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4 notes en juillet 2022

FeniXX : 2.000 titres en promotion à petit prix

Logo_fenixxUn focus sur la plate-forme FeniXX, celle des livres indisponibles du XXème siècle, qui a connu bien des aléas il y a quelques années, faut-il le rappeler. Un catalogue de 85.000 titres, des années 50 à 90, tous épuisés et jamais réédités chez les éditeurs. Bon nombre d'éditeurs qui ont fait faillite d'ailleurs, des fonds souvent intéressants à redécouvrir. Du 18 juillet au 31 août, 2.000 titres seront au prix de 2,49€.

L'occasion de fouiller comme vous le feriez dans une brocante ou un désherbage de bibliothèque. Pas mal de nanars bien sûr, il faudra être patient et curieux. Vous retrouverez évidemment l'offre chez vos libraires habituels. On ne peut que regretter que les bibliothèques soient privées de ces livres qui sont finalement de notre patrimoine commun, nous aurions de belles sélections à la clé. Désherber des livres imprimés oubliés pour les proposer conjointement au format numérique, n'y aurait-il pas une certaine logique?


Les chiffres de l’édition 2021-2022

RS22_CouvWeb_solo-796x1024Les traditionnels chiffres de l'édition sont désormais disponibles au début de l'été, sur le site du Syndicat National de l'Edition, ici. Il y a quelques années, il fallait attendre fin août, on avance.

Légère baisse du poids du livre numérique chez les éditeurs qui représente 9,3% du chiffre d’affaires total des ventes de livres des éditeurs (2 931 M€). Ce poids est un peu plus faible qu’en 2020 (où il représentait 10,1%), car la croissance de l’édition numérique en 2021 (3,6%) a été moins forte que celle de l’édition dans son ensemble (+12,5%), une année exceptionnelle pour le secteur.

La synthèse Téléchargement RS22_SNE_Synthese_Chiffres_Edition_2021


Une autre stratégie éditoriale: le poche et le numérique d'abord

BlackwaterIntéressant contre-exemple de celui que j'avais développé en début de semaine autour de la publication des livres de H.P. Lovecraft chez Mnémos. En ce début d'été, les Éditions Monsieur Toussaint-Louverture ont choisi une toute autre approche éditoriale pour la publication de la série BlackWater de Michael McDowell. La similitude est assez frappante: littérature étrangère de titres anciens avec des traductions inédites, littérature populaire avec un lectorat relativement proche, même nombre de volumes. C'est aussi deux éditeurs indépendants qui publient déjà eux-mêmes des collections de poche sans recours aux éditeurs de poche traditionnels. Au contraire de Mnémos qui démarrait par la collection de prestige en souscription, Monsieur Toussaint-Louverture a choisi une stratégie à rebours, à savoir de commencer par la publication de la série au format de poche, avec les versions numériques (8,40€ pour les poches imprimés, 7,99€ pour les versions numériques sans DRM). Une stratégie risquée vu l'avalanche traditionnelle d'éditions de poche proposées en cette période avec le marketing rodé de la part des acteurs leaders du marché, bien difficile de se faire une place en librairies. "Dominique Bordes a fait un premier tirage audacieux à 100.000 exemplaires (avec un point d’équilibre à 48.000 exemplaires vendus, et ce fut un succès. Un bouche-à-oreille exponentiel, des premiers tomes rapidement en rupture de stock, beaucoup de relais sur les réseaux sociaux… Mi-juin, l’éditeur annonçait une réimpression de 160 000 exemplaires supplémentaires. À ce jour, 330.175 volumes ont été fabriqués." (voir Télérama).

Ce n'est assurément pas un hasard si l'éditeur a choisi cette stratégie, la calquant sur un format d'abonnement à la Netflix, comme une série, 250 pages par titre, 7/8€ tous les 15 jours; plutôt que de publier un énième pavé de l'été en grand format à 25€. Versant numérique, rappeler le clin d'œil habituel de l'éditeur en direction du piratage, qui figure en tête des volumes: "Monsieur Toussaint Louverture vous précise que ce livre est dépourvu de DRM. Vous l’avez peut-être acheté, peut-être pas. Toujours est-il que maintenant, vous n’avez plus qu’à le lire. Et s’il vous a plu une fois votre lecture achevée, prêtez-le à vos proches, à vos amis si vous en avez envie, partagez-le si vous pensez que c’est nécessaire, mais parlez-en."

Monsieur Toussaint-Louverture se réserve certainement ensuite la possibilité de faire paraître une édition collector de grande qualité en grand format (pourquoi pas avec des illustrations), on peut lui faire confiance sur ce point, il sait faire. Toujours cette chronologie du média en réflexion, intéressant de voir que ce sont les petits éditeurs indépendants qui s'en empare avec créativité, loin des machines bien huilées des grands groupes. Succès au rendez-vous pour les deux, avec des chemins différents; de quoi bousculer le ronronnement habituel des sempiternels best-sellers habituels.


Format numérique : quelle chronologie du média ?

LovecraftPassionnante aventure éditoriale que celle réalisée par les Éditions Mnemos pour la publication de l'intégrale des œuvres de H.P. Lovecraft, traduite et unifiée par un seul traducteur. C'est la levée de fond exceptionnelle, grâce au financement participatif de 5216 souscripteurs sur Ulule début 2018, qui aura permis la publication d'une édition de prestige sous coffret l'année dernière. À revoir les tenants et les aboutissants dans l'interview réalisée en fin d'année. Cette nouvelle traduction intégrale a été réalisée par David Camus, voir l'article de Diacritk. Depuis janvier dernier parait une nouvelle édition cartonnée en librairie, les trois premiers sont parus. On aurait pu s'attendre à a la sortie conjointe des versions numériques correspondantes. Elles seront en fait décalées de six mois chacune, la première paraîtra en septembre prochain avec une réduction substantielle de plus de 50% (9,99€ pour la version imprimée à 22€). Suivront les éditions de poche sans doute à partir de 2024 dans la collection Hélios, l'éditeur le confirme dans le cours de l'interview. Intéressant de revenir sur cette stratégie qui rejoint des questionnements qui s'étaient posés au démarrage du format numérique il y a quelques années et qui concerne la chronologie du média. Comment articuler la sortie du format numérique par rapport aux autres formats, grand format, poche?

Tout d'abord, la sortie conjointe avec l'édition grand format. Je ne reviendrais pas sur le cas très particulier de l'édition en souscription, il est bien évident que celle-ci est réservée aux souscripteurs, pas de diffusion hors de ce cadre-là; il semble d'ailleurs que les souscripteurs aient reçu gracieusement la version numérique en complément à l'époque. Le décalage chronologique entre la parution de la version grand format imprimé et la version numérique remet en lumière une question qui avait été soulevé au démarrage du marché au début des années 2010, je pense notamment chez Grasset. Celle-ci venant pourquoi pas plusieurs mois après, sans doute à mi-chemin avant la parution du poche. A l'époque, le format numérique exacerbait toutes les craintes. Sortir la version numérique tout de suite, n'étais-ce pas freiner, handicaper la diffusion de la version imprimée? Le modèle Amazon lancé précédemment aux États-Unis n'avait pas, malgré le dumping réalisé sur la version numérique, crée de baisse sur les versions en hard-cover. Force est de constater que la même chose s'est passé chez nous, même si l'érosion constaté au fil des années sur le grand format est sans doute plus dû à l'extension importante du poche. Depuis, rien ne semble devoir remettre en cause la parution concomitante du grand format et de la version numérique. De là cette relative surprise chez Mnémos pour l'Intégrale Lovecraft. L'éditeur semble vouloir zapper une telle sortie pour attendre six mois et proposer tout de suite une baisse de prix bien plus significative, équivalente à un format poche au catalogue Hélios. Intéressant, sans doute qu'en 2023/2024 le prix du format numérique baissera-t-il encore sous la barre du poche. On pourrait la résumer :

  • édition collector de prestige avec version numérique offerte.
  • édition grand format pour la librairie un an plus tard.
  • édition numérique six mois plus tard avec une réduction de plus de 50% à 9,99€.
  • édition poche un an/deux ans plus tard avec conjointe une baisse de prix de la version numérique à 5,99€.

Une chronologie du média assumée qui n'est pas sans rappeler celle des Éditions Bragelonne, eux-aussi dans le domaine de l'imaginaire. Chaque lecteur trouvant son compte, entre imprimé ou numérique, attendre ou prendre tout de suite. Peut-être que Mnémos, pour être tout à fait complet, aurait pu ajouter une version numérique intermédiaire à 11,99€ ou 12,99€ pour accompagner la sortie du grand format; sans doute beaucoup de lecteurs numériques frustrés cet été, ils devront patienter à l'automne.

Cette réflexion sur la chronologie du média livre me parait intéressante, fidéliser les lecteurs à une pratique compréhensible. Elle devrait guider d'autres éditeurs je trouve, plus que des actions de promotions opportunistes où les titres se révèlent noyés dans la masse et qui ne profitent bien souvent qu'aux enseignes anglo-saxonnes, la plus célèbre en tête.