Economie du livre : le poche résiste-t-il?
20 février 2014
A lire François Bon sur Tiers Livre qui nous fait part de "réflexions pensives sur l'économie du livre". Beaucoup d'éléments intéressants. J'ai tout particulièrement repéré des indications qu'il donne sur le livre de poche, un marché qui marquerait le pas selon ses informations, il parle même de "black-out".
Le black-out est mis sur un fait essentiel: depuis deux ans, l’effondrement soudain des poches et d’un facteur frôlant les 20% pour certaines des maisons. Black-out parce que ça laisse visiblement le monde professionnel les yeux écarquillés et le moral blême: le «poche», c’est:
1/ une innovation technologique récente et considérable.
2/ une valeur stable assurant un socle économique reconductible et aux maisons d’édition et aux libraires (aux auteurs par contre les noyaux de prune, mais le plaisir d’avoir ça dans les mains et de les retrouver en lycée ou dans des endroits totalement imprévus).
3/ une valeur symbolique énorme pour la reconduction du socle littéraire lui-même: tout ce que nous avons lu adolescent ou étudiant pour nous approprier le patrimoine, c’est à nos poches que nous le devons.
Le poids des livres de poche en 2011, c'était 17,9% de la production en titres, 21,0% de la production en exemplaires, 23,8% des exemplaires vendus, 13,0% du chiffre d'affaires ventes de livres des éditeurs (source: SNE, enquête de branche, échantillon 2011 ici). Derniers chiffres disponibles. Combien aujourd'hui? Est-ce que le livre de poche marquerait le pas, voire même "s'effondrerait" pour reprendre les propos?
Comme le rappelle François Bon, depuis plusieurs années en France les groupes d'éditions ont organisé une défense du livre au format de poche en maintenant une politique de prix élevé du livre numérique. Revoir les éléments il y a un an. Les choses n'ont pas évolué. Dans le meilleur des cas alignement des prix chez Folio-Gallimard, +20% dans le groupe Hachette et éditeurs diffusés, +50% ou plus encore pour d'autres groupes. Avec l'incompréhension palpable chez les lecteurs. Revoir l'enquête récente réalisée par Babelio qui montrait que le format numérique est déjà perçu comme une alternative au livre de poche pour 30% des répondants, le prix élevé du livre numérique restant le frein principal. La situation mériterait d'être aussi analysé en distinguant les nouveautés et les ouvrages de fonds à rotation lente. Des collections de poche avec plusieurs milliers de titres sont de plus en plus difficiles à maintenir dans leur intégralité dans l'imprimé. Combien de fois avons-nous fait l'expérience en librairie d'un poche indisponible chez l'éditeur, obligé de se reporter sur le marché de l'occasion? La politique actuelle de rétention des groupes d'édition est-elle la bonne pour maintenir artificiellement le livre de poche? Est-ce que dissuader les lecteurs d'accéder au numérique, c'est forcément les "inciter" à continuer d'acheter des livres au format de poche, même s'ils sont de plus en plus indisponibles?