords sur les prix entre éditeurs et Apple n'est pas du tout refermé à Bruxelles. On se rappelle de la descente des hommes en noir au printemps dernier chez les éditeurs parisiens et de l'émotion suscitée. Communiqué de l'AFP hier:
"La Commission européenne a annoncé mardi avoir ouvert une procédure à l'encontre d'Apple, inventeur de l'iPad, et de cinq éditeurs internationaux pour déterminer s'ils ont cherché à restreindre la concurrence sur le marché européen des livres électroniques.
L'enquête vise Apple, Hachette Livre (Lagardère Publishing, France), Harper Collins (News Corp., États-Unis), Simon & Schuster (CBS Corp., États-Unis), Penguin (Pearson Group, Royaume-Uni) et Verlagsgruppe Georg von Holtzbrinck (qui détient notamment Macmillan; Allemagne), a précisé la Commission, gendarme de la concurrence en Europe.
Interrogé par l'AFP, Hachette s'est refusé à tout commentaire.
De son côté, le groupe britannique Pearson souligne que "comme la Commission l'a dit elle-même, le fait qu'elle ait entamé une procédure ne préjuge pas de l'issue de l'enquête". Pearson "ne pense pas avoir enfreint quelque loi que ce soit et continuera de coopérer pleinement et de manière ouverte avec la Commission".
Bruxelles entend examiner notamment si les cinq éditeurs et Apple "ont conclu des accords illégaux ou se sont livrés à des pratiques ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence".
La Commission a ouvert cette enquête de sa propre initiative, et non à la suite d'une plainte.
Par ailleurs, elle "se penchera également sur la nature et les clauses des +contrats d'agence+ conclus entre ces cinq éditeurs et les détaillants en ce qui concerne la vente de livres électroniques.
L'exécutif européen "craint que ces pratiques n'enfreignent les règles de l'UE interdisant les ententes et les pratiques commerciales anticoncurrentielles", précise le communiqué.
"Jusqu'à il y a quelques années, en gros jusqu'à l'apparition de l'iPad d'Apple, c'étaient les distributeurs, et non les éditeurs, qui déterminaient le prix des livres. La Commission soupçonne les éditeurs d'avoir privilégié un modèle différent qui leur permet d'influer sur les prix de détail des livres électroniques", explique une source proche du dossier.
L'enquête se penchera en particulier sur les "contrats d'agence" conclus entre les cinq éditeurs visés et les distributeurs concernant le prix des livres électroniques.
Ces accords globaux passés entre les éditeurs, qui possèdent les droits des ouvrages, et les distributeurs ont pour conséquence le fait que ces derniers ne peuvent plus appliquer les prix de leur choix, ce qui est potentiellement préjudiciable au consommateur.
L'ouverture de cette enquête, qui sera traitée de façon prioritaire, ne préjuge en rien de son issue.
La durée des enquêtes en matière d'ententes et d'abus de position dominante est fonction de divers éléments, dont la complexité de l'affaire, le degré de coopération des entreprises concernées avec la Commission et l'exercice des droits de la défense.
La Commission européenne avait annoncé début mars avoir mené des perquisitions dans des maisons d'édition de plusieurs pays de l'UE, indiquant avoir des soupçons de pratiques anti-concurrentielles sur le prix des livres numériques.
Cette enquête faisait déjà suite à celle lancée début février par les autorités de la concurrence au Royaume-Uni à cause de soupçons d'entente sur les prix des livres numériques en Grande-Bretagne.
Une entente entre éditeurs pour fixer le prix des livres est une pratique totalement interdite par les règles européennes, et peut être passible de très lourdes amendes si elle démontrée."
Je conseille aux députés européens de se pencher sur la biographie de Steve Jobs et notamment les pages 568 à 575 "Edition et journalisme" (comme il n'y a pas d'index). L'auteur de la biographie rapporte les propos de Steve Jobs au lancement de l'iPad:
"Amazon s'est planté. Il a payé le prix fort pour certains livres et s'est mis à les vendre moins cher, à 9,99$. les éditeurs détestaient cette pratique: ils se disent que cela ruinent leurs chances de vendre leurs éditions reliées à 28$. Donc, avant l'entrée en scène d'Apple, certains éditeurs avaient déjà commencer à retirer leurs livres d'Amazon. Alors nous leur avons dit de fixer leurs propres prix et de nous donner 30%. Oui, le consommateur paierait un peu plus, mais c'est ce qu'ils voulaient de toute façon. Mais on leur a aussi demandé des garanties: si n'importe qui d'autres vendait le même livre moins cher, on était en droit de s'aligner. Alors ils sont allés chez Amazon et ont exigé le même contrat, sinon ils ne faisaient plus affaire avec eux. Apple n'était pas le premier sur le marché. Etant donné la situation, le mieux pour nous était d'agir vite et de trouver le bon levier pour rafler la mise".
Steve Jobs ne pourra bien entendu pas confirmer ces propos...