Feedbooks va définitivement fermer en ce mois de mars. Créé en 2007, c'est une page de la lecture numérique en France qui se tourne. Repris par la société québecoise DeMarque (qui développe la marque Cantook) il y a quelques années, la librairie numérique Feedbooks va en effet définitivement disparaître le 15 mars prochain, cédant la place Cantook.
Feedbooks, c'était deux petits surdoués, pionniers du livre numérique, Hadrien Gardeur et Loïc Roussel qui avaient très vite compris les prémisses de ce nouveau marché qui démarrait tout juste. Je crois que la première fois que je les ai rencontré c'était en septembre 2007 sur Paris, du côté de chez LaFeuille en terrasse autour d'un verre.
2007, c'est l'année où j'ouvrais Abicia sur Nantes. Le même mois que Feedboks justement, en juin. Contrairement à eux, je choisissais le modèle d'abonnement pour lire des pages. C'était difficile à l'époque de convaincre les éditeurs "d'y aller" comme on dit. Ils se regardaient tous en chiens de faïence. Le format ePub n'existait pas, vous pensez. L'avantage que Feedbooks avait sur moi, c'est qu'Hadrien et Loïc développaient eux-mêmes. Au bout d'un an et demi, je n'ai pas pu retenir mes deux développeurs qui ont volé vers d'autres cieux plus rémunérateurs. Fin de l'aventure pour moi, les dernières traces sont du côté de la WebMachine. La difficulté de partir trop tôt comme on dit, mais bon, on apprend.
Amazon est arrivé fin 2010 en France quelques mois après l'iPad, le vrai démarrage du marché. Une éternité pour tenir. En attendant cela, Feedbooks passait quelques années de l'autre côté de l'Atlantique pour enrichir le site des catalogues anglo-saxons, d'autres langues aussi sont venues, la France et ses tergiversations attendront.
Feedbooks, c'est plein de souvenirs qui reviennent, la volonté d'organiser un environnement indépendant et ouvert du livre numérique, leurs efforts du côté de l'interprofession, des bibliothèques, des librairies, le format OPDS, etc. La belle application Aldiko qui est venue aussi.
Et puis les rouleaux compresseurs sont apparus, pas facile d'avoir de la visibilité dans un monde de brutes, de verrous, d'environnements propriétaires qui cadenassent les livres aux machines. Leurs difficultés aussi du côté des groupes éditoriaux français, je me rappelle leurs vicissitudes pour agréger l'indispensable catalogue d'Hachette, cela devenait une véritable Arlésienne, en France il n'est pas bon d'être français.
Pas facile de trouver un chemin en restant indépendant, la règle est bien connue, tant d'expériences similaires. La fin a été difficile pour eux. En redressement judiciaire en juin 2019, Feedbooks et sa filiale Aldiko avaient été rachetées par la société québecoise De Marque dans le cadre d’un plan de cession, pour un montant de 230.000 euros et le rachats de créances, selon le jugement du tribunal de commerce de Paris prononcé le 9 août de la même année (voir Livres-Hebdo).
Il était logique que la marque Cantook poussée au Québec prennent ensuite la suite, une nouvelle librairie est prévue en avril prochain, uniquement dans les pays suivants : France, Belgique, Suisse et Luxembourg.
Fin de Feedbooks donc. Avant le 15 mars, les clients ont la possibilité de télécharger une dernière fois leur bibliothèques.
P.S. : Pour retrouver le fil chronologique de l'aventure Feedbooks, le tag Feedbooks et 74 petits billets.