Milles excuses à Thierry, il était bien présent ce week-end pour sa petite chronique, c'est moi qui était aux abonnés absents!
"Qu'as-tu fait de tes frères?" de Claude Arnaud, Grasset.
«Pierre en aventurier mental, Philippe en penseur global, moi en Gavroche planant, nous sommes déterminés, chacun à notre façon, à ébranler le monde de notre père, à mesurer notre puissance destructrice. Cela nous mènera-t-il à une seconde Genèse ou à un suicide collectif? Tout vaut mieux que cette société de morts-vivants. C'est une vie si facile, abondante et animée, que je me découvre une ambition, celle de ne jamais rien faire. De passer mes journées à sentir, à comprendre, à paresser et à jouir, en respirant l'air du temps. Il est hors de question que je perde ma vie à la gagner; je la passerai à la dépenser.»
Voilà qui en dit déjà très très long...
Le JE du livre c’est Claude Arnaud, l’auteur, écrivain né en 1955, biographe de Chamfort et de Cocteau et Prix Jean-Jacques Rousseau 2011 pour «Qu’as-tu fait de tes frères?».
Il s’agit donc d’un roman autobiographique. Le roman des années 70. Le roman de trois frères: Claude, Philippe et Pierre.
Une famille bourgeoise promise au firmament qui va vivre une terrible tragédie.
Attention: roman très très émouvant et très très bien écrit!
Dans l’amphithéâtre, pêle-mêle: les dérives de l’extrême gauche clandestine (la Gauche Prolétarienne), les crises d’identités adolescentes, les drogues prometteuses, les illusions perdues, les poignantes confessions, les révoltes antipatriarcales contre un père trop détesté, la mort prématurée d’une mère trop aimée, la folie et le suicide, les idéaux pensés-perdus d’avance. «Une hémorragie de noms propres qui s'écoulent de ma bouche."
Toute une autre époque!
Celle de Guy Debord, de «Socialisme et Barbarie», du manifeste des 121 contre la Guerre d’Algérie, de Mai 68, de la (dé)libération sexuelle...
Les regrets éternels d’une vie brûlée à tombeau ouvert: «Son champ d'intervention n'a cessé de se réduire avec la maladie, le mien s'est ouvert à l'infini. Elle s'est pelotonnée dans son intérieur jusqu'à ne plus quitter sa chambre, seuls les grands problèmes du monde me concernaient encore. Je m'en veux d'avoir pris tout le temps d'étudier la "pensée" de Mao à travers cent brochures indigestes, non de l'observer au quotidien.»
Un roman courageusement tourmenté et terriblement lucide sur la vie qui ne tient qu’à un fil où " l'intelligence est souvent la clef de la vie, parfois sa pire ennemie."
Livre lu en epub dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.