Chroniques de lecture - 35
02 novembre 2011
Soir du Renaudot justement, Thierry nous envoie sa chronique.
"Limonov" de Emmanuel Carrère (Editions P.O.L.)
Limonov héros de Jack London? De Knut Hamsun? De Blaise Cendrars? Pourquoi pas? Mais, non, Limonov héros de Carrère! "Ce mélange de mépris et d'envie ne rend pas mon héros très sympathique, j'en ai conscience." écrit Carrère. Ce livre, pavé étourdissant, roman fleuve intranquille hallucine le lecteur. L'écriture de Carrère est fascinante: oui, c'est bien ça, elle fascine! Ce "diable" de Limonov est un sacré personnage de roman. De son vrai nom, Edouard Savenko qui choisit comme nom de poète de l'underground soviétique Limonov: "hommage à son humeur acide et belliqueuse, car limon signifie citron et limonka grenade, celle qui se dégoupille." Limonov, c'est le "Johnny Rotten de la littérature russe", celui qui a "l'air à la fois d'un marin en bordée et d'une rock-star", un barbare, un voyou qui rêve d'insurrection violente, un écrivain hooligan, un buveur inoxydable qui pouvait descendre un litre de vodka à l'heure. L'homme qui valait mille vies!
Carrère le suit pas à pas à la manière d'un agent du KGB, de près, de très très près, de loin, de Moscou à New-York, de Paris à Vukovar. En chemin, Carrère se dévoile. "Je vis dans un pays tranquille et déclinant... je suis devenu un bobo... Limonov, lui, a été un voyou..." Carrère raconte et raconte et raconte, à perdre haleine (quitte à se perdre, quitte à nous perdre?) cette histoire, "notre histoire à tous depuis la fin de la seconde Guerre mondiale. Quelque chose, oui, mais quoi? Je commence ce livre pour l'apprendre." Carrère nous raconte quelque chose: de lui, de nous. Quelque chose de grand... Non le héros de ce livre ce n'est pas Limonov. Le héros c'est l'écriture. Alors, cher lecteur, commence ce livre pour l'apprendre...
T.C.
Version epub chez DialogueS. Lu dans le cadre du club des lecteurs numériques.