Très intéressant billet publié hier par le New York Times qui revient sur les différents coûts dans la production des livres (papier et version numérique) et les profits générés en fonction des prix de vente. On sait que les éditeurs sont en train de batailler ferme pour revoir le modèle de prix de vente à 9,99$ imposé par Amazon avec un prix plus élevé à 12,99$ au minimum. Ci-dessus, le tableau synthétique que l'on peut détailler ensemble en les comparant avec une économie du livre en France (je me suis basé sur les chiffres fournis par le Syndicat National de l'Edition l'année dernière). Les chiffres du New York Times sont donnés à la suite d'interviews réalisés avec plusieurs éditeurs et consultants qui travaillent dans l'industrie du livre aux Etats-Unis. Ils représentent bien entendu des chiffres moyens qui sont à moduler fortement selon la diversité des livres, entre un roman simple et des livres plus complexes à fabriquer. Autre chose, la notion de profit pour l'éditeur en pied de tableau ne tient évidemment pas compte de tous ses frais de structure (salaires, charges locaux, électricité, etc.). La dégradation de valeur est posée pour les éditeurs même si les gains attendus sont supérieurs dans les deux cas au modèle papier. Côté papier tout d'abord, les frais de diffusion/distribution ont été fixés à 50%, en France c'est au-delà, nous sommes à 56% en moyenne, 15% de droits d'auteurs (8% seulement en France), 13% de papier/impression et 3% de pré-presse (15% au total en France, tirages inférieurs mais cela est modulé du fait que le livre est cartonné -hardcover book- aux Etats-Unis, broché en France), 4% de frais marketing (frais difficiles à déterminer chez les éditeurs français). Côté numérique, on retiendra les différents pourcentages: entre 17 et 25% de droits d'auteurs (on en est loin actuellement en France), 4% de frais de numérisation/composition et 6% de frais marketing (effort à faire plus que sur une version papier). Une remarque importante, si les frais de marketing peuvent être envisagés de manière proportionnelle selon les titres et les objectifs de vente, les frais de numérisation sont en revanche des frais fixes dont l'importance est très différente dans le calcul pour un best-seller à 100.000 exemplaires (Dan Brown par exemple) et un livre très confidentiel qui va se vendre à quelques dizaines/ quelques centaines d'exemplaires seulement en version numérique. Un rapport pratiquement de 1 à 1000! Par exemple pour amortir une somme de 400€ de frais de fabrication/ correction en France, il faudra vendre pas moins de 800 exemplaires en numérique, on est loin encore de tels chiffres sur le marché français. Par contre une fois l'amortissement fait, ces 4% deviennent de la marge nette pour l'éditeur, un point aussi à garder en tête.
Je me suis amusé à appliquer ce modèle anglo-saxon à la France. Si on prend une hypothèse de 18€ de prix de vente TTC (17,06€ H.T.), côté livre-papier, nous aurions les chiffres suivants: 7,51€ de frais de diffusion/distribution, 1,36€ pour l'auteur, 2,56€ pour l'ensemble de la fabrication, 0,68€ pour le marketing soit un profit de 4,95€ pour l'éditeur. Côté numérique, on peut reprendre les deux modèles d'Amazon et d'Apple, en évacuant le problème actuel de TVA différente entre papier et numérique, j'ai appliqué une TVA à 5,5%. Nous aurions les chiffres suivants: pour le modèle à 12,99€ TTC (12,31€ HT) / 3,69€ de frais de distribution, 2,46€ pour l'auteur (avec des droits à 20%) [on remarque au passage qu'ils sont bien supérieurs à la version papier], 0,49€ de frais de numérisation/composition (j'ai reporté le même chiffre américain de 4%, ce qui me semble inapplicable compte tenu des différences considérables entre le marché anglo-saxon et le marché français, c'est un chiffre que l'on pourrait discuter), 0,74€ de frais marketing. Au total, il resterait un profit de 4,93€. Pour le modèle à 9,99€ TTC (9,47€ HT)/ 2,84€ de frais de distribution, 1,89€ pour l'auteur, 0,38€ de frais de numérisation/composition, 0,57€ de frais marketing. Au total, il resterait un profit de 3,79€. On voit que le premier modèle est tout juste tenable pour les éditeurs français sans dégradation de leurs profits. Le point clé est justement l'appréciation de l'amortissement des frais fixes de numérisation/composition au regard des ventes espérées. Entre 0,40 et 0,50€/ l'ex. pour amortir ces frais, c'est très peu par rapport aux ventes espérées actuellement. Je serais ravi d'avoir vos commentaires sur ces extrapolations.
PS: voir également billet et commentaires sur eBouquin.