"Si les libraires ne font pas l'effort de s'y mettre, même symboliquement, le marché va s'installer techniquement et commercialement sans eux. Les liseuses nous permettent de matérialiser en magasin notre offre de livres numériques présente sur notre site et de communiquer avec nos clients sur notre activité dans ce domaine", explique Philippe Touron, directeur du Divan (Paris, 15ème) et des librairies Gallimard.
Le Divan vend des liseuses depuis quatre ans au rythme d'une centaine par an, avec des pics pour les fêtes et à l'approche de l'été, plutôt à des seniors. Chapitre, Decitre, Doucet, Gibert Joseph, Gibert Jeune, La
Fnac, La Procure, Le Divan, Furet du Nord, Relay H, Sauramps, Carrefour, Cultura, etc. ont
commandé les nouveaux modèles de liseuses à quelques unités ou à plusieurs milliers
d’exemplaires en prévision des fêtes.
Les liseuses sont maintenant
préprogrammées sur le site de la librairie qui les vend. «Nous
scannons le numéro de série, et nous branchons le site du libraire qui
nous a commandé l’appareil sur l’icône librairie de l’écran d’accueil»,
explique Alexandre Shabaev, représentant de PocketBook en
France. Le français Bookeen fait de même, via ses revendeurs ePagine et
Numilog, ou en direct avec Relay et Carrefour, sur le modèle du
partenariat de Kobo/Fnac, ou Sony/Chapitre.com.
Les acheteurs de liseuses sont de grands lecteurs, «le cœur de notre clientèle»,
insiste Philippe Touron. Il serait incohérent de les laisser se perdre
sur internet au profit d’un concurrent plus visible parce que mieux
référencé. C’est aussi un réel service pour le lecteur, simplifiant
l’accès à l’offre dans l’intérêt bien compris du libraire. «Nous présentons des Cybook installés à côté d’une borne de lecture depuis décembre 2012, et nos ventes numériques doublent chaque mois»,
se félicite Catherine Martin, directrice du marketing, de la diffusion
et d’Internet de La Procure à Paris (300 appareils vendus). «La
liseuse propose une version embarquée de la librairie, visible et bien
identifiée sur cet appareil mobile, alors que sur Internet, elle est
faiblement repérable», explique Valérie Collin,
directrice générale de TEA, société initiée par Decitre avec le soutien
de Cultura. Chez Chapitre.com, les ventes numériques ont aussi décollé
depuis 2011 et le partenariat avec Sony et son Reader, un partenariat «très important», insiste Corentin Bergeron, directeur du numérique.
Chapitre.com
mis à part, tous les libraires qui ont franchi le pas du numérique
utilisent un prestataire auquel ils délèguent tout ou partie de la
gestion de leur site. Ils proposent en général une librairie numérique
en marque blanche, adaptable au site de vente de livres papier si la
librairie en possède déjà pour faire un panier commun. Le catalogue est
accessible sur une liseuse, et aussi décliné en applications pour
smartphone et tablette.
«La gestion du site revient à 80€/mois, auxquels il faut ajouter 9% sur les ventes», indique Stéphane Michalon, directeur du développement d'ePagine,
filiale de Tite Live. Elle propose des Pocketbook et des bornes à
installer en magasin (à La Procure, notamment). Sur les 70 adhérents à
cette solution, la moitié ont testé la vente de liseuses, dont une
poignée activement (Le Divan, Furet du Nord, Sauramps, L’Alinéa, la
Librairie de Paris…). ePagine gère aussi les ventes numériques du réseau
Paris Librairies.
Autre acteur historique du numérique, Numilog propose une solution avec les mêmes caractéristiques, baptisée Club Reader, «sans frais de gestion la première année»,
insiste Denis Zwirn, son P-DG, qui n’indique pas la commission de
prestation sur les ventes pour les années suivantes. Numilog propose la
Cybook Odyssey.
Créé en 2012, Tea a d’abord été
rodé chez ses actionnaires (Decitre et Cultura), avant d’être retenu par
Système U, puis quelques indépendants (Montabardon, Cheminant, Bisey).
Le prestataire a conclu un accord avec PocketBook, inclus dans un pack
destiné aux indépendants: 10 liseuses à la marque de la librairie, le
site et un an de service et formation, le tout pour 1.990€,
explique Valérie Collin. Il faut ajouter les frais sur les ventes,
environ un tiers de la remise.
Fraîchement arrivé aussi, LesLibraires.fr,
émanation de Dialogues, et à l’origine très orienté vers le papier,
propose un module de vente d’ebooks, retenu par 16 des 70 adhérents. «Nous prenons 9% de commission sur les ventes de livres numériques, comprenant le service après-vente», explique Thomas Le Bras, chef de projet.
Le taux de
remise est l’autre souci. Il oscille entre 25 et 30%, dont il faut
déduire la rémunération du prestataire, 9% en général. Il reste au
libraire environ 17 à 18% de marge, sur un livre numérique moins cher
que le papier, dont la remise est supérieure d’environ 20 points. Il n’y
a certes pas de stock, de manutention, de frais de transport, mais le
compte n’y est pas. Au revoir là-haut, le récent Goncourt, rapporte ainsi 7,65€ en version papier au libraire (à 36% de remise), mais 2,60€ seulement en numérique (à 18% de marge
restante).