Gronde des prix littéraires
10 novembre 2007
Semaine du Goncourt/Renaudot qui s'achève avec Gallimard plébiscité. Année faste donc avec Harry Potter, on se dit que c'est beaucoup pour un même éditeur, non? Leroy et Pennac donc... Je n'ai pas lu, je ne me permets pas de commentaires. Pourtant, un appel à la révolte sur le blog de Léo Scheer, relayé de çi de là avec la réaction de Christophe Donner dans le Figaro Littéraire, même le Guardian so british s'y met, c'est vous dire. Léo Scheer propose un plan B des prix littéraires, alors votez. Cela me fait penser, bien sûr, à la fameuse attribution des Goncourt/Renaudot en 1932 et la gronde autour du livre de Louis-Ferdinand Céline, le Voyage au bout de la Nuit... 75ème anniversaire (on n'en parle pas beaucoup), Céline, dont je relis les lettres à son jeune éditeur d'après-guerre, Frédéric Monnier. Céline, au fin fond du Danemark, Denoël assassiné, dont les livres ne sont pas encore chez Gallimard. Je ne résiste pas à vous donner celle-là...
"Mon cher Monnier
Je vous vois partir dans l’édition et déjà dans les
dettes! Attention! C’est un métier atroce! Le bouche-trou
perpétuel, Denoël y est mort. Et enfin, dans son genre, il était bien armé.
L’imprimeur, lui, se fait payer, et tout le reste tourne carambouille,
fatalement. Une maison d’édition ne peut subsister que si elle ne paye pas du
tout de droits d’auteur. Voilà la crue vérité, et même il faut que les auteurs
payent pour être imprimés pour qu’elle étale tant bien que mal! Et sans
aucun frais de publicité, c’est de la sauvette et bientôt de l’escroquerie pour
Froissart. Réfléchissez. Vous vous contenteriez d’être agent littéraire,
prélevez votre commission, étranglez l’éditeur, qu’il raque les droits d’auteur
d’avance (comme est payé l’imprimeur), vous serez moins tracassé. Tantôt vous
porterez ici et là vos clients, cash sans entrer dans la cavalcade des traites,
des comptes, et patata au bout desquels: le plongeon! Fatal!
Je vous dis ça en ami, hélas bien au courant! Je ne vous quitterai pour
rien au monde. On fera naufrage s’il le faut! Diantre! Je m’y
connais en naufrages! Mais pas d’optimisme."
Votre fidèle. L.-F. Céline
(Lettre à Pierre Monnier, 30 août 1950)/ Ferdinand Furieux, L'Age d'Homme.
Une pensée aussi pour Robert Denoël, qui gît dans une fosse commune, dans une banlieue anonyme...