On lira avec intérêt le billet que consacre Joël Faucillon sur LektiEcriture au "Portrait du pirate en conservateur de bibliothèque".
"La mise à disposition de livres numérisés n’est
pas forcément apparent sur des grands sites de partage Torrent, tels
que The Pirate Bay ou Mininova. Ils sont le fait de sites moins
visibles, sur lesquels il n’est possible d’accéder que sur invitation
d’un membre, et le nombre mais également la qualité des livres
numérisés par ces petites équipes est proprement impressionnant...
"Témoignent de la diversité, et de la vitalité de ces petites équipes,
souvent composées de seulement de quelques dizaines de membres, qui
décident de numériser et de mettre à disposition ces livres au format
numérique, directement sur l’Internet.
Mais le plus étonnant est encore ailleurs: à partir des éléments
ci-dessus, il serait assez facile de considérer qu’il s’agit de simples
pirates qui contournent la législation sur le droit d’auteur, mettent à
mal (c’est une hypothèse) la pérennité économique des éditeurs, dont la
condamnation par les tribunaux serait éminemment souhaitable.
La
réalité n’est pas si simple... En effet, ces petits groupes se
comportent, ont des réflexes de bibliothécaires: ils classent les
livres en fonction de leur pertinence, créent des dossiers de manière
élaborée, et il est difficile de considérer qu’il s’agit simplement de
groupes d’activistes qui veulent «mettre à bas le système
capitaliste». Bien au contraire, ces groupes semblent considérer les
livres en fonction de leurs qualités intrinsèques, non pas en fonction
de leur valeur commerciale. Ainsi, certains sites Internet de partage,
privés, mettent à disposition de leurs membres des ensembles dédiés par
exemple à l’étude de la Turquie, de l’Égypte, qui vont rassembler «le
meilleur» de la littérature historique, géographique, sociologique,
par rapport à ces États, écrits depuis un siècle. Ces pirates-là ont
des réflexes innés (je doute que tous aient suivi des cursus
universitaires de documentalistes), de bibliothécaires qui trient,
classent, référencent, avant de mettre à disposition toute cette
matière sur Internet.
Et il manque des sociologues pour étudier ce
phénomène, dont la portée paraît considérable, en même temps qu’il est
nécessaire que les éditeurs réfléchissent à ce phénomène, inéluctable
dans la mesure où il suffit d’une copie papier pour que ces groupes
diffusent le livre dans sa forme numérique, la plupart du temps avec
une qualité bien supérieure à celle offerte par Google Recherche de
Livres ou le projet Gallica de la Bibliothèque Nationale de France."
"Quant à la problématique du respect de la législation sur le droit
d’auteur, il s’agit là d’un élément qui a été définitivement
«évacué». Ce problème n’est jamais abordé, sauf par certaines
communautés liées à la bande dessinée, qui répètent sans cesse ces
mots: «si vous aimez cet auteur, alors achetez la bande dessinée».
Ailleurs, il n’est jamais fait mention d’un quelconque débat sur la
notion de «propriété intellectuelle» et de «droit d’auteur». Pas la
moindre justification, même grossière. Non, toute référence au droit
d’auteur est absente, comme si cette notion n’avait jamais existé. Pas
plus qu’il n’existe nulle part, au sein de ces «communautés», de
débat autour de la crise actuelle rencontrée par l’industrie du disque
ou celle du DVD, ou la moindre mention d’un texte à ce propos. En
réalité, c’est l’ensemble du contexte économique lié à la création,
qu’elle soit phonographique, audiovisuelle ou textuelle, dont il n’est
jamais question."
De-là à dire que le pirate moyen est un bibliothécaire... Je vais encore me faire des amis...
(version de l'article complet pour Sonyreader et Cybook ici)