Google : pactiser avec ou contre le diable
15 octobre 2009
A lire absolument l'interview conjointe, réalisée par Frédérique Roussel pour Libération, de Robert Darnton, directeur de la bibliothèque de Harvard et Bruno Racine, président de la BNF. Ils parlent des défis que pose la numérisation des œuvres entreprise par le géant américain Google. On se rappelle de l'appel solennel lancé par Robert Darnton au printemps dernier (le texte en français est ici). J'ai retenu les deux paragraphes suivants qui ouvrent des pistes:
B. R. : Dans le cas des discussions préliminaires
que nous avions eues avec Google, la proposition était que les œuvres
de la BNF qui auraient été numérisées par Google soient également
accessibles à travers Gallica et Europeana. Sans quoi, il n’y aurait
pas eu de discussion possible. La position dominante de Google est liée
à des périodes d’exclusivité d’exploitation des données numériques.
Au-delà de cette période, le matériau redevient libre. Et il est
toujours détenu par des institutions comme la bibliothèque de Harvard.
Tout devrait nous inciter à réfléchir dès maintenant à la manière
dont, en tant qu’institutions non commerciales désireuses de propager
le savoir, nous pourrons enfin travailler ensemble à long terme en
assurant la conservation pérenne des données. Un cadre commun a manqué
aux bibliothèques pour intégrer un certain nombre de préoccupations
d’intérêt public dans les contrats particuliers. A la dernière
conférence des bibliothèques nationales européennes, il y a quinze
jours à Madrid, j’ai constaté qu’à part la France, aucun Etat européen
n’était prêt à investir de manière significative dans la numérisation
et que le recours à des partenaires privés était la seule option
disponible pour la plupart de mes collègues. Nous avons donc, avec les
Anglais, proposé d’élaborer une charte commune des bibliothèques pour
leurs négociations avec Google ou d’autres. Pendant qu’il en est encore
temps, essayons de nous mettre d’accord sur un niveau d’exigence commun
minimal. Cette question sera bien sûr abordée dans le cadre de la
réflexion que Frédéric Mitterrand a annoncée sur le sujet.
R.D. : Très bonne idée. J’aimerais voir cette charte et y souscrire. Pourquoi ne pas créer une sorte de front international de bibliothèques? Elles pourraient ainsi s’appuyer les unes sur les autres, notamment pour leurs exemplaires numérisés. Pourquoi ne pas les accumuler et créer une bibliothèque numérique qui soit internationale? C’est un projet qui démarre aux Etats-Unis, avec la fondation Hathai. L’idée est de créer une masse de données gigantesques des titres sous droits numérisés par Google, qui a d’ailleurs accepté que plusieurs bibliothèques mettent ensemble, mutualisent, leurs exemplaires numérisés. Ils ne peuvent pas les communiquer librement mais, au moins, ils préparent leur conservation."
Un nouveau pacte transatlantique en vue pour contrer l'hégémonie de Google?