Chroniques de lecture - 23
14 juin 2011
Petit billet surprise de notre ami Thierry!
"Voilà, j'avais envie d'écrire ça ce soir, sur la littérature, à partir de trois livres téléchargeables en epub.
A bientôt, Thierry".
«Ce que peut la littérature»
(téléchargeable en epub, par exemple sur Ombres Blanches)
Cher lecteur, à quelle bibliothèque (électronique) confiez-vous votre destin?
Et à quoi sert la littérature?
Peut-être à essayer de vivre selon les nuances car la littérature est «maîtresse des nuances» disait Barthes.
La littérature «s'embarrasse» de nuances. Ne se sépare de personne.
Elle s’intéresse aux différences, aux subtiles différences, aux sensibles singularités.
Elle veut comprendre. Raconter. Regarder. Éclairer l’existence.
Teinter la vie. Sucrer, saler la vie.
La littérature aide à respirer. Reprendre souffle. A souffler, un peu. Sûrement!
La philosophie, elle, ne s'embarrasse pas de nuances.
Elle veut expliquer la nature humaine. Célébrer la perfectibilité.
Résoudre le monde.
La philosophie aide à marcher. A marcher droit. A suivre. Trop sûrement!
En ce sens, la littérature apparait comme dangereuse.
Dangereuse comme l’incontrôlable ennui, à l’heure tortueuse du «travailler plus pour...»
L’ennui, compagnon complice du lecteur.
L’ennui, cet «oiseau qui couve l’oeuf de l’expérience», écrivait Benjamin.
L’ennui des longues après-midi qui rallonge la vie comme le soleil les ombres.
Cet ennui, donc, celui qui, à l’ombre de l’arbre, échappe le livre trop lourd dans l’herbe haute. Celui qui échappe à tous les pouvoirs.
«Il faudrait que le livre pèse un gros poids d’objet et de chair», écrivait Camus.
Les enfants, aujourd’hui, savent-ils encore s’ennuyer?
Dans un roman, il faut faire «passer amoureusement le monde» disait Barthes.
Le lecteur de roman, élève de Socrate, se soumet alors, volontairement parfois involontairement souvent, à une merveilleuse maïeutique.
Il sort de son narcissisme, se regarde... de loin, s’éclaire dans le «passage» du livre. Il prend un chemin, un sentier. Il sort des autoroutes battues et rebattues.
Il se «sépare des échanges de convention.» (Haenel)
Lecteur, passager particulier, libre, seul, hors temps...
Ce recueil d’entretiens animés par Finkielkraut est un vrai bonheur de lecture.
Autour de la table: Mona Ozouf, Jean-Claude Passeron, Philippe Sollers, Valérie Zenatti et bien d’autres.
Sur la table: Camus, Roth, Céline, Aragon, Pasternak et bien d’autres.
Au-dessus, au-dessus de tout, la littérature!
Non, non et non, je ne lis pas pour m’évader... mais pour reprendre mon souffle!
Pour mieux RE-PARTIR...
Un livre à lire... obligatoirement!
A compléter avec le tout aussi remarquable «Un coeur intelligent» de Finkielkraut (écrit tout seul cette fois, téléchargeable en epub) où l’auteur tente de déchiffrer, de défricher Conrad, James, Kundera, Dostoïevski, Roth, Grosman et d’autres romanciers indispensables.
A télécharger également en epub le «Pourquoi lire?» de Charles Dantzig qui dit: «Voilà pourquoi la lecture n’est pas contre la vie. Elle est la vie, une vie plus sérieuse, moins violente, moins frivole, plus durable, plus orgueilleuse, moins vaniteuse, avec souvent toutes les faiblesses de l’orgueil, la timidité, le silence, la reculade. Elle maintient, dans l’utilitarisme du monde, du détachement en faveur de la pensée. Lire ne sert à rien. C’est pour cela que c’est une grande chose. Nous lisons parce que ça ne sert à rien.»
Rappel des trois livres disponibles au format epub:
"Ce que peut la littérature" sous la direction de Finkielkraut
"Un coeur intelligent" de Finkielkraut
"Pourquoi lire?" de Charles Dantzig
T.C.
PS: Aldus: J'ajouterais ce passage que je viens de relever dans le remarquable "Céline" de Henri Godard qui vient de sortir chez Gallimard.
"On peut juger de la bonté d'un livre, écrit Flaubert, à la vigueur des coups de poing qu'il vous a donnés et à la longueur du temps qu'on est ensuite à en revenir." (Lettre à Louise Collet du 18 juillet 1853)
Soyez sur votre garde et bonnes lectures!